By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RJCA 51 51
By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RJ CA 51
Requête 025/2016, Bl By c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt du 28 mars 2019. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi
uges X B Bb A, MATUSSE MENGUE
MUKAMULISA, CHIZUMILA, BENSAOULA, TCHIKAYA etANUKAM
S'est récusée en application de l'article 22 : ABOUD
Le requérant a été déclaré coupable et condamné pour vol à main
armée. || a affirmé que le Tribunal de district n'avait pas entendu ses
témoins et qu'il n'avait pas eu droit à l'assistance judiciaire, ce qui l'avait
privé de son droit à un procès équitable. Sur la base du procès-verbal de
la procédure devant la juridiction nationale, la Cour a rejeté l'allégation
du requérant selon laquelle ladite juridiction n'avait pas entendu ses
témoins. En ce qui concerne son allégation selon laquelle il n'avait pas
été représenté par un avocat, la Cour a décidé que, compte tenu de la
gravité de l'infraction dont il était accusé, il aurait dû bénéficier d’une
assistance judiciaire gratuite. En conséquence, la Cour à conclu à la
violation du droit à la défense et a ordonné à l'Etat défendeur de verser
une indemnité au requérant.
Recevabilité (épuisement des voies de recours internes recours
constitutionnel, 42 ; introduction dans un délai raisonnable, 53)
Procès équitable (assistance judiciaire gratuite, 83)
Réparations (compensation, 90)
Opinion individuelle : TCHIKAYA
Compétence (matérielle, 13)
1. Les parties
Le sieur Bl By (ci-après dénommé le « requérant ») est un ressortissant tanzanien qui purge actuellement une peine de trente (30) ans de réclusion à la prison centrale de Butimba, pour vol à main armée
La requête est introduite contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après désignée « Etat défendeur ») qui est devenue partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte »), le 21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. L'Etat défendeur a également déposé, le 29 mars 2010, la déclaration prévue à l’article 34(6), parlaquelle il acceptait la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant 52
Il
A.
B.
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des individus et des organisations non gouvernementales.
Objet de la requête
Faits de la cause
La requête fait suite au jugement rendu le 8 février 2006, dans l'affaire pénale No. 157 de 2005, par le Tribunal de district de Ngara ; à l'arrêt du 23 mai 2007 dans l'appel pénal No. 31 de 2006 devant la Haute cour de Tanzanie et à l'arrêt du 17 février 2012 dans l'appel pénal No. 178 de 2007 devant la Cour d'appel de Tanzanie siégeant à Mwanza. Le requérantallègue la violation de ses droits de l'homme et libertés fondamentales dans le cadre de ces procédures.
Il ressort du dossier devant la Cour de céans que le « [...] 03 juillet 2004 vers 20h45 dans un village appelé Murugwanza », le requérant et d'autres personnes ont volé « 35 000 shillings tanzaniens en espèces, une radio de marque Panasonic dont la valeur est estimée à vingt mille (20 000) shillings tanzaniens, appartenant à la dénommée Ae, fille de Nyamwilahila ». Le requérant a également « fait usage d'une arme à feu et d'une machette pour commettre le vol ou pour faire face à toute résistance » de la part de J esca Nyamwilahila.
Trois des témoins à charge, à savoir « PW1, PW2 et PW3 », ont déclaré devant le tribunal de district queils se trouvaient dans la maison où le vol a été commis. En outre, ils ont identifié le requérant et un dénommé Baraka comme faisant partie des agresseurs le jour du vol.
Violations alléguées
Le requérant allègue avoir été privé de son droit à un procès équitable, le juge saisi de l'affaire en première instance n'ayant pas convoqué le témoin à décharge qu'il entendait citer bien qu'il en ait fait la demande, violant ainsi l’article 6(a) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie de 1977 et l'article 231(4) de la Loi portant Code de procédure pénale (Criminal Procedure Act) de 2002.
Il ajoute qu'il n'avait pas été représenté par un conseil, ni en première instance ni en appel, en violation des droits fondamentaux inscrits à l'article 7(1)(c) de la Charte.
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Procédure
La requête a été déposée devant la Cour le 22 avril 2016 et notifiée à l'État défendeur le 7 juin 2016. Le 14 juin 2016, la requête a été communiquée aux États parties au Protocole, au Conseil exécutif de l’Union africaine ainsi qu'à la Conférence de l'Union africaine, par l'intermédiaire de la Présidente de la Commission de l'Union africaine.
L'État défendeur a déposé sa réponse le 31 janvier 2017 dans le délai prescrit après la prorogation par la Cour. La réponse a été communiquée au requérant le 3 février 2017. Par la suite, le requérant a déposé sa réplique le 21 février 2017 dans le délai prescrit, et, le 28 juin 2017, le greffe l’a notifiée à l’État défendeur. 10. Le 11 juillet 2018, le requérant a été invité à déposer ses observations à l'appui de ses réclamations, conformément à la décision prise par la Cour à sa quarante-neuvième session (du 16 avril au 11 mai 2018). Toutefois, la Cour note que le requérant ne l’a pas fait.
11. Le 8 novembre 2018, la procédure écrite a été clôturée et les parties en ont été informées.
IV. Mesures demandées par les parties
12. Le requérant demande à la Cour de : ;
«ii. constater la violation de ses droits par le système judiciaire de l'État défendeur et ordonner sa remise en liberté ;
ii. lui accorder une assistance judiciaire gratuite, en vertu de l’article 31 du Règlement et de l’article 10(2) du Protocole ;
ii. prendre toute autre décision ou ordonner toute mesure de réparation qu'elle estime appropriée ».
13. Dans sa réplique, le requérant demande à la Cour de rejeter les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité et d'examiner l'affaire sur le fond.
14. Pour sa part, l'État défendeur demande à la Cour ce qui suit :
« i. Dire qu’elle n’est pas compétente pour examiner la requête ;
ii. Déclarer la requête irrecevable et la rejeter en conséquence ;
iii. Constater que le Gouvernement tanzanien n’a violé aucun des droits allégués par le requérant ;
iv. Ordonner que les frais de la procédure en l'espèce soient mis à la charge du requérant».
V. Compétence
15. L'article 3(1) du Protocole dispose que : « La Cour a compétence 54 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les États concernés ». 16. Conformément à l'article 39(1) de son Règlement, la Cour « procède à un examen préliminaire de sa compétence … ».
A. Exception d’incompétence matérielle
17. L'État défendeur soulève deux exceptions d'incompétence matérielle de la Cour à savoir qu'il est d'abord demandé à la Cour d'agir en qualité de tribunal de première instance et ensuite, de siéger comme juridiction d'appel.
i. Exception tirée du fait qu’il est demandé à la Cour de siéger en tant que juridiction de première instance
18. L'État défendeur soutient que le requérant a soulevé trois allégations devant la Cour de céans pour la première fois et demande à la Cour de se prononcer sur celles-ci. Selon l'État défendeur, les allégations formulées pour la première fois sont les suivantes : ;
« i. Allégation selon laquelle l'État défendeur a violé le droitdu Requérant de se faire représenter par un conseil ;
ii. Allégation selon laquelle la déclaration de culpabilité et la peine prononcées étaient fondées sur des éléments de preuve qui n'avaient pas fait l’objet d’une évaluation approfondie ;
iii. Allégation selon laquelle le droit du requérant à ce que sa cause soit entendue a été violé, du fait que le juge n'a pas cité les témoins à décharge à comparaître ».
19. En réponse à ces exceptions, le requérant fait valoir que la compétence de la Cour est invoquée « dans la mesure où ses griefs portent sur le respect des principes des droits et des libertés de l'homme et des peuples contenus dans la déclaration ».
20. La Cour rappelle sa jurisprudence constante en la matière et réaffirme qu’elle a la compétence matérielle dès lors que la requête dont elle est saisie porte sur des allégations de violation des droits de l'homme et qu’il suffit dans ce cas que l’objet de la By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RICA 51 55
requête se rapporte aux droits garantis par la Charte ou par tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme ratifié par les États concernés.!
21. La Cour note que la présente requête porte sur des violations de droits protégés par la Charte et par d'autres instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État défendeur.
22. En conséquence, la Cour rejette l'exception de l'État défendeur et conclut qu’elle a la compétence matérielle en l'espèce.
Exception tirée du fait que la Cour est invitée à siéger en tant que juridiction d'appel
23. L’État défendeur affirme que la Cour de céans est invitée à siéger en tant que juridiction d'appel et à statuer sur des questions déjà tranchées par les juridictions nationales. Il affirme en particulier que la Cour d'appel a déjà tranché la question de l'examen des preuves relatives à l’identification visuelle et par la voix et à la source età l'intensité de la lumière, qui ontfondé la condamnation du requérant.
24, Selon l’État défendeur, la Cour n'est pas compétente pour connaitre de la présente requête et celle-ci doit être rejetée en conséquence.
25. Dans sa réplique, le requérant soutient que la compétence de la Cour est invoquée « dans la mesure où les griefs portent sur le respect des principes des droits de l'homme et des peuples etsur les libertés contenus dans la déclaration ».
Voir Requête No. 005/2013. Arrêt du 20 novembre 2015 (fond), Be Ak c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Be Ak c. Tanzanie (fond) »), 45 Requête No. 001/2012. Arrêt du 28 2014
Ap Am C Ad ; et autres c. République- Unie de Tanzanie mars (ci-après (recevabilité), désigné « Ap Ad c. Tanzanie (Recevabilité) »), para 115 ; Requête No. 003/2012. Arrêt du 28 mars 2014 (Recevabilité), Peter ] oseph As c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Ah As c. Tanzanie (Recevabilité) »), para 114 ; Requête No. 020/2016. Arrêt du 21 septembre 2018 (fond et réparations), Bf Bc c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Bf Bc c. Tanzanie (fond et réparations) ») para 25 ; Requête No. 001/2015. Arrêt du 07 décembre 2018 (fond et réparations), Cd Aj c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigne « Cd Aj c. Tanzanie (fond et réparations) »), 31 Requête No. 024/15. Arrêt du 07 décembre (fond et réparations), para Werema ; "Ai c. République-Unie de Tanzanie (ci-après 2018 désigné « Bk Ai c. Tanzanie (fond et réparations) »), para 29.
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26. La Cour réitère sa position dans l'affaire Bq Bv Aa c. République du Malawi, dans laquelle elle à relevé qu'elle n'est pas une juridiction d'appel en ce qui concerne les décisions rendues par les juridictions nationales.! Toutefois, comme elle l'a souligné dans l'affaire Be Ak c. République-Unie de Tanzanie, « . cela ne l'empêche pas d'examiner les procédures pertinentes devant les instances nationales pour déterminer si elles sont en conformité avec les normes prescrites dans la Charte ou avec tout autre instrument ratifié par l’État concerné ».’
27. La Cour de céans exerce sa compétence dès lors que « les droits dont la violation est alléguée sont protégés par la Charte ou par tout autre instrument relatif aux droits de l'homme ratifié par l’État défendeur ».’ Dans la présente requête, dans l'exercice de sa compétence, la Cour n’agit pas en tant qu'instance d'appel.
28. La Cour rejette donc les exceptions soulevées parl'État défendeur et conclut qu'elle a la compétence matérielle en l'espèce.
B. Autres aspects de la compétence
29. La Cour relève que sa compétence personnelle, temporelle et territoriale n'a pas été contestée par l'État défendeur et que rien dans le dossier n'indique qu'elle n'est pas compétente à cet égard. Elle constate en conséquence qu'elle a :
iL La compétence personnelle, étant donné que l’État défendeur est partie au Protocole et qu'il a déposé la déclaration prévue à l’article 34(6), qui permet aux individus de la saisir directement, conformément à l’article 5(3) du Protocole.
il. La compétence temporelle, étant donné que les violations alléguées dans la présente requête continuent, en ce sens que le requérant reste condamné, sur la base de ce qu'il estime être une procédure entachée d'irrégularités ;*
1 Requête No. 001/2013. Arrêt du 15 mars 2013 (compétence), Bq Bv Aa c. République du Malawi, para 14.
2 Be Ak c. Tanzanie (fond), para 130. Voir également Requête No. 010/2015. Arrêt du 28 septembre 2017 (fond), Bx Al c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Bx Al c. Tanzanie (fond) ») para 28 ; Requête No. 003/2014. Arrêt du 24 novembre 2017 (fond), Ar Bd Ao c. République du Rwanda (ci-après désigné « Ar Bd Ao c. (fond), Bs Bi (fond) Abubakari »), para 52 c. ; Républi Requête ue-Unie No. 007/2013. de Tanzanie Arrêt (ci-après du 03 juin désigné 2013 « Bi Bg AG Ax (fond) »), para 29.
3 Be Ak c. Tanzanie (fond), para 45.
4 Voir Requête No. 013/2011. Arrêt du 21 juin 2013 (exceptions préliminaires), Bt Bn et autres c. Ay At, paras 71-77.
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ii. La compétence territoriale, dans la mesure où les faits de la cause se sont produits sur le territoire d'un État partie au Protocole, à savoir l'État défendeur.
30. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu'elle est compétente pour examiner la présente requête.
VI. Recevabilité
31. Aux termes de l'article 6(2) du Protocole, « la Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte ».
32. En vertu l'article 39(1) du Règlement, « la Cour procède à l'examen préliminaire [..] des conditions de recevabilité de la requête telles que prévues par les articles [... ] 56 de la Charte et 40 du présent Règlement ».
33. L'article 40 du Règlement, qui reprend en substance l’article 56 de la Charte, est libellé comme suit :
« En conformité avec les dispositions de l’article 56 de la Charte uxquelles renvoie l’article 6(2) du Protocole, pour être examinées, les requêtes doivent remplir les conditions ci-après :
1. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Cour de garder l’anonymat ;
2. Être compatible avec l'Acte constitutif de l'Union africaine et la Charte ;
3. Ne pas contenir de termes outrageants ou insultants ;
4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse ;
5. Être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste à la Cour que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
6. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;
7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l'Acte constitutif de l'Union africaine et soit des dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l'Union africaine ».
A. Conditions de recevabilité en discussion entre les parties
34. L'État défendeur soutient que la présente requête ne remplit pas deux des conditions de recevabilité, à savoir celles prévues 58 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
à l'article 40(5) relatif à l'épuisement des recours internes et à l’article 40(6) sur la nécessité de déposer les requêtes dans un délai raisonnable après épuisement des recours internes.
ii Exception tirée du non-épuisement des recours internes
35. L'État défendeur soutient que la présente requête ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées aux articles 56(5) de la Charte et 40(5) du Règlement.
36. Il affirme en outre qu’il a promulgué la loi sur l’application des droits constitutionnels et fondamentaux, pour définir la procédure d'application des droits constitutionnels et fondamentaux inscrits dans la Constitution, prévue à l’article 4 de cette loi.”
37. Selon l'État défendeur, le droit à un procès équitable est prévu à l’article 13(6)(a) de la Constitution tanzanienne de 1977 et même si le requérant affirme que son droit garanti par la Constitution a été violé, il n'avait pas évoqué cette violation devant la Haute cour durant le procès comme l'exige l’article 9(1) de la Loi sur l'application des droits et des devoirs fondamentaux.S
38. L'État défendeur fait valoir que, pour n'avoir pas soulevé la question des violations de ses droits devant la Haute cour ou dans ses recours en appel, le requérant n'a pas donné à l'État défendeur l’occasion de remédier à la violation alléguée au niveau national.
39. Citant la Commission africaine dans la Communication No. 263/2002 - Kenyan Section of the International Commission of Jurists, Law Av, Ca An Ac c. Bh (2004), l'État défendeur conclut à cet égard qu'il était prématuré pour le Requérant de saisir la Cour de céans de la présente affaire car il aurait dû épuiser toutes les voies de recours internes au
5 « Toute personne qui allègue que l'une des dispositions des articles 12 à 29 de la préjudice présente de Constitution toute autre action a été, est légalement ou risque disponible, d'être enfreinte peut exercer à son égard, un recours sans devant la Haute cour ».
6 « Lorsque, dans une procédure devant une juridiction d'instance, une question se pose quant à la violation de lune des dispositions des articles 12 à 29 de si la le Constitution, juge président le juge est président, d'avis que sauf le fait si de les soulever parties sont la question d'un avis est contraire simplement ou fantaisiste ou vexatoire, renvoie la question devant la Haute décision; à moins que la question se pose devant un Tribunal de première cour instance, pour auquel cas le magistrat président saisit le tribunal du magistrat résident qui décidera s'il y a ou non matière à renvoyer devant la Haute cour ».
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préalable.”
40. Le requérant soutient que la requête est recevable, du fait qu'il l'avait déposée après avoir épuisé les recours internes, après le rejet le 17 février 2012 du recours pénal No. 178 de 2007, par la Cour d'appel de Tanzanie, qui est la plus haute juridiction d'appel du pays.
41. La Cour relève qu'il ressort du dossier que le requéranta interjeté appel de sa condamnation devant la Cour d'appel de Tanzanie, la plus haute instance judiciaire de l'État défendeur, et que celle-ci avait confirmé les jugements de la Haute cour et du Tribunal de district.
42. Par ailleurs, la Cour a estimé, dans plusieurs affaires visant l'État défendeur, que les recours en inconstitutionnalité et en révision dans le système judiciaire tanzanien sont des recours extraordinaires que le requérant n'était pas tenu d'épuiser avant de la saisir. Il ressort donc clairement de ce qui précède que le requérant a épuisé tous les recours disponibles.
43. Pour cette raison, la Cour rejette l'exception tirée du non- épuisement des recours internes soulevée par l'État défendeur.
Exception tirée du fait que la requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable
L'État défendeur soutient que le requérant ne s'est pas conformé à l'article 40(6) du Règlement qui prescrit qu'une requête doit être déposée devant la Cour de céans dans un délai raisonnable après l'épuisement des recours internes. || fait valoir que l'affaire du requérant devant les juridictions nationales avait été tranchée le 17 février 2012 et que celui-ci a attendu trois (3) ans avant de
Kenyan Section of the International Commission of J urists, Law Av, Ca An Ac c. Bh (2004) RADDH 71 (CADHP 2004).
Voir à cet égard Be Ak c. Tanzanie (fond), op. cit, para 65 ; Bi Bg AG Ax (fond), op.cit., paras 66-70 ; Christopher J onas c. Tanzanie (fond), para 44.
60 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
saisir la Cour de céans.
45. Notant que l’article 40(6) ne fixe pas de délai limite dans lequel les requêtes doivent être déposées, l’État défendeur attire l'attention de la Cour de céans sur le fait que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a estimé qu’une période de six (6) mois est considérée raisonnable.’
46. Toujours selon l'État défendeur, le requérant n’a pas fait état d'obstacles quelconques qui l’aurailent empêché de déposer la requête dans le délai de six mois et, pour les raisons ci-dessus, la requête doit être déclarée irrecevable.
47. Dans sa réplique, le requérant soutient que la requête a été déposée dans un délai raisonnable, le retard apparent étant dû au fait qu'à la suite au rejet de son appel, il avait introduit, sans succès, un recours en révision devant la Cour d'appel.
48. La Cour fait observer que l'article 56(6) de la Charte n'indique pas de délai précis dans lequel elle peut être saisie d'une requête. L'article 40(6) du Règlement, qui reprend en substance l’article 56(6) de la Charte, mentionne simplement « un délai raisonnable à compter de la date à laquelle les recours internes ont été épuisés ou à compter de la date fixée par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ».
49. || ressort du dossier devant la Cour que les recours internes ont été épuisés le 17 février 2012, date à laquelle la Cour d'appel a rendu son arrêt et cette date devrait donc être la date de référence à partir de laquelle le délai raisonnable doit être calculé, au sens de l'article 40(6) du Règlement et de l'article 56(6) de la Charte. 50. La présente requête a été déposée le 22 avril 2016, soit quatre (4) ans et trente-six (36) jours après l'épuisement des recours internes. La Cour doit donc décider si, en l'espèce, ce délai est raisonnable.
51. La Cour rappelle sa jurisprudence dans l’affaire Bt Bn et autres c. Ay At dans laquelle elle a conclu que : « … le caractère raisonnable du délai de saisine dépend des circonstances spécifiques de l'affaire et devrait être déterminé au
9 Aq Aw c. Zimbabwe (2008) AHRLR 146 (CADHP 2008).
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cas par cas ».!°
52. En l'espèce, le requérant soutient qu'il a introduit, sans succès, un recours en révision devant la Cour d'appel et l'État défendeur ne conteste pas ce fait. La Cour constate que le requérant a introduit le recours en révision alors même qu'il s'agissait d'un recours extraordinaire. Le temps qu'il a passé à tenter d'épuiser ce recours devrait donc être pris en compte lors de l'évaluation du caractère raisonnable du délai, au regard des articles 40(6) du Règlement et 56(6) de la Charte."
53. Il ressort du dossier que le requérant est en prison ; que ses déplacements sont restreints ; qu’il a un accès limité à l'information ; qu'il estindigent et incapable d'engager un avocat. En outre, il n'a pas bénéficié de l'assistance gratuite d’un avocat tout au long de son procès et n'avait pas connaissance de l'existence de la Cour de céans avant le dépôt de la requête. Enfin, les circonstances mentionnées ci-dessus ont retardé la saisine de la Cour de céans de la présente requête. Pour ces raisons, la Cour conclut que le délai de quatre (4) ans et trente-six (36) jours pour introduire la présente requête est raisonnable.
54. En conséquence, la Cour rejette l'exception tirée du non-respect de l'obligation de déposer la requête dans un délai raisonnable après l'épuisement des recours internes.
B. Conditions de recevabilité qui ne sontpas en discussion entre les Parties
55. La Cour relève que les parties ne soulèvent aucune exception quant aux conditions de recevabilité de la requête énoncées aux alinéas (1), (2), (3), (4) et (7) de l’article 40 du Règlement relatifs respectivement à l'identité du requérant, aux termes utilisés dans la requête, à la compatibilité de la requête avec l'Acte constitutif de l’Union africaine, à la nature de la preuve produite et aux affaires déjà réglées. Elle constate en outre que rien dans le dossier n'indique que ces conditions n'ont pas été respectées.
56. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la présente requête remplit toutes les conditions de recevabilité et en
10 Requête No. 013/2011. Arrêt du 28/03/2014 (fond), Bt Bn et autres c. Ay At (fond), para 92. Voir également Be Ak c. Tanzanie (fond), op. cit, para 73.
11 Voir Requête No. 001/2015. Cd Aj c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations), para 56 ; Requête No. 024/2015. Bk Ai c. République- Unie de Tanzanie (fond et réparations), para 49.
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conséquence la déclare recevable.
57. Le requérant allègue la violation de son droit à un procès équitable. Il ajoute que les éléments relatifs à ce droit invoqués en l'espèce sont :
a. L'insuffisance des preuves ;
c. La non convocation du témoin à décharge du requérant ;
d. Le défaut de lui fournir une assistance judiciaire.
A. Allégation relative à l’insuffisance des preuves
58. Selon le requérant, la seule preuve invoquée par les juridictions pour confirmer sa déclaration de culpabilité était une identification vocale et visuelle insuffisante. Il soutient que les éléments de preuve n'ont pas été bien analysés de manière appropriée et que la source et l'intensité de la lumière qui a permis aux témoins de l'identifier sur le lieu du crime constituent des éléments de preuves peu crédibles.
59. Pour sa part, l'État défendeur réfute toutes ces allégations et fait valoir que la condamnation du requérant était fondée sur des preuves d’identification crédibles. Il affirme qu'outre la preuve relative à l'identification, la Cour d’appel a conclu que lesdits témoins avaient procédé à l'identification du [présumé coupable] à la première occasion, ce qui rendait leur témoignage encore plus crédible.
60. Parailleurs, l’État défendeur soutient que les éléments de preuve ontété analysés de manière adéquate dans toutes les procédures devant les juridictions nationales. Selon le requérant, il a été condamné non seulement sur la base de la preuve d’identification visuelle et par la voix, mais également sur la base du fait que les témoins ont pu le désigner par son nom car ils le connaissaient bien avant qu'il ne commette le crime. L'État défendeur ajoute qu’en plus de l'identification par la voix, d’autres éléments de preuve indiquaient que le requérant était sur les lieux au moment où le crime a été commis.
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61. La Cour relève qu'elle n'a pas le pouvoir d'apprécier les questions relatives aux éléments de preuve déjà tranchées par les juridictions nationales. Toutefois, la Cour a le pouvoir de déterminer si l'évaluation des preuves par les juridictions nationales s'est faite conformément aux dispositions pertinentes des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
62. La Cour tient en outre à rappeler ci-après sa position dans l'affaire Bp Br c. République-Unie de Tanzanie :
« … Les juridictions nationales jouissent d'une large marge d'appréciation pour évaluer la valeur probante des éléments de preuve, et qu'en tant que juridiction internationale des droits de l'homme, la Cour ne peut pas se substituer aux juridictions nationales pour examiner les détails et les particularités des preuves présentées dans les procédures internes ».? 63. S'agissant des éléments de preuve qui ont fondé la déclaration de culpabilité du requérant, la Cour tient à rappeler sa position dans l'arrêt Bi Bg AG Ax, dans lequel elle a conclu que :
« S'agissant en particulier des preuves qui ont servi de base à la condamnation du requérant, la Cour estime qu'il ne lui revient pas en effet de se prononcer sur leur valeur pour revoir cette condamnation. Toutefois, elle considère que rien ne lui interdit d'examiner ces preuves comme éléments du dossier qui lui est soumis, afin de voir si de façon générale, la manière dont le juge national les a appréciées a été conforme aux exigences d’un procès équitable au sens de l’article 7 de la Charte ».*
64. La Cour a conclu dans ses précédents arrêts!* que lorsqu'une déclaration de culpabilité repose sur l’identification visuelle ou par la voix, tout risque d'erreur doit être écarté et l'identité du suspect établie avec certitude. Cela exige que l'identification soit corroborée par d'autres preuves par indices et fasse partie d’une description logique et cohérente de la scène du crime.
65. En l'espèce, il ressort du dossier que les juridictions internes ont condamné le requérant sur la base des preuves d'identification visuelle présentées par trois témoins à charge, qui étaient présents sur les lieux du crime. Ces témoins connaissaient le requérant avant que le crime ne soit commis, car ils étaient ses voisins. Les juridictions nationales ont examiné les circonstances du crime pour écarter tout risque d'erreur et ont conclu que le
12 Requête No. 032/2015. Arrêt du 21 mars 2018 (fond), Bp Br c. République-
13 Bi Bg c. Tanzanie (fond), op. cit, paras 26-173. Voir aussi Bp Br c. Tanzanie (fond), op. cit, para 66.
64 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
requérant avait été formellement identifié comme étant l’auteur du crime.
66. L'allégation du requérant selon laquelle il n'y avait pas suffisamment de lumière pour pouvoir l'identifier suffisamment pour qu'il puisse être déclaré coupable relève des détails dont l'appréciation devrait être laissée aux juridictions nationales.
67. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que l'appréciation des faits et des éléments de preuve par les juridictions internes ne révèle aucune erreur manifeste et qu’elle n'a entraîné aucun déni de justice à l'égard du requérant, qui nécessiterait son intervention. La Cour rejette donc les allégations du requérant.
B. Allégation relative à la non convocation du témoin à décharge du requérant
68. Le requérant allègue que son droit à un procès équitable a été violé, du fait que le juge saisi de l'affaire en première instance n'avait pas exercé son pouvoir de convoquer son témoin à décharge même après la notification au Tribunal de son intention de citer ledit témoin. II soutient qu'il a également formulé ce grief lors de l'appel devant la Haute cour.
69. L'État défendeur soutient que le droit à un procès équitable est prévu à l'article 31(6)(a) de la Constitution tanzanienne et que ce droit a été assuré au requérant à toutes les étapes de la procédure. || affirme en outre que l’article 231(4) du Code de procédure pénale (2002), confère au juge saisi de l'affaire en première instance le pouvoir de convoquer le témoin à décharge lorsque l'absence de celui-ci n'est ni imputable à l’accusé ni due à une négligence de sa part.
70. Selon l'État défendeur, le requérant ne l’a pas informé de l'existence d'un témoin qui devait comparaître pour sa défense et qu'il avait librement choisi d’être son propre témoin.
71. L'État défendeur conclut à cet égard que l'allégation du requérant est une idée qui lui est venue après coup et qui ne doit donc pas être prise en compte et que, de ce fait, la requête n'est pas fondée et elle doit donc être rejetée.
72. La Cour relève que l'article 7(1)(c) de la Charte est libellé comme By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RJCA 51 65
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :
c. Le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix».
73. Dans son arrêt dans l’affaire Ar Bd c. République du Rwanda, la Cour de céans a estimé qu’ « un aspect essentiel du droit à la défense comprend le droit d'appeler des témoins à
74. Enl’espèce, la Cour relève que le requérant affirme avoir demandé de citer ses témoins aussi bien devant le Tribunal de première instance que devant la Haute cour. L'État défendeur réfute cette affirmation en faisant valoir que le requérant « n’avait informé le juge saisi de l'affaire en première instance d’aucun témoin qu’il entendait citer ».
75. Compte tenu de ces affirmations contradictoires, la Cour ne peut s'appuyer que sur les informations versées au dossier. À cet égard, la Cour relève que le requérant n’a fourni aucune information sur les noms des témoins qu'il auraitmentionné devant les juridictions nationales afin qu’ils soient cités à comparaître et sur la demande qu'il aurait faite à ce sujet. En outre, rien dans le dossier ne démontre que le requérant avait formulé une demande visant à citer des témoins à décharge et que les juridictions n'ont pas fait droit à sa demande.
76. Au vu de ce qui précède, la Cour rejette l’allégation du requérant selon laquelle le juge saisi de l'affaire en première instance n’a pas convoqué ses témoins.
C. Allégation relative au défaut de fournir une assistance judiciaire au requérant
77. Le requérant soutient que l'État défendeur a violé l'article 7(1)(c) de la Charte, affirmant qu’il n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire gratuite, aussi bien lors de son procès en première instance qu'en appel.
78. L'État défendeur affirme que le fait que le requérant n’ait pas été représenté par un conseil ne signifie pas qu’il a été victime de discrimination ou qu'il s'est vu refuser le droit de se faire représenter par un défenseur de son choix. Il soutient en outre que l’article 7(1)(c) de la Charte n'énonce pas explicitement
15 Ar Bd Ao c. République du Rwanda (fond), para 94.
66 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
l'obligation de fournir une assistance judiciaire pour tous les procès en matière pénale. L'État défendeur soutient en outre que ce droit n'est pas absolu et est tributaire de la disponibilité des ressources.
79. Citantl'article 7(1)(c) de la Charte, l'État défendeur soutient que le requérant a délibérément décidé d'assurer lui-même sa défense. L’État défendeur se réfère à l'affaire Bm c. France!“ dans laquelle la Cour européenne a estimé qu'un accusé qui choisit de se défendre lui-même doit faire preuve de diligence et soutient que le requérant ne l’a pas fait. L'État défendeur affirme qu’il n’a pas violé le droit du requérant à l'assistance judiciaire. Il invoque également l'article 8(2)(d) et (e) de la Convention américaine des droits de l'homme à cet égard."
80. L'article 7(1)(c) de la Charte dispose que :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit
c. le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix».
81. La Cour relève que l’article 7(1)(c) de la Charte ne prévoit pas explicitement le droit à une assistance judiciaire gratuite. Toutefois, dans l'affaire Be Ak c. République-Unie de Tanzanie,!® la Cour de céans a souligné que l’article 7(1)(c) de la Charte, interprété à la lumière de l'article 14(3)(d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après désigné le PIDCP), prévoit l'assistance judiciaire gratuite pour toute personne accusée d’une infraction pénale grave, qui n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur et lorsque les intérêts de la justice l’exigent,? notamment si la personne est « indigente,
16 Affaire Bm c. France, Requête 12914/87, 22 juin 1993, CEDH, Séries A, 261.
17 «Ilestclair qu'un accusé peut choisir de se défendre ou engager un avocat de son choix etque », rien ajoutant ne prouvait que « dans qu'il ne notre pouvait cas, pas le requérant engager a un assuré avocat sa de défense son choix lui-même ».
18 Be Ak c. Tanzanie (fond), para 114.
19 L'État défendeur est devenu partie au PIDCP le 11 juin 1976.
20 « Toute personne accusée d>une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : … à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RICA 51 67
si l'infraction est grave et lorsque la peine prévue par la loi est
82. La Cour note que le requérant n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire gratuite lors des procédures devant les juridictions nationales. La Cour note également que l'État défendeur ne conteste pas le fait que le requérant est indigent, l'infraction est grave et la peine prévue par la loi est lourde, mais plutôt le fait qu'il n'ait pas demandé une assistance judiciaire.
83. Compte tenu du fait que le requérant a été déclaré coupable de crime grave, à savoir le vol à main armée passible d'une lourde peine de 30 ans de réclusion, dans l'intérêt de la justice, le requérant aurait dû bénéficier d’une assistance judiciaire, qu’il en ait fait la demande ou non.
84. La Cour en conclut que l'État défendeur a violé l’article 7(1)(c) de la Charte.
VIII. Sur les réparations
85. Le requérant demande à la Cour de constater la violation de ses droits, d'ordonner sa remise en liberté ainsi que toute autre mesure ou réparation qu'elle estime appropriée.
86. Pour sa part, l'État défendeur demande à la Cour de constater qu'il n'a violé aucun des droits du Requérant et de rejeter la requête.
87. L'article 27(1) du Protocole dispose que « lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l'octroi d'une réparation ».
88. À cet égard, l’article 63 du Règlement dispose que « la Cour statue sur la demande de réparation … dans l'arrêt par lequel elle
d'un défenseur de son choix ; si elle n'a pas de défenseur, à être informée de son droit d'en avoir un et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer ».
21 Be Ak c. Tanzanie (fond), para 123, voir aussi Bi Bg c. Tanzanie (fond), paras 138, 139 ; Requête No. 027/2015. Arrêt du 21/09/2018 (fond et réparations), Bj Ab c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Bj Ab c. Tanzanie (fond et réparations) »), para 68 ; Requête No. 016/2016. Arrêt du 21/09/2018 (fond et réparations), Cb Bo c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Cb Bo c. Tanzanie fond et réparations) »), para 85 ; Requête No. 026/2016. Arrêt du 21 septembre 018 (fond et réparations), Bf Bc c. République-Unie de Tanzanie (ci- après désigné « Bf Bc c. Tanzanie (fond et réparations) »), para 92.
68 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
constate une violation d’un droit de l'homme ou des peuples, ou si les circonstances l’exigent, dans un arrêt séparé ».
A. Réparations pécuniaires
89. La Cour fait observer qu'au paragraphe 84 ci-dessus, elle a déjà conclu que l’État défendeur a violé le droit du requérant à un procès équitable dans la mesure où celui-ci n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire. À cet égard, la Cour rappelle sa position dans l'affaire Bw Bx Bz Ba c. République-Unie de Tanzanie dans laquelle elle avait estimé que « toute violation d’une obligation internationale ayant causé un préjudice entraine l'obligation de fournir une réparation adéquate ».
90. La Cour relève également que la violation constatée a causé un préjudice moral au requérant. En conséquence, la Cour exerçant son pouvoir discrétionnaire, octroie la somme de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens à titre de juste compensation.”
B. Réparations non-pécuniaires
91. S'agissant de la demande du requérant d'être remis en liberté, la Cour a estimé qu'elle ne peut ordonner la remise en liberté du requérant que dans des circonstances exceptionnelles ou impérieuses.* Ce serait le cas, par exemple « si le requérant peut démontrer suffisamment ou si la Cour elle-même parvient à la conclusion que l'arrestation et la déclaration de culpabilité du requérant était fondée entièrement sur des considérations arbitraires et que son maintien en détention constituerait un déni de justice ».
92. Dans l'affaire Cd Aj c. République-Unie de Tanzanie, la Cour a fait observer que pour déterminer si les circonstances dans une affaire sont exceptionnelles ou impérieuses, il faut tenir compte de l'objectif qui est de préserver l'équité et de prévenir la
22 Voir Requête No. 011/2011. Arrêt du 13 juin 2014 (réparations), Bw Bx Ba c. Tanzanie, para 27 etRequête No. 010/2015. Arrêt du 11 mai 2018 (fond), Amir Bu c. République-Unie de Tanzanie (fond), para 83.
23 Voir Bf Bc c. Tanzanie (fond et réparations), para 107 ; Bj Ab c. Tanzanie (fond et réparations), para 85.
24 Be Ak c. Tanzanie (fond), cit, 157; Cb Bo c. Tanzanie (fond et réparations), para 101 ; Bj op. Evarist para (fond et réparations) c. Tanzanie, para R épublique- 82; Requête Unie de No. Tanzanie, 006/2016. Arrêt du 07/12/2018 Br c. Tanzanie (fond), (fond), Mgosi para Mwita 96 ; c. Cd Aj c. Tanzanie (fond para et 84 réparations), ; Kijiji para 164.
25 Bj c. Tanzanie (fond et réparations), para 82.
By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RICA 51 69
93. La Cour estime que le requérant n'a pas démontré l'existence de circonstances exceptionnelles ou impérieuses justifiant qu’elle ordonne sa remise en liberté.
94. En conséquence, la Cour rejette la demande du requérant d’être mis en liberté.
IX. Sur les frais de procédure
95. Dans leurs observations, chacune des deux parties demande à la Cour d’ordonner que la partie adverse supporte les frais de procédure.
96. En vertu de l’article 30 de son Règlement intérieur «à moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure».
97. Enl'espèce, la Cour n'a aucune raison de déroger aux dispositions de l'article 30 du Règlement. Elle conclut donc que chaque partie supporte ses propres frais.
La Cour,
À l'unanimité :
Sur la compétence
iL Rejette les exceptions d’incompétence matérielle de la Cour ;
Sur la recevabilité
iv. Déclare la requête recevable.
Sur le fond
v. Dit que l'État défendeur n'a pas violé l'article 7(1) de la Charte en ce qui concerne les preuves insuffisantes et la non-convocation des témoins à décharge ;
vi. Dit que l'État défendeur a violé l'article 7(1)(c) de la Charte pour n'avoir pas fourni une assistance judiciaire gratuite au requérant.
26 Voir Cd Aj c. Tanzanie (fond et réparations), para 164.
70 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
Sur les réparations
Réparations pécuniaires
vi. Ordonne à l’État défendeur de verser au requérant un montant de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens, exonéré de taxe, à titre de juste compensation dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, faute de quoi il sera également tenu de payer des intérêts moratoires calculés sur la base du taux applicable à la Banque centrale de Tanzanie, pendant toute la période de retard, jusqu'au paiement intégral des sommes dues ;
vi. Ordonne à bÉtat défendeur de lui soumettre, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, un rapport sur l»état d'exécution de la décision rendue dans le présent arrêt.
Réparations non-pécuniaires
ix. Rejette la demande de remise en liberté du requérant, sans préjudice du pouvoir de l'État défendeur de prendre cette décision de sa propre initiative.
Sur les frais de procédure
x. Dit que chaque partie supporte ses frais de procédure.
Opinion individuelle : TCHIKAYA
1. La Cour africaine d’Arusha a été sollicitée à se prononcer, encore une fois, sur une affaire relative à une atteinte à l’article 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ayant trait au droit à une justice équitable. Dans cette affaire, Bl By c. Tanzanie,! j'ai exprimé mon adhésion au dispositif retenu par la Cour. Mon adhésion en ce que ce dispositif, à l'essentiel, reconnait que l’État défendeur a manqué à ses obligations en la matière et devrait attribuer des compensations au requérant, en
1 Le requérant condamné à une peine de réclusion de 30 ans pour l'infraction de vol à main armée allègue avoir été privé de son droit à un procès équitable.
By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RICA 51 71
excluant la remise en liberté.
Il reste que, sans originalité particulière et, de façon quasi- incidente, le cas By, appelait la Cour à des développements sur les pouvoirs réels du juge africain des droits de l'homme en rapport avec ceux qu'exerce les premiers juges, les juges de l'ordre interne. Deux aspects connexes d'une même question, présentent dans l'affaire |van, seront donc abordées dans cette opinion : d’une part, celle sur la qualification de la Cour comme juge d'appel (I) et, d'autre part, des considérations seront faites sur le lien de la compétence qu’exerce la Cour aux instruments internationaux (Il). Ces aspects découlent du paragraphe 23 à 29 de l'arrêt.
La Cour africaine d’Arusha, juge d'appel ?
Cette question n'est pas nouvelle. Déjà, dans la jurisprudence de 2018, Ab Bj,* le juge Ben Achour soulignait dans son opinion la position suivante : « En effet, la Cour affirme dans le
ajoutait que « cela est plus qu’évident, nous sommes en présence d'une Cour continentale ayant compétence pour connaitre de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte et du [..] Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifiés par les États concernés ». La Cour n’est pas un juge d'appel, et cela est une évidence juridique.
Que faut-il entendre par cette évidence, car de manière itérative la Cour y revient avec des motivations différentes ? Les précisions qu'il faudrait apporter sont naturellement logées dans l'acte fondant la Cour, le Protocole qui, en son article 3 alinéa premier sur la compétence : « La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends ». Ces dispositions, en l'état, ne se prononce pas sur tout le régime attaché au statut de la Cour. Si on les combine avec les considérations du Préambule du Protocol,* on peut lire le caractère international et
SATDHP, 4 Arrêt Bl By c. Tanzanie, 28 mars 2019, paras 105 et suivant, p.
CAfDHP, Ab Bj c. Tanzanie, 27 septembre 2018, Op. individuelle, para 2.
Au deuxième considérant du Protocole « Les États membres notent que « la Charte Africaine des Droits de lJHomme et des Peuples réaffirme battachement aux principes des droits de Homme et des Peuples, aux libertés ainsi qu>aux devoirs contenus dans les déclarations, conventions et autres instruments adoptés par bOrganisation de bUnité Africaine et d>autres organisations internationales ».
72 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
conventionnel des fonctions qu'exerce la Cour. Ce fondement est d'abord internationaliste.5 C'est en ces termes qu'il faudrait entendre le paragraphe 27 de l'arrêt rendu : « La Cour exerce sa compétence dès lors que les droits dont la violation est alléguée sont protégés par la Charte ou par tout autre instrument relatif aux droits de l’homme ratifié par l’État défendeur ».
5. Cette position courante est aussi juste,® mais elle doit d'avantage être expliquée et comprise. Partant du droit interne, le juge d'appel répond à un recours qui tend à faire réformer ou annuler un jugement rendu par une juridiction inférieure. La juridiction d'appel est tenue le cas échéant à rejuger, en fait et en droit. En conséquence, il peut infirmer la décision, partiellement ou complètement, ou la confirmer. Il a aussi la possibilité de changer les motifs, sans que le dispositif du jugement change nécessairement. Ce que la Cour d'Arusha possède comme fonctions. Aux termes du Protocole, ce sont des fonctions de supériorité juridictionnelle, de rétablissement du droit pour le droit des personnes.
6. La question se posait déjà au milieu des années 50. Lorsqu'à la faveur d'une question que se posait déjà l'Assemblée générale à la Cour internationale de justice,” Af Au concluait qu'« il y a des intérêts pratiques considérables et aisément discernables à le faire. En présence de la décision d’un organe, les gouvernements doivent savoir si elle offre l’autorité d'une sentence obligatoire ou si elle se ramène à une simple proposition, à une recommandation, à un conseil. Leur attitude dans les deux cas doit être foncièrement différente ».°
7. Le principe est établi en droit international, mais importe aussi pour le droit interne. Ce que souligné ci-dessous en parlant des
5 On peut noter dans l’Affaire Cc Az (CP] |, Cc Az, France et autres, 23 août 1923) qui concerne l'application du principe de la supériorité du droit international sur des actes internes, en l'espèce sur les ordonnances allemandes interdisant l'usage du canal de Kiel. La première question à laquelle le juge de La Haye doit répondre est celle relative à la portée de la décision allemande du 21 mars 1921 refusant l'accès et le passage du canal de Kiel. Cette décision, constate la Cour, est en contradiction avec le traité.
6 Christina (C..), Les récentes décisions de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (1983-1987), AFDI, 1987. 351-369 note la du
Hector Gros Espiell, « la soumission pp. d’une affaire ; elle (contentieuse) y position à la Cour juge ne constitue pas un appel ». v. Wittenberg, La Recevabilité des réclamations devant les juridictions internationales, RCADI, 1932, t.IIl, p.1 ets.
7 CI], Avis consultatif, Effet du du tribunal administratif des N. U. accordant indemnité, 13 juillet 1954, Recueil jugement 1954, 47 ; la Cour a déduit du caractère judiciaire du Tribunal Administratif des N'.U. p. que "l'Assemblé générale était tenue d'exécuter ses jugements.
8 Cavaré (L.), La notion de juridiction internationale, AFDI, 1956. pp. 496 et s.
By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RJCA 51 73
juridictions internationales, de la façon suivante : « Aujourd'hui notamment dans (..) la multiplicité des organismes a pose aussi ce problème essentiellement pratique puisque de sa solution dépend la nature des compétences quoils exercent et la possibilité ou bimpossibilité de certains recours contre les décisions de ces autorités ».’En tout état de cause, et pour reprendre les termes de la Cour internationale de justice, dans son avis sur la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies! lorsqu'elle dit qu’une organisation « doit être considérée comme possédant ces pouvoirs qui, s'ils ne sont pas énoncés dans la Charte, sont, par une conséquence nécessaire, conférés à l'Organisation en tant qu'essentiels à l'exercice des fonctions de celle-ci ». Il suit de là que ce type de juridiction établi sur la base d'une convention internationale ne peuvent rendre que des décisions induites par le traité fondateur, et ont une autorité sur les ordres internes.
Cette analyse est présente dans la position exprimée par la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Elle dit que « Lorsqu'un État fait partie d’un traité international comme la Convention américaine, tous ses organes, y compris ses juges, sont également soumis à ce traité, et donc soumis à une obligation de veiller à ce que les effets des dispositions de la Convention ne soient pas diminués par l>application de règles contraires à son objet et son but ». Elle poursuit dans ce rapport en rappelant que: « les juges et organes liés à ladministration de la justice à tous les niveaux sont obligés d»exercer ex officio un «contrôle de conventionalité » entre les règles internes et la Convention américaine, évidemment dans le cadre de leurs compétences respectives et des règles de procédure correspondantes ».! Ces éléments influent sur la constitution d’un pouvoir juridictionnel, qu'il soit d'appel ou de simple contrôle.
L'article premier de la Convention européenne de droit de l'homme dit que : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre | de la présente Convention ». Dans ce cas, la juridiction de l'État-membre est interprétée au vu du droit international. Ceci tend à consacrer le statut de juge d'appel. Dans l’importante décision CEDH, Bankovic et autres c. Belgique et autres, 12 décembre 2001," on peut relever que : « L'obligation de la Cour
Idem, pp. 499 ets.
10 Avis consultatif, CI] Recueil 1949, p. 182.
11 CIADH, Rapport 2012, p. 62 ets.
12 CEDH, Bankovic et autres c. Belgique et autres, 12 décembre 2001, 52207/99 74 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
à cet égard consiste à tenir compte de la nature particulière de la Convention, instrument constitutionnel d’un ordre public européen pour la protection des êtres humains, et son rôle, tel qu'il se dégage de l'article 19 de la Convention, est d'assurer le respect par les parties contractantes des engagements souscrits par elles».!* Cette juridiction de la Cour est délimitée certes par le consentement des parties à la Convention, mais elle acquiert ipso jure, une autorité réelle, un pouvoir assimilable à celui d'une juridiction d'appel, une plénitude de juridiction d'appel. Il est donc naturel de considérer que la Cour d’Arusha possède un tel pouvoir juridictionnel dans une hiérarchisation internationaliste des juridictions ici impliquées, nationale et internationale.
IL Une compétence résolument liée aux instruments internationaux
10. || peut se produire que des États refusent que l'intervention d'un juge international ait pour fonction de rejuger un différend, même s'ils en ontadopté la clause compromissoire dans une convention de juridiction internationale. Hypothèse dans laquelle la Cour d’Arusha ne se trouve pas, mais qui demeure une faculté que le droit international laisse aux États ou aux parties. La tendance globale en a été à la contestation ou à la restriction de la dévolution juridictionnelle internationale. Dans l'affaire de 1960, Affaire de la sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne du 23 décembre 1906,!* la Cour de la Haye précisait cette occurrence : « La Cour n'est pas appelée à dire si larbitre a bien ou mal jugé. Ces considérations et celles qui s>y rattachent sont sans pertinence pour les fonctions que la Cour est chargée de remplir clans la présente procédure et qui sont de dire soil est prouvé que la sentence est nulle et de nul effet »."* La plénitude de la dévolution d'appel était de ce fait exclue.
11. Les États peuvent en effet choisir, de façon souveraine et dérogatoire, qu'un juge international, saisi par eux dans une instance, ne se considère pas comme juge d'appel. Ce fut le cas dans le contentieux sur la Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Y c. Sénégal, portant décision de la Cour
13 |Idem., para 80.
14 CI], Recueil 1960, p. 192.
15 Idem, p. 26.
By c. Tanzanie (fond et réparations) (2019) 3 RICA 51 75
internationale de justice!'®. La Cour soulignera que « les deux Parties en sont convenues, la présente instance constitue une action en inexistence et en nullité de la sentence rendue par le Tribunal, et non un appel de ladite sentence ou une demande en révision de celle-ci. Comme la Cour a eu l'occasion de le relever à propos du grief en nullité présenté dans l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne le 23 décembre 1906."
12. Cette même restriction se retrouve dans la présente Affaire |van de la Cour au paragraphe 26 : « La Cour réitère sa position dans l'affaire Bq Bv Aa c. République du Malawi,'® dans laquelle elle a rappelé qu'elle n'est pas une juridiction d'appel en ce qui concerne les décisions rendues par les juridictions nationales ». En revanche, la suite que la Cour dit tenir de l’Affaire Be Ak devrait être précisée.
13. La Cour dit que «toutefois, comme elle l’a souligné dans l’affaire Be Ak c. République-Unie de Tanzanie!’ que «certes, la Cour africaine n'est pas une instance d'appel des décisions rendues par les juridictions nationales mais cela ne l'empêche pas d'examiner les procédures pertinentes devant les instances nationales pour déterminer si elles sont en conformité avec les normes prescrites dans la Charte ou avec tout autre instrument ratifié par l'État concerné ». Deux éléments peuventêtre rappelés à la Cour: a) de dire que «cela ne l'empêche pas d'examiner les procédures pertinentes devant les instances nationales », n'est pas en adéquation avec l'exercice courante de la fonction judiciaire de la Cour dont le but est d'examiner les procédures internes utilisées par les juridictions nationales en matière de droits de l'homme; b) de dire que « la Cour africaine n’est pas une instance d'appel des décisions rendues par les juridictions nationales » peut induire une dimension volontariste de la Cour, alors que celle-ci exerce une compétence déterminée a priori par les conventions et protocoles interétatiques. Elle a une compétence résolument particulière, spécifiquement reconnue par les Hautes parties au protocole créant la Cour. Cette compétence, lorsqu'elle
16 CI], Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Y c. Sénégal, 12 novembre 1991.
17 Idem, para 25.
18 CAfDHP, Bq Bv Aa AG Ag, 15 mars 2013, para 14.
19 CAfDHP, Be Ak c. Tanzanie, 20 novembre 2015, paras 60 à 65.
20 Affaire précitée, Be Ak c. Tanzanie, para 130 ; v. aussi CAfDHP, Bx Al c. Tanzanie, 28 septembre 2017, para 28 ; CAfDHP, Ar Bd Ao c. Rwanda, 24 novembre 2017, para 52 ; CAfDHP, Bi Bg c. République-Unie de Tanzanie, 03 juin 2013, para 29.
76 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
s'établie, est une donnée juridique et objective.
14. La Cour d'Arusha ne semble pas remettre en cause la notion, maintenant reconnue en droit international des droits de l'homme, dite d'appréciation nationale. Cette notion conjugue bien les attributions nationales avec les pouvoirs judiciaires que la Cour tient du Protocole. Une appréciation nationale sur des questions comme la propriété, la liberté religieuse, la liberté d'expression, la notion de danger public … et bien d'autres pour lesquelles le droit des États a par ailleurs prévu des dispositions communes.