552 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE
Charles et autres c. Côte d'Ivoire (jonction
(2019) 3 RICA 552 VOL 3 (2019)
d’instances) Requête 028/2019, Fea Charles et autres c. République de Côte d'Ivoire
Ordonnance du 26 septembre 2019. Fait en anglais et en français, le
texte français faisant foi.
Juges B C, BEN ACHOUR, MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA,
CHIZUMILA, BENSAOULA, TCHIKAYA, ANUKAM et ABOUD
S’est récusé en application de l’article 22 : ORÉ
Les demandeurs avaient tous été condamnés à 20 ans d’emprisonnement
pour vol qualifié. Devant la Cour, ils étaient représentés par le même
avocat et avaient présenté les mêmes allégations concernant des
violations de la Charte. La Cour a décidé de joindre les requêtes.
Procédure (jonction d’instances, 9)
Opinion individuelle : BENSAOULA
Procédure (jonction, 3)
Vu la requête datée du 28 juin 2019, reçue au greffe de la Cour le 22 juillet 2019, introduite par M. Aa Ai Aci-après dénommé le « requérant ») contre la République de Côte d’Ivoire (ci-après dénommée « l'État défendeur ») ;
Vu la requête datée du 28 juin 2019, reçue au greffe de la Cour le 22 juillet 2019, introduite par M. Ag Ad Aci-après dénommé « le requérant ») contre la République de Côte d'Ivoire (ci-après désignée « État défendeur ») ;
Vu la requête datée du 28 juin 2019, reçue au Greffe de la Cour le 22 juillet 2019, introduite par M. Af Ab Aj Aci-après dénommé « requérant ») contre la République de Côte d’Ivoire ; Vu la requête datée du 28 juin 2019, reçue au Greffe de la Cour le 22 juillet 2019, introduite par M. Ac Ae Ah Aci-après dénommé « requérant ») contre la République de Côte d'Ivoire (ci-après désignée « État défendeur ») ;
Vu l’article 54 du Règlement intérieur de la Cour qui dispose : « A toute phase de la procédure, la Cour peut, d’office ou à la requête de l'une des parties, ordonner la jonction des instances connexes lorsqu'une telle mesure est appropriée en fait et en droit » ;
Considérant que même si les requérants sont différents comme indiqué plus haut, ils sont représentés par le même conseil et les requêtes visent toutes le même État défendeur, à savoir la Charles et autres c. Côte d’Ivoire (jonction d’instances) (2019) 3 RICA 552 553
République de Côte d'Ivoire ;
Considérant que les faits à l’appui des requêtes sont similaires, dans la mesure où ils découlent du procès des requérants et de leur condamnation à vingt (20) ans d'emprisonnement par le Tribunal de première instance de Yopougon pour vol qualifié sans être représentés par un conseil ; et que le jugement a été confirmé par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Considérant que dans les quatre instances, les requérants allèguent que l’État défendeur a violé leurs droits à un procès équitable, à l'égalité et à la dignité tels qu’ils sont inscrits dans la Charte africaine, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et que les mesures demandées sont de même nature ; Considérant en conséquence que les faits à l'appui des requêtes, les violations alléguées et les mesures demandées sont similaires et que lesdites requêtes sont portées contre le même État défendeur ;
10 Compte tenu de ce qui précède, la jonction desdites requêtes est appropriée en fait et en droit, et est justifiée par la nécessité d’une bonne administration de la justice, conformément à l’article 54 du Règlement intérieur de la Cour.
41. Par ces motifs,
La Cour,
À l’unanimité :
1 La jonction des instances et des procédures dans les requêtes introduites par les requérants contre l’État défendeur ;
Il Que l'affaire soit dorénavant intitulée « Jonction des instances des requêtes Nos 028/2019, 030/2019, 031/2019 et 033/2019 - Fea Charles et autres c. République de Côte d’Ivoire » ;
iii. Que suite à la jonction des requêtes, la présente ordonnance ainsi que les pièces de procédure relatives à ces affaires soient notifiées à toutes les parties.
554 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
Opinion individuelle : BENSAOULA
1. Je partage l'opinion de la majorité des juges quant à la compétence de la Cour et la jonction des instances et procédures en ce qui concerne les requêtes introduites par les requérants contre l’état défendeur.
2. En revanche je pense que la manière dont la Cour a traité la jonction va à l’encontre de la notion même de jonction
3. Eneeffet l’article 54 du règlement intérieur de la Cour dispose «qu’a toute phase de la procédure la Cour peut d’office ou à la requête de l’une des parties ordonner la jonction des instances connexes lorsqu’ une telle mesure est appropriée en fait et en droit»
4. Le règlement ne dit rien sur ce qu'il faut entendre par jonction d'instances ni la procédure à suivre pour cette jonction.
5. Il ressort du dossier que les quatre requérants cités plus haut ont saisi la Cour par des requêtes distinctes datées du 28 juin 2019 enregistrées au rôle sous des numéros différents.
6. Que ces quatre requérants ont été condamnés par le même Tribunal de première instance à 20 ans d’emprisonnement peine confirmée après appel.
7. Que ces requérants ont tous des revendications envers la République de Côte d'Ivoire.
8. Que donc en fait et en droit la mesure de jonction est appropriée dans le cas d'espèce.
9. Cependant si la cour a dans son arrêt (page de garde et faits) fait la distinction entre chaque requête quant au fond et en visant le numéro de chaque requête elle a reproduit ces quatre numéros dans le dispositif en insistant sur le fait «Que l'affaire soit dorénavant intitulée «Jonction des instances des requêtes nos 028/2019, 030/2019, 031/2019 et 033/2019 - Fea Charles et autres c. /République de Côte d’Ivoire».
Ce qui à mon sens est erroné et ce pour les raisons suivantes :
10. Pour le Dictionnaire de droit international, la décision de jonction est une «décision par laquelle une juridiction regroupe deux ou plusieurs instances introduites séparément ».
11. En d’autres termes la finalité de la jonction nous mène à conclure que lorsqu’il y a jonction d’instances, l'affaire qui est jointe s’intègre dans l'affaire principale étant donné qu’il y a connexité. Comme l'accessoire s'intègre au principal pour en faire une seule procédure alors, on garde le numéro du principal qui est|a première affaire dans le dispositif. Le motif peut comporter les différents numéros d’affaires selon le rôle pour les besoins d'explications de leur existence et les raisons de la jonction. Mais au dispositif, on n’est plus obligé de reporter les différents numéros d’affaires.
Charles et autres c. Côte d’Ivoire (jonction d’instances) (2019) 3 RICA 552 555
Seul le numéro de la première affaire est valable.
12. Joindre des affaires connexes a pour but d’en faire qu’une seule et de traiter toutes les demandes comme si elles ne constituaient qu’une ; donc que l'affaire après avoir été un ensemble de requêtes portant différents numéros devient une affaire portant un seul numéro conformément au principe de bonne administration de la justice.
13. Malheureusement devant le silence des textes et règlements intérieurs des différentes juridictions internationales des droits de l’homme, ces juridictions bien qu’elles prononcent, dans leurs dispositifs la jonction, gardent le silence quant aux différents détails qui lui sont liés.
14. Pour toutes ces raisons je pense que le dispositif de l’ordonnance de jonction est erroné sur deux points:
Dire que « Que l'affaire soit dorénavant intitulée « Jonction des instances des requêtes … » n’a pas de sens pour la simple raison que la décision de jonction est une ordonnance qui ne tranche pas au fond et qui sera jointe à la procédure pour une bonne administration de la justice donc qui ne changera en rien l’intitulé de l'affaire qui demeurera «les requérants contre la République de Côte d'Ivoire ».
15. Et qu’énuméré tous les numéros de toutes les requêtes jointes « Nos 028/2019, 030/2019, 031/2019 et 033/2019 - Fea Charles et autres c. République de Côte d'Ivoire » n’a plus de sens après la décision de jonction car pour une bonne administration de la justice la Cour a décidé que pour le fond de l'affaire elle décidera par un seul arrêt et qu’il est contre cette bonne administration de la justice que de joindre des affaires et de garder tous les numéros des affaires jointes.
16. Il aurait été plus logique de nommer l'affaire par le numéro de la première requête à laquelle les autres ont été jointes; les parties nommées comme requérants contre l'Etat défendeur.