Aa c. Rwanda (révision) (2019) 3 RICA 419 419
Aa c. Rwanda (révision) (2019) 3 RJ CA 419
Requête 001/2018, B Aa c. République du Rwanda
Arrêt du 4 ] uillet 2019. Fait en anglais et en français, le texte français
faisant foi
Juges A, BEN ACHOUR, MATUSSE, MENGUE, CHIZUMILA
BENSAOULA, ANUKAM et ABOUD
S'est récusée en application de l’article 22 : MUKAMULISA
Cette requête en révision a été introduite à la suite de la décision par
laquelle la Cour à rejeté la première requête au motif que les les recours
internes n'avaient pas été épuisés. Dans cette requête en révision, le
requérant sollicite de la Cour le réexamen de son arrêt, affirmant qu’il
avait épuisé les recours internes. La Cour a conclu que la demande de
révision était irrecevable au motif que le requérant n'avait pas fourni des
éléments de preuve nouveaux justifiant une révision aux termes de son
Règlement. La demande de révision a, par conséquent, été rejetée.
Révision (conditions de révision, 13-15 ; défaut de fournir de nouveaux
éléments de preuve, 17-18 ; délai de dépôt de la demande de révision
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Les parties
Sieur B Aa (ci-après dénommé « Le requérant ») a déposé une requête le 10 novembre 2014 contre la République du Rwanda (ci-après dénommée « l'Etat défendeur ») alléguant la violation de ses droits garantis par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après « la Charte ») et par la Constitution etle Code du travail rwandais. Le 11 mai 2018 la Cour a rendu son arrêt sur le fond de l'affaire
Il Objet de la requête
À la suite de l'arrêt de la Cour du 11 mai 2018 sur le fond, dans baffaire B Aa c. République du Rwanda, le requérant a déposé le 11 juillet 2018 une requête en révision de cetarrêten y joignantla lettre du Secrétariat général du Parlement rwandais, en date du 26 février 2014, dans laquelle il dénonçait un complot contre lui ourdi par l’État dans le but de le dissuader de saisir la Cour.
Le requérant conteste la décision par laquelle la Cour a rejeté sa requête au motif qu'il n'avait pas épuisé les recours internes Il affirme que l'Etat défendeur a changé l’objet de la décision
RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
du tribunal de première instance de Kigali, étant donné qu'il n'a jamais demandé d'indemnisation devant le Tribunal de première instance, mais plutôt une réadaptation devant les deux instances que sont le Tribunal de première instance et la Haute cour de justice de Kigali.
Il allègue que la Cour, au paragraphe 43 de son arrêt, a fait référence à la décision de la Haute cour fondée sur la loi No. 18/2004 du 20 juin 2004, sans indiquer que cette loi avait été promulguée postérieurement à son licenciement, et donc ne pouvait s'appliquer à son cas en vertu du principe de non- rétroactivité d'une loi.
Il a affimé que la Cour a également violé le principe de non- rétroactivité, non seulement en se référant, au paragraphe 44 de son arrêt, à la loi organique No. 03/2012 du 13 juin 2012, qui confère à la Cour suprême du Rwanda la compétence pour statuer sur des « appels contre des jugements rendus en première instance parla Haute Cour … », mais aussi en déclarant, au paragraphe 46 de son arrêt, que la requête est irrecevable pour non épuisement des recours internes. Cette loi, réitère le requérant, a été adoptée postérieurement à son affaire, six ans en effet après qu’il avait saisi la Haute cour.
Faits
Dans sa requête introduite le 10 novembre 2014 devant la Cour de céans, le requérant allègue qu'il a été licencié le 27 février 2001 par décision No. 116/PRIV/BR/RU du Secrétaire Exécutif du Conseil de privatisation pour divulgation de documents confidentiels. Estimant la décision de son licenciement injuste et inconstitutionnelle, il a saisi, le 10 novembre 2014, la Cour de céans d'une requête enregistrée sous le No. 022/2015.
Dans son arrêt du 11 Mai 2018, la Cour a déclaré la requête irrecevable pour non épuisement de recours internes.!
Procédure
Le 27 septembre 2018, à la suite de sa requête en révision, le requérant a déposé devant la Cour une lettre datée du 5 mars 2001, utilisée dans l'appel hiérarchique déposé auprès du Ministère de l'Économie et un mémorandum d'entente à l'appui
Requête No. 0202/2015. Arrêt du 11 mai 2018 (fond), B Aa c. République du Rwanda.
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du paiement de son salaire, tel que conclu après la décision du Tribunal de première instance condamnantle Secrétariat exécutif à la Privatisation pour licenciement abusif.
Le 08 novembre 2018, la Cour a accusé réception de la requête en révision du requérant et en a notifié l’État défendeur, tout en l'invitant à soumettre sa réponse à la Cour dans les trente (30) jours suivant réception de la notification. L'État défendeur n’a soumis aucune observation en réponse aux différentes pièces de procédure qui lui ont été envoyées.
10. Le 19 décembre 2018, le requérant s’est enquis de l’état d'avancement de sa requête par une lettre portant en annexe une copie de la lettre datée du 11 mars 2003 issue de la médiation devant l'Ombudsman. La Cour en a accusé réception le 18 janvier 2019, tout en assurant le requérant que sa requête était en cours d'examen.
11. Le 22 mai 2019, la Cour a notifié les parties de la clôture de la procédure écrite et de son intention de rendre son arrêt sur la requête.
Demande du requérant
12. Le requérant demande à la Cour la révision de son arrêt rendu le 11 mai 2018 au motif qu'il avait épuisé les recours internes et de condamner l'État défendeur pour les violations dénoncées dans sa requête initiale.
VI. Sur les conditions de la révision d’arrêt
13. L'article 28(3) du Protocole habilite la C our à réviser ses décisions dans les conditions énoncées dans le Règlement intérieur. Aux termes de l’article 67(1) du Règlement, la Cour peut réviser son arrêt « …en cas de découverte de preuves dont la partie n'avait pas connaissance au moment où l'arrêt était rendu. Cette demande doit intervenir dans un délai de six (6) mois à partir du moment où la partie concernée a eu connaissance de la preuve découverte ». En outre, l’article 67(2) ajoute que « [la] requête mentionne l'arrêt dont la révision est demandée, contient les indications nécessaires pour établir la réunion des conditions prévues au paragraphe 1 du présent article et s'accompagne d’une copie de toute pièce à l'appui. Elle est déposée au greffe, avec ses annexes ».
14. Il incombe donc au requérant de démontrer dans ladite requête la découverte de nouveaux éléments de preuve dont il ignorait l'existence au moment de la décision de la Cour et l'heure exacte 422 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
à laquelle il a en eu connaissance. La requête doit être soumise dans les six mois suivant la date à laquelle le requérant a eu connaissance de ce nouvel élément de preuve.
15. Il est rappelé que la révision demandée ainsi que les nouveaux éléments de preuve allégués concernent le dispositif de l'arrêt de la Cour rendu le 11 mai 2018, selon lequel la requête est irrecevable pour non épuisement des recours internes. Le requérant fonde sa demande sur les trois motifs suivants :
i. Contestation des paragraphes suivants de l'arrêt : paragraphe 40 qui indique « qu'il ressort des éléments du dossier que le requérant a saisi les juridictions internes de deux affaires différentes » ;
il. Paragraphe 41 qui indique que « le 22 Mai 2002, le requérant a saisi le Tribunal de première instance de Kigali d’une action en
indemnisation qui indique que dans « le 23 la procédure janvier 2006, RC RUTABINGWA 37604/02 » ; et Aa paragraphe 42
a saisi la Haute Cour de justice de Kigali d'une autre action en l’affaire civile No. R.Ad/0011/06/HC/KIG en annulation de la décision portant son licenciement » ;
iii. Contestation du paragraphe 43 qui indique que « … le 21 J uillet2006, la Haute Cour de justice a constaté que le recours en annulation de la décision No. 361/PRIV/SV/AM du 27 février 2001 introduit par B Aa n'était pas conforme à la loi et, en conséquence, déclare la Requête irrecevable … ». Ce paragraphe réitérait simplement la décision de la Haute Cour de justice qui, selon le requérant, avait violé le principe de non rétroactivité ;
iv. Violation du principe de non rétroactivité au paragraphe 44 par l'évocation de la loi organique No. 03/2012 du 13 juin 2012 qui confère à la Cour Suprême du Rwanda compétence pour statuer « sur les appels des arrêts rendus en première instance par la Haute Cour. ». La Cour a par la suite constaté qu'il n'avait pas fait appel devant la Cour Suprême et, en conséquence, au paragraphe 46 elle a conclu que «la requête du 10 novembre 2014 est irrecevable au motif que le requérant n'a pas épuisé les recours internes ». Le requérant considère que la loi visée a été adoptée six ans après le jugement de la Haute Cour et ne peut donc être appliquée dans son affaire.
16. La Cour rappelle que dans son arrêt du 11 mai 2018, elle avait conclu à l'irrecevabilité de la requête pour non épuisement de recours internes.
17. La Cour note que le requérant n'a apporté aucun élément nouveau attestant de l'épuisement de recours internes. Les observations soumises par le requérant ne contiennent aucune information constituant « une preuve » dont la Cour n'avait pas connaissance au moment où elle rendait son arrêt.
18. La Cour constate que les informations fournies ne constituent pas des éléments de preuve nouveaux au sens de l'article 67(1) du Aa c. Rwanda (révision) (2019) 3 RICA 419 423
Règlement.
19. Le requérant n'ayant pas fourni de preuves justifiant la révision de l'arrêt, la Cour n'examinera donc pas la condition relative au délai de six mois énoncé à l'article 67(1) du Règlement. En conséquence, la Cour juge sans fondement la requête en révision de l'arrêt du 11 mai 2018.
VII. Frais de procédure
20. La Cour note que le requérant n'a pas fait d'observations sur les frais de procédure. Toutefois, l'article 30 du Règlement prévoit que « à moins que la Cour n'en décide autrement, Chaque partie supporte ses frais de procédure ».
21. Compte tenu ce qui précède, la Cour décide que chaque partie supportera ses frais de procédure.
VIII. Dispositif
La Cour
À l'unanimité :
ii Déclare que les informations soumises par le requérant ne constituent pas de nouvelles « preuves » ;
ii. Déclare que la demande aux fins de révision de l'arrêt du 11 mai 2018 est irrecevable, et la rejette en conséquence ;
ii. Dit que chaque partie supportera ses frais de procédure.