AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
Ac B
AG Y
REQUÊTE No. 014/2019
ARRET
22 SEPTEMBRE 2022 o SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
ll. OBJET DE LA REQUÊTE...
A. Faits de la cause
B. Violations alléguées
Ill. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
IV.DEMANDES DES PARTIES
V. SUR LA DÉFAILLANCE DE L’ÉTAT DÉFENDEUR
VI.SUR LA COMPÉTENCE
VII. SUR LA RECEVABILITÉ
VII. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE La Cour, composée de: Imani D. ABOUD, Présidente ; Blaise TCHIKAYA, Vice-
président, Ben KIOKO, Rafaâ BEN ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R.
CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Stella |. ANUKAM, Aw Av X,
En l’affaire
Ac B
représenté par Maître RUYENZI Schadrack, Avocat au barreau de Kigali et membre
du barreau pénal international Cabinet d'avocats international de défense des droits
Contre
AG Y
représenté par M. Ag AH, Agent J udiciaire du Trésor
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt :
l. LES PARTIES
1. Le sieur Ac B Aci-après dénommé « le Requérant») est un
ressortissant burkinabé. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement
à perpétuité pour homicide. Il allègue la violation de ses droits à un procès
équitable lors des procédures devant les juridictions internes.
2. La Requête est dirigée contre le AG Y (ci-après dénommé « l’État
défendeur ») qui est devenu partie à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte ») le 21 octobre
1986 et au Protocole relatif à la Charte portant création d’une Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples (ci-après désigné « le Protocole ») le
25 janvier 2004. L'État défendeur a déposé, le 28 juillet 1998, la Déclaration prescrite à l’article 34(6) du Protocole (ci-après dénommée « la Déclaration
»), par laquelle il a accepté la compétence de la Cour pour recevoir des
Requêtes d'individus et d'organisations non-gouvernementales.
Il. OBJ ET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. | ressort de la Requête introductive d'instance que le 31 juillet 2006, les
autorités judiciaires de l’État défendeur ont émis un mandat d’arrêt à
l'encontre du Requérant dans le cadre d’une enquête relative au meurtre
du sieur Ab Aa. Le Requérant est, depuis, incarcéré à la Maison
d'arrêt et de correction .e Am.
4. Le 17 janvier 2012, par arrêt d'assises n° 62 de la Chambre criminelle de la
Cour d’appel de Am, le Requérant a été condamné par défaut à
une peine d’emprisonnement à perpétuité pour homicide. Selon le conseil
du Requérant, alors que ce dernier était en détention à la Maison d’arrêt et
de correction de Am, il n'avait pas été extrait de sa cellule pour
prendre part à l’audience au cours de laquelle a été prononcée sa
condamnation.
5, Le 04 mai 2018, il s’est pourvu en cassation. À ce jour, ledit pourvoi est
pendant devant la Cour de cassation.
B. Violations alléguées
6. Le Requérantallègue :
i. la violation du droit à un procès équitable ;
ii. la violation du droit à un recours effectif garanti par l’article 8 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) ;
iii. la violation du droit d’accès au juge et à la justice protégé par les articles
10 de la DUDH et 7 de la Charte ;
iv. la violation de l’obligation de motiver dans le procès pénal ;
v. la violation du droit à la protection de la dignité d’une personne
emprisonnée tel que prévu par l’article 10(1) du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (PIDCP);
vi. la violation du droit à l’égalité des armes ;
vil. la violation du principe du contradictoire ; et
viii. la violation du principe de la proportionnalité de peine.
RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
7. La Requête a été reçue au Greffe le 28 mai 2019.
8. La Requête a été communiquée à l’État défendeur qui n’a pas déposé ses
conclusions et n’a pas non plus requis de délai supplémentaire pour
transmettre sa réponse.
9. Le 30 juin 2022, le Greffe a informé les Parties que la Cour rendrait un arrêt
par défaut si l’État défendeur ne déposait pas de réponse dans un délai de
quarante-cinq (45) jours. À l’expiration dudit délai, l’État défendeur n’avait
toujours pas déposé les conclusions requises.
10. Les débats ont été clos le 16 août 2022 et les Parties en ont été dûment
notifiées.
IV. DEMANDES DES PARTIES
11. Le Requérant demande à la Cour d’ordonner les mesures suivantes :
i. La grâce présidentielle ;
ii. La commutation en bonne et due forme de la peine d'emprisonnement à
perpétuité en une peine d’emprisonnement moins lourde ;
iii. Une libération conditionnelle ;
iv. Un règlement amiable ; et
v. Une indemnisation financière du préjudice subi, en raison des décisions
judiciaires iniques qui ont été prononcées à son égard.
12. Comme indiqué dans la section sur la procédure, l’État défendeur n’a pas
répondu à la Requête.
v. SUR LA DÉFAILLANCE DE L’ÉTAT DÉFENDEUR
13. L'article 63(1) du Règlement dispose :
Lorsqu'une partie ne se présente pas ou s'abstient de faire valoir ses moyens dans les délais fixés, la Cour peut, à la demande de l’autre
partie ou d'office, rendre une décision par défaut après s'être assurée
que la partie défaillante a été dûment notifiée de la requête et de toutes
les autres pièces pertinentes de la procédure.
14. La Cour note que l’article 63(1) ci-dessus cité pose la triple condition i) de
la notification à la partie défaillante tant de la requête que des pièces du
dossier ; ii) de la défaillance de l’une des parties ; et iii) de la demande faite
par l’autre partie ou du recours au pouvoir souverain de la Cour.
15. Sur la première condition, à savoir la notification de la partie défaillante, la
Cour note qu’en l'espèce, la Requête et l’ensemble des pièces y afférentes
ont été transmises à l’État défendeur tel qu’il ressort de la procédure ci-
dessus rappelée. La Cour en conclut que la partie défaillante a été dûment
notifiée.
16. Sur la deuxième condition, à savoir la défaillance de l’une des parties, la
Cour note qu’en dépit de ce que la requête a été transmise à l’État
défendeur auquel les délais ont été accordés pour y répondre et que lui a
été notifié la décision de la Cour de rendre un arrêt par défaut conformément
à l’article 63 du Règlement, l'État défendeur n’a pas déposé ses conclusions. La Cour en conclut que l’État défendeur n’a pas fait valoir ses
moyens dans les délais prescrits.
17. S'agissant enfin de la troisième condition relative à la demande de l’autre
partie ou à son pouvoir souverain, la Cour note que, dans la présente
affaire, le Requérant n’a pas introduit une demande de décision par défaut.
En conséquence, et en se fondant sur son pouvoir souverain, la Cour
décide, pour les besoins d’une bonne administration de la justice, de rendre
une décision par défaut*.
18. Les conditions prévues à la règle 63(1) du Règlement étant remplies, la
Cour rend le présent arrêt par défaut.
VI. SUR LA COMPÉTENCE
19. La Cour fait observer que l’article 3 du Protocole dispose :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous
les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et
l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les États
2. Encas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente,
la Cour décide.
20. Aux termes de la règle 49(1) du Règlement, « [Ia Cour procède à un
examen préliminaire de sa compétence … conformément à la Charte, au
Protocole et au présent Règlement ».
21. || résulte des dispositions ci-dessus que la Cour doit, pour toute requête,
procéder à un examen préliminaire de sa compétence et statuer, le cas
1 An Ak c. République Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête No. 035/2016, Arrêt du 2 décembre 2021 (fond et réparations) $$ 17-18 ; Ae Al c. République du Rwanda, CAfDHP, Requête No. 010/2017, Arrêt du 26 juin 2020 (compétence et recevabilité) & 30.
échéant, sur d’éventuelles exceptions. En l'espèce, la Cour doit s'assurer
qu'elle est compétente pour examiner la Requête.
22. Notantqu’aucun élément du dossier n'indique qu’elle n’est pas compétente,
la Cour conclut qu’elle a :
la compétence matérielle dans la mesure où le Requérant
allègue la violation de droits garantis par la Charte, le PIDCP? et
la DUDH, instruments auxquels l’État défendeur est partie ;
ii. la compétence personnelle étant donné que l’État défendeur est
partie à la Charte, au Protocole et qu’il a déposé la Déclaration
qui permet aux individus et aux organisations non-
gouvernementales de saisir directement la Cour ;
ii. la compétence temporelle dans la mesure où les violations
alléguées ontété commises, en ce qui concerne l’État défendeur,
après l’entrée en vigueur des instruments suscitées ;
iv. la compétence territoriale, les violations alléguées ayant été
commises sur le territoire de l'État défendeur.
23. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu'elle est compétente en l'espèce.
VII. SUR LA RECEVABILITÉ
24. L'article 6(2) du Protocole dispose « [lJa Cour statue sur la recevabilité des
Requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la
Charte ».
? La République du Mali a adhéré aux deux Pactes internationaux des Nations Unies de 1966 (Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) le 16 juillet 1974.
25. Conformément à la règle 50(1) du Règlement, « [Ia Cour procède à un
examen de la recevabilité de la Requête conformément à la Charte, au
Protocole et au présent Règlement ».
26. La règle 50(2) du Règlement qui reprend en substance l’article 56 de la
Charte dispose :
Les Requêtes introduites devant la Cour doivent remplir toutes les
conditions ci-après :
a) Indiquer l'identité de leur auteur, même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b) Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c) Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou insultants
à l’égard de l’État concerné et ses institutions ou de l’Union
africaine ;
d) Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e) Être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f) Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa saisine;
g) Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
27. La Cour relève qu’elle doit, en application des dispositions de la règle 50(1)
de son Règlement, procéder à l'examen des conditions de recevabilité telles
que prévues à la règle 50(2) du Règlement afin de s'assurer qu'elles sont
remplies.
28. La Cour fait observer que, tel qu’il ressort manifestement du dossier, le
pourvoi introduit le 4 mai 2018 devant la Cour de cassation de l’État défendeur était encore pendant à la date de l'introduction de la présente
Requête le 28 mai 2019. Dès lors, il y a lieu pour la Cour de se prononcer,
de façon préliminaire, sur la question de savoir si la condition d’épuisement
des recours internes posée à l’article 56(5) de la Charte est remplie.
29. La Cour rappelle que conformément à l’article 56(5) de la Charte, les
requêtes doivent être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste que la procédure de ces recours se
prolonge de façon anormale.
30. Il ressort de ces dispositions que l'exigence faite au Requérant est non
seulement d'exercer les recours internes, mais également d’en attendre
l'issue à moins qu'il ne prouve que la procédure y afférente se prolonge de
façon anormale*.
31. La Cour note qu’en l'espèce, le Requérant a introduit la présente Requête
le 29 mai 2019 alors que la juridiction de cassation, saisie le 4 mai 2018, ne
s’était pas encore prononcée sur le pourvoi formé. Le Requérant n’allègue
pas non plus que ledit recours s'est prolongé de façon anormale. Quoi qu’il
en soit, la Cour de céans fait observer qu’entre la saisine de la Cour de
cassation et l'introduction de la présente Requête, il s’est écoulé un délai
de onze (11) mois et vingt-cinq (25) jours. La Cour estime qu’eu égard aux
circonstances de la cause, il ne peut être considéré que le recours en
cassation s’est prolongé de façon anormale au sens de l’article 56(5) de la
Charte.
32. || découle de ce qui précède que la présente Requête est prématurée,
n’ayant pas été introduite postérieurement à l’épuisement des recours
3 As Ai Aj c. République du F aso (fond) (5 décembre 2014) 1 RJ CA 324, $ 77 ; voir également Bb At et Aq Af AI Ap Ah de Tanzanie (compétence et recevabilité) (26 septembre 2019) 3 RJ CA 491, $ 12.
+ Au Ao c. République du Bénin, CAfDHP, Requête No. 020/2019, Arrêt du 25 juin 2021
(compétence et recevabilité), $ 61 ; Ay Ar Az Ad c. République du Bénin, CAfDHP, Requête No. 027/2020, Arrêt du 2 décembre 2021 (compétence et recevabilité), $ 74.
internes tel que l’exigent les dispositions de l’article 56(5) de la Charte
reprises par la règle 50(2)(e) du Règlement.
33. La Cour en conclut que les recours internes n’ont pas été épuisés en
34. Ayant conclu que la Requête ne satisfait pas à l'exigence de la règle
50(2)(e) du Règlement, la Cour n'a pas à se prononcer sur les conditions
de recevabilité énoncées aux alinéas 1, 2, 4, 6, et 7 de l’article 56 de la
Charte reprises à la règle 50(2)(a)(b)(d)(f) et (g) du Règlement, dans la
mesure où les conditions de recevabilité sont cumulatives. Dès lors, si une
condition n'est pas remplie, l'entière Requête s’en trouve irrecevable.
35. Compte tenu de ce qui précède, la Cour déclare la Requête irrecevable.
VIII. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
36. Aucune des parties n’a déposé de conclusion sur les frais de procédure.
37. La règle 32(2) du Règlement dispose « à moins que la Cour n'en décide
autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
38. Compte tenu des circonstances de l'espèce, la Cour décide que chaque
partie supportera ses frais de procédure.
39. Par ces motifs,
LA COUR,
À l'unanimité,
Sur la compétence
Sur la recevabilité
ii. Déclare la Requête irrecevable pour non épuisement des recours internes.
Sur les frais de procédure
ii. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ontsigné :
Imani D. ABOUD, Présidente el
Blaise TCHIKAYA, Vice-président ; ge
Ben KIOKO, Juge ; Mess
Suzanne MENGUE, Juge ; aps +=
Ba Ax Z, J uge ; Lys Grip la
Stella | ANUKAM, ] uge ; Eur am.
Fait à Arusha, ce vingt-deuxième jour du mois de septembre de l’an deux mille vingt-
deux, en français et en anglais, le texte français faisant foi.