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04/07/2019 | CADHP | N°006/2013

CADHP | Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 04 juillet 2019, 006/2013


Texte (pseudonymisé)
RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019) Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RJ CA 322
Requête 006/2013, Aj Xk Bf et 9 autres c. République-
Unie de Tanzanie
Arrêt du 4 juillet 2019. Fait en anglais et en français, le texte anglais
aisant foi.
uges ORÉ, KIOKO, BEN ACHOUR, MATUSSE, MENGUE,
MUKAMULISA, CHIZUMILA, BENSAOULA, TCHIKAYA et ANUKAM
S'est récusée en application de l’article 22 : ABOUD
Les requérants ont introduit une demande de réparation à la suite de
‘arrêt sur le fond par lequel la Cour a conclu que l'État défendeu

r avait
violé le droit des requérants d'être jugés dans un délai raisonnable et de
bénéficie...

RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019) Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RJ CA 322
Requête 006/2013, Aj Xk Bf et 9 autres c. République-
Unie de Tanzanie
Arrêt du 4 juillet 2019. Fait en anglais et en français, le texte anglais
aisant foi.
uges ORÉ, KIOKO, BEN ACHOUR, MATUSSE, MENGUE,
MUKAMULISA, CHIZUMILA, BENSAOULA, TCHIKAYA et ANUKAM
S'est récusée en application de l’article 22 : ABOUD
Les requérants ont introduit une demande de réparation à la suite de
‘arrêt sur le fond par lequel la Cour a conclu que l'État défendeur avait
violé le droit des requérants d'être jugés dans un délai raisonnable et de
bénéficier d’une assistance judiciaire. Les requérants ont demandé une
indemnisation, la libération de ceux d’entre eux qui purgent encore des
peines de prison, des garanties de non-répétition, des rapports réguliers
de l'Etat défendeur à la Cour sur la mise en œuvre des réparations et la
publication au Journal officiel de l’arrêt rendu au fond. La Cour a rejeté
a demande d'indemnisation des requérants pour préjudice matériel et
rais de justice mais a accordé une indemnité pour le préjudice matériel
et les frais de justice aux personnes acquittées ou à leurs proches
pour le préjudice matériel prouvé. La Cour a, en outre, ordonné une
Indemnisation pour préjudice morale à tous les requérants et leurs plus
proches parents et enjoint à l'Etat défendeur de publier les arrêts au
‘ond et sur les réparations sur les sites internet du pouvoir judiciaire
et du ministère des affaires constitutionnelles et juridiques. La Cour a
rejeté la demande de mise en liberté et de non-répétition et a noté que
a soumission d’un rapport d'exécution par l'Etat défendeur est inhérent
à l'arrêt.
Réparations (dommages et intérêts pour préjudice matériel, 26, 27,
32, 33, 37, 38, 40, 43-45 ; dépens, 52, 53 ; réparation pour les frais
encourus par les requérants 53 ; dommages et intérêts pour préjudice
moral, 65-67 ; dommages et intérêts pour préjudice moral, victimes
indirects, 73-74 ; remise en liberté, 78 ; non-répétition, 82 ; rapport à la
Cour, 83 ; publication de l’arrêt, 87)
Objet de la requête
La présente requête en réparation a été déposée en application de l>arrêt sur le fond rendu par la Cour le 18 mars 2016.! Dans cetarrêt, la Cour a conclu à l'unanimité que l'État défendeur avait violé le droit des requérants d’être jugés dans un délai raisonnable et à une assistance judiciaire, droits inscrits à l'article 7(1)(c) et
1 Voir Requête No. 006/2013. Arrêt du 18 mars 2016 (fond), Aj Xk Bf et autres c. République-Unie de Tanzanie (ci-après « Aj Xk Bf et autres c. Tanzanie (fond »), para 190.
Il Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RICA 322 323
(d) de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte »).
Ayant constaté ces violations, la Cour a ordonné à l'Étatdéfendeur ce qui suit :
1 Fournir une assistance judiciaire aux requérants dans le cadre des poursuites engagées à leur encontre devant les juridictions nationales ;
il Prendre toutes les mesures nécessaires, dans un délai raisonnable, pour diligenter et finaliser toutes les procédures d'appel en matière pénale concernant les requérants devant les juridictions nationales ; iii. Informer la Cour des mesures prises, dans un délai de six (6) mois à compter de la date du présent arrêt.
Conformément à l'article 63 du Règlement, la Cour a invité les requérants à déposer leur mémoire sur les autres formes de réparation dans les trente (30) jours suivant réception de la copie certifiée conforme de l’arrêt sur le fond et l’État défendeur à y répondre dans les trente (30) jours suivant réception des observations des requérants.
Bref historique de l’affaire
Comme la Cour l'a indiqué dans l'arrêt rendu sur le fond de l'affaire, les requérants, qui sont au nombre de 10, tous citoyens de la République du Kenya, ont saisi la Cour le 23 juillet 2013, alléguant la violation de leur droit à un procès équitable lors des procédures devant les juridictions de l’État défendeur. Les poursuites devant les juridictions internes découlent de leur arrestation au Mozambique et de leur transfèrement sur le territoire de l’État défendeur où ils ont été détenus et jugés pour meurtre et vol à main armée.
Sur les dix (10) requérants, cinq (5) ont été acquittés et libérés le 5 mars 2014, après l'abandon de la charge de meurtre, faute de preuves. Il s'agit de Xm Cm Yc, Cu Aq Yc, Bj Cv Ax, Ai Au Yc et Az Be Cz. Deux (2) de ces cinq (5) requérants sont décédés le 17 septembre 2015. Il s'agit de Xm Cm Yc et de Az Be Cz. Les cinq (5) autres, à savoir Aj Xk Bf, Xv Xz Xj, Xu Ct Xx, Ag Yb Cz et Az Cp'u Aa, ont été reconnus coupables de vol à main armée et condamnés chacun à une peine de trente (30) ans de réclusion.
Après avoir tenté de contester devant les juridictions nationales leur arrestation et leur détention qu'ils estimaient contraires à la loi, les requérants ont saisi la Cour de céans, qui a constaté la 324 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
violation par l’État défendeur de leur droit à un procès équitable et ordonné aux parties de déposer leurs observations sur les réparations, comme indiqué plus haut.
7. Le 18 mars 2016, le Greffe a transmis copie certifiée conforme de l'arrêt sur le fond aux parties.
8. Les parties ont déposé leurs observations sur les réparations dans les délais fixés par la Cour.
9. La procédure écrite a été close le 28 janvier 2019 et les parties en ont été dûment notifiées.
IV. Mesures demandés par les parties
10. Les requérants demandent à la Cour de rendre les mesures ci-après :
«i. accorder à titre de compensation les sommes d'argent indiquées aux paragraphes 163 à 180 de leur Mémoire sur les réparations ;
ii. rétablir dans leurs droits les personnes qui purgent actuellement une peine de prison contraire à la loi et ordonner leur remise en liberté; iii. appliquer le principe de proportionnalité lors de statuer sur les montants des réparations à octroyer ;
iv. ordonner à l'État défendeur de garantir la non-répétition des violations subies par les requérants ;
v. ordonner à l'État défendeur de lui faire rapport tous les six mois, jusqu'à mise en œuvre complète des ordonnances qui serontrendues à l'issue de l'examen des mesures de réparation demandées ;
vi. ordonner à l'État défendeur, à titre de mesure de satisfaction, de publier dans le Journal officiel l’arrêt rendu par la Cour le 3 juin 2016 sur le fond, en anglais et en Swahili ;
vii. ordonner toute autre mesure de réparation que la Cour estime nécessaire ».
11. Pour sa part, l'État défendeur demande à la Cour de prendre les mesures ci-après et de dire ce qui suit :
«ii. dire que l'arrêt rendu par la Cour le 18 mars 2016 constitue une mesure de réparation suffisante par rapport aux mesures que les requérants ont sollicitées dans leur demande de réparation ;
Î. ordonner aux requérants de soumettre à la Cour et à l'État défendeur les déclarations sous serment et les autres documents qu’ils affirment avoir joints à leur demande, alors qu’ils ne les y ont pas joints ;
li. ordonner aux requérants de soumettre à la Cour et à l'État défendeur la vérification et la justification des montants demandés ;
Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RJCA 322 325
iv. dire que les revendications des requérants relatives aux honoraires des avocats doivent être évaluées à l'aune du programme d'assistance judiciaire mis en place par la Cour, aussi bien pour l’affaire principale que pour l'affaire subsidiaire relative aux réparations ;
v. dire que la demande de remise en liberté des requérants est rejetée ;
vi. dire que la demande de remise en liberté des requérants est un acte de mépris à l'égard de l'arrêt rendu par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples;
vii. dire que la Cour n’a constaté aucune violation grave du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire ;
vili. dire que les requérants n’ont droit à aucune réparation ;
ix. dire que la demande de réparation des requérants est rejetée dans son intégralité, avec dépens ;
x. dire que toutes les violations présumées ayant été commises avant le dépôt par l'État défendeur de la déclaration par laquelle il a accepté que la Cour soit saisie directement de requêtes émanant des individus, la Cour en conséquence n’a pas compétence pour ordonner des réparations pour des actes commis avant le 29 mars 2010 ».
Sur les réparations
12. La Cour relève que l'article 27(1) du Protocole dispose que « Lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d’un droit de l'homme et des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l'octroi d’une réparation », et, conformément à l’article 63 de son Règlement, « la Cour statue sur la demande de réparation introduite en vertu de l’article 34(5) du présent Règlement, dans l'arrêt par lequel elle constate une violation d'un droit de l'homme ou des peuples, ou, si les circonstances l'exigent, dans un arrêt séparé ».
13. Conformément à ses précédents arrêts en matière de réparations, la Cour estime que les demandes de réparations ne seront accordées que si l'État défendeur est internationalement responsable et si le lien de causalité est établi ; et les réparations, lorsqu'elles sont accordées, doivent couvrir l'intégralité du préjudice subi. La charge de la preuve incombe en outre au 326 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
requérant, qui doit justifier ses réclamations?
14. La Cour relève que la responsabilité de l'État défendeur et le lien de causalité ont été établis dans l'arrêt sur le fond.
15. S'agissant de l'ampleur du préjudice à couvrir pour la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable, la Cour fait observer que dans son arrêt sur le fond elle a établi que le préjudice a été subi pendant la période durant laquelle l'affaire est restée en instance avant le début du procès. Cette période est de deux (2) ans, six (6) mois et quatorze (14) jours, soit trente (30) mois et quatorze (14) jours.
16. La Cour note en outre que les demandes de réparation des requérants portentà la fois sur le préjudice matériel etle préjudice moral. Comme indiqué précédemment, les réclamations relatives au préjudice matériel doivent être étayées par des preuves. La Cour a également conclu que le but premier de la réparation est d'assurer notamment une restitution intégrale, qui consiste à placer la victime, dans la mesure du possible, dans la situation antérieure à la violation.“
17. Pour ce qui est du préjudice moral, comme la Cour l'a déjà conclu, il est présumé en cas de violation* des droits de l'homme et l'évaluation du montant doit se faire en équité, en tenant compte des circonstances de l'espèce®. Conformément à la pratique constante de la Cour, des montants forfaitaires sont accordés dans de telles circonstances.”
18. La Cour relève que les demandes concernant les deux requérants décédés, Xm Cm Yc et Az Be Cz, ont été formulées par Bk Xb Cm et Margaret
Voir Requête No. 013/2011. Arrêt du 05 juin 2015 (réparations), An Xp c. Ao Xc (ci-après désigné « An Xp et autres c. Ao Xc (réparations) réparations), »), Lohé paras Xd Y Af ; Requête c. Burkina No. Faso 004/2013. (ci- après Arrêt désigné du 03 Lohé juin 2016 Issa
Arrêt Af du 13 c. Burkina juin 2014 Faso (réparations), (réparations) Révérend »), paras Christopher 52-59 ; et R. Requête Aw c. No. République- 011/2011. Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Cx By Cb Aw c. Tanzanie (réparations) »), paras 27-29.
Voir Aj Xk Bf et autres c. Tanzanie (fond) paras 124-155.
Voir An Xp et autres c. Ao Xc (réparations) paras 57-62.
Ibid, para 55. Voir également Xd Xw Af c. Ao Xc (réparations), para 58.
Voir An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), para 61 ; Voir Requête No. 001/2015. Arrêt du 07 décembre 2018 (fond et réparations), Cg Ce c, République-Unie de Tanzanie (intervention de la République de Côte d'Ivoire) (one (fond et réparations) para 177. (ci-après désigné « Cg Ce c. Tanzanie (fond et
Voir An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), para 62.
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Cd Be, qui n'étaient pas parties à la procédure au fond de l'affaire. Ces personnes ont produit des documents valables qui prouvent qu'elles sont les épouses des requérants respectifs. La Cour considère, au regard des circonstances et conformément à la pratique généralement convenue dans les procédures internationales relatives aux droits de l'homme ° que les personnes qui réclament des réparations ont remplacé ces requérants en qualité de représentants légaux de leurs ayants- droits dans la présente procédure en réparation.
19. La Cour fait en outre observer qu'en l'espèce, les requérants formulent leurs demandes dans des monnaies différentes. À cet égard, la Cour estime, par souci d'équité et considérant que le requérant ne devrait pas être amené à supporter les fluctuations inhérentes aux activités financières, qu’il convient de déterminer le montant des dommages-intérêts au cas par cas. En règle générale, ces dommages-intérêts doivent être accordés, dans la mesure du possible, dans la monnaie dans laquelle la perte a été
20. En l'espèce, les requérants étant des ressortissants de la République du Kenya où ils menaient leurs activités, la perte de revenus alléguée aurait dû être évaluée en shillings kenyans. Toutefois, l'État défendeur n'ayant pas contesté le fait que les requérants aient formulé leurs demandes de réparation en dollars des États-Unis, le montant de ces réparations, si elles sont octroyées, sera libellé dans cette monnaie.
A. Réparations pécuniaires
Préjudice matériel
21. Les requérants demandent des réparations pour la perte de revenus et les frais encourus dans les procédures devant les juridictions nationales.
Voir, par exemple, comme il est de pratique à la Cour européenne des droits de l'homme, Bm c. Italie, 22 février 1994, para 2 série A No. 281 A ; Bw c. ex-République yougoslave de Macédoine, No 14818/02, 8 novembre 2007, para 25; Xt c. France, 31 mars 1992, para 26, série A No 234 C; et M.P. et autres c. Bulgarie, No. 22457/08, 15 novembre 2011, para 96-100.
Voir Requête No. 003/2014. Arrêt du 07 décembre 2018 (réparations), As Bg Cr c. République du Rwanda, para 45.
328 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
a. Perte de revenus
22. Se fondant sur l’affaire Af mentionnée plus haut et dans laquelle la somme de cinquante mille (50 000) dollars américains a été octroyée au requérant pour la perte de ses revenus, les requérants en l'espèce demandent à la Cour d'octroyer à chacun de ceux d’entre eux qui ont été acquittés, à savoir, Bj Cv Ax, Cu Aq Yc, Xm Cm Yc, Ai Au Yc and Az Be Cz, la somme de cinquante mille (50 000) dollars américains pour chacune des six (6) années passées en prison, ce qui équivaut à un montant total de deux cent quatre-vingt-huit mille huit cent quatre-vingt-neuf (288 889) dollars américains par requérant acquitté.
23. S'agissant de ceux qui ontété reconnus coupables, les requérants demandent à la Cour d'octroyer à chacun d’entre eux, à savoir Xk Bf, Xv Xz Xj, Xu Ct Xx, Ag Yb Cz et Az Cp Aa la somme de trois cent soixante-trois mille huit cent quatre-vingt-neuf (363 889) dollars américains, pour la perte de leurs revenus.
24. L'État défendeur conteste ces demandes qu'il juge infondées, erronées et indéfendables. II fait valoir que, contrairement à l'affaire Af dans laquelle la perte de revenus résultant de la suspension de la publication de son hebdomadaire n'était pas contestée, les requérants n’ont pas fourni de preuve tangible des activités commerciales qu'ils exerçaient ni des revenus tirés de ces activités.
25. L'État défendeur ajoute que même si leur source de revenu était établie, les requérants ne seraienttoujours pas en droitde réclamer une quelconque indemnisation pour perte de revenus, ayant été poursuivis et emprisonnés par les juridictions compétentes, pour vol à main armée et meurtre.
26. La Cour note, comme elle l'a déjà relevé dans son arrêt sur le fond, que les violations établies n’ont pas influencé l'issue de la procédure au niveau des juridictions nationales en ce qui concerne les requérants qui ontété déclarés coupables. En réalité, les griefs soulevés devant la Cour par ces requérants ne portaient pas sur leur arrestation ou détention illégales. Par ailleurs, le préjudice subi par les requérants a été réparé dans l'arrêt sur le fond rendu Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RICA 322 329
par la Cour, dans lequel celle-ci a ordonné à l'État défendeur de fournir une assistance judiciaire aux requérants dans le cadre des poursuites dont ils faisaient l’objet, de diligenter et de finaliser toutes les procédures d'appel en matière pénale les concernant, devant les juridictions nationales.
27. À la lumière de ce qui précède, les demandes de réparations pour préjudice matériel subi par les requérants qui ont été déclarés coupables ne sont pas justifiées. Elles sont donc rejetées.
28. La Cour relève en outre que les requérants acquittés l'ont été pour absence de preuves. Le retard de trente (30) mois et quatorze (14) jours cité plus haut a nécessairement causé un préjudice qui nécessite réparation.
29. Toutefois, la Cour considère que la norme qu'elle a établie dans l'affaire Af doit être appliquée au cas par cas, étant donné que le préjudice matériel sera nécessairement proportionnel au revenu personnel et à la perte dont la preuve sera fournie. Cette position est renforcée par la divergence des chiffres réclamés par les requérants dans leurs déclarations sous serment respectives. Chacun d'eux y indique en effet qu’il possédait sa propre entreprise qui lui procurait un revenu différent de celui des autres. Ces réclamations doivent donc être évaluées au cas par cas.
30. Le requérant Ai Au Yc affirme dans sa déclaration sous serment qu'il dirigeait une entreprise de livraison de volaille et que son revenu annuel net tiré de cette activité s'élevait à près de quarante-un mille deux cent cinquante (41 250) dollars américains. Il a présenté comme preuve de cette activité le contrat de prestation de services ainsi que la lettre de résiliation dudit contrat suite à la non-livraison de la marchandise convenue. Il demande donc à la Cour de lui octroyer la somme de deux cent quatre-vingt-huit mille huit cent quatre-vingt-neuf (288 889) dollars américains pour compenser la perte subie pendant toute la période de son incarcération.
31. Le requérant Ai Au Yc soutient en outre que son état de santé s'est considérablement détérioré du fait de son incarcération et que sa famille a dû débourser près de neuf cent (900) dollars américains pour l'achat de médicaments. Il a 330 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
présenté des reçus à l'appui de sa demande.
32. La Cour relève en ce qui concerne la perte alléguée de revenus résultant de la résiliation de son contrat de livraison, que le contrat de prestation de services et la lettre de résiliation dudit contrat constituent ensemble la preuve prima facie de l'existence d’un contrat et non des revenus qui en découlent. En outre, il n'existe aucune corrélation entre la résiliation du contrat et la perte du revenu annuel que le requérant chiffre à quarante —un mille deux cent cinquante (41 250) dollars américains. La Cour considère que d'autres éléments de preuve, comme des relevés bancaires ou des déclarations d'impôts payés sur le revenu annuel allégué ou sur le revenu brut de ce contrat particulier ou d’autres contrats similaires auraient dû être présentés. En l'absence de ces pièces, il n’existe pas suffisamment de preuves pour établir la perte alléguée et la compensation y relative. La demande est donc rejetée.
33. S'agissantde la réclamation relative à l'argentdépensé pourl'achat de médicaments, à savoir neuf cent (900) dollars américains, la Cour constate que la somme réclamée est supérieure au montant total indiqué sur les reçus joints. En conséquence, sur la base des montants figurant sur les pièces justificatives fournies, la Cour octroie au requérant la somme de deux-cent cinquante (250) dollars américains.
34. En ce qui concerne, Az Cz Be (décédé), il ressort de la déclaration sous serment faite par Cc Cd Be, son épouse, qu'il menait une activité de vente de ferraille qui lui rapportait près de sept mille (7 000) dollars américains par an. Une copie certifiée conforme de la licence d'exploitation a été jointe à cet effet.
35. La Cour fait observer que la réclamation pour pertes de revenus d’un montant de sept mille (7 000) dollars américains n'est étayée par aucune preuve. La Cour estime que même si l'épouse du défunt a présenté une licence d'exploitation, cette pièce à elle seule ne saurait représenter ou justifier le montant réclamé, car elle ne constitue que la preuve de l'existence de ladite activité. La Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RICA 322 331
demande est donc rejetée.
36. Le requérant Cu Aq Yc affirme dans sa déclaration sous serment qu'il menait des activités de vente de ferraille et d'objets de récupération, il ajoute qu'il pratiquait également de l'agriculture et de l'élevage et avait un revenu annuel net de près de trente-deux mille cinq cent (32 500) dollars américains. Il a produit la licence d'exploitation et les bons de livraison relatifs à l'activité de vente de ferraille. || soutient qu’en raison de son absence prolongée due au procès, son entreprise s’est effondrée. Il réclame en conséquence la somme totale de deux cent quatre- vingt-huit mille huit cent quatre-vingt-neuf (288 889) dollars américains.
37. La Cour estime que la présentation d'une licence d'exploitation et de bons de livraison constitue la preuve qu’une entreprise existait et qu’elle était en activité. Ces documents ne rendent cependant pas compte de manière exhaustive et détaillée du revenu qui en découlait pour justifier le montant réclamé.
38. Compte tenu de la durée de son incarcération et par souci d'équité, la Cour décide d'octroyer au requérant la somme de deux mille (2 000) dollars américains.
39. En ce qui concerne Xm Cm Yc (décédé), il ressort de la déclaration sous serment faite par Bk Xb Cm, son épouse, qu'il menait des activités d'importation de vêtements qui lui rapportaient près de six mille (6 000) dollars américains. Son épouse a produit une copie certifiée conforme des documents relatifs à ses voyages à Xn.
40. La Cour relève que les documents présentés ne donnent aucune indication sur la nature des activités que menait le défunt. Le billet d'avion joint à la déclaration sous serment de son épouse n'est, non plus, ni un justificatif du type d’activité que menait son époux, ni la preuve de l’objet de ses voyages. La demande est donc 332 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
rejetée.
41. Le requérant Bj Cv Ax affirme quant à lui dans sa déclaration sous serment qu'il exploitait une ligne de transport scolaire et une entreprise de recyclage de papier. Il soutient en outre qu'il se rendait fréquemment dans plusieurs pays, ainsi qu'à Xn où il se rendait deux fois par an pour honorer les diverses commandes de ses clients. Il allègue que le revenu annuel net que lui rapportaient ses activités s'élevait à près de cinquante- huit mille quatre cent quatre (58 404) dollars américains. Il a produit une preuve de l'activité qu'il menait. I demande à la Cour de lui octroyer la somme de trois cent soixante-trois mille huit cent quatre-vingt-neuf (363 889) dollars américains. Il a également fourni la preuve que le visa d'entrée en Turquie lui avait été refusé une fois.
42. La Cour fait observer qu'aucune preuve n'a été rapportée établissant que le requérant avait l'habitude de se rendre à Xn pour ses affaires. Par ailleurs, il subsiste un doute quant au propriétaire de l’entreprise de transport, les documents produits à cet effet indiquant que le requérant n’en était que le coordonnateur.
43. La Cour relève en revanche que la licence d'exploitation versée au dossier constitue la preuve que le requérant était propriétaire d'une entreprise de recyclage de papiers. Toutefois, aucune autre pièce justificative, notamment en rapport aux opérations commerciales, n'a été produite pour prouver non seulement que le requérant menait cette activité, mais aussi le revenu qu'il pouvait en tirer par mois ou par an. La licence d'exploitation à elle seule ne justifie pas un revenu annuel qu’il évalue à près de cinquante mille quatre cent deux (50 402) dollars américains.
44. Enfin, la Cour fait observer qu’il n'existe aucun lien entre le refus de visa d’entrée en Turquie et la présente affaire, dans la mesure où les deux situations sont différentes. L'allégation est donc sans fondement.
45. À la lumière de ce qui précède, la Cour rejette la demande.
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b. Frais de justice devant les juridictions nationales
46. Les requérants demandent à la Cour de leur octroyer une compensation pour les frais de justice engagés devant les juridictions nationales. Ils affirment qu’après plus de dix années écoulées, certains des reçus ont été égarés et que les avocats des requérants ne leur délivraient pas systématiquement des reçus de paiements. Ils affirment en outre avoir contacté Me Ojare et Me Mwalewho, qui tous les deux ont fait savoir à leur conseil qu'ils n'étaient plus en possession des carnets de reçus datant de la période concernée.
47. Les requérants soutiennent également qu'ils ont cependant présenté une correspondance émanant du cabinet de Me Ojare, selon laquelle chaque requérant était tenu de payer cinquante mille (50 000) shillings tanzaniens par comparution. I! fait valoir qu’ainsi, en l’affaire pénale No. 2 de 2006, il y a eu 137 comparutions, soit 137 x 8 x 50 000 = cinquante-quatre millions huit cent mille (54 800 000) shillings tanzaniens. Ils affirment en outre que les requérants concernés n'étaient qu'au nombre de huit (8). I! s’agit de Aj Xk Bf; Xv Xz Xj; Xu Bz Xx; Ag Yb; Az Cp'u Aa; Bj Cv Ax; Cu Aq Yc; et Xm Cm Yc.
48. Dans l'affaire pénale No. 7 de 2006, Miscellaneous Criminal Application No. 16 de 2006, l'appel en matière pénale No. 353 ; appel en matière pénale No. 79 de 2011, il y a eu 35 comparutions, soit 35 x 50 000 x10 = dix-sept million cinq cent mille (17 500 000) shillings tanzaniens. Tous les requérants étaient concernés par cette affaire.
49. Les requérants affirment en outre que le Greffe de la juridiction concernée ne leur avait pas transmis dans son intégralité le compte rendu de l'audience dans l'affaire pénale No. 10/2006, de telle sorte qu'ils ne sont pas en mesure d'indiquer le nombre exact de comparutions. Ils demandent donc à la Cour d’ordonner à l'État défendeur de leur communiquer les comptes rendus des audiences de cette affaire. Celle-ci concernait sept (7) des requérants, à savoir Aj Xk Bf, Xv Xz Xj, Xu Bz Xx, Az Cz Be, Cu Aq Yc, Xm Cm Yc et Ai Au Yc.
50. L'État défendeur soutient que les requérants n'ont droit à aucune compensation pour les honoraires d'avocat payés dans le cadre de la procédure devant les juridictions nationales, car dans la plupart des cas, il n'existe aucune preuve de paiement. Et lorsque les preuves sont fournies, les montants réclamés sont 334 et RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
manifestement excessifs et gonflés.
51. La Cour réitère, comme dans ses arrêts précédents, que la réparation peutinclure le remboursementdes honoraires d'avocats des autres frais engagés dans le cadre de la procédure devant les juridictions nationales.’ Dans ces cas, le requérant doit fournir des documents à l'appui de ses réclamations.”
52. La Cour relève qu'en l'espèce, et sur la base des conclusions tirées plus haut au sujet des requérants qui ont été déclarés coupables, la demande de paiement des frais de justice encourus devant les juridictions nationales ne peut être justifiée qu’en ce qui concerne les requérants acquittés. Ceux-ci ont présenté le barème applicable des frais et honoraires des avocats qui les ont représentés dans les différentes affaires devant les juridictions nationales. La Cour constate cependant que dans de nombreux cas, les requérants n’ont fourni aucune pièce justificative à l’appui des frais qu’ils allèguent avoir engagés. Ils affirment qu’au fil des années, les reçus ont été égarés. La Cour conclut que cette explication n’est pas une preuve suffisante des dépenses engagées et que la demande est rejetée.
53. Pour ce qui est des dépenses dont les pièces justificatives ont été fournies, comme les reçus ou autres pièces équivalentes, une compensation est nécessaire. En conséquence, la Cour octroie les réparations ci-après: Cu Aq qui a versé un million huit- cents mille (1 800 000) shillings tanzaniens au cabinet d'avocat Loom-Ojare & Co; Bj Cv Ax qui a versé cinquante mille (50 000) shillings tanzaniens au cabinet d'avocat Loom- Ojare & Co ; et Ai Au Yc qui a versé deux millions (2 000 000) de shillings tanzaniens au cabinet d'avocat] J . Mwale
10 Voir Cg Ce c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations), para 188. Voir également An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), para
11 Voir Cx By Cb Aw c. Tanzanie (réparations) para 39.
Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RICA 322 335
a. Préjudice subi par les requérants
54, Les requérants réclament des réparations portantessentiellement sur la peine, les souffrances physiques et émotionnelles ainsi que le traumatisme dont ils ont souffert tout au long des procédures judiciaires, à l'issue desquelles, certains d'entre eux sont toujours incarcérés.
55. |Is demandent à la Cour d'accorder la somme de cent quinze mille cinq cent cinquante-six (115 556) dollars américains à chaque requérant acquitté et la somme de cent quarante-cinq mille cinq cent cinquante-six (145 556) dollars américains aux requérants qui ont été déclarés coupables.
56. Les requérants acquittés invoquent l'affaire Af c. Ao Xc,” dans laquelle la Cour a octroyé à la victime la somme de vingt mille (20 000) dollars américains, à titre de dommages- intérêts, pour le préjudice moral subi pendant toute la période de dix-huit (18) mois passés en prison. Sur cette base, les requérants en l’espèce affirment qu’ils ont passé huit (8) ans et huit (8) mois, soit cent quatre (104) mois en détention et que si la Cour venait à décider d’octroyer une compensation au prorata, celle-ci serait de cent quinze mille cinq cent cinquante-six (115 556) dollars américains, soit le montant total indiqué ci-dessus.
57. Les requérants qui ont été déclarés coupables font valoir qu'ils sont en prison depuis cent trente-un (131) mois déjà, et que leurs procès en appel ne sont toujours pas achevés. Invoquant également l'affaire Af, ils demandent à la Cour de leur octroyer à chacun la somme de cent quarante-cinq mille cinq cent cinquante-six (145 556) dollars américains sur la base d’une évaluation au prorata du préjudice subi.
58. Pour sa part, l'État défendeur fait valoir que les requérants n’ont pas subi de préjudice moral étant donné qu'ils ont été pris en charge de manière appropriée par le gouvernement depuis le jour de leur incarcération jusqu'aujourd'hui. Il en conclut que les requérants n'ont droit à aucune réparation.
59. L'État défendeur soutient également que la demande d’un montant de cent quinze mille cinq cent cinquante-six (115 556) dollars américains par requérant acquitté est dénuée de tout fondement et n’est que le fruit d’une réflexion après coup, les
12 Voir Xw Xd Af c. Ao Xc (réparations), para 59.
336 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
requérants n'ayant jamais subi de perte de revenus.
60. Il ajoute que contrairement à l'affaire Af dans laquelle il existait des éléments prouvant la perte de revenus, le requérant étant rédacteur en chef d'un hebdomadaire, la demande en l'espèce ne contient aucun élément qui prouve que les requérants disposaient chacun d'une source de revenus reconnue.
61. La Cour note, comme elle l'a fait observer dans son arrêt sur les réparations, dans l'affaire Cx By Cb Aw c. Tanzanie, que le préjudice moral est un préjudice constitué des souffrances et de détresse émotionnelle causées à la victime, de l'angoisse de proches parents et des changements non matériels des conditions de vie de la victime et de sa famille.
62. Dans son arrêt sur le fond, la Cour a conclu à la violation du droit des requérants d’être jugés dans un délai raisonnable, eu égard à la prolongation anormale des procédures.“ Comme la Cour l'a rappelé plus haut, le retard en l'espèce est de trente (30) mois et quatorze (14) jours et non pas huit (8) ans comme l’affirment les requérants. L'évaluation du montant des compensations sera donc basée sur une période de trente (30) mois et quatorze (14) jours.
63. Dans le même ordre d’idées, la norme établie dans l'affaire Af et invoquée par les requérants ne s'applique pas à leur cas, en raison de la nature des infractions qui leur étaient reprochées. En outre, dans l'arrêt sur le fond en l'espèce, la Cour estarrivée à la conclusion que les violations constatées n'avaient pas fondamentalement influencé l'issue de la procédure. Compte tenu de ces considérations, et rappelant que les requérants ont obtenu certaines formes de réparation dans le cadre de l'examen de l'affaire sur le fond devant la Cour de céans, le principe de proportionnalité commande que le montant des réparations pour préjudice moral ne soit pas calculé de la même manière que dans
13 Voir Cx By Cb Aw c. République-Unie de Tanzanie (réparations), para 34.
14 Voir Xk Bf et autres c. Tanzanie (fond), para 155.
Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RICA 322 337
64. S'agissant en particulier des requérants qui ont été déclarés coupables, la Cour fait observer que jusqu’au 20 août 2018, date à laquelle les requérants ont répondu aux observations de l'État défendeur sur les réparations, rien n'indiquait que celui-ci avait pris des mesures «dans un délai raisonnable pour diligenter et finaliser» l'examen des affaires pendantes devant les juridictions nationales, comme la Cour l'avait ordonné dans son arrêt sur le fond.!* Considérant la période qui s’est écoulée et qui n’était déjà pas raisonnable au moment où elle a rendu l'arrêt sur le fond, la Cour estime que le caractère non raisonnable de ce délai a été aggravé parle fait que plus de deux ans plus tard, cette procédure n'était toujours pas clôturée. || s'ensuit dès lors que même si tous les requérants ont subi le retard initial avant le début de la procédure, ceux dont les procédures sont toujours en cours ont subi un préjudice supplémentaire.
65. Cela étant, la Cour considère que les prétentions des requérants sont excessives. Mais par souci d'équité et compte tenu des circonstances évoquées ci-dessus, elle octroie trois mille (3 000) dollars américains aux requérants acquittés, y compris aux ayants-droit des requérants décédés ; et quatre mille (4 000) dollars américains aux requérants qui ont été déclarés coupables et qui attendent toujours l'issue de leurs procédures en appel, compte tenu du préjudice supplémentaire subi.
66. En ce qui concerne les demandes formulées par les requérants déclarés coupables qui allèguent que, du fait de la longue peine de réclusion, ils ont souffert d'angoisse émotionnelle, de la perturbation de leur projet de vie ainsi que de la perte de leur statut social, la Cour note que ces préjudices sontla conséquence légale de leur déclaration de culpabilité et de leur condamnation. Comme elle l’a rappelé plus haut, la Cour estime que les violations constatées dans l'arrêt sur le fond n’ont fondamentalement influencé ni leur déclaration de culpabilité ni la peine prononcée. En outre, la Cour avait remédié aux violations constatées en ordonnant à l’État défendeur de fournir une assistance judiciaire aux requérants et de diligenter leurs procédures d’appel. Enfin, les autres demandes de réparation sont examinées dans le présent arrêt. Les réclamations connexes sont donc rejetées.
67. La Cour relève que dans l'arrêt sur le fond rendu dans la présente affaire, elle a ordonné qu’il soit fourni aux requérants qui avaient été condamnés une assistance judiciaire lors de la procédure
15 Ibid, para 193(x).
338 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
d'appel. Cependant, cette ordonnance ne concerne pas la violation qui découle de l'absence d'une assistance juridique lors du procès, comme l’a établi la Cour de céans. Cette violation a causé un préjudice non-pécuniaire aux requérants concernés qui dès lors demandent réparation. La Cour octroie donc à chacun des requérants qui ont été déclarés coupables la somme de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens.
b. Préjudice subi par les victimes indirectes
68. Les requérants demandentà la Cour d'octroyer une réparation aux victimes indirectes pour les souffrances émotionnelles endurées du fait de la violation et du préjudice subi par les requérants.!° Se fondant sur l’arrêt dans l'affaire An Xp," les requérants demandent à la Cour d'octroyer aux victimes indirectes les montants suivants, calculés au prorata :
ii Deux cent quatre- vingt-huit mille huit cent quatre- vingt- dix-neuf (288 899) dollars américains pour chacune des épouses des requérants acquittés ;
ii. Trois cent soixante-trois mille huit cent quatre-vingt-neuf (363 889) dollars américains pour chacune des épouses des requérants déclarés coupables ;
iii. Cent quarante-cinq mille cinq cent cinquante-six (145 556) dollars américains à chacun des enfants des requérants qui ontété déclarés coupables et cent quinze mille cinq cent cinquante-six (115 556) dollars des États-Unis à chacun des enfants des requérants qui ont été acquittés ;
iv. Cent quarante-cinq mille cinq cent cinquante-six (145 556) dollars américains à chacun des frères et sœurs des personnes qui ont été déclarées coupables, et cent quinze mille cinq cent cinquante- six (115 556) dollars américains à chacun des frères et sœurs des personnes acquittées ;
v. Cent quarante-cinq mille cinq cent cinquante-six (145 556) dollars américains à chacun des parents des requérants qui ontété déclarés coupables et cent quinze mille cinq cent cinquante-six (115 556) dollars américains à chacun des parents des requérants acquittés. 69. L'État défendeur s'oppose catégoriquement aux demandes formées par les requérants, dépourvues de tout fondement. Selon lui, la qualité de victime n'est pas établie et que rien ne
16 La liste des victimes indirectes qui figure au paragraphe 71 du présent arrêt est celle résultant de l'évaluation de la Cour de céans, après examen de la liste des victimes indirectes produite par les requérants.
17 An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), para 111 (ii).
Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RICA 322 339
justifie l’octroi d’une réparation aux personnes mentionnées.
70. La Cour tient à rappeler que les parents des victimes d'une violation des droits de l'homme ont droit à une compensation pour le préjudice moral subi du fait des souffrances et de l'angoisse indirectes. Comme la Cour l’a fait observer dans l'affaire Zongo, « il apparaît en tout cas que la question de savoir si une personne donnée peut être considérée comme un des parents les plus proches ayant droit à la réparation est à déterminer au cas par cas, en fonction des circonstances particulières de chaque
71. Compte tenu du contexte et des circonstances de l'espèce, il ne fait aucun doute que les proches parents des requérants ont moralement souffert de la violation constatée dans l’arrêt sur le fond qui est imputable à l'État défendeur. En l'absence d'arguments contraires et vu les circonstances de l'espèce, la Cour estime que seuls les parents proches qui ont le plus souffert de cette situation, notamment les conjoints, les enfants, les pères et mères des requérants, ont droit à une compensation. En l'espèce, il s'agit donc des personnes qui peuvent revendiquer la qualité de victimes sous réserve de la présentation de preuves. En ce qui concerne les conjoints, il s'agit de l'acte de mariage ou de toute autre preuve équivalente ; pour les enfants, ils n'auront besoin de produire que leurs actes de naissance ou tout autre document équivalent attestant de leur filiation. Pour ce qui est des pères et des mères, ils sont tenus de produire uniquement une attestation de paternité ou de maternité ainsi qu'un acte de naissance ou toute autre preuve équivalente.!°
72. La Cour note qu'en l'espèce les requérants ont produit les éléments de preuve requis. Sur cette base, les personnes suivantes sont considérées comme victimes et ont donc droit à une réparation pour le préjudice moral subi :
i. Pour les personnes à charge de Bj Cv Ax: ses enfants Cy Bs'a Mbanya et Ak Ca Cv et sa mère Xs Br.
18 An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), para 49.
19 Voir An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), para 54.
340 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
il. Pour les personnes à charge de Cu Aq Yc: son épouse ane Xq Ad, ses enfants Eric Yc Aq, Cs Cw Aq et Bn Ad Aq X mère Cw Yc Cl. iii. Pour les personnes à charge de Ai Au Yc: son épouse Ab Cw Xj, ses enfants Bp AH Au, Bu Waceke Gikura et sa mère Bp AH Yc.
iv. Pour les personnes à charge de Xm Cm Yc: son épouse Bk Xb Cm et son fils Al Yc.
v. Pour les ayants droit de Az Cz Be: son épouse Cc Cz Be, ses enfants Xa AH Be et J ohn Ci Cz, son père J ohn Ci Cz et sa mère Xa AH Cz.
vi. Pour les personnes à charge de Aj Xk Bf: son épouse Bd Muthoni Wanjiku, sa fille Bt Atieno Onyango et sa mère Cc Bl Bf.
vii. Pour les personnes à charge de | immy Xz Xj: son épouse Ae Xb et ses enfants Cy At Xz, Bv Xo Xz et Bo Ba Xz.
viii. Pour les personnes à charge de Xu Bz Xx: son épouse Xg Br Bc, ses enfants J oe Ac Br, Al Xx, Marc Ribai et sa mère Av Cn.
ix. Pour les personnes à charge de Ag Yb Cz: son épouse Xi Cw Cm, ses enfants Xa AH Yb et Xl Ci Cz Yb, son père Bh Ci Cz et sa mère Xa AH Cz.
x. Pour les personnes à charge de Az Cp'u Aa : son épouse Cq Ah Ch et ses enfants Rose Cw Cp'u et Xh Xy Cp'u.
73. La Cour estime que le montant à allouer aux victimes indirectes, à titre de réparation, doit être proportionnel au préjudice subi par les victimes directes. Elle considère dès lors que les montants demandés par les requérants pour les victimes indirectes sont exagérés.
74. Compte tenu de ce qui précède, la Cour note que les requérants et les ayants droit n’allèguent pas un niveau différencié de préjudice. Par souci d'équité, la Cour octroie les réparations ci-après :
i. mille (1 000) dollars américains à chacune des épouses ;
ii. huit cents (800) dollars américains à chacun des enfants ; et
iii. cinq cents (500) dollars américains à chacun des pères et mères.
Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RJCA 322 341
Réparations non-pécuniaires
Remise en liberté des requérants
75. Les requérants demandent à la Cour « d'ordonner le rétablissement dans leurs droits des requérants en détention, c'est-à-dire leur remise en liberté, étant donné que la peine qu'ils purgent actuellement est contraire à la loi ».
76. L'État défendeur soutient que la demande de libération des requérants est vexatoire et frivole, leurs procès étant toujours en cours. En outre, ils ont fait appel devant la Cour d'appel qui décidera s'il y a lieu de les libérer ou non.
77. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle une mesure comme la remise en liberté d’un requérant ne peut être ordonnée que dans des circonstances exceptionnelles ou impérieuses.?’ Ces circonstances doivent être examinées au cas par cas, en tenant compte principalement de la proportionnalité entre la mesure de réparation demandée et la gravité de la violation constatée.”! Cette position est bien illustrée dans l'affaire Xr Xf Bx c. République-Unie de Tanzanie, dans laquelle la Cour de céans a établi qu'une ordonnance de libération serait justifiée lorsque par exemple la condamnation repose entièrement sur des considérations arbitraires et que l'emprisonnement résulterait en un déni de justice.
78. Comme l'a déjà conclu la Cour, les violations constatées dans l'arrêt sur le fond n'ont eu aucune incidence fondamentale sur
20 Voir par exemple, Cg Ce c. Tanzanie, (fond et réparations), para 164 ; et Reguête No. 005/2013. Arrêt du 20 novembre 2015 (fond), Alex Am c. République-Unie de Tanzanie, (ci-après désigné « Alex Am c. Tanzanie (fond) »), para 157.
21 Voir Cg Ce c. Tanzanie, (fond et réparations), idem ; Requête No 016/2016. Arrêt du 21 septembre 2018, Cf Ck c. République-Unie de Tanzanie, fond et réparations), para 101 ; Requête No. 27/2015. Arrêt du 21 septembre 018, Ap Ar c. République-Unie de Tanzanie, (fond et réparations), para 82.
22 Voir Requête No. 006/2016. Arrêt du 07 décembre 2018 (fond et réparations), Xr Xf Bx c. République-Unie de Tanzanie, paras 84-86. Voir aussi 342 et RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
l'issue de la procédure en cours devantles juridictions nationales. En outre, la Cour a estimé que la déclaration de culpabilité des requérants toujours en détention, et la peine qui leur a été imposée étaient conformes à la loi et que des réparations leur ont été octroyées dans le présent arrêt pour le retard accusé dans la procédure. À la lumière de ce qui précède, la demande n'est pas justifiée et est rejetée.
ii. Garantie de non-répétition des violations et rapport de mise en œuvre
79. Les requérants demandent la Cour d'ordonner à l'État défendeur de garantir la non-répétition des violations dontils ont été victimes d'en faire rapport à la Cour tous les six (6) mois jusqu'à la mise en œuvre complète des mesures de réparation ordonnées par la Cour.
80. L'Étatdéfendeur soutient que cette demande etcelle qui concerne le rapport à la Cour doivent être rejetées car elles avaient déjà été examinées dans l'arrêt sur le fond.
81. La Cour considère, comme elle l’a déjà relevé dans l'affaire Cg Ce c. Tanzanie, que si les garanties de non-répétition sont généralement ordonnées afin d’éradiquer les violations structurelles etsystémiques” des droits de l'homme, elles peuvent également s'avérer pertinentes dans des cas individuels, lorsqu'il est établi que la violation ne cessera pas ou est susceptible de
Cf Ck c. Tanzanie (fond et réparations), para 101; Ap Ar c. Tanzanie (fond et réparations), para 82.
23 Cg Ce c. Tanzanie (fond et réparations), para 191. Voir aussi An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), paras 103-106 ; Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, Observation générale No. 4 sur la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : Le droit à réparation des victimes de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Article 5), para 10 (2017). Voir aussi l'affaire dite des « enfants de la rue » Villagran-Morales et Autres c. Guatemala, Cour interaméricaine des droits de l'homme, Arrêt sur les réparations et les dépens (26 mai 2001).
Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RICA 322 343
82. La Cour fait observer, comme elle l'a rappelé précédemment, que les violations constatées dans l'arrêt sur le fond n'ont pas fondamentalement influencé l'issue de la procédure devant les juridictions nationales en ce qui concerne les requérants qui ont été déclarés coupables. Pour ce qui est des requérants remis en liberté, la Cour conclut que le risque de répétition des violations est inexistant. Compte tenu du fait que les violations ont pris fin et que les requérants ont été dûment indemnisés, la Cour n’estime pas nécessaire de prononcer la non répétition.” La demande est donc rejetée.
83. S'agissant de la demande d'ordonner à l'État défendeur à faire rapport sur exécution du présent arrêt, la Cour est d>avis qu'une telle ordonnance est inhérente à ses arrêts lorsqu'elle ordonne à l'État défendeur ou à toute autre partie de mener une action spécifique.
iii. Publication de la décision
84. Les requérants demandentà la Cour d’enjoindre à bÉtat défendeur de publier l'arrêt sur le fond au Journal officiel, en anglais et en Swahili, à titre de mesure de satisfaction.
85. L'État défendeur soutient que la Cour devrait rejeter cette demande, étant donné que l'arrêt sur le fond de la requête est déjà largement disponible sur le site internet de la Cour de céans.
86. La Cour estime que même si un arrêt peut constituer en soi une forme suffisante de réparation de préjudice moral, d’autres mesures, y compris la publication de la décision, peuvent être ordonnées, si les circonstances l'exigent.° Une mesure telle que la publication s'appliquerait, par exemple, en cas de violations graves ou systémiques affectant le système interne de
24 Cg Ce c. Tanzanie (fond et réparations) para 191 ; et R évérend By Cb Aw c. Tanzanie (réparations), para 43.
25 Voir Cg Ce c. Tanzanie (fond et réparations), paras 191 et 192.
26 Ibid, para 194 et Cx By Cb Aw c. Tanzanie (réparations), para 45.
344 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
l’État défendeur; lorsque l’État défendeur n’a pas exécuté une précédente ordonnance de la Cour de céans relative à la même affaire; ou lorsqu'il est nécessaire de sensibiliser davantage le public sur les conclusions de l’affaire.?”
87. Enl'espèce, la Cour relève que, plus de deux (2) ans après l'avoir ordonné dans son arrêt sur le fond, l'État défendeur n'a toujours pas achevé la procédure pendante concernant les requérants déclarés coupables. Compte tenu de ce fait, la Cour estime que la publication de l’arrêt est justifiée. La Cour ordonne donc que le présent arrêt et l'arrêt sur le fond soient publiés sur les sites Internet du pouvoir judiciaire et du ministère des Affaires constitutionnelles et juridiques, et y restent accessibles un (1) an au moins après la date de publication.
VI. Sur les frais de procédure
88. Aux termes de l'article 30 du Règlement, « à moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
89. La Cour rappelle, comme elle l'a souligné dans ses arrêts précédents, que la réparation peut inclure le paiement des honoraires d'avocat et autres frais engagés dans le cadre d'une procédure internationale.’ Le requérant doit fournir les justificatifs des montants réclamés.?
A. Frais de procédure devant la Cour de céans
90. Les requérants demandent à la Cour d'octroyer les montants suivants à titre de compensation pour les frais de justice engagés devantelle :
i. Honoraires du Secrétariat de l'UPA : huit cent (800) heures de prestations juridiques. Six cent (600) heures pour les assistants à raison de cent cinquante (150) dollars américains l'heure, soit quatre-vingt-dix mille (90 000) dollars. Deux cent (200) heures pour le conseil principal à raison de deux cent (200) dollars américains l'heure, soit quarante mille (40 000 dollars américains, pour un montant total de cent trente mille (130 000 ) dollars américains.
27 Cg Ce c. Tanzanie (fond et réparations), para 191. Voir aussi Cx By Cb Aw c. Tanzanie (réparations), para 45 ; An Xp et Autres c. Ao Xc (réparations), paras 103-106.
28 Voir An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), para 79-93 ; et Cx By Cb Aw c. Tanzanie (réparations), para 39.
29 An Xp et autres c. Ao Xc (réparations), para 81 et Cx By Cb Aw c. Tanzanie (réparations), para 40.
Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RICA 322 345
ii. Paiement en faveur d'Arnold Laisser : trois cent (300) dollars américains.
ii. Frais de facilitation en faveur de Ck Bi : quatre cent un (401) dollars américains.
iv. Frais de facilitation en faveur de Ay Co A huit-cents vingt- cinq (825) dollars américains.
v. Frais de facilitation en faveur de Xe Ya : cinq cent cinquante- deux (552) dollars américains.
91. L'État défendeur soutient que la demande des requérants à l'effet du remboursement des honoraires d’avocat payés pour les procédures devant la Cour de céans doit être rejetée car elle n’est étayée par aucune preuve. L>Etat défendeur considère que les heures de travail alléguées ne sont pas justifiées et que les montants sontexcessifs. De plus, la participation d'Arnold Laisser, Ck Bi, Ay Co et Xe Ya à la procédure n'est pas expliquée. L'État défendeur soutient également que la demande doit être rejetée, étant donné que la Cour de céans a fourni aux requérants une assistance judiciaire et compte tenu de la divergence entre les sommes demandées dans la requête et les montants mentionnés ultérieurement par les requérants.
92. La Cour relève que le requérant était dûment représenté par l'UPA tout au long de la procédure devant elle, dans le cadre du Programme d'assistance judiciaire de la Cour. La Cour fait observer par ailleurs que les services fournis dans le cadre de ce programme sont gratuits. En conséquence, cette demande est
30 Voir Politique d'assistance judiciaire de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples pour la période 2013-2014, Politique d'assistance judiciaire de la Cour pour la période 2015-2016 et Politique d'assistance judiciaire à compter de 2017.
346 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
rejetée.
B. Autres dépenses relatives à la procédure devant la Cour de céans
93. Dans leur mémoire conjoint, les requérants demandent à la Cour d'ordonner le remboursement des frais de transport et de logement engagés dans le cadre de la procédure devant elle.
94. L'État défendeur soutient que cette demande doit être rejetée, étant donné que la Cour de céans a fourni une assistance judiciaire aux requérants. || affirme également que les demandes relatives aux autres coûts sont le fait d’une réflexion après coup, puisqu'elles n’ont pas été formulées dans la requête.
95. La Cour fait observer que dans la procédure devant elle les requérants étaient représentés par l'UPA dans le cadre du Programme d'assistance judiciaire. L'argument avancé pour réclamer une compensation à titre de frais d'avocat devant la Cour de céans ne peut donc pas s'appliquer en l'espèce. La demande est rejetée en conséquence.
96. À la lumière de ce qui précède, la Cour décide que chaque partie supporte ses frais de procédure.
VII. Dispositif
97. Par ces motifs :
La Cour,
À l'unanimité :
Sur les réparations pécuniaires
Sur le préjudice matériel
ii Rejette la demande au titre du préjudice matériel formulée par : a. Ai Au Yc ;
C Bj Cv Ax ;
c. Cc Cd Be, épouse du requérant Az Cz Be (décédé) ; et
d. Bk Xb Cm, épouse du requérant Xm Cm Yc (décédé).
il Accorde des dommages-intérêts et compensations comme suit :
Bf et autres c. Tanzanie (réparations) 3 RJCA 322 347
a. Deux mille (2000) dollars américains à Cu Aq Yc pour perte de revenu ;
b. Deux cent cinquante (250) dollars américains à Ai Au Yc pour frais médicaux ;
c. Un million huit-cent mille (1 800 000) shillings tanzaniens à Cu Aq Yc pour les frais de justice engagés devant les juridictions nationales ;
d. Cinquante mille (50 000) shillings tanzaniens à Bj Cv Ax pour les frais de justice engagés devant les juridictions nationales ;
e. Deux millions (2 000 000) de shillings tanzaniens à Ai Au Yc pour les frais de justice engagés devant les juridictions nationales.
Sur le préjudice moral
ii. Rejette la demande des requérants qui ont été déclarés coupables, relative à la longue période d'emprisonnement, à l'angoisse émotionnelle subie durant le procès et tout au long de la période d'emprisonnement, du fait de la perturbation de leurs projets de vie et la perte de leur statut social ;
iv. Accorde les compensations comme suit, au titre du préjudice moral :
a. Trois mille (3 000) dollars américains à chacun des requérants qui ontété acquittés, à savoir Bj Cv Ax, Cu Aq Yc, et Ai Au Yc, et à chacun des représentants des ayants-droit des requérants décédés Xm Cm Yc et Az Be Cz, à savoir Bk Xb Cm et Cc Cd Be ;
b. Quatre mille (4 000) dollars américains au titre de préjudice moral à chacun des requérants qui ont été déclarés coupables, à savoir Aj Xk Bf, J immy Xz Xj, Xu Ct Xx, Ag Yb Cz et Az CpAGu Aa ; c. Mille (1 000) dollars américains à chacune des épouses, à savoir J ane Xq Ad, Ab Cw Xj, Bk Xb Cm, Cc Cz Be, Bd Cj Cw, Ae Xb, Xg Br Bc, Xi Cw Cm, et Cq Ah Ch ;
d. Huit cents (800) dollars américains à chacun des enfants à savoir Brian Ng’ang’a Mbanya, Ak Ca Cv, Eric Yc Aq; Cs Cw Aq, Bn Ad Aq, Bp AH Au, Bu Bb Au, Al Yc, Xa AH Be, J ohn Ci Cz, Bt Bl Xk, Cy At Xz, Bv Xo Xz, Bo Ba Xz, Joe Ac Br, Al Xx, Ab Bq, Xa AH Yb, Xl Ci Cz Yb, Rose Cw Cp'u et Xh Xy Cp'u ;et 348 et RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
e. Cinq cents (500) dollars américains à chacun ou chacune des pères et mères, à savoir Xs Br, Cw Yc Cl, Bp AH Yc, J ohn Ci Cz, Xa AH Cz, Cc Bl Bf, Av Cn, Bh Ci Cz et Xa AH Cz ;
f. Trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens à chacun des requérants au titre de préjudice moral, pour n'avoir pas bénéficié de l'assistance judiciaire pendant la procédure devant les juridictions nationales ;
v. Ordonne à l'État défendeur de payer les montants indiqués aux sous-paragraphes (ii) et (iv), en franchise d'impôts, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, faute de quoi il paiera des intérêts moratoires calculés sur la base du taux en vigueur de la Banque centrale de la République- Unie de Tanzanie pendant toute la période de retard de paiement jusqu'au paiement intégral des sommes dues.
Sur les réparations non pécuniaires
vi. Rejette la demande de remise en liberté des requérants ;
vi. Rejette la demande de garanties de non-répétition des violations ; vi. Ordonne à bÉtat défendeur de publier le présent arrêt sur les réparations ainsi que l'arrêt sur le fond du 18 mars 2016, dans un délai de trois (3) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sur les sites Internet du pouvoir judiciaire et du ministère des Affaires constitutionnelles et juridiques, et de veiller à ce qu'ils y restent accessibles pendant au moins un (1) an après la date de la publication ;
Sur l'exécution et le rapport de mise en œuvre
ix. Ordonne à bÉtat défendeur de lui soumettre, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, un rapport sur les mesures prises pour mettre en œuvre le présent arrêt et, par la suite, tous les six (6) mois, jusqu'à ce que la Cour considère qu'elles ont été entièrement exécutées.
Sur les frais de procédure
x. Rejette la demande relative aux frais de procédure et autres frais encourus devant la Cour de céans ;
xi. Décide que chaque partie supporte ses frais de procédure.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 006/2013
Date de la décision : 04/07/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
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