RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019) Aa et Aa c. Tanzanie (révision) (2019) 3 RJ CA 424
Requête 002/2018, Ab Af Aa et Ae Ad
Aa c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt du 4 juillet 2019. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges B X, BEN ACHOUR, MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA,
CHIZUMILA, BENSAOULA, etANUKAM
S'est récusée en application de l’article 22 : ABOUD
Les requérants ont déposé la requête en révision de l'arrêt sur le fond
par lequel la Cour avait conclu à la violation par l'Etat défendeur des
articles 7(1)(c) et 1 de la Charte. Elle avait cependant déclaré d'autres
allégations non-fondées. La Cour a conclu que les demandes des
requérants n'étaient qu'une répétition de celles faites à l'étape du fond,
à l'exception de leur allégation selon laquelle la Cour d'appel avait fondé
son jugement sur des conclusions erronées. La Cour a estimé que ces
informations particulières étaient des informations nouvelles mais ne
constituaient pas de nouvelles preuves, car elles ne visaient qu'à étayer
les allégations soulevées dans l'arrêt sur le fond.
Révision (délai de dépôt de la demande de révision, 13 ; absence de
preuves nouvelles, 16, 17, 24-26)
Les parties
MM. Ab Af Aa et Ae Ad Aa Aci-après dénommés « les requérants »), ont introduit une requête le 11 février 2015 visant la République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « l'État défendeur »), alléguant que l'État défendeur avait violé leurs droits garantis par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après «la Charte») et la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi que par la Constitution et le Code pénal de l'État défendeur. Le 11 mai 2018, la Cour a rendu son arrêt sur le fond de l'affaire.
Il Objet de la requête
À la suite de barrêt rendu le 11 mai 2018 par la Cour dans baffaire Ab AaYZ Aa et Ae Ad Aa et un autre c. République-Unie de Tanzanie, les requérants ont, le 6 novembre 2018, déposé une requête aux fins de révision dudit arrêt.
Dans la requête aux fins de révision, les requérants ont réitéré certaines des allégations de violation de leurs droits par l'État Aa et Aa c. Tanzanie (révision) (2019) 3 RICA 424 425
défendeur qui avaient été exposées dans leur requête initiale devant la Cour, telles que reprises aux paragraphes 11 et 12 de l'arrêt de la Cour du 11 mai 2018. Ils demandent la révision de l'arrêt en se fondant sur les moyens ci-après :
« i. Les principes de droit applicables et la pratique reconnue en matière d’identification visuelle n’ont été ni respectés ni pris en compte par le tribunal de première instance ;
il Ils ont été privés du droit d’être entendus lorsque le magistrat qui avait instruit l'affaire a été remplacé ;
iii. Aucune arme n’a été découverte, ni présentée comme élément de preuve devant la Cour pour étayer le chef d'accusation de vol à main armée et le propriétaire du bureau de change dont le nom est mentionné dans l'acte d'accusation n'a jamais été appelé à la barre pour témoigner ;
IV. Les jugements rendus parle Tribunal de première instance et parles première et deuxième juridictions d'appel étaient viciés, en raison des contradictions entre les dépositions des témoins à charge No. 2 et No. 3;
Le Tribunal de première instance a rendu un jugement définitif sans avoir examiné ou tenu compte des observations écrites ;
VI La Cour d'appel s’est fondée sur des conclusions erronées pour les déclarer coupables ;
vil. Leur recours en révision devant la Cour d'appel a été rejeté, au motif que ces irrégularités auraient dû être soulevées en appel ;
viii. La peine prononcée après avoir déclaré les requérants coupables est contraire aux dispositions des articles 285 et 286 du Code pénal ».
Bref historique de l’affaire
La présente requête vise la révision de l'arrêt de la Cour du 11 mai 2018 dans la requête No. 005/2015, Thobias Mang'ara et Ae Ad Aa c. République-Unie de Tanzanie ; dans cet arrêt la Cour avait conclu que l'État défendeur, pour n'avoir fourni aux requérants ni assistance judiciaire, ni copies de certaines déclarations de témoins et pour le retard mis à leur fournir certaines déclarations de témoins, avait violé l'article 7(1)(c) de la Charte et, en conséquence, l’article 1 de la Charte également. La Cour avaiten outre constaté que les allégations de violation des articles 2, 3, 5, 19 et 28 de la Charte et des articles 1, 2, 3, 5, 6 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme en ce qui concerne leur procès et leur condamnation devant les tribunaux de l'État défendeur n»avaient pas été établies.
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IV. Résumé de la procédure devant la Cour
5. La requête a été déposée le 6 novembre 2018 par les requérants ettransmise le 7 novembre 2018 à leurs représentants, l'UPA qui ontété invités à déposer leurs observations, le cas échéant, dans les trente (30) jours suivant réception de la requête.
6. La requête a été signifiée le 24 janvier 2019 à bÉtat défendeur, qui a été invité à déposer ses observations dans les trente (30) jours suivant réception de la notification.
7. Le 26 février 2019, l'UPA a demandé une prorogation de délai pour déposer les observations à l'appui de la requête.
8. Le 5 avril 2019, la Cour a informé l'UPA de l'acceptation de sa demande de prorogation du délai de dépôt des observations à l'appui de la requête. L'UPA n'a pas déposé ces observations.
9. L'État défendeur na pas déposé ses observations en réponse à la requête.
10. La procédure écrite a été clôturée le 11 juin 2019 et les parties en ont été dûment notifiées.
V. Mesures demandées par les requérants
11. Les requérants demandent à la Cour de faire droit à leur requête aux fins de révision dans son ensemble, d’ordonner leur remise en liberté, de condamner l'État défendeur à leur payer des dommages-intérêts au titre de réparation pour violation de leurs droits et de leur accorder toute autre réparation qu'elle jugera appropriée.
VI. Conditions de la révision d’arrêt
12. L'article 28(3) du Protocole habilite la Cour à réviser ses arrêts dans les conditions à déterminer dans son Règlement intérieur. Aux termes de l'article 67(1) du Règlement, la Cour peut réviser son arrêt « en cas de découverte de preuves dont la partie n'avait pas connaissance au moment où l'arrêt était rendu. Cette demande doit intervenir dans un délai de six (6) mois à partir du moment où la partie concernée a eu connaissance de la preuve découverte. En outre, l’article 67(2) du Règlement précise que « [La requête mentionne l'arrêt dont la révision est demandée, contient les indications nécessaires pour établir la réunion des conditions prévues au paragraphe 1 du présent article et s'accompagne d’une copie de toute pièce à l'appui. Elle est Aa et Aa c. Tanzanie (révision) (2019) 3 RJCA 424 427
déposée au greffe, avec ses annexes ».
13. Il incombe donc au requérant de démontrer dans sa requête la découverte de nouveaux éléments de preuve dont il ignorait l'existence au moment de la décision de la Cour et l'heure exacte à laquelle il en a eu connaissance. La requête doit être déposée dans un délai de six (6) mois à partir du moment de l'obtention par le requérant de telles preuves.
14, La Cour relève que la requête en révision est soumise à l'égard de son arrêt du 11 mai 2018 rendu dans la requête No. 005/2015, Thobias Mang'ara etShukurani Ad Aa c. République- Unie de Tanzanie. Les requérants demandent instamment à la Cour de réviser cet arrêt pour les motifs susmentionnés.
15. La Cour note que les requérants se sont contentés de reprendre certaines allégations qu'elle a examinées dans son arrêt sur le fond.
16. La Cour note en outre qu’en dehors de l'allégation des requérants selon laquelle la « Cour d'appel s’est fondée sur des conclusions erronées pour les condamner », pour laquelle ils fournissent de nouvelles informations, tous les autres motifs sur lesquels la requête est fondée sont similaires, dans leur forme comme dans leur substance, à ceux exposés dans leur requête sur le fond.
17. Tous les motifs qui constituent le fondement de la requête aux fins de révision, à l'exception de celui selon lequel « la Cour d'appel s'est fondée sur des conclusions erronées pour les condamner », sont des reformulations de certains des motifs de leur requête sur le fond. Ces motifs ne peuvent pas être considérés comme des éléments de preuve nouveaux au sens de l’article 67(1) du Règlement.
18. Les requérants allèguent que les conclusions de la Cour d'appel qui ont confirmé leur condamnation et leur peine étaient mal conçues, inventées et non fondées sur le dossier judiciaire existant.
19. Ils allèguent que les conclusions de la Cour d'appel varient en fonction des informations contenues dans le dossier du tribunal de première instance. Ils soutiennent que dans son arrêt, la Cour
volé et l'avait mis dans son sac, pourtant, d'après le dossier du tribunal de première instance, c'est le cinquième accusé, dans le procès Mgendi J ames Edson, « qui avait un sac et avait pris tout
20. Ils soutiennent également que la conclusion de la Cour d'appel, selon laquelle une veste et des lunettes de soleil correspondant à la description donnée par PW4 avaient été trouvées dans la chambre d'amis occupée par le second requérant, était en 428 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
contradiction avec le dossier du tribunal de première instance, selon lequel rien n'avait été trouvé dans la chambre du second requérant.
21. Les requérants nient toute implication dans l'infraction et affirment que les conclusions de la Cour d’appel, selon lesquelles le deuxième requérant est passé aux aveux et a reconnu la participation du premier requérant, sont contraires au dossier du tribunal de première instance, selon lequel le deuxième requérant a été interrogé mais a nié toute implication.
22. Les requérants allèguent d'autres contradictions et précisent que si la Cour d'appel conclut que la tenue vestimentaire que portait le deuxième requérant pendant le vol a été retrouvée dans sa chambre, le dossier du tribunal de première instance indique que cette tenue, à savoir un T-shirt, a été retrouvée dans la chambre du 3ème accusé, Ac Ag. Ils affirment que le procès- verbal du tribunal de première instance indique en outre que ce T-shirt a été remis au troisième accusé par le quatrième accusé, Badru Babylon.
23. Les requérants concluent, sur la base de ce qui précède, que la Cour d’appel de l’État défendeur a confirmé leur condamnation et leur peine sur des preuves traitées de manière confuse, mal
24. La Cour rappelle que, dans son arrêt du 11 mai 2018, s'agissant de l'allégation concernant les éléments de preuve dénaturés par les tribunaux nationaux, elle avait conclu que les requérants n'avaient pas réussi à établir la violation alléguée, pour manque de fondement de l’allégation.
25. La Cour relève que les justifications fournies dans la présente requête aux fins de révision, bien que non mentionnées dans la requête sur le fond, ne constituent pas des éléments de preuve nouveaux qui n'auraient pas été à la connaissance des requérants au moment du dépôt de la requête sur le fond. Les requérants auraient pu fournir ces justifications sur ce motif, car le dossier du tribunal de première instance tout comme l'arrêt de la Cour d'appel étaient à leur disposition à ce moment-là etils auraient dû dénoncer alors les contradictions.
26. La Cour estime par conséquent que les informations susmentionnées ne constituent pas des éléments de preuve nouveaux au sens de l'article 67(1) du Règlement.
27. Ayant conclu que les requérants n’ont pas déposé de nouveaux éléments de preuve, la Cour ne juge pas nécessaire de déterminer si ces informations ont été déposées dans les six (6) mois prévus Aa et Aa c. Tanzanie (révision) (2019) 3 RICA 424 429
à l'article 67(1) du Règlement.
28. En conséquence, la Cour rejette la requête aux fins de révision.
VII. Frais de procédure
29. Les requérants n'ont présenté aucune observation relative aux frais de procédure.
30. Aux termes de l’article 30 du Règlement, « sauf décision contraire de la Cour, chaque partie supporte ses propres frais».
31. La Cour décide donc que chaque partie devra supporter ses propres frais de procédure.
VIII. Dispositif
La Cour,
À l'unanimité :
i. Ditque les informations fournies par les requérants ne constituent pas de nouvelles « preuves » ;
ii. Déclare que la requête aux fins de révision de l'arrêt du 11 mai 2018 est irrecevable et rejetée en conséquence ;
ii. Décide que chaque partie supporte ses propres frais de procédure.