ARRÊT Au nom du peuple Andorra. À Andorre-la-Vieille, le 05 décembre 2019
La chambre civile du Tribunal Supérieur de Justice d’Andorre s’étant réunie sous la présidence de M. Ac Ag B et les magistrats M. Ae Y et M. Af Aa C, a pris la décision suivante :
EXPOSÉ DES FAITS 1. Le 12/05/2016, la société C. SA a intenté une action en procédure civile orale, par la procédure prévue à la 2e Disposition Additionnelle de la Loi des baux de propriétés urbaines, contre les sociétés E. SA et O. SA et a demandé qu’un jugement soit rendu avec les prononcés suivantes : « Déclarer formellement la résiliation au 31 décembre 2015 du bail du 23 septembre 1982, modifié par les contrats du 25 octobre 1983 et du 03 décembre 1987, du fait de l'expiration de la durée contractuelle.
* Condamner par solidarité E. SA et O. SAU. à :
- Restituer sans délai la possession immédiate des lieux loués à C. SA. dans un état de conservation correct, sans préjudice de la propre usure résultant de leur utilisation normale, cette obligation étant comprise dans le sens que les deux bâtiments construits sur « La Prada de la Borda del X. » tout comme leurs installations doivent être conformes à la réglementation en vigueur pour les adapter à une exploitation commerciale.
* Compenser C. SA. pour les dommages subis du fait du non-respect des montants suivants :
- 833 335.- € à titre de loyers mensuels non perçus par C. SA. durant les mois de janvier à mai 2016 inclus, majorés de 166 667 € par mois à compter de juin 2016 suivant et jusqu'à la date de remise effective de la possession immédiate des lieux loués à mon client.
- 500 000.- € à titre d'indemnité de préemption à verser par C. SA. à P. SA correspondant aux mois de janvier à mai 2016 inclus, majorés de 100 000 € par mois à compter du mois de juin 2016 et jusqu'à la date de remise effective de la possession immédiate des lieux loués à mon client ; ou, à titre subsidiaire, jusqu'à la date à laquelle P. SA choisira, en vertu des stipulations du contrat, de renoncer à sa qualité de partie locataire.
- 10% des bénéfices nets réalisés par le défendeur à compter du 1er janvier 2016 et jusqu'à la date de remise effective de la possession immédiate des lieux loués à mon client, provenant de l'exploitation des mêmes emplacements. La quantification de cet élément doit être effectuée lors de l'exécution de la peine.
- Les intérêts légaux qui rapportent les sommes indiquées aux paragraphes précédents :
- Pour les 266 667.- € mensuels (166 667.- € / mois et 100 000.- € / mois), pour les mois d’avance, c'est-à-dire à partir du premier jour du même mois auquel chaque mensualité est imputée.
- Environ 10% des bénéfices nets, à compter du 1er juillet de chaque année, par rapport à la somme correspondant à l'exercice de l'année civile précédente. La date est fixée au paragraphe 2.1.2.1 du 2e accord du contrat du 17 septembre 2015 avec P. SA.
* Condamner solidairement la partie défenderesse aux dépens de la procédure judiciaire engendrés par la présente instance, y compris les honoraires d'avocat et d’avoué de ladite partie, pour avoir contraint la propriété à se pourvoir en justice pour défendre ses intérêts. »
II. Au moyen d’un exposé produit le 01/07/2016, la défenderesse s’est opposée à la demande et a présenté les exceptions d’inadéquation de procédure et de manque de légitimité active et a demandé qu’un jugement soit rendu avec les prononcés suivants : « JE VOUS DEMANDE De bien vouloir recevoir le présent écrit et de considérer que la réponse à la demande présentée par la société « C. SA » a été faite ; et au vu des faits et arguments exposés, de déclarer irrecevables les prétentions de la partie adverse et de rejeter la demande. De condamner la demanderesse aux dépens engendrés à mes clients, y compris les honoraires d'avocat, d’avoué et d'experts.
JE DIS AUSSI : De bien vouloir prendre en considération les exceptions d’inadéquation de procédure et de manque de légitimité active formulées par cette partie. » Complémentairement à la réponse et au cas où aucune des exceptions soulevées n'aurait été prise en considération, la défenderesse a déposé en même temps une demande reconventionnelle, et après avoir allégué les faits et les fondements juridiques qu'elle a jugés appropriés, a demandé qu’un jugement soit rendu contenant les prononcés suivants :
« JE VOUS DEMANDE De bien vouloir recevoir le présent écrit et de considérer que la demande reconventionnelle a été présentée en temps et forme contre la société « C. SA » en demande d'indemnisation pour enrichissement non justifié ; et en temps voulu, de rendre un jugement conformément aux prononcés suivants :
- condamner la société « C. SA » au versement d'une indemnité aux entreprises « E. SA » et « O. SAU » (à déterminer et à quantifier pendant la période probatoire) équivalente à la valeur – constructive et également commerciale – du bâtiment qui se trouve sur la propriété dénommée « La Prada de la Borda del X. », à titre d'enrichissement injustifié que le demandeur obtiendra en devenant propriétaire du bâtiment, par droit d'accès, et en le louant immédiatement à un tiers dans de parfaites conditions d'exploitation commerciale.
- déclarer le droit des sociétés « E. SA » et « O. SAU » de pouvoir retenir la possession dudit immeuble tant que la société « C. SA » n’aura pas payé l'indemnisation objet de la présente demande reconventionnelle.
- condamner la société « C. SA » à payer les frais de justice engagés par cette partie, y compris les honoraires d'avocat, d’avoué et d’experts. »
III. Au moyen d’un exposé produit le 02-09-2016, le défendeur reconventionnel s'est opposé aux exceptions et à la demande reconventionnelle demandant leur non-lieu. IV. Après avoir exécuté la procédure de preuves et de conclusions, le Tribunal Unipersonnel de la Batllia a rendu un jugement en date du 09-01-2018 décidant ce qui suit :
« Après avoir rejeté les exceptions soulevées par la partie défenderesse et déclaré la demande reconventionnelle de cette dernière comme irrecevable, il convient d'examiner majoritairement l'action intentée par C. SA contre E. SA et O. SA et de rendre les prononcés suivants :
Premièrement. Déclarer formellement la résiliation au 31 décembre 2015 du bail daté du 23 septembre 1982, modifié par les baux des 25 octobre 1983 et du 3 décembre 1987, du fait de l'expiration de la durée contractuelle.
Deuxièmement. Ordonner au défendeur de restituer sans délai la possession immédiate des lieux loués à C. SA. dans un bon état de conservation, sans préjudice de leur propre usure résultant de leur utilisation normale, conformément aux dispositions du septième fondement juridique de la présente décision.
Troisièmement. Condamner le défendeur à payer C. SA. à titre de compensation pour occupation indue :
1) Pour l'année 2016, le montant total de 1 166 669 €, majoré des intérêts légaux, courus depuis que la présente décision a été déclarée définitive et jusqu'au règlement total de la dette ;
2) À compter du mois de janvier 2017 et jusqu'à la date de remise effective de la possession immédiate des lieux loués au bailleur, le montant mensuel de 141 772,87 €, majoré des intérêts légaux à compter du premier jour du même mois auquel chaque mensualité est imputée et jusqu'au règlement total de la dette.
Quatrièmement. De supporter tous les frais du procès, y compris ceux résultant de l'intervention de l'avocat et de l’avoué du demandeur, qui seront attestés pendant la période d'exécution de la peine. V. Les deux parties ont interjeté appel contre cette résolution. VI. La représentation procédurale des sociétés E. SA et O. SAU demande à titre principal sa révocation, dans le sens de déclarer l'insuffisance de la Loi spéciale sur les baux de propriétés urbaines et de sa procédure spécifique et sommaire dans la présente affaire, en révoquant le jugement attaqué et en rejetant l'action en justice et sans que le fond de l'affaire ne soit préjugé. À titre subsidiaire, elle demande qu'il soit constaté que C. SA n'a pas agi correctement dans les négociations qui devaient avoir lieu au cours des deux années précédant à la fin du bail conformément à l’accord C) de l’annexe au contrat du 03 décembre 1987, et n'a pas non plus exécuté correctement l'offre qu'elle devait faire à E. SA pour pouvoir exercer son droit de préférence, l'offre étant inacceptable quant à la forme et au fond et totalement inabordable, invraisemblable et irréaliste, raison pour lequel elle demande l’annulation du jugement attaqué, en rejetant dans tous ses termes la demande. A titre encore plus subsidiaire, elle demande que C. SA soit condamné à indemniser E. SA et O. SA du montant correspondant à la valeur (constructive et commerciale, y compris le fonds de commerce et la propriété commerciale) du bâtiment construit sur la propriété « La Prada del X. » louée, en raison de l'enrichissement injustifié que le propriétaire obtiendra lors de la remise de la propriété louée avec le bâtiment construit dessus et sa mise en location à un tiers en déclarant le droit des sociétés appelantes de pouvoir conserver la possession dudit immeuble et de poursuivre l'exploitation commerciale au prix annuel convenu contractuellement jusqu'à ce que C. SA ait payé le montant de l'indemnité, en révoquant le jugement attaqué et en rejetant l'action dans son intégralité et dans chacun des trois cas, en imposant à l'appelant objet de la reconvention, la totalité des dépens. D’autre part, elle demande également la consignation judiciaire des loyers impayés, la mise en place de la preuve en deuxième instance, la tenue du procès oral correspondant et dénonce la violation du droit de juridiction dans son aspect d'obtention d'une décision fondée sur le droit et une procédure régulière et la violation du droit à la défense aux fins prévues à l'article 94 de la Loi qualifiée portant modification de la Loi qualifiée du Tribunal Constitutionnel. VII. La représentation procédurale de la société C. SA demande sa révocation partielle dans le sens de quantifier l'indemnité d'occupation abusive conformément aux critères énoncés, en supprimant la référence consistant en la présomption que les bâtiments et les installations construits sur la propriété « La Prada » sont aptes à l'exploitation commerciale, car ils ont été soumis à des inspections périodiques par l'administration publique, condamnant la partie adverse à payer les frais de la procédure si elle s’opposait au présent recours. VIII. Le 02-02-2018, la représentation procédurale des sociétés E. SA et O. Z a produit un exposé formulant une question de préjudice pénal avec une demande de suspension de la motivation de la présente procédure civile, en arguant que, moyennant un écrit daté du 28-11-2017, son client avait déposé devant la juridiction pénale la plainte correspondante contre MM. JMS, BMS et R.M.S., respectivement président et vice-présidente de C. SA, et contre M. P.P.P., président et représentant de P.SA pour un délit majeur présumé d'escroquerie, visé et sanctionné aux articles 208 et 209 du Code Pénal (escroquerie procédurale), plainte dont l'instruction a été admise à travers l’Arrêt du 22/01/2018, alors en cours d’instruction. La représentation procédurale de la société C. SA s'y est opposée. Cependant, par Arrêt du 19/04/2018, cette Chambre a décidé de suspendre le traitement de la procédure jusqu'à ce que la décision de justice correspondante soit rendue dans le cadre des Mesures préparatoires numéro 1000980/2017, suspension maintenue par l'Arrêt du 23/10/2018 et enfin levée par ordonnance du 18/06/2019, ladite décision ayant été confirmée par l'arrêt du 22/10/2019 qui a rejeté le recours en révision évoqué par la représentation des sociétés défenderesses. IX. Par arrêt du 22/10/2019, il a été décidé de ne pas donner lieu aux prétentions de preuves invoquées par la représentation procédurale des sociétés E. SA et O. Z à ce stade. M. Ae Y a exercé les fonctions de juge rapporteur. FONDEMENTS JURIDIQUES
I. Le pourvoi de la partie locataire porte essentiellement sur l'exception d'insuffisance de la procédure, car elle considère que l'instruction du procès aurait dû se faire par la procédure ordinaire plus complète et offrant plus de garanties et non sur la base de la Loi sur les baux de propriétés urbaines. Elle affirme que le faire dans le cadre de cette loi constitue « une véritable aberration juridique » et que l'exécution par les procédures de la procédure spéciale et expéditive établie par la loi elle-même serait un « massacre », et que la Batllia a commis une erreur fondamentale d'approche qui conduit à une violation du droit à un procès comme il se doit, visé à l'article 10 de la Constitution. Elle fait valoir, en premier lieu, que le jugement a essentiellement centré son objet sur l'expulsion sans tenir compte des autres aspects de la relation contractuelle complexe découlant du bail ad aedificandum de 1982, dont la nature a été reconnue par la juge, et que la question objet de discussion va bien au-delà des dispositions de La loi spéciale sur les baux des propriétés urbaines qui ne réglemente que les relations locataires des contrats de baux de propriétés urbaines "typiques" et simples et ne peut s'appliquer au cas, car on ne peut expulser un centre commercial de l'ampleur de Y. comme si on expulsait le locataire d'un appartement ; que le bail de référence est un bail complexe sous la forme d'un contrat ad aedificandum qui se caractérise par l'ajout à la figure de base du bail une série de prestations ou d'obligations principaux et non accessoires, qui obligent l'une des parties à construire ou à introduire une série d'améliorations à la propriété ; qu'en règle générale de tels contrats échappent aux lois des baux urbains et que la doctrine andorrane et les articles de la LAFU (Loi sur les baux de propriétés urbaines), qui excluent implicitement les contrats complexes, permettent leur application en l'espèce ; que le jugement STSC 217/13 du 28/11/2013 n'est pas applicable au cas d’espèce, car il n'y a pas de non-paiement de loyer et que les situations sont différentes. Toutefois, le jugement rendu par le tribunal le 20/01/2005 confirmé par la Chambre civile le 14/04/2005 est applicable et la jurisprudence comparée espagnole établit que les contrats complexes tels que le bail ad aedificandum sont exclus de la législation spéciale sur les baux urbains. En second lieu, elle soutient que l'application de l’accord préférentiel constitue un abus de droit que le jugement ne pouvait protéger vu que les bases de la Constitution et des traités et accords internationaux du droit des contrats, et les limites au principe d'autonomie de la volonté qu’ils comportent, ne permettent pas non plus la poursuite de l'affaire selon la Loi sur les baux de propriétés urbaines et la procédure sommaire, qui ne permet pas l'analyse de toutes les questions discutées ; que le contrat avec P. SA, est une erreur complètement aberrante et invraisemblable et que les preuves rejetées auraient dû être mises en place pour évaluer l'enrichissement injustifié de C. SA qui a été soulevé dans la demande reconventionnelle. Troisièmement, elle fait valoir que le tribunal avait l'obligation légale d'admettre et d'évaluer la demande reconventionnelle vu que le juge a quo ne l’a pas déclarée recevable et a rejeté des preuves essentielles ; que l'absence de régulation de la clause préférentielle qui a un contenu et des conséquences contractuelles, économiques et sociales de l'ampleur de la clause en cause aurait dû conduire aux principes extrêmes de prudence, d'équilibre et de bonne foi de la part du bailleur lors de l'exécution de l'offre qui ne l'a pas fait et qui au contraire, a exercé son obligation de manière anormale et étrange en proposant non pas une offre contractuelle, mais un contrat déjà signé avec un tiers (P. SA) comportant des clauses que E. SA ne pouvait assumer et en lui accordant un délai de seulement un mois pour égaler son offre ; qu'il y a abus de droit du fait que C. SA a utilisé et appliqué une clause contractuelle, abusivement, en toute mauvaise foi et au détriment de E. SA et O. SAU. Elle conclut que les prétentions indues et abusives de la demanderesse ne peuvent être pleinement jugées par la procédure LAFU surtout lorsque la continuité de l'affaire ne peut pas être divisée, ce qui signifie que tout processus doit nécessairement se terminer par une résolution unique, dans laquelle toutes les questions qui le concerne sont incluses et que la demande reconventionnelle ne peut être irrecevable vu que la fragmentation du débat et de la controverse judiciaire multiplierait inutilement les actions, favoriserait la multiplication des juridictions, et diviserait la continence et la connaissance de la cause, au risque de générer des résolutions incomplètes et contradictoires. Elle ajoute que la loi à appliquer en l'espèce, ne peut établir que dans un délai de 15 jours, les lieux loués doivent être libérés sous peine d’expulsion immédiate et sans sursis, car si cela est valable pour un appartement ou pour un commerce, ce n'est pas le cas pour un Centre Commercial comme celui d’espèce, avec les conséquences sociales, économiques et sociales que cela implique de surcroit ; que l'application de la LAFU porte atteinte à la concurrence effective et à la concentration économique au détriment des usagers et des consommateurs (Loi 13/2013, du 13 juin) par les sociétés P. SA (l'un des principaux concurrents de Y.) et C. SA avec son contrat du 17-09-2015. Elle soutient également que les bases de la Constitution et des traités et accords internationaux de droit des contrats limitent le principe d'autonomie de la volonté et empêchent l’exécution de ce procès par les procédures sommaires et expéditives de la LAFU et doivent protéger le droit du « locataire et fonds de commerce ou la propriété commerciale. II. L'appel interjeté par la demanderesse porte sur deux questions qui sont le montant de l'indemnité pour occupation abusive et la présomption quant à l'état dans lequel se trouvent actuellement les lieux loués. En ce qui concerne l'indemnité pour occupation abusive, elle n'accepte pas la conclusion du tribunal selon laquelle elle doit être calculée sur la base du prix de location en vigueur pour 2015 et conformément aux dispositions de la clause pénale, mais considère qu'elle doit être calculée sur la base du dommage émergent et du manque à gagner subi. Elle fait valoir que bien qu'il existe une clause pénale, celle-ci ne devrait pas être appliquée à la place de tout autre montant attesté à titre des dommages subis par C. SA résultant d'une occupation abusive, vu qu’il convient de procéder à la réparation complète du dommage subi par la partie lésée suite à ce manquement, tel que prévu dans le contrat lui-même et tel qu'énoncé dans la Jurisprudence en matière de baux. En ce qui concerne l'état des lieux loués, elle n’accepte pas le prononcé selon lequel le Tribunal de première instance présume que les bâtiments et les installations sont aptes à un usage commercial parce qu'ils ont fait l'objet de contrôles périodiques par l'administration publique alors qu’il n'est nullement établi qu'il est administrativement obligatoire que les bâtiments et les installations commerciales construits sur la propriété soient soumis, en général, à tout type de contrôle annuel, et il n'apparaît pas non plus dans le dossier qu'ils aient passé un quelconque contrôle général. Elle soutient que cette précision doit être retirée du jugement et que la détermination de la question doit être laissée en période d'exécution de l'arrêt. III. La résolution de ces recours nécessite une analyse préalable et minutieuse des contrats et des faits établis, après quoi nous trancherons chaque recours à tour de rôle. IV. Les relations contractuelles entre les parties ont débuté par la signature le 23/09/1982 d'un contrat dit de bail au terme duquel M. M. Aaux droits duquel la société C. SA comparait) et MM. E., J. et la société S. SA, représentée par M. Ad Aaux droits desquels comparaissent les sociétés défenderesses), a accordé les dispositions contractuelles essentielles suivantes :
- le premier, en sa qualité de propriétaire, s'est engagé à louer la propriété « LA PRADA DE LA BORDA DEL X », pour une durée de 17 ans à compter du début des travaux, le bail devant prendre fin de plein droit sans préavis ni mise en demeure préalable,
- le propriétaire a cédé les permis de construire que la mairie de SANT JULIÀ DE LÒRIA lui avait accordés,
- en application de la clause 3 « TRAVAUX ET AMÉLIORATIONS », les locataires se sont engagés à réaliser, à compter du délai de 90 jours suivant l'obtention des autorisations administratives, et à leur charge exclusive, mais suivant les plans présentés par le bailleur aux autorités en leur nom et sous la supervision et l'approbation du technicien désigné par le bailleur, la construction d'un bâtiment à usage commercial,
- en application du paragraphe e) du présent article 3, les travaux et améliorations en question, une fois le contrat résilié pour quelques causes que ce soit, doivent rester la pleine propriété du bailleur sans aucun droit à aucune indemnité en contrepartie.
- le prix annuel du bail, payable uniquement à partir de la deuxième année, était fixé à 1 500 000 pesetas jusqu'à la sixième année, augmentant ensuite chaque année pour atteindre 12 441 000 pesetas par an la dernière année.
- le locataire bénéficie, dans le cas où le propriétaire relouerait les biens dans un délai de trois ans et que le contrat n'ait pas été résilié pour manquement du locataire, d'un droit de préférence pour les louer à conditions égales. Le 25/10/1983, les mêmes parties ont fixé la date de résiliation du contrat au 31/12/2015, les locataires s’engageant, sous peine de dommages et intérêts causés au bailleur, à libérer et à évacuer le bien loué et à le remettre au propriétaire avec les travaux et aménagements à la fin du contrat. Les conditions du loyer ont été modifiées dans le sens où les locataires n'avaient rien à payer jusqu'au 01/01/1987, le loyer étant de 1 500 000 pesetas jusqu'en 1991, puis augmentant chaque année jusqu'à atteindre 15 000 000 pesetas en 2005. Le 03/12/1987, les mêmes parties ont signé un dernier contrat.
Il en ressort que, à cette époque, les parties ont constaté que les travaux avaient « augmenté en volume et en surface d'exploitation du fait de l'investissement supplémentaire des locataires, par rapport à l'ensemble du premier objet ».
Ainsi, « en compensation de la construction », ils ont modifié les avenants passés le 25/10/1983, afin d'augmenter la solvabilité bancaire des locataires et ont alors décidé :
- de fixer la date de début du contrat au 23/09/2012 et la date de fin à décembre 2015, et il est rappelé que les locataires, sous peine de dommages et intérêts causés au bailleur, devront laisser le bien loué à la disposition du propriétaire avec les travaux et améliorations pour tout à la fin du contrat,
- les conditions de location sont à nouveau modifiées dans le sens où les locataires n'avaient rien à payer jusqu'au 01/01/1987, le loyer étant de 1 500 000 pesetas jusqu'en 1991, puis augmentant chaque année jusqu'à atteindre 42 324 860 pesetas en 2015,
- Les locataires se sont engagés à ne pas négocier ni modifier davantage le contrat avant 2015, mais il était prévu que des négociations pourraient être menées par les deux parties deux ans avant 2015 en vue d’un nouveau contrat. Par conséquent, les choses étaient claires quant à la volonté des parties : une fois les travaux achevés, le bailleur ne souhaitait plus modifier les obligations respectives des parties et le bail devait prendre fin de plein droit, sans possibilité de prorogation, et sans nécessité de tout préavis au 31/12/2015, délai à compter duquel le locataire devait quitter le bien loué avec les travaux et améliorations effectués sans aucune indemnité, perdant tout droit d'occuper le bien mais avec une droit de préférence en cas de nouveau bail et avec la possibilité d'entamer des négociations pour un nouveau contrat à partir de 2013. V. Il ne semble pas que le locataire ait pris l'initiative de telles négociations, comme c'était son intérêt, puisqu'il ne pouvait ignorer qu'il devait obtenir un nouveau bail pour continuer à profiter des lieux, mais ce qui sûr c’est que les parties ont organisé une réunion le 23/12/2014. Le 29/12/2014, le bailleur a adressé un e-mail rappelant au locataire la résiliation du contrat et son obligation de quitter les lieux loués.
Le locataire a répondu par courrier le 19/01/2015, se référant à la réunion du 23/12/2014 et indiquant qu'il étudiait la proposition faite par le bailleur et qu'il devait rencontrer les représentants de la société « L. ».
Par courrier du 18/02/2015, le bailleur a indiqué que sa proposition faite le 23/12/2014 était valable jusqu'au 15/01/2015 comme indiqué au cours de la réunion et donc avait expiré, et a insisté sur l'obligation de libérer les lieux loués au 31/12/2015. Il a également déclaré qu'il commençait à négocier formellement avec d'autres candidats. Il a déclaré qu’à cette époque, le locataire lui avait indiqué que ses relations avec « L. » n'avaient rien à voir avec le bail, mais qu’il était disposé à négocier avec cette société comme avec n'importe quel autre candidat. Le 17/09/2015, le propriétaire a conclu un bail avec la société P. SA pour la location de la propriété impliquée dans l’affaire avec le bâtiment construit dessus pour une durée de 15 ans et 2 mois. Par courrier en date du 25/09/2015, la société C. SA, a informé le locataire de la formalisation de ce contrat, et lui a accordé un mois pour savoir s'il souhaitait exercer son droit de préférence.
Le locataire a répondu par courrier du 22/10/2015 que le délai d'un mois n’était pas valable et suffisant, et s'est plaint que le bailleur ne lui ait notifié aucun projet de contrat de renouvellement du bail de 1982. Mais, par courriers en date des 03/12/2015 et 12/01/2016, la société C. SA est restée sur sa position, exigeant la libération des locaux loués. Enfin, le locataire a indiqué par courrier du 21/01/2016 qu'il considérait avoir une « cause légitime et un bon droit » (sans autre précision) pour continuer à occuper le bien loué. C'est dans ces conditions qu'est née la présente procédure que le défendeur a engagée suivant les dispositions de la Loi des baux des propriétés urbaines, choix procédural que la partie défenderesse n'a pas accepté mais que le tribunal unipersonnel a validé, rejetant l'exception d’inadéquation de procédure. VI. Il convient donc d'examiner l'exception en question. Il convient de noter d'emblée que si les sociétés défenderesses invoquent à ce stade un certain nombre nouveaux fondements et arguments, tentant ainsi de modifier les termes du débat judiciaire soulevé en première instance, le fondement de leur exception était que nous nous trouvions face à un bail ad aedificandum qui constitue un contrat complexe pour lequel la jurisprudence andorrane exclut l'application de la LAFU. Nous en reparlerons plus tard. Pour ce qui est du champ d'application de la LAFU, personne n'avait jusqu'alors évoqué la qualification de bail ad aedificandum du contrat de 1982 et il convient de préciser que l'on ne saurait dire comment fait la partie pour défendre dans sa réplique le fait que sa prestation principale était celle de construire alors qu’en fait elle était dans l'obligation, également principale, de payer le loyer, d'où la complexité du contrat et la spécificité du bail. Il est vrai qu'en principe un tel contrat échappe à la procédure via la Loi des baux urbains comme l'indiquent les jugements et la Doctrine invoqués par les défendeurs, puisqu'en général, un tel contrat induit des discussions qui n'ont pas de lien direct avec le bail.
De ce point de vue, il convient de noter que le jugement 263/12 du 17/12/2012 invoqué par le tribunal, bien qu'il n'ait pas soulevé d'office le fait que la procédure avait été suivie selon la procédure de la LAFU, n'a pas non plus statué sur la possibilité d'intenter une action en justice en suivant cette procédure dans le cas d'un contrat complexe, mais a déterminé que dans une procédure suivie conformément aux préceptes de la Loi sur le bail, rien ne pouvait être débattu ou décidé en ce qui concerne les droits que le locataire entendait avoir au titre de l'usage si quis in alieno ou en relation avec le droit de rétention invoqué, et que par conséquent, sa demande reconventionnelle à cet égard ne pouvait être recevable dans le cadre de la LAFU. Cependant, deux séries de considérations doivent nous conduire à confirmer la solution de l'instance d'admettre que les prétentions de la C. SA puissent être traitées par la procédure spécialisée de la LAFU. La première série de considérations est que si en 1982, l'objet du bail était le terrain sur lequel la construction devait avoir lieu, il ressort clairement du contrat de 1987 que l'objet du bail comprenait le bâtiment commercial déjà construit et en compensation duquel les parties ont modifié les autres conditions contractuelles.
Dès lors, nous ne sommes pas dans une situation comparable à celle jugée en 2005 (B-1382-4/03 et TSJC 51/05) dans laquelle l'objet du bail n'avait pas cessé d'être le terrain excluant l'hôtel édifié dessus, et dans laquelle en plus, la prétention était d'obliger le propriétaire à fournir de l'eau potable et non l’expulsion. Le deuxième ensemble de considérations porte sur la nature de la procédure qui régule l'actuelle Loi sur les baux urbains du 30 juin 1999. Il en est de même uniquement lorsque les relations et obligations qui font l'objet du litige découlent d'un contrat de bail.
Il a vocation à s'appliquer en cas de bail et pas uniquement en cas de non-paiement du loyer, tout en précisant que ce n’est pas le fait que le locataire ait toujours respecté son obligation de payer qui est remis en cause mais son droit à rester dans les lieux loués.
Le fait que la propriété soit le siège d'un grand centre commercial ou les arguments (nouveaux pour la plupart) sur les conséquences sociales et économiques ne peut par ailleurs modifier les critères d’application de la LAFU, puisque celles-ci sont la conséquence de la fin du contrat et la perte consécutive du droit d'occuper les lieux mais n'ont rien à voir avec le fait que la procédure a été suivie par la procédure de la LAFU et non par la procédure ordinaire. Plus précisément, l'article 1 de la Loi prévoit qu'elle régule le régime juridique des baux de propriétés urbaines, que ce soient ceux destinés au logement, ou ceux destinés à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle, professionnelle, éducative, ou de toute autre nature. En outre, l'article 2 énumère les baux qui sont exclus et qui consistent en l’utilisation en tant que logement de concierges, gardiens, agents de sécurité, employés et fonctionnaires qui l'occupent en raison de la fonction qu'ils exercent ou du service qu'ils rendent, les baux de propriétés avec une maison ou un logement dont l'objet principal du contrat est l'exploitation agricole, d’élevage ou forestière de la propriété, et les baux d'industrie ou de commerce.
L'article 6.2 précise que la LAFU régit également les baux de terrains destinés à tout autre usage que l'exploitation agricole, d’élevage ou forestière. La deuxième disposition prévoit que toutes les actions entreprises en vue de résoudre les litiges, les rapports et les obligations nés des baux, quel que soit leur montant financier, sont motivées conformément au règlement de procédure établi dans la même disposition finale. De l'ensemble de ces éléments, il ressort que le critère déterminant pour recourir à la procédure LAFU est l'application des règles propres à la nature du bail. Ce dernier se définit essentiellement comme la jouissance d'un bien non consommable pour une utilisation pendant un certain temps, avec sa restitution à la fin du contrat, le tout en échange d'un certain prix.
Cette obligation essentielle de restitution du bien en fin de bail est prévue à l'article 28.8 de la LAFU. VII. Il s’agit bien là de l’objet du présent procès : la fin du bail, la restitution du bien loué tel que défini en 1987, et le droit de préférence du locataire.
En effet, malgré la nature complexe du contrat initial conclu il y a près de 40 ans, la nature de l'action engagée par le bailleur plus de 30 ans après la réalisation des travaux convenus, n'affecte que la question de l’expulsion, une question propre aux relations entre les parties à un bail et la nature de celui-ci.
En fin de compte, il ne s’agit que de débattre de la fin du bail et si les locataires ont un titre ou un droit de rester sur les lieux (et non un droit de rétention, ce qui est très différent). Toutefois, le locataire ne prétend pas que le contrat est arrivé à expiration, ni qu'il n'existe pas de nouveau contrat à son avantage puisqu'il n'a conclu aucun accord à cet égard ni exercé son droit de préférence, mais plutôt que, d'une part, il prétend qu'il aurait un droit de continuer à occuper les lieux loués, car ses droits n'ont pas été respectés, et d'autre part, il prétend obtenir, par la voie reconventionnelle, une indemnisation pour l'enrichissement injustifié découlant du fait de laisser l'immeuble construit par lui-même au propriétaire, un droit de crédit qui lui permettrait d'exercer un droit de rétention. Cependant, on peut constater que dans le cadre de la procédure, les droits du locataire ont été respectés par rapport à son droit de préférence au bail et, surtout, il ne faut pas nécessairement débattre dans le cadre de la même procédure d’expulsion la question de l'indemnisation car, comme nous l'avons vu, il n'y a pas de possibilité d'indemnisation en fin de contrat.
Dès lors, il n'existe aucune violation ou division de la continuité de l'affaire puisque l'objet de la demande reconventionnelle est clairement séparable de la question de l’avenir du bail et de l’expulsion et, ainsi que l’établit le jugement 263-12, une telle demande ne peut être traitée selon la procédure de la LAFU. D'autre part, le fait que la procédure de la LAFU ait été suivie, en plus d'être adapté aux prétentions qui devaient être résolues, n'a entraîné aucune déviation de la procédure, ni aucune vulnérabilité des parties défenderesses qui ont eu la possibilité dans cette procédure de défendre leurs arguments et de s'opposer à la partie adverse, en proposant des preuves avec les mêmes garanties de contradiction et de défense que dans une procédure ordinaire. Ainsi, s'il est vrai que la procédure LAFU se caractérise par sa célérité et sa souplesse, il n'y a pas violation du droit de juridiction de l'article 10 de la Constitution car en aucun cas, les droits de défense, d'audience ou de contradiction des sociétés E .SA et O.SA qui ont pu se défendre pleinement et valablement face à la demande d'expulsion et aux prétentions accessoires à celle-ci n’ont été limités. Par conséquent, l'erreur fondamentale d'approche imputée à Mme la juge n'existe pas et le rejet de l'exception d'insuffisance de procédure doit être confirmé. VIII. La partie défenderesse introduit une prétention reconventionnelle, mais elle n'a rien à voir avec la prétention initiale d’expulsion fondée sur la résiliation de plein droit du contrat du fait que le bail est arrivé à son terme contractuel, vu que les parties n’ont pas passé de nouveau contrat et le locataire n'a pas exercé son droit de préférence.
Cette demande reconventionnelle déposée ici et conditionnée par la déclaration de résiliation du bail, peut être déposée dans l'instance principale et il est justifié que Mme la juge l'ait rejeté du fait qu’elle ne correspondait pas à la procédure de la LAFU, telle que déterminée précédemment. Par ailleurs, la demande reconventionnelle ne saurait être utilisée pour étayer un droit de rétention invoqué de manière très ingénieuse mais finalement forcée et déplacée dans le cadre de la présente procédure dès lors que ce droit de rétention a vocation à se fonder sur le crédit invoqué mais non quantifié résultant de l'indemnisation dont nous avons dit qu'elle ne pouvait résulter du contrat et qui mérite un éventuel examen à part. À cela, il convient d’ajouter que le fait de continuer à occuper les lieux et à en jouir ne peut être confondu avec le droit de rétention qui, en tout état de cause, ne permet pas au rétenteur d'utiliser le bien retenu, et de citer le professeur Ab X quand il explique :
« (...) Il convient de partir d'un fait souvent mis de côté. En effet, lorsque le titulaire de la garantie décide de l'exercer et commence à la posséder à titre de rétenteur, il opère un changement dans sa conception de la possession, de sorte qu'il la détient désormais en tant que titulaire d'une garantie légale et de constitution unilatérale et abandonne la notion de possession qu'il exerçait auparavant sur le bien (comme créancier gagiste, dépositaire, mandataire, etc.). C'est pourquoi les pouvoirs et obligations qui lui sont imposés sont liés au nouveau concept de possession qui s'exerce.
En ce qui concerne les obligations imposées au rétenteur, il convient de noter ce qui suit :
- le rétenteur ne peut utiliser le bien ;
- le rétenteur est tenu de conserver et, par conséquent, est responsable des dommages ou pertes qui pourraient être subis sur la propriété si ceux-ci lui sont imputables ;
- le rétenteur est tenu de tolérer le remplacement du bien soumis à rétention par un autre bien remis par le créancier qui garantit suffisamment le droit de crédit du rétenteur (VÖET). »
Par conséquent, le locataire ne peut invoquer cette garantie pour continuer d’occuper la propriété, et ce, d'autant plus qu'il a été considéré que la formulation de la demande reconventionnelle ne permettait pas d'écarter l'application de la LAFU et que cette demande reconventionnelle ne pouvait être examinée dans le cadre de la LAFU. IX. Une question qui doit être examinée séparément est celle de l'abus de droit invoqué dans l'application de l'accord de préférence et plus généralement dans les négociations qui ont existées entre les parties, car il est lié à la perte par le locataire de son droit de jouir des lieux et donc à la demande d'expulsion, dans la mesure où il entend fonder le fait de continuer à occuper les lieux loués sur ce prétendu abus de droit et sur l'affirmation qu’il pourrait encore exercer ce droit. Par conséquent, une telle question pouvait parfaitement être discutée dans le cadre de la procédure de la LAFU et cela a toujours été le cas dans la mesure où les défendeurs ont pu présenter leur défense à cet égard et peuvent maintenant la soumettre à cette Chambre civile. Or, rien dans la procédure ne prouve la thèse des machinations montées par les représentants de la société C. SA, avec la complicité des représentants de la société P. SA, dans le but de priver le locataire de ses droits et la possibilité de conclure un nouveau contrat ou d'utiliser leur droit de préférence.
Au contraire, les actions révèlent une attitude correcte, diligente et respectueuse de la part du bailleur et une autre chose est que ce dernier avait des exigences et des conditions incompatibles avec celles du locataire. Le reproche fait au bailleur de ne pas proposer d'offre contractuelle mais le contrat déjà signé avec P. SA ne peut être retenu. En effet, en disant cela, le locataire confond la question du droit de préférence et celle de la négociation d'un nouveau contrat, qui sont deux choses différentes, car une fois le bail expiré sans qu'aucun nouveau contrat n'ait été passé, le nouveau propriétaire pourrait librement passer un contrat avec un tiers et n’est pas tenu de soumettre les conditions convenues à l'ancien locataire.
En outre, il ne faut pas confondre droit de renouvellement et droit de préférence au bail. D’autre part, il n'y avait aucune obligation pour le propriétaire de formaliser une proposition de contrat écrite dans le cadre des négociations d'un nouveau contrat. En tout cas, il est établi qu’une proposition (verbale mais claire si l'on se réfère au mail d'E. SA) a bien été faite en décembre 2014 mais que la contrepartie ne l'a pas acceptée. Rien dans cette lettre ne peut être qualifié d'intempestif dans la mesure où elle fait partie des discussions entre les parties. En ce qui concerne le droit de préférence par rapport au contrat signé avec P. SA, nous n'estimons pas abusif le délai d'un mois accordé au locataire pour prendre position, car il faut garder à l'esprit que les deux parties savaient que le contrat n'avait pas réglé cet extrême, qu'ils négociaient les conditions de conclusion d'un nouveau contrat depuis des semaines, et que le locataire connaissait parfaitement le centre chargé de l’exploitation et pouvait facilement déterminer s'il pouvait assumer les conditions acceptées par P. SA. Quant au contrat avec P. SA, son erreur n'est pas prouvée. La tentative de l’appelant auprès de la juridiction pénale a échoué. Les éléments économiques apportés par le bailleur par rapport aux prix des locations commerciales andorranes ainsi que l'affirmation soutenue par les représentants de P. SA comme quoi le contrat correspond à une stratégie entrepreneuriale et commerciale de leur entreprise qu'ils souhaitent réellement mettre en place, ne sont contredits par aucun élément objectif fourni dans le cadre de la présente procédure. X. En conclusion à propos du recours des sociétés défenderesses, celui-ci ne peut aboutir puisque c'est en tout connaissance de cause que Mme la juge a suivi la procédure de la LAFU et a décidé de rejeter l'exception d'insuffisance de procédure et de rejeter la demande reconventionnelle. XI. S'agissant du recours de la partie demanderesse en ce qui concerne le montant de l'indemnisation pour occupation abusive, la demande était d'obtenir la réparation intégrale du préjudice causé par le défaut de restitution du bien loué le 01/01/ 2016.
Sous ce concept, une réclamation a été faite concernant :
- d'une part, le montant résultant de la clause pénale accordée dans la clause pénale du contrat de 1982 et selon laquelle le locataire « paiera, en plus du prix de la location et à titre de clause pénale, 1,50 % par jour de la somme correspondant au prix du loyer annuel en cours, pour chaque jour retardant la mise à disposition des bâtiments loués au bailleur. Cette clause pénale a également la notion d'indemnisation forfaitaire pour la seule notion de retard et est indépendante de celle que le bailleur peut exiger solidairement au locataire pour d'autres concepts, tels que la dégradation des biens loués, aux immeubles ou aux installations éventuellement mis à sa disposition, etc. » - d'autre part, le préjudice causé par le fait de ne pas quitter les lieux loués et le préjudice consécutif au fait de la non-perception du loyer par P. SA. Mme la juge a également considéré que la clause pénale était proportionnée et qu'elle correspondait à un régime spécial d'indemnisation pour occupation abusive au sens de l'article 27.9 de la LAFU (cet article est applicable en cas de non-restitution du bien à la fin du bail et prévoit que le locataire est tenu, tant que le bien n’a pas été restitué, et dans la mesure où un régime différent n’a pas été convenu, de continuer à payer les loyers, actualisé le cas échéant, à titre d'indemnisation pour occupation abusive) et qu'en conséquence, les sommes excédant le montant forfaitaire convenu ne pouvaient être établies. Cette approche doit être confirmée. En effet, nous sommes dans le cadre spécifique de la LAFU qui permet aux parties de prévoir leur propre régime d'indemnisation des conséquences d'un manquement à leur obligation contractuelle et légale de restituer le bien une fois le bail expiré.
Dans notre cas, les parties ont accordé sous la forme d'une clause pénale le régime d'indemnisation en cas de retard dans la restitution de la propriété.
Cette garantie contractuelle avec une fonction de liquidation qui a pour objet de déterminer a priori les dommages faits au bailleur, ne concerne que le retard mais couvre toutes les conséquences du retard, de manière forfaitaire, et l’autre dommage réclamé est compris dans l'indemnisation prévue à la clause pénale. XII. En ce qui concerne la présomption relative à l'état dans lequel se trouvent actuellement les lieux loués, la demande était :
« De rendre sans délai la possession immédiate des lieux loués à C. SA. dans un état de conservation correct, sans préjudice de l’usure résultant de leur utilisation normale, cette obligation étant comprise dans le sens que les deux bâtiments construits sur « La Prada de la Borda del X. » comme leurs installations, doivent être conformes à la réglementation en vigueur pour les rendre aptes à une exploitation commerciale. »
Madame la juge a décidé :
« De condamner le défendeur à restituer sans délai la possession immédiate des lieux loués à C. SA. dans un état correct de conservation, sans préjudice de l’usure résultant de leur utilisation normale, conformément aux dispositions du septième fondement juridique de la présente décision. »,
et a justifié par le septième fondement en question qu'il était « évident que, si l’usage convenu des locaux loués était « toutes les activités commerciales licites, à l'exception d'une station-service (...) l'obligation du locataire de restituer la possession des lieux en bon état de conservation comporte nécessairement la conformité des bâtiments et installations loués à la réglementation en vigueur pour les rendre aptes à une exploitation commerciale expressément formulée par la partie demanderesse, ce qui, en outre est supposément le cas puisque le locataire y exploite un commerce qui, de toute évidence, doit avoir été soumis à des contrôles périodiques par l'Administration Publique. ». Il doit être convenu avec la partie demanderesse qu'il n'est pas indiqué dans le dossier que les bâtiments et les installations commerciales construits sur la propriété sont soumis à une inspection annuelle, ni qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune inspection générale. Il est donc hypothétique et non présumé qu'ils sont conformes à la réglementation en vigueur. Toutefois, cette circonstance ne peut nous conduire à révoquer ou à modifier le jugement d'instance, puisque ce que demande le requérant, c'est-à-dire imposer par la restitution une obligation si large impliquant que les lieux soient « conformes à la réglementation actuellement en vigueur pour les rendre aptes à une exploitation commerciale », va au-delà de ce qu’il peut obtenir. En effet, à la fin du bail, l'obligation du locataire était de construire un immeuble à usage commercial, de développer les activités propres aux commerces mis en place sur la propriété dans le strict respect des lois en vigueur, et au terme du bail, de quitter le bien loué et de le restituer au propriétaire avec les travaux et les améliorations effectués.
En vertu de l'article 27.8 et .10 de la LAFU, l'obligation du locataire est de restituer le bien tel qu'on lui a remis, à l'exception des dommages causés par le passage du temps et l'utilisation normale, ou pour cause inévitable, et de répondre des dommages causés au bien loué, à moins qu’il ne prouve qu'ils n’ont pas été causés par sa faute ou celle des personnes vivant avec lui.
Ces notions sont très différentes des « installations conformes à la réglementation en vigueur. »
De plus, une formule aussi large que celle qui concerne C. SA peut se rapporter à des hypothèses très différentes et diverses.
À cet égard, il est à noter que M. P., président du conseil d'administration de P. SA, a indiqué que pour démarrer efficacement l'exploitation des locaux loués, sa société devra adapter le bâtiment à la réglementation en vigueur en matière de sécurité.
En d'autres termes, le nouveau bailleur présume ou considère que le bâtiment ne serait pas entièrement conforme aux règles de sécurité et qu'il envisage de l'adapter à sa charge. Dès lors, il est impensable d'imposer au locataire une obligation aussi large pouvant impliquer de lui imposer les frais d'adaptation du bâtiment à la règlementation en vigueur au moment de la restitution de l'immeuble. Cela étant, il n'y a aucune raison d'ordonner au locataire de restituer le bâtiment dans les conditions demandées par le bailleur et la formule utilisée dans le jugement de l’instance doit être maintenue, tout en précisant que la phrase qui y est insérée dans le J’ai décidé « conformément aux dispositions du septième fondement juridique de la présente décision.» n'est pas utile et n'a aucune conséquence sur l'exécution du jugement, et n'entraîne donc aucune révocation mais doit être considérée comme inexistante. XIII. En conclusion, les deux appels doivent être rejetés et le jugement de l'instance doit être pleinement confirmé. XIV. Le rejet des deux recours a pour conséquence l'imposition à chaque partie appelante des frais engendrés par son recours. Vu la législation en vigueur et les Us et Coutumes applicables en l'espèce. La Chambre Civile du Tribunal Supérieur de Justice d'Andorre, A DÉCIDÉ
DE REJETER le recours formé par la représentation procédurale des sociétés E. SA et O. SA et le recours de la représentation procédurale de la société C. SA, contre le jugement rendu par le tribunal unipersonnel du juge en date du 09/01/2018, que nous confirmons pleinement. D’IMPOSER aux sociétés E. SA et O. SA et à la société C. SA, les dépens engendrés par leurs recours respectifs. Cette résolution est définitive et exécutoire. Ainsi, par ce jugement que nous prononçons, établi définitivement, nous l’ordonnons et le signons.