ACHPR v Af (révision) (2019) 3 AfCLR 439 439
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
c. Af (révision) (2019) 3 RJ CA 439
Requête en révision de l'arrêt du 4 juillet 2019 déposée par Ao
Ai Al et 119 autres, affaire Commission africaine des droits
de l'homme et des peuples c. République du Af, Requête 006/2012
Ordonnance du 11 novembre 2019. Fait en anglais et en français, le
texte anglais faisant foi
uges BEN ACHOUR, MATUSSE MUKAMULISA, MENGUE
CHIZUMILA, BENSAOULA, ANUKAM et ABOUD
S'est récusé conformément à l’article 22 du Protocole : KIOKO
Dans une décision sur le fond, la Cour a jugé que le Af avait violé
la Charte à l'égard de la communauté Ogiek. La demande d'intervention
des requérants dans la procédure de réparation avait été déclarée
irecevable par la Cour. Dans cette requête, la Cour a rejeté la demande
de révision de l'ordonnance d'irrecevabilité car il n'y avait été présenté
aucune preuve nouvelle.
Révision (preuves nouvelles, 15)
Résumé du contexte
Le 26 mai 2017, la Cour a rendu son arrêt sur le fond dans une requête déposée par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée « la Commission ») dirigée contre la République du Af (ci-après désigné « l'Etat défendeur »). Dans son arrêt, la Cour a conclu que l'Étatdéfendeur avait violé les articles 1, 2, 8, 14, 17(2) et (3), 21 et 22 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte »), dans ses relations avec la communauté Ogiek de la grande forêt de Mau
La Cour a réservé sa décision en ce qui concerne les réparations et a demandé aux parties de déposer leurs conclusions. Les parties ont déposé leurs conclusions sur les réparations et les plaidoiries ont été closes le 20 septembre 2018
Le 16 avril 2019, la Cour a reçu deux nouvelles requêtes la première, déposée par Ao Ai Al et 119 autres résidant à An, Ambusket et Cheptuech, sur le territoire de l'Etat défendeur et la deuxième, déposée par Ak Ad Am et 1300 autres, résidant à Sigotik, Nessuit, Ae Aj et Ac, localités situées également sur le territoire 440
Il
A.
B.
AFRICAN COURT LAW REPORT VOLUME 3 (2019)
de l’État défendeur.
Le 4 juillet 2019, la Cour a rendu une ordonnance, par laquelle elle a déclaré les deux requêtes irrecevables.
Objet de la requête
Faits de la cause
Le 29 août 2019, Ao Ai Al et 119 autres (ci-après « les requérants ») ont déposé une demande en révision de l'ordonnance rendue par la Cour le 4 juillet 2019.
Les requérants invoquent deux moyens à lappui de leur demande. D'abord, que « l'honorable Cour a commis une erreur de droit et de fait, pour avoir rejeté la demande des requérants, au motif que celle-ci avait été déposée hors délai ». Ensuite, que « l'honorable Cour a commis une erreur de droit et de fait en se laissant guider par des détails de procédure et en concluant que ni le Protocole, ni le Règlement ne prévoit de mécanisme permettant à un tiers, qui n'est pas un État partie, d'intervenir dans une procédure en
Mesures demandées par les requérants
Les requérants demandent à la Cour d'ordonner les mesures ci-après:
« 1. Qu'il plaise à l'honorable Cour de réviser ou d'annuler sa décision du 4 juillet 2019.
2 Qu'il plaise à l'honorable Cour d'autoriser les requérants à intervenir en l'espèce, en qualité de parties intéressées.
Qu'il plaise à l'honorable Cour d'ordonner toute autre mesure qu'elle estime juste et appropriée pour une bonne administration de la justice ».
Demande en révision de l’ordonnance de la Cour
La Cour relève que le pouvoir de réviser ses propres décisions découle de l'article 28 du Protocole et que ce pouvoir est énoncé avec davantage de détails à l'article 67 du Règlement.
La Cour rappelle que l'article 28(3) du Protocole est libellé comme
« Sans préjudice de l'alinéa 2 ci-dessus, la Cour peut réexaminer sa décision à la lumière de nouveaux éléments de preuve dans des conditions à déterminer dans le Règlement de procédure ».
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10. La Cour rappelle en outre que l'article 67 du Règlement, dans la mesure où il est d'application, est libellé comme suit :
« 1.En application de l’article 28(3) du Protocole, une partie peut demander à la Cour de réviser son arrêt, en cas de découverte de preuves dont la partie n'avait pas connaissance au moment où l'arrêt était rendu. Cette demande doit intervenir dans un délai de six (6) mois à partir du moment où la partie concernée a eu connaissance de la preuve découverte.
2. La requête mentionne l'arrêt dont la révision est demandée, contient les indications nécessaires pour établir la réunion des conditions prévues au paragraphe 1 du présent article et s'accompagne d’une copie de toute pièce à l'appui. Elle est déposée au greffe, avec ses annexes ».
11. La lecture combinée de l’article 28(3) du Protocole et de l’article 67 du Règlement confirme que dans une requête en révision, le requérant doit démontrer « la découverte d'éléments de preuve, dont il n'avait pas connaissance au moment où le jugement a été rendu ».* Il ressort tout aussi clairement de l’article 28(3) qu'une demande en révision ne doit pas être utilisée pour compromettre la finalité des arrêts rendus par la Cour, principe énoncé à l’article 28(2) du Protocole.
12. Comme la Cour l’a déjà affirmé, il incombe au requérant de démontrer dans sa requête, la découverte de nouveaux éléments de preuve dont il ignorait l'existence au moment où la Cour a rendu son jugement et le moment exact où il a eu connaissance de cette preuve.’ La demande de révision elle-même doit être déposée dans les six (6) mois suivant le moment où le requérant a obtenu cette preuve.
d’une déclaration assermentée, faite par Ao Ai Al, en apparence au nom de tous les requérants. La Cour fait également observer que la déclaration et les arguments des requérants s’articulent autour de deux moyens mentionnés au paragraphe 6 ci-dessus. La Cour rappelle que ceux-ci ont trait à l'erreur alléguée de la Cour en ce qui concerne sa conclusion sur
1 et Article 67(1) du Règlement etUrban Mkandawire c. République du Malawi (révision interprétation) (2014) RJ CA 299, para 12.
2 L'article 28(2) du Protocole est libellé comme suit : « L'arrêt de la Cour est pris à la majorité : il est définitif et ne peut faire l'objet d'appel ». Voir aussi Aa Ah c. Malawi, supra, para 14.
3 Requête No. 002/2018. Arrêt du 04 juillet 2019 (révision), Thobias Mang'ara
Chrysanthec. Mango 13 et Requête et Ag Ab A. 001/2018. Masegenya du Rwanda, Arrêt Mango du para 04 c. 14, République-Unie juillet 2019 (révision), de Tanzanie, Rutabingwa para 442 AFRICAN COURT LAW REPORT VOLUME 3 (2019)
le délai qui s'est écoulé avant le dépôt de la requête en révision ainsi que l'allégation des requérants selon laquelle la Cour avait commis une erreur en se « laissant gêner » par des détails techniques au moment de se prononcer sur la requête.
14. La Cour relève qu'au paragraphe 13 de la déclaration sous serment de Ao Ai Al, les requérants allèguent qu'ils apportent à la Cour des éléments de preuve démontrant que les trois parcelles qui font partie de l'Olenguruone ne relève pas du complexe forestier de Mau. Les documents suivants sont joints à cette déclaration comme éléments de preuve à l'appui de la requête : une carte du complexe forestier de Mau qui aurait été obtenue du Service des forêts du Af ; une lettre datée du 15 mars 2012 adressée au responsable des titres fonciers du district de Nakuru ; diverses lettres obtenues des Archives nationales du Af depuis 1941 ; ainsi qu’un article de recherche présenté à bUniversité de Nairobi en 2009.
15. Les éléments de preuve ci-dessus sont présentés par les requérants à lappui de leur requête en révision. Après avoir examiné de près lesdits éléments, la Cour fait observer que les requérants n'ont pas démontré que ces preuves n'étaient pas en leur possession au moment où la Cour avait rendu son ordonnance le 4 juillet 2019. Ils n'ont pas non plus démontré que leur requête en révision avait été déposée dans un délai de six mois après avoir pris connaissance de l'existence de ces éléments de preuve. La Cour relève qu'en réalité, les « nouvelles » preuves sont génériquement similaires aux éléments que les requérants avaient déposés devantla Cour dans leur demande d'intervention. Les conditions énoncées à l'article 67(1) du Règlement ne sont donc pas réunies.
16. La Cour relève également que les requérants interpellent la Cour sur le fait qu'elle aurait statué sur leur demande d'intervention sans les entendre. Les requérants affirment qu’il s'agit d’une violation de l'article 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. À cet égard, la Cour fait observer que l'article 27(1) du Règlement dispose que « [IJa procédure devant la Cour comporte une procédure écrite et, si nécessaire, une phase orale». À l'évidence, la Cour n’est pas obligée de tenir des audiences publiques pour chacune des requêtes dont elle est saisie. L'absence d’une telle audience ne signifie pas cependant que la cause de l'une des parties n'a pas été entendue. La Cour statue simplement sur une telle requête en se fondant sur les pièces de procédure versées au dossier. La Cour en conclut que ACHPR v Af (révision) (2019) 3 AfCLR 439 443
les arguments des requérants sur ce point sont sans fondement. 17. Pour les motifs exposés ci-dessus, la requête en révision est irrecevable et en conséquence, rejetée.
IV. Frais de procédure
18. La Cour rappelle qu'aux termes de l’article 30 du Règlement, « À moins que la Cour n'en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ». En l'espèce, la Cour décide que chaque partie supportera ses propres frais.
La Cour,
A l'unanimité :
i. Ditque les informations fournies par les requérants ne constituent pas de « nouvelles preuves » ;
ii. Dit que la demande en révision est rejetée.
Sur les frais de procédure
iii. Dit que chaque partie supporte ses propres frais.