AFRICAN UNION UNION AFRICAINE
AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
AG Z ET AUTRES
RÉPUBLIQUE DU MALI
REQUÊTE N° 008/2018
22 SEPTEMBRE 2022
Ve SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées
Ill RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV MESURES DEMANDÉES PAR LES PARTIES
V SUR LA COMPÉTENCE
VI SUR LA RECEVABILITÉ
A Sur l'exception tirée du non-épuisement des recours internes
B Sur les autres conditions de recevabilité
VII. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 14
14 La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Présidente, Blaise TCHIKAYA, Vice-
président, Ben AM, Az Ak A, At AH, Ad
AI, Stella |. ANUKAM, Bf Ba C, Dennis D. ADJ El — juges ; et
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples (ci-après désigné « le Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement intérieur
de la Cour! (ci-après désigné « le Règlement »), le J uge Ar AK , de nationalité
malienne, s'est récusé.
En l’Affaire
AG Z & autres,
représenté par Ac Y, Secrétaire Général de la Fédération Nationale des
Mines et de l’Énergie.
Contre
RÉPUBLIQUE DU MALI,
représentée par :
i. M. Av Z, Directeur général du Contentieux de l’État ;
il, M. Ab AJ, Directeur Général adjoint du Contentieux de l’État ; et
iii. M. Ac X, Sous-directeur des procédures nationales.
après en avoir délibéré,
! Article 8(2) du Règlement de la Cour du 2 juin 2010.
L LES PARTIES
1. Le sieur AG Z et neuf (9) autres”, (ci-après dénommés « les
Requérants »), sont tous des ressortissants maliens etanciens travailleurs, en
qualité d’assistants du laboratoire d'analyse des minerais (ci-après dénommé
«société ANALABS Mali SARL »). Ils allèguent que leurs droits ont été violés
dans le cadre de la procédure relative à leur licenciement.
2. La Requête est dirigée contre la République du Mali (ci-après dénommé «
l'État défendeur »), devenue partie à la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples (ci-après désignée la « Charte »), le 21 octobre 1986 et au
Protocole le 20 juin 2000. L'État défendeur a également déposé, le 19 février
2010, la Déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole par laquelle il a
accepté la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant
d’individus et d’organisations non gouvernementales (ONG).
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. Les Requérants allèguent que la société ANALABS Mali SARL est spécialisée
dans les analyses pour déterminer la teneur en or par l’utilisation de produits
chimiques. D’après les Requérants, des analyses sanguines devraient
s'effectuer périodiquement pour contrôler la plombémie dans le sang des
employés. Ils ajoutent que ces analyses sanguines n’étaient pas régulières car
certains employés ont fait plus de deux ans sans le faire par négligence de la
part de la direction de l’entreprise. Ils affirment aussi que, pour cette raison,
? Af Aj, Ac Ae, Ao Ag, Bg Au, Be Aa, As Y, Aw Bc, Awa Cisse, Al AJ.
certains ex-travailleurs avaient commencé à sentir des malaises faute de
protection efficace.
Ils ajoutent qu’ils ont été licenciés le 29 janvier 2009, pour motif économique
sans aucune prise en charge, sans assistance médicale, en violation de toutes
les dispositions légales et réglementaires prévues par la convention collective
des mines.
Plus tard, les Requérants ont assigné la société ANALABS Mali SARL à
comparaitre devant le Tribunal de travail de Kayes le 13 février 2012. Par
décision n° 017 J GT 12 du 29 mars 2012, ledit Tribunal a condamné ladite
société à faire le test de plomb sous astreinte de deux cent mille (200 000)
francs CFA par jour de retard (voir paragraphe 37). Ce jugementa été confirmé
par l’arrêt n° 07 en date du 04 avril 2013 rendu par la Chambre sociale de la
Cour d'appel de Kayes. Les Requérants ont saisi à nouveau le Tribunal de
travail de Kayes d’une autre requête aux fins de liquidation de l’astreinte
provisoire prononcée par le jugement n° 017 JGT du 29 mars 2012. Le
Président dudit Tribunal, dans une instance en liquidation d’astreinte, a par
Ordonnance n° 09 en date du 31 juillet 2013 fait droit à leur demande et
condamné la Société ANALABS Mali SARL au paiement de la somme de
quatre-vingt-six millions deux cent mille (86 200 000) francs CFA à leur profit.
Sur appel interjeté par la Société ANALABS MALI SARL, la Chambre sociale
de la Cour d’appel de Kayes, par son arrêt n° 15 en date du 26 août 2013 a
infirmé ladite ordonnance en estimant n’y avoir pas lieu à la liquidation
d'astreinte et se déclarant incompétente pour statuer sur la demande de
mainlevée de la saisie-attribution formulée par la Société et l’a renvoyée
devant le juge civil des référés de Kayes.
B. Violations alléguées
7. Les Requérants soutiennent que le retard injustifié dans l'examen de l'affaire
constitue une violation de leurs droits prévus aux articles 7(1)* et 26 de la
Charte, 2(3) et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP).
8. Les Requérants affirment que la Société ANALABS Mali SARL refuse
d'exécuter la décision du Tribunal de Kayes sous astreinte de payer deux cent
mille (200 000) francs CFA par jour de retard pour n’avoir pas fait le test de
plomb. La Société ne s'étant pas exécutée, selon les Requérants, le montant
de la liquidation de l’astreinte s'élève à soixante-dix-huit millions six cent
soixante-onze mille huit cent quarante (78 671 840) francs CFA.
Il. — RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
9. La Requête a été déposée le 20 février 2018. Le 9 août 2018, la Requête et
les observations sur les réparations ont été signifiées à l'État défendeur.
10. Toutes les écritures et pièces de procédure ont été régulièrement déposées
dans les délais fixés par la Cour et celles d’une Partie dûment communiquées
à l’autre.
11. Le 12 avril 2019 le Greffe de la Cour a notifié aux Parties la clôture de la
procédure écrite.
3 Article 7(1)(d) de la Charte.
IV. MESURES DEMANDÉES PAR LES PARTIES
12. Les Requérants demandent à la Cour de :
i. Se déclarer compétente ;
ii. Dire que la requête est recevable et bien fondée ;
ii. Faire appliquer les décisions de justice et mettre les ex-travailleurs concernés
dans leurs droits ;
iv. Ordonner à l’État défendeur d’exécuter la décision n° 017/J GT 12 du 29 mars
2012 conformément à l'autorité de la chose jugée sous peine d’astreinte à
payer à chaque travailleur la somme de quatre millions (4.000.000) francs CFA
par jour de retard ;
v. Ordonner le paiement de deux-cents millions (200.000.000 FCFA) à titre de
dommages-intérêts pour les dix anciens travailleurs pour le préjudice causé ;
vi. Liquider la somme de soixante-dix-huit millions six-cent soixante-onze mille
huit-cent quarante (78.671.840 FCFA) au bénéfice des Requérants pour
l'autorité de la chose jugée ;
vi. Ordonner la visite médicale de sortie des extravailleurs dans une clinique
neutre à la charge de l’État défendeur, la délivrance de certificat médical, ainsi
que les tests de plomb ;
viii. Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur la moitié des
droits.
13. Dans leurs observations, les Requérants demandent à la Cour d’ordonner à
l'État défendeur les mesures suivantes :
i. Prise en charge par l’État défendeur des frais du dossier à hauteur de trois
millions (3.000.000) francs CFA ;
i. Prise en charge du transport aller-retour de l’avocat et les frais de son séjour
pour un montant de quatre millions (4.000.000) de francs CF A soit un total de
sept millions (7.000.000 FCFA) pour le chapitre frais du dossier, prise en
charge et transport aller-retour ;
14. Pour sa part, l’État défendeur demande à la Cour de:
i. Déclarer irrecevable la requête dans la forme ettout au plus son caractère mal
fondé au fond et débouter les Requérants de toutes leurs demandes ;
ï. Dire que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1) de la Charte ;
ii. Dire que l’État défendeur n’a pas violé l’article 26 de la Charte ;
iv. Dire que l’État défendeur n’a pas violé l’article 2(3) du Pacte International relatif
aux droits civils et politiques ;
v. Dire que l’État défendeur n’a pas violé l’article 14 du Pacte International relatif
aux droits civils et politiques ;
vi. Déclarer que l’État défendeur n’a commis aucun dommage préjudiciable aux
Requérants et les débouter toutes leurs demandes ;
vi. Dire que l’arrêt n° 15 du 26 août 2013 de la Cour d’appel de Kayes en infirmant
ladite ordonnance a mis fin aux espoirs des Requérants puisqu'il est devenu
définitif, faute pour ces derniers de former pourvoi en cassation contre ledit
vi. Dire que la preuve de la faute dommageable et du lien de causalité du
préjudice n’est pas faite par les Requérants,
ix. Dire qu’il y a lieu de débouter les Requérants de cet autre chef de demande
comme étant mal fondé ;
x. Donner à l’État défendeur l’entier bénéfice de ses écritures.
SUR LA COMPÉTENCE
15. En vertu de l’article 3 du Protocole
1.[l]a Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous
les différends dontelle est saisie concernant l'interprétation etl'application
de la Charte, du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux
droits de l'homme et ratifié par les États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente,
la Cour décide.
16. Parailleurs, aux termes de la règle 49(1) du Règlement «[[Ja Cour procède à
un examen préliminaire de sa compétence [.…] conformément à la Charte, au
17. La Cour note que l’État défendeur ne conteste pas sa compétence.
Cependant, la Cour doit, de sa propre initiative, s'assurer qu’elle a la
compétence matérielle, personnelle, temporelle etterritoriale pour examiner la
Requête.
18. Considérant que rien dans le dossier n'indique qu’elle n'est pas compétente,
la Cour conclut :
iL qu’elle a la compétence personnelle, étant donné que l’État défendeur
est partie au Protocole et a déposé la déclaration prévue à l’article 34(6)
dudit Protocole, qui permet aux individus de la saisir directement,
conformément à l’article 5(3) du Protocole ;
il. qu’elle a la compétence matérielle, étant donné que les Requérants
allèguent la violation des articles 7(1) et 26 de la Charte, du droit d’être
jugé sans retard tel que prévu aux articles 2(3) et à l’article 14 du
PIDCPS, instruments de droits de l'homme ratifiés par l’État défendeur,
ce qui donne pouvoir à la Cour de les interpréter et les appliquer,
conformément à l’article 3 du Protocole;
ii. qu’elle a la compétence temporelle, dans la mesure où les violations
alléguées ont été commises après l'entrée en vigueur des instruments
cités ci-dessus, à l’égard de l’État défendeur.
4 Article 39(1) du Règlement de la Cour du 2 juin 2010.
5 L’État défendeur est devenu partie au PIDCP, 16 juillet 1974.
iv. qu’elle a la compétence territoriale, dans la mesure où les faits se sont
produits sur le territoire de l’État défendeur, État partie au Protocole.
19. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente pour
connaître de la présente requête.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
20. En vertu de l’article 6(2) du P rotocole, « [I] a Cour statue sur la recevabilité des
requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la
Charte. »
21. Conformément à la règle 50(1) du Règlement « [IJa Cour procède à un
examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle conformément
aux articles 56 de la Charte et 6(2) du Protocole et au présent Règlement ».
22. La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance le contenu de
l’article 56 de la Charte, est libellée comme suit :
Les requêtes introduites devant la Cour doivent remplir les conditions ci-
après :
a) Indiquer l'identité de leur auteur, même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b) Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
c) Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou insultants à
l'égard de l’État concerné et ses institutions ou de l’Union
africaine ;
d) Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
6 Article 40 du Règlement de la Cour du 02 juin 2010.
e) Être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la procédure
de ces recours se prolonge d’une façon anormale ;
f) Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la
Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre
saisine ;
g) Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des Nations
Unies, soit de l’Acte constitutif de l'Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
23. L'État défendeur soulève une exception tirée du non-épuisement des recours
internes. La Cour va par conséquent examiner cette exception (A) avant de se
prononcer, s’il y a lieu, sur les autres conditions de recevabilité (B).
A. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
24. L'État défendeur fait valoir que si les Requérants indiquent vaguement les
violations à leurs droits (seuls sont cités les articles 7(1) et 26 de la Charte
ainsi que les articles 2(3) et 14 du PIDCP et les mesures et injonctions
sollicitées), ils ne donnent pas la preuve de l'épuisement des recours internes.
Il soutient que les Requérants ne sauraient aucunement se prévaloir de
l’épuisement de tous les recours internes comme le leur exige l’article 34(4)
du Règlement intérieur et qu’en conséquence, la Cour ne manquera pas de
constater la violation par les Requérants dudit article et déclarera en
conséquence la Requête irrecevable dans la forme.
25. L'État défendeur estime qu’il est constant que l’exécution provisoire prononcée
sous astreinte du paiement de la somme de deux cent mille (200.000) FCFA
par jour de retard, est de droit eu égard au caractère définitif du jugement qui
l’ordonne. La preuve n’est cependant pas faite par les Requérants que la Société ANALABS Mali SARL et l’État défendeur ont refusé de se soumettre
à la décision de justice, aucune tentative d’exécution de celle-ci n’ayant été
entreprise par les bénéficiaires de la grosse du jugement.
26. L’État défendeur relève que bien au contraire, les pièces jointes à la Requête
par les Requérants, à savoir la copie de signification d’un certificat de non
contestation, la copie de l'attestation de non pourvoi, prouvent à suffisance
que ces derniers se sont volontairement abstenus d’exercer le recours du
pourvoi en cassation contre l’arrêt n° 15 du 26 août 2013 de la Cour d'appel
de Kayes infirmant l’ordonnance n° 09 du Président du Tribunal de travail de
Kayes qui a liquidé, à leur profit, l’astreinte provisoire prononcée à la somme
de quatre-vingt-six millions deux cent mille (86 200 000) francs CFA.
27. L'État défendeur affirme que les Requérants ne sauraient nier que le Code de
procédure civile de l’État défendeur leur offrait le de recours du pourvoi en
cassation contre ledit arrêt. I! soutient que les R equérants se sontabstenus de
former le pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Kayes et
que cela n’est pas le fait de l’État défendeur.
28. L'État défendeur soulève que les ex-travailleurs de la Société ANALABS Mali
SARL ne s’étant préoccupés, en réalité, que d’obtenir la liquidation de
l’astreinte prononcée par le Tribunal, leur soumission au test de plomb
ordonné par le Tribunal n’étant pas leur préoccupation majeure contrairement
à ce qu’ils veulent faire croire à la Cour de céans. Aussi, s'étant volontairement
abstenus d’'épuiser tous recours internes mises à leur disposition par le code
de procédure civile de l’État défendeur, les Requérants sont mal venus à saisir
la Cour de céans.
29. Les Requérants estiment que dès lors que les droits d’un ou de plusieurs
ressortissants d’un État signataire de la Charte sont violés, il appartient à la Cour de céans d'apprécier et d'instaurer le droit. Qu'il y a bel et bien la preuve
que les droits des Requérants ont été allègrement violés par l’État défendeur.
Que la démonstration ne souffre d'aucune ambigüité car les faits ont été établis
que c'est l’État défendeur qui a fait injonction à une décision du Tribunal de
Kayes avec la complicité d'ANALABS pour léser les ex travailleurs.
30. Les Requérants estiment que les arguments de la défense n’ont aucune base
juridique dans la mesure où les arrêts de la Cour d’appel sont exécutoires. Et
surtout qu’une mesure de non pourvoi a été délivrée par le greffier en chef le
18 septembre 2013 et versée dans le dossier prouvant à suffisance que la
société 'ANALABS MALI SARL a été condamnée mais qu’elle ne s’est jamais
exécutée. Un autre certificat de non pourvoi délivré le 19 mai 2014 par le
greffier de la cour d’appel de Kayes faisant foi d’aucun recours exercé contre
l’arrêt dans les délais légaux. Ils confirment qu’aucune sommation n’a été faite
par les Requérants pour la liquidation de l’astreinte.
31. Les Requérants font valoir que le fait de s'abstenir de liquider une astreinte
assortie d’un jugement constitue une injonction que la Cour appréciera pour la
recevabilité du dossier, d’où le caractère recevable de la Requête des
Requérants. Ils ajoutent que : « Les entreprises multinationales (EMN) doivent
respecter les droits de l’homme, internationalement reconnus vis-à-vis des personnes
affectées par leurs activités, elles doivent contribuer aux progrès économiques,
environnementaux et sociaux en vue de parvenir à un développement durable ».
Considérant que les états doivent veiller, sur les entreprises pour le strict
respect des lois et textes.
32. Les Requérants reprochent à l’État défendeur son refus de se soumettre à des
décisions de justice qui leur sont favorables notamment, le jugement n°
017/JGT/12 du 12 mars 2012 du Tribunal de Kayes et l’arrêt confirmatif n° 07
du 04 avril 2013 de la Cour d’appel de Kayes qui ordonnaient à la société
ANALABS Mali SARL de soumettre ses employés au test de plomb sous astreinte du paiement de la somme de deux cent mille (200 000) francs CFA
par jour de retard.
33. Ils considèrent que les États doivent veiller au strict respect des lois et textes
par les entreprises et l’État défendeur doit endosser la responsabilité de ces
violations graves des droits de l’homme, à savoir une injonction d’une décision
de justice.
34. La Cour rappelle que conformément à l’article 56(5) de la Charte et la règle
50(2)(e) de son Règlement, les recours internes qui doivent être épuisés sont
les recours judiciaires ordinaires à moins qu’il ne soit manifeste que la
procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale.
35. La Cour souligne que les recours internes à épuiser sontles recours de nature
judiciaire, ces recours devant être disponibles, c'est-à-dire qu'ils peuvent être
utilisés sans obstacle par les Requérants, efficaces et satisfaisants en ce sens
qu'ils sont à « même de donner satisfaction au plaignant ou de nature à
remédier à la situation litigieuse»”.
36. La question à trancher est celle de savoir s’il existe, dans le système judiciaire
de l’État défendeur, un recours efficace et satisfaisant que les Requérants
pouvaient exercer.
37. La Cour constate que suite à une assignation donnée à la société ANALABS
MALI SARL à comparaître devant le Tribunal de travail de Kayes, le 29 mars
2012, ledit Tribunal, par jugement n° 17, a débouté les Requérants du chef de
la demande de gratification et a ordonné à la société ANALABS Mali SARL de
procéder au test de plomb des Requérants sous astreinte de deux cent mille
7 Ax Ao An AL Ai Ah, Arrêt (fond) (5 décembre 2014); 1 RJ CA 324, $ 108.
(200 000) francs CFA par jour de retard à compter de la notification de la
décision.
38. Ensuite, la société ANALBS a interjeté un premier appel n° 18/RG en date du
24 mai 2012 devant la chambre sociale de la Cour d'appel de Kayes contre le
jugement n°17 rendu le 29 mars 2012. Ladite chambre, par arrêt n° 7 du 4 avril
2012 a jugé l’appel de la société ANALABS-Mali- SARL mal fondé et confirmé
le jugement de tribunal de travail en toutes ses dispositions.
39. Parla suite, les Requérants ont saisi à nouveau le Tribunal du travail de Kayes
d’une nouvelle requête aux fins de liquidation de l’astreinte provisoire
prononcée par le jugement n°17 J GT 12 du 29 mars 2012. Le président dudit
Tribunal, du travail de Kayes, par ordonnance n°9 en date du 31 juillet 2013,
à fait droit à leur demande en condamnant la société ANALABS Mali SARL au
paiement de la somme de quatre-vingt-six millions deux cent mille
(86 200 000) francs CFA à leur profit.
40. Plus tard, par acte d'appel n° 14 du 1° août 2013, la société ANALABS Mali
SARL a relevé appel de l’ordonnance n° 09 du 31 juillet 2013 du président du
Tribunal de travail de Kayes. La Cour d’appel de Kayes, par son arrêt n° 15 en
date du 26 août 2013, infirma ladite ordonnance en déclarant n’y avoir lieu à
liquidation d’astreinte tout en se déclarant incompétente pour statuer sur la
demande de mainlevée de saisie-attribution formulée par la société.
41. La Cour note que les Requérants avaient la possibilité de saisir la Cour
suprême en pourvoi de cassation contre l’arrêt n° 15 de la Chambre sociale
de la Cour d'appel de Kayes en date du 26 août 2013 8 En effet, conformément
à l’article L217 de la loi n° 92-020 du 23 septembre 1992 portant Code du
8 Voir Ay An et trente-neuf (39) autres c. République du Mali. CADHP, Requête n°06/2019, Arrêt du 25 juin 2021. 835. Anciens travailleurs de la SOMADEX c. République du Mali, CADHP, Requête n° 06/2018, Arrêt du 2 décembre 2021, 854.
travail de l’État défendeur : «La Cour suprême connaît des recours en cassation
contre les jugements rendus en dernier ressort et les arrêts de la Cour d'appel. Le
pourvoi estintroduitet jugé dans les formes et conditions prévues par les lois relatives
à l’organisation et à la procédure de la Cour suprême ». Ils ont levé un certificat de
non pourvoi, preuve qu’ils ont abandonné volontairement ce recours. De plus,
la Cour d’appel les a renvoyés devant le juge civil pour poursuivre leur action.
42. Compte tenu de ce qui précède, la Cour déclare fondée l'exception tirée du
non-épuisement des recours internes et conclut que la Requête ne satisfait
pas à l’exigence de l’article 56(5) de la Charte, la règle 50(2)(e) du Règlement.
B. Sur les autres conditions de recevabilité
43. Ayant conclu que la Requête ne satisfait pas à l’exigence de la règle 50(2)(e)
du Règlement, la Cour n’a pas à se prononcer sur les conditions de
recevabilité énoncées aux alinéas 1, 2, 4, 6, et 7 de l’article 56 de la Charte et
à la règle 50(2)(a)(b)(d){f) et (g) du Règlement, dans la mesure où les
conditions de recevabilité sont cumulatives. Dès lors, si une condition n’est
pas remplie, la Requête s’en trouve irrecevable!®.
44, Compte tenu de ce qui précède, la Cour déclare la Requête irrecevable.
VII. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
45. La Cour note que les deux parties ont chacune demandé à la Cour d’ordonner
que les dépens soient à la charge de l’autre partie. Toutefois, la règle 32(2) du
9 Article 46(5) du Règlement de la Cour du 2 juin 2010.
10Mariam Am et Bd Bb c. République du Mali (compétence et recevabilité) (21 mars 2018), 2 RJ CA 246, $ 63; Ap Aq c. République du Rwanda (compétence et recevabilité) (11 mai 2018), 2 RJ CA 373, $ 48 ; Collectif des anciens travailleurs ALS c. République du Mali, CAfDHP, Requête n2 042/2015, Arrêt du 28 mars 2019 (compétence et recevabilité), $ 39.
Règlement! dispose comme suit: « [à] moins que la Cour n’en décide
autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
46. Compte tenu ce qui précède, la Cour décide que chaque partie supportera ses
frais de procédure.
VIII. DISPOSITIF
LA COUR,
À l’unanimité :
Sur la compétence
Déclare qu'elle est compétente ;
Sur la recevabilité
ii. Reçoit l’exception d'irrecevabilité tirée du non-épuisement des
recours internes ;
ii. Déclare la Requête irrecevable ;
Sur les frais de procédures
iv. Dit que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
H Article 30 du Règlement de la Cour du 2 juin 2010.
Ontsigné :
Imani D. ABOUD, Présidente (21 )
Ben AM, J uge ; MESSS
Bf Ba C, J uge ;
Dennis D. ADJ El, J uge ;