XYZ c. Bénin (mesures provisoires) (2019) 3 RICA 777 777
XYZ c. Bénin (mesures provisoires) (2019) 3 RICA 777
Requête 058/2019, XYZ c. République du Bénin
Ordonnance du 2 décembre 2019. Fait en anglais et en français, le texte
français faisant foi
Juges ORE, KIOKO, BEN ACHOUR, MATUSSE, MENGUE
MUKAMULISA, CHIZUMILA, BENSAOULA, TCHIKAYA, ANUKAM et
ABOUD
Le requérant anonyme a affirmé que l'interdiction de délivrer des
documents juridiques à certaines personnes recherchées par la justice
de l’État défendeur violait la Charte. La Cour a rejeté la demande de prise
de mesures conservatoires, estimant que le requérant n’avait pas fourni
de preuves de l’urgence, de la gravité ou du préjudice irréparable.
Compétence (prima facie, 14-18)
Mesures provisoires (preuves, 23 ; en faveur de personnes non parties
à l’affaire, 23)
Les parties
Le 03 aout 2019, le requérant, (ci-après désigné XYZ) citoyen béninois ayant requis l’anonymat, a saisi la Cour d’une demande de mesures provisoires contre l'Etat béninois. Dans la même requête, il demande aussi à la Cour de se prononcer sur des questions de fond
Au cours de sa 53ème session ordinaire la Cour avait accordé la demande d’anonymat du requérant
La République du Bénin (ci-après dénommée « l’État défendeur ), est devenue partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte ») le 21 octobre 1986, au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désigné « le Protocole »), le 22 Aout 2014. L»Etat défendeur a également déposé, le 8 février 2016, la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole par laquelle il accepte la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes émanant des individus et des organisations non gouvernementales
Il Objet de la requête
Le requérant soutient que le 22 juillet 2019, l’État défendeur a pris le décret interministériel No. 023/MJL/DC/SGM/DACPG/ 778
IV.
RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 3 (2019)
SA/023SGG19 portant interdiction de délivrer des actes de l'autorité à certaines personnes recherchées par la justice de
Au terme dudit arrêté, il est interdit d'établir des documents légaux au profit et pour le compte des personnes « dont la comparution, l'audition ou l’interrogation est nécessaire pour le besoin d’une enquête de police judiciaire, d’une instance de jugement ou faisant l’objet d’une décision de condamnation exécutoire et qui ne défère pas à la convocation et à l’injonction de l'autorité ».
Selon le requérant, par actes d'autorité, il faut entendre les « extraits d’acte d'état civil, certificat de nationalité, la carte d'identité, passeport, laissez-passer, sauf-conduit, carte de séjour, carte consulaire, bulletin No. 3 du casier judiciaire, certificat ou attestation de résidence, certificat de vie et de charges, certificat ou attestation de possession d'état, permis de conduire, carte d’électeur, quitus fiscal. »
Le requérant soutient que l'arrêté vise les membres de l'opposition politique en exil bien connus tels que Ae Ab, des anciens ministres dont Af Ac et Aa Ag, des anciens députés et maires. La liste est publiée en ligne.
L'Etat défendeur n’a pas soumis de réponse à cette demande de mesures provisoires.
Les violations alléguées
Le requérant allègue que l'Etat défendeur a violé :
| l’article 4 de la Charte (droit à la vie, intégrité physique et morale);
H les articles 2 et 3 de la Charte (droit de jouissance des droits et libertés garanties par la Charte) ;
iii. l’article 5 de la Charte (droit au respect à la dignité inhérente à la personne humaine) ;
IV. l’article 7(1) de la Charte (droit à ce que sa cause soit entendue) ;
v les articles 12 et 13(1) de la Charte (droit de circuler librement) ;
vi les l’article 14 et 15 de la Charte (droit de propriété et droit de travailler) ;
vil. l’article 22 de la Charte (droit au développement économique) ;
viii. l’article 1 de la Charte ;
Résumé de la procédure devant la Cour
Le 03 août 2019, le requérant a soumis une requête demandant à la Cour d’ordonner des mesures provisoires et aussi de se XYZ c. Bénin (mesures provisoires) (2019) 3 RICA 777 779
prononcer sur le fond de l'affaire.
1. La demande de mesures provisoires a été signifiée à l’État défendeur le 15 août 2019 et un délai de quinze (15) jours lui a été accordé pour y répondre.
12. L'Etat défendeur n‘a pas répondu à cette demande.
Compétence
13. Lorsqu'elle est saisie d’une requête, la Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence, sur la base des articles 3, 5(3) et 34 (6) du Protocole.
14. Toutefois, s'agissant des mesures provisoires, la Cour n’a pas à s'assurer qu’elle a compétence sur le fond de l'affaire, mais simplement qu’elle a compétence prima facie.
15. Aux termes de l’article 5(3) du Protocole, « La Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées de statut d’observateur auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement devant elle, conformément à l’article 34(6) de ce Protocole ».
16. Comme mentionné au paragraphe 2 de la présente ordonnance, l’État défendeur est partie à la Charte, au Protocole et a également fait la déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes d’individus et des organisations non gouvernementales conformément à l’article 34(6) du Protocole lu conjointement avec l’article 5(3) du Protocole.
17. En l’espèce, les droits dont le requérant allègue la violation sont protégés par la Charte, le Protocole de la Communauté Economique de l'Afrique de | ‘Ouest (CEDEAO) sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité et la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance (CADEG) qui sont des instruments que la Cour est habilitée à interpréter et appliquer
Requête No. 002/2013 ; Ordonnance du 15 mars 2013 portant mesures provisoires, Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (ci-après « Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye, ordonnance portant mesures provisoires ») para 10 ; Requête No. 024/2016 ; Ordonnance du 03 juin 2016 portant mesures provisoires, Ah Ad c. République-Unie de Tanzanie (ci-après « Ah Ad c. République-Unie de Tanzanie, Ordonnance portant mesures provisoires »), para 8.
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en vertu de l'article 3(1) du Protocole.
18. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle a compétence prima facie pour connaitre de la requête.
VI. Mesures provisoires demandées
19. Le requérant demande à la Cour d’enjoindre à l’État défendeur : i. de prendre toutes mesures utiles pour surseoir à l’application de l’arrêté 2019 No. 023/ MJL/DC/SGM/DACPG/SA/023SGG19 portant interdiction de délivrance des actes de l'autorité aux personnes recherchées par la justice.
ii. de faire rapport à la Cour dans un délai qu’il plaira à la Cour de fixer.
20. La Cour relève que l’article 27 (2) du Protocole dispose comme suit:« Dans les cas d'extrême gravité etlorsqu'’il s'avère nécessaire d'éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour ordonne les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes ».
21. L'article 51(1) du Règlement intérieur, par ailleurs, dispose que :« La Cour peut, soit à la demande d’une partie ou de la Commission, soit d’office, indiquer aux parties toutes mesures provisoires qu’elle estime devoir être adoptées dans l'intérêt des parties ou de la justice ».
22. Au vu des dispositions ci-dessus, la Cour tiendra compte du droit applicable en matière de mesures provisoires, qui ont un caractère préventif et ne préjugent pas du fond de la requête. La Cour ne peut les ordonner pendente lite que si les conditions de base requises sont réunies ; à savoir l'extrême gravité, l'urgence et la prévention de dommages irréparables sur les personnes.
23. La Cour note aussi que le requérant demande à la Cour d’ordonner des mesures provisoires en faveur des personnes qui ne sont pas parties dans la présente affaire. De plus, le requérant n'apporte pas non plus des preuves de l'urgence ou la gravité ni les graves dommages irréparables que la mise en œuvre de cet arrêté interministériel pourrait lui causer personnellement.
24. Compte tenu de ce qui précède, la demande de mesures provisoires est rejetée.
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VII. Dispositif
25. Par ces motifs,
La Cour,
A l’unanimité :
i. Rejette la demande de mesures provisoires.