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25/04/2024 | ANDORRE | N°11/2024

Andorre | Andorre, Tribunal supérieur de justice, Chambre pénale, 25 avril 2024, 11/2024


Rôle nº : TSJP 00000015/2024
Affaire nº : 6000038/2023

ARRÊT 11-2024

PARTIES :

Appelants : M. SCP
Avocate : Mme Alexia BERNAT CALVO

M. DVC
M. JVC
Avocat : Maître Jésus JIMENEZ NAUDI

Intimés : MINISTÈRE PUBLIC

M. ADSC
Avocat : Maître Josep GARCIA BADIA

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Magistrats : M. Yves PICOD
Mme Fátima RAMIREZ SOUTO
M. Jaume TOR PORTA

À Andorre-la-Vieille, le vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre.

Dans l'appel formé contre le jugement rendu le 17 janv

ier 2024 par le Tribunal de Corts concernant l'affaire et le rôle susmentionnés, engagée pour des délits majeurs d'extorsion et de possessio...

Rôle nº : TSJP 00000015/2024
Affaire nº : 6000038/2023

ARRÊT 11-2024

PARTIES :

Appelants : M. SCP
Avocate : Mme Alexia BERNAT CALVO

M. DVC
M. JVC
Avocat : Maître Jésus JIMENEZ NAUDI

Intimés : MINISTÈRE PUBLIC

M. ADSC
Avocat : Maître Josep GARCIA BADIA

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Magistrats : M. Yves PICOD
Mme Fátima RAMIREZ SOUTO
M. Jaume TOR PORTA

À Andorre-la-Vieille, le vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre.

Dans l'appel formé contre le jugement rendu le 17 janvier 2024 par le Tribunal de Corts concernant l'affaire et le rôle susmentionnés, engagée pour des délits majeurs d'extorsion et de possession illégale d'une arme interdite, et pour la possession délictueuse de drogue toxique et de cocaïne pour la consommation personnelle. Les personnes composant le Tribunal Supérieur de Justice exprimées en marge se sont constituées pour l'audience et la décision, le juge rapporteur étant Mme Fátima RAMIREZ SOUTO.

EXPOSÉ DES FAITS

I.- ATTENDU QUE : le Tribunal de Corts a rendu un jugement en date du 17 janvier 2024 avec le dispositif suivant :

« A DÉCIDÉ :
de condamner DVC, SCP et JVC en tant qu'auteurs responsables du crime majeur d'extorsion, et DVC comme également responsable du délit majeur de possession illégale d'une arme interdite et du délit mineur de possession de drogue toxique (cocaïne) pour sa propre consommation, respectivement :

- en ce qui concerne le prévenu DVC, à la peine unique de QUATRE ANS ET DEMI D’EMPRISONNEMENT et de 1000 € d'AMENDE, ainsi qu’à la peine complémentaire de RETRAIT DU PERMIS D'ARME, conformément aux dispositions de l'article 38.1 a) du Code Pénal, pour une durée de QUATRE ANS,

- en ce qui concerne le prévenu, SCP, à la peine de QUATRE ANS D’EMPRISONNEMENT, ainsi qu’à la peine complémentaire d'EXPULSION TEMPORAIRE de la Principauté pour une durée de VINGT ANS, conformément aux dispositions de l'article 38.1 du Code Pénal,

- en ce qui concerne le prévenu JVC, à la peine de QUATRE ANS D’EMPRISONNEMENT, et est également à payer solidairement les frais de procédure engagés, y compris les honoraires d'avocat de l’accusation particulière, ainsi que le paiement, solidairement entre tous trois, à la victime au titre de la responsabilité civile, pour un montant de 19 000 €.

La saisie est également convenue, conformément aux dispositions de l'article 70 et concordantes du Code Pénal, des fusils de chasse de la marque ARMTAC, modèle Rs-X2 et de numéro de série xxx, et de la marque AKKAR, modèle Tk-355 et de numéro de série xxx, ainsi que les munitions correspondantes, des téléphones portables IPhone 13, IPhone 11 et IPhone 12 Pro Max appartenant aux prévenus, et le produit stupéfiant contenu dans le sac scellé PP088508, plus le réactif correspondant contenu dans le sac PP088509, auxquels la destination légale appropriée sera attribuée.

Le retour d'autres objets confisqués à ce moment-là par la police et qui sont contenus dans les sacs scellés nº PP088381 (USB), PO039678 (disque dur), PO044766 (disque dur), GO21290 (mini-ordinateur), PO044516 (iPad) et GO22031 (batte en bois) ».

II.- ATTENDU QUE : Le jugement est fondé sur les faits avérés suivants :

« que, le 15 janvier 2022, le prévenu DVC, né le xxx xxx xxx, de nationalité andorrane et sans casier judiciaire, a tenu une réunion avec la partie lésée et plaignante ADSC, concernant la dette d'un montant de 186 285,19 € que la société CB, SLU – propriété du père de DSC – avait vis-à-vis des sociétés M., SA et (MESA), dont le prévenu V. et son frère, et également prévenu JVC – né le xxx xxx xxx, de nationalité andorrane et sans casier judiciaire – étaient les directeurs et associés,.
Au cours de cette réunion, la victime DS a déclaré au défendeur DVC que CB ferait probablement faillite et que la dette devrait être réclamée dans le cadre de cette faillite, ce qui a mis en colère le prévenu DVC, disant à DS qu'il aurait de ses nouvelles tout en insistant sur le fait qu'il devait prendre personnellement en charge la dette de CB.
Ainsi, et dans le but de faire pression sur ADSC pour qu'il assume et rembourse personnellement la dette de l'entreprise de son père, les frères et prévenus VC, d'un commun accord, ont embauché le prévenu SCP, né le xxx xxx xxx, de nationalité espagnole et sans casier judiciaire en Principauté d’Andorre.
En exécution de ce qui précède, le 1ᵉʳ février 2022, alors qu'ADSC était arrêté dans son véhicule à la hauteur du nº 92 de l'Av. Verge de Canòlich dans la localité de Sant Julià de Lòria, où il était allé faire une course accompagné d'un de ses amis, le prévenu SCP s'est approché de lui et lui a demandé de sortir du véhicule, en lui disant qu'il voulait lui parler lui et qu’il avait été envoyé par les frères VC pour parler de la dette de 186 000 € contractée par l'entreprise appartenant à son père envers MESA et MARMESA, ADSC répondant qu'il ne pouvait pas l’assumer. À ce moment-là le prévenu C. lui a dit qu'il avait des gens qui le suivaient, lui, sa femme et son fils depuis un certain temps, et que soit il coopérait, soit ils allaient le tuer ainsi que sa famille, tout en lui montrant plusieurs photographies de lui, de sa femme et de son fils dans des situations quotidiennes.
Néanmoins, la victime DS a insisté sur le fait qu'il ne pouvait pas reprendre la dette contractée par l'entreprise de son père, le prévenu C. lui donnant la possibilité de la payer par mensualités, ce que DS, alors effrayé, a accepté. Ils ont ensuite convenu de se retrouver le jeudi 3 février suivant dans les locaux de MESA pour signer une reconnaissance de dette à ce titre, DS devant apporter une somme comprise de 6 000 à 7 000 € en espèces pour les frais de C. À ce moment précis, ce dernier a montré à la victime que son véhicule était équipé d'un dispositif de localisation, qu'il a immédiatement retiré sous prétexte que désormais, la confiance régnait entre eux.
Ainsi, le 3 février 2022, la victime ADS a rencontré les trois prévenus dans les bureaux de MESA situés dans la localité de Santa Coloma, où ces derniers lui ont fait signer, en profitant de l'état de peur et de soumission dans lequel DS se trouvait déjà face aux menaces de C. reçues deux jours auparavant, une reconnaissance de dette par laquelle la société BYLD, SL – dont il est propriétaire – se portait garante solidaire de la société CB, SLU par rapport à la dette de celle-ci envers MESA et MARMESA, document dans lequel figurait comme représentante de ces entreprises Mme NCJ, mère des prévenus, et où il a été convenu que la victime DS paierait 5 000 € par mois, remettant également à DS lors de cette réunion la somme indéterminée, mais comprise entre 6 000 € et 7 000 € en espèces au prévenu C. que ce dernier lui avait demandé d’apporter à titre de frais personnels.
Suite à ce qui précède, le 9 février et le 11 mars 2022, la victime DS a effectué deux versements par virement bancaire correspondant de 5 000 € chacun, sur le compte bancaire n° xxx appartenant à MESA.
En outre, et avant ce deuxième paiement du 11 mars 2022, plus précisément du 9 mars 2022, le prévenu DVC, afin de maintenir l'état de peur et de soumission dans lequel se trouvait ADS pour le faire payer, lui a envoyé un message WhatsApp lui demandant : « Alors ce mois de mars ? », ADS répondant : « aujourd'hui, je reçois un paiement et je te le fais demain, le 10 », répliquant à nouveau le prévenu V., faisant également référence au prévenu SC : « le cousin demande s’il doit monter ? Qu'est-ce que je lui dis ? » ; DS répondant à son tour : « pas besoin ».
Par ailleurs, le 23 mars 2022, le prévenu DV a envoyé un message WhatsApp à la victime ADS afin de fixer un rendez-vous avec le prévenu SC, C. et DS se retrouvant le lendemain au salon de thé de xxx, où travaille l'épouse d'ADS. Au cours de la réunion, le prévenu C. lui a dit qu'il devait demander un permis de séjour pour pouvoir travailler en Andorre, et lui a demandé de déposer cette demande auprès du Service de l'immigration en l'enregistrant comme travailleur de son entreprise BYLD, de déclarer à cet effet qu'il recevrait un salaire de 3 000 €, et qu'il demanderait alors aux deux autres prévenus de soustraire ledit montant de 5 000 € qu'il devait leur verser mensuellement. Ainsi, dans les jours suivants, le prévenu C. a envoyé plusieurs messages, vocaux et écrits à la personne lésée DS pour lui demander d'accélérer le traitement de son permis de séjour, en profitant de l'occasion pour l'effrayer et maintenir son état de soumission vu que dans ces messages C. lui disait, entre autres, qu'il avait de nombreux casiers judiciaires en Espagne en attente d'annulation.
Toujours le 11 avril 2022, et étant donné que la personne lésée DS n'avait pas effectué le paiement de 5 000 € correspondant au mois d'avril, le prévenu DV lui a adressé un nouveau message pour lui réclamer l'argent ; puis, il lui a envoyé un autre message le 13 avril 2022, voyant qu'il n'avait toujours pas payé, qui disait : « A., tu me fais le virement aujourd'hui ou…ou l'autre viendra te le réclamer, moi, je ne t'appellerai plus ».
Dans les jours suivants, et en conséquence de ce qui précède, le prévenu C. a envoyé plusieurs messages à la victime DS en lui disant que la question du paiement devait être résolue cette même semaine, ajoutant « parce que ces gens ne me... bon, ne me disent pas des choses, mec... », et le 25 avril, le prévenu C. a de nouveau demandé à la victime si elle avait déjà effectué le paiement et si elle pouvait se rencontrer un jour pour en discuter.
En raison de la situation d'intimidation dans laquelle il vivait, la victime ADS a subi une crise d'angoisse le 26 avril 2022, l’obligeant à se rendre aux urgences de l'hôpital, où il a été pris en charge.
Lors des perquisitions effectuées le 3 mai 2022, une fois les trois prévenus arrêtés à proximité des locaux de l'entreprise MESA, la police a saisi divers documents liés aux faits et du matériel informatique dans les locaux des entreprises MESA et MARMESA et dans le véhicule du prévenu DV, ainsi que les téléphones portables des trois prévenus, une batte en bois provenant de l'intérieur du coffre du véhicule du prévenu C., ainsi que – dans différentes propriétés – deux armes interdites du fait d’être équipées d’un pointeur laser, un des fusils étant de la marque ARMTAC, modèle Rs-X2 et numéro de série xxx, et l’autre de la marque AKKAR, modèle Tk-355 et numéro de série xxx, les deux armes appartenant au prévenu DVC.
Une fouille personnelle a été effectuée chez le prévenu DVC au moment de son arrestation et un paquet de cocaïne d'un poids brut de 1,2 gramme, caché dans ses sous-vêtements et destiné à sa propre consommation, a été saisi. »

III.- ATTENDU QUE : le représentant en justice de SCP, DVC et JVC a introduit un recours dans lequel il réfute l'évaluation des preuves effectuée par le Tribunal de Corts, estimant que le résultat de celles-ci ne permet pas d’attester les éléments qui configurent le délit d'extorsion visé à l'article 207 du Code pénal.

Le fait qu'ADSC assume la dette de l'entreprise de son père à la suite des menaces reçues par les défendeurs est également contesté, la défense avançant que la dette a été volontairement assumée.

Le représentant en justice des accusés considère que la peine imposée est disproportionnée et non motivée.

La défense demande principalement l'acquittement de MM. SCP, DVC et JVC. Subsidiairement, elle demande également une nouvelle qualification juridique et pénale des faits et, plus subsidiairement, qu'une peine unique de 2 ans d’emprisonnement soit infligée, dont 1 an ferme et le reste avec sursis, une responsabilité civile de paiement solidaire à effectuer par tous les trois, d’un montant de 10 000 euros, ainsi que l’annulation du paiement des frais de procédure.

IV.- ATTENDU QUE : le ministère public, suite à un rapport daté du 29 février 2024, s’est opposé au recours.

Le ministère public considère que les preuves avancées lors de l'audience présentent suffisamment de signes et d'éléments de preuve pour réfuter la présomption d'innocence.

En ce qui concerne la peine prononcée, le ministère public considère qu'elle est proportionnelle aux faits commis et à la situation des auteurs, et qu’elle est suffisante pour garantir le principe de prévention générale.

Le ministère public demande que le recours introduit soit rejeté et que la décision faisant l'objet du recours soit confirmée afin d'être adaptée à la loi.

V.- ATTENDU QUE : l'avocat de l’accusation particulière, M. Josep GARCIA BADIA s'oppose également au recours formé et demande que le jugement faisant l’objet du recours soit confirmé sous tous ses aspects et que les requérants soient condamnés aux frais de procédure, y compris les honoraires d'avocat.

FONDEMENTS JURIDIQUES

I.- CONSIDÉRANT : le représentant en justice de SCP, DVC et JVC conteste leur condamnation en tant qu'auteurs d'un délit d'extorsion à travers un long recours dans lequel il conteste, en premier lieu, l'appréciation des preuves effectuée par le Tribunal de Corts, estimant que le résultat de celles-ci ne permet pas de considérer que les éléments qui constituent le délit de l'article 207 du Code pénal aient été attestés, précepte qui punit la personne qui, dans un but lucratif, oblige une personne, à travers la violence ou l’intimidation, à accomplir ou à omettre une transaction ou un acte juridique au détriment de son patrimoine ou de celui d'un tiers.

Dans l'affaire qui nous concerne, le jugement considère comme prouvé que les trois prévenus ont convenu de contraindre ADSC, en usant de menaces pour plier sa volonté, à signer une reconnaissance de dette par laquelle la société BYLD, SL – lui appartenant – a été constituée garante solidaire pour la société CB, SL, SLU – qui appartenait au père de M. DS – en ce qui concerne cette dette envers (MESA) et (MARMESA), des entreprises dont les frères V. étaient associés et dirigeants. Dans ce document figurait la représentante de ces entreprises, Mme NCJ, mère des prévenus, et indiquait que M. DS paierait 5 000 euros par mois pour régler sa dette.

Il est également prouvé que M. DS le jour-même de la signature du document a remis à M. C. un montant compris de 6 000 à 7 000 euros, exigé par cette personne à titre de dépenses, et a effectué deux versements de 5 000 euros sur le compte courant de MESA, par crainte de voir exécuter les menaces de mort contre son fils, sa femme et lui-même, proférées directement par M. C. mais avec la connivence des deux autres prévenus qui lui ont donné l'ordre de mettre à exécution les menaces.

La partie appelante ne remet pas en question la réalité de la signature par ADSC au nom de BYLD, SL du document de reconnaissance et de prise en charge de la dette totale de 186 285,19 euros que CB, SL, SLU avait envers MESA et MARMESA et de l'engagement de paiement mensuel de 5 000 euros pour la satisfaire. Ce qui est contesté et qui fait l'objet de discussions, est qu’ADSC assume la dette de l'entreprise de son père à la suite des menaces reçues par les défendeurs, en avançant que la dette a été volontairement assumée.

L'appelant soutient ce caractère volontaire dans la prise en charge de la dette de CB, SL par BYLD du fait que : a) M. DS avait précédemment signé d'autres reconnaissances de dettes de CB, SL et, parmi elles, la reconnaissance d’une dette auprès de MARMESA pour un montant de 43 324,10 euros en juillet 2021, dans laquelle il assumait également l'engagement de BYLD, SL de payer 5 000 euros par mois ; b) s'il a signé le document, c'est parce qu'il souhaitait que MESA et MARMESA continuent de lui vendre du matériel à crédit pour son entreprise ; c) après avoir rapporté les faits, il a continué à acheter du matériel à MESA et MARMESA ; d) la conversation que SCP et ADSC ont eue dans la rue le 1ᵉʳ février 2022 s'est déroulée sans aucune agression ni violence et sur un ton amical, tout comme la signature du document le 3 février 2022 qui s’est faite dans une atmosphère de cordialité sans agression physique ou verbale, en ajoutant par ailleurs que le document a finalement été signé le lendemain ; e) que M. SCP a simplement agi comme intermédiaire entre les frères V. et M. DS afin de trouver une solution à l’amiable au paiement des dettes de CB, SL, SLU ; f) que ni l’existence de photographies de la famille que M. DS prétend que M.C. lui aurait montré et qui n’ont pas été retrouvées, ni l’existence du géolocalisateur prétendument placé dans sa voiture n’a été attestée ; g) le paiement à M. C. de 6 000 ou 7 000 euros n’a pas été attesté et M. DS n'a fait aucune mention de ce paiement lors du dépôt de la plainte ; h) les paiements effectués à M. C. par les frères V. étaient destinés à la vente d'une moto de circuit ; i) la crise d'angoisse subie par M. DS le 26 avril 2022 pourrait être à l'origine de tous les problèmes économiques, juridiques et en rapport avec les travailleurs de CB, SL, SLU.

Aucun de ces arguments ne démontre la prétendue erreur d'appréciation des preuves attribuée au Tribunal de Corts sur la raison pour laquelle ADSC, au nom de BYLD, SL, a constitué cette société comme garant solidaire de CB, SL, SLU en ce qui concerne la dette de celui-ci envers MESA et MARMESA, la Chambre considérant que la conclusion à laquelle est arrivé le Tribunal concernant le fait qu'il a été contraint de signer le document en raison des menaces reçues par SCP, agissant au nom des frères V., est fondée sur des preuves d'accusation suffisantes et correctement évaluées, puisque les conclusions obtenues à partir des preuves sont le résultat d'une appréciation logique et raisonnable de celles-ci et, par conséquent, aptes à affaiblir la présomption d'innocence.

II.- CONSIDÉRANT : la déclaration d'ADSC, qui expliquait les menaces reçues pour signer le document de reconnaissance et prise en charge par BYLD, SL de la dette de CB, SLU a été confirmée sous tous ses points par le contenu des communications via WhatsApp des trois prévenus entre eux et avec des tiers, obtenues en vidant leurs téléphones portables.

Comme le considère le Tribunal de Corts, en premier lieu, il n'est pas logique que BYLD, SL assume une dette de plus de 180 000 € alors qu'elle ne provenait pas de cette société, mais de CB, SLU et qu’il n'avait aucune obligation de le faire. Le fait qu'auparavant M. DS avait volontairement engagé BYLD, SL au paiement d'une dette de CB, SLU envers MESA n'est pas pertinent pour prouver qu'il l'a également fait le 3 février 2022, car dans ce cas M. DS a expliqué que cela était dû à la nécessité de continuer à faire des achats à crédit auprès de MESA et que, de plus, comme ils ne lui ont pas fait crédit, il n'a effectué qu'un paiement de 5 000 euros.

L'appelant omet complètement et par intérêt dans son recours les conversations WhatsApp entre les accusés, comme si elles n'existaient pas, alors qu'elles prouvent sans équivoque comment les événements se sont produits et leur chronologie, confirmant le récit d’ADSC, laquelle déclaration constitue donc une preuve suffisante pour étayer le récit de faits prouvés.

Ainsi, suivant un ordre chronologique, et en prenant uniquement en considération le contenu des communications les plus pertinentes, nous constatons que :

- Le 5 mai 2021, JVC et SCP ont une conversation – folio 1245 – dans laquelle J. explique qu'ils ont un client débiteur et S. propose de recouvrer la dette pour un faible pourcentage (« Allons le chercher (...) Je te garantis le paiement (...) moyennant un faible pourcentage », parlant au pluriel, comme s'il avait un groupe dédié à l'exécution de ces tâches (« On fait nous-même le travail du juge et on en finit avant »).

- Le 11 janvier 2022, JV a quelques conversations avec sa compagne H. et lui parle de la dette de CB, SLU, lui faisant comprendre qu'il résoudra ce problème directement sans se salir les mains, en recouvrant la dette en dehors des voies légales en disant : « (...) un client qui me devait du fric a fait faillite et je ne vais pas être payé, je crois que je vais devoir me faire justice moi-même [...] », H. lui demandant : « Il te devait beaucoup d'argent ? Mais qu’est-ce que tu veux faire s’il ne te paie pas ? », JV rétorquant : « 140 000 € ou quelque chose comme ça (...) on le voit par ici en Andorre avec une nouvelle voiture, un nouveau bureau ! Non non, ça ne s'arrêtera pas là, je ne me salirai pas les mains, quelqu'un d'autre le fera. [...] ».

- Le 15 janvier 2022 JV et ADSC ont une réunion pour discuter de la dette de CB, SLU, selon les déclarations de ce dernier, ou cours de laquelle il lui dit que l'entreprise fera faillite et qu'il n’assumera pas la dette, ce qui met J très en colère.

- Le 26 janvier 2022, JV contacte SC pour le rencontrer et lui demander de l'aide pour recouvrer la dette en lui disant « Il faut qu’on parle », en demandant à S. « Dis-moi de quoi il s’agit », JV répondant : « de payer » (folio 1246) et ils se donnent rendez-vous la semaine suivante.

- Le 30 janvier 2022, SC et JV se mettent en contact (folio 1248) et doivent se rencontrer le mardi, ce dernier lui disant que « tu m’amèneras là où se trouve le mec et me donneras des détails », J. répondant « oui oui, t’inquiète, mardi, je te dirai tout », tout en envoyant un lien avec une photo du frère d'ADS, CDSC.

- Le 1ᵉʳ février 2022, les conversations entre SC et JV témoignent de la recherche par le premier de la voiture d'ADS (folio 1252), SC lui envoyant deux photographies du véhicule floqué de la société BYLD SL, utilisé par ADS, dans un parking de la partie haute de Sant Julià. Dans un audio que JV envoie à H. à 16 h 06 (folio 1281), il explique qu' « on l'a vu dans la voiture, et donc il l'a poursuivi et je suis sorti de la voiture, je suis descendu au milieu de la route, parce que j'allais lui parler et je ne veux même pas qu'il me voie » peu avant le moment où a eu lieu la rencontre entre SC et ADS au cours de laquelle ce dernier a reçu des menaces de mort contre lui et sa famille pour qu'il reprenne les dettes de CB, SL, SLU.

- Le 2 février 2022, SC envoie plusieurs audios à sa compagne H. (folio 1283) dans lesquels il explique à 14 h 52' 21'' qu'il est avec son frère au restaurant « Mama Maria » et que S. « est en train de parler à cet abruti » lui expliquant que : « Demain, je dois le revoir, à propos du contrat, il paiera cinq mille euros par mois et... c’est tout... je ne sais pas. Je veux dire à encaisser dans un an ou deux. Mais demain, je le lui ai donné rendez-vous pour signer des papiers, demain, je dois parler à la comptable [...] S. est allé lui parler là, et il est, il a la trouille ! Il dit que oui, qu’il nous paiera [...] je crois qu’il va nous payer [...] Il a dit que oui, qu'il le signerait [...] Et S. lui a dit d'apporter une enveloppe avec 7 000 pour ses frais, pour les gens qui travaillent pour lui, les hôtels et les repas ».

- À 18 h 38' 50" (folio 1284), il explique que lui, son frère, SC et ADS doivent se rencontrer au siège de MESA le lendemain à onze heures pour signer les papiers « Et j'en ai fini avec toute cette situation. Qu’il paie le premier mois, qui demain, il doit amener 6 000 euros et c'est tout, mon amour [...] ce mois-ci, il doit payer les 5 000 euros. C'est 5 000 euros un mois pour moi, un pour S. et on va voir s'il paie le premier mois, car la condition est que s'il ne paie pas un mois, tout ce qu'il a fait ne vaut rien [...] demain la réunion sera intéressante et... je lui donnerai un petit coup derrière la tête quand il arrivera au bureau et je lui dirai... bouge-toi.. tu crois que ça va s'arrêter là et tu vas t’en sortir comme ça, mais ça ne marche pas comme ça ! Tu ne sais pas où tu as mis les pieds ni à qui tu as affaire ! Moi, je ne te ferai rien, mais d’autres s’en chargeront.

À 19 h 07’ 45’’ (folio 1285), il explique que « jusqu'à présent tout s'est bien passé, comme on s'y attendait, le gars est mort de trouille ! » Et ça finirait mal s'il se faisait tabasser ou s'il lui arrivait quelque chose, mais pour l'instant, le plan est qu’on va être payés et que je ne ferai rien, donc tout va bien. Encore une réunion demain et on verra comment ça se passe, mais ça marque bien, le gars a l'intention de payer et de ne pas payer les autres [...] il veut nous acheter du matériel. On lui vendra à condition qu’il paie l’intégralité [...] Mais si un gars doit venir te menacer et dire deux trois choses pour être payé... eh bien, il faut le faire ! Il était mort de trouille et il l’est toujours ! (...) ce type n'a pas dormi cette nuit, c'est sûr !

- Le 3 février à 10 h 30, ADS, JV, DV et SC se réunissent dans un bureau de la société MESA et signent le document de reconnaissance et de prise en charge par BYLD de la dette de CB, SL, SLU.

Le jour même, après la réunion pour la signature du document, JV envoie un audio à son contact « JSP » lui disant : « [...] il y a un client qui me doit 180 000 euros et cette semaine, il a fait faillite et s'il ne veut pas payer de son plein gré, eh bien... alors, on va devoir le forcer ! Je l’ai pisté toute la semaine pour savoir où il habite, où il a les enfants... où tout. Et en principe, j'y suis arrivé, grâce aux menaces, on va encaisser 5000 euros chaque mois [...] » (folio 1292)

Toujours le 3 février 2022, également après la réunion, JV envoie un audio à SC dans lequel il dit : « on va fêter le fait que pour l’instant, toi au moins, tu aies été payé » (folio 1259).

- Le 8 mars (folios 819 et suivants) DV envoie un audio à SC dans lequel il lui dit qu'il doit aller à Barcelone samedi et si ADS fait le virement de 5 000 euros « Je les retire et je te les amène », ce qui confirme la participation que JV a dit à H. que SC avait dans les sommes que M. D.S. devait payer.

- Le 9 février 2022, ADS effectue le premier versement de 5 000 euros sur le compte courant de MESA et, le lendemain, DV demande à son frère s'il l'a fait, et il répond que « seulement 5 000 hier » (folio 807).

- Le 11 février 2022, JV écrit à son frère D. et lui demande s'il doit rencontrer le « gestionnaire » – appellation qu’utilisent les frères pour faire référence à SC – comme il ressort de la photographie que J. a envoyée la veille au nom de son frère sur laquelle figure ce nom et un « sticker » rouge qui représente le visage d'un démon, avec une référence claire qu’il est le méchant – et s'il a payé « B. », D lui répondant dans un audio : « Oui, oui, A. l'a liquidé, et demain, j'ai dit au gestionnaire que je le lui donnerais » (folio 808).

- Le 9 mars 2022, DV a envoyé un message à ADS en lui demandant : « alors ce mois de mars ? », celui-ci répondant : « aujourd'hui, je reçois un paiement et je te paierai demain, le 10 », DV lui rétorquant en faisant référence à SC : « le cousin demande s’il faut qu’il monte. Qu'est-ce que je lui dis ? » ; ADS répondant à son tour : « pas besoin » (folio 861). Il est évident, sans qu'il soit nécessaire de formuler des menaces express, puisque celles qui lui ont été adressées par SC le 1ᵉʳ février 2022 étaient suffisantes, que dans la mesure où si ADS n'effectuait pas le paiement correspondant avant le 10 mars, SC viendrait exécuter les menaces.

- Le 24 mars 2022 H., la compagne de JV (folio 1289), lui envoie un message en réponse à un précédent message de sa part dans lequel il explique que SC tentait d'obtenir la résidence en utilisant ADS, dans lequel il dit : « quel type celui-là... d'abord, il le menace et puis lui donne la résidence ».

- Le 11 avril 2022, un jour après la date limite pour effectuer le paiement du mois d'avril, DV a envoyé à ADS un message demandant l'argent (« €? ») et ce dernier lui a répondu : « Aujourd'hui » (folio 865).

Le même jour (fiches 1084 et suiv.) SC demande à DV si ADS a fait le paiement, ce dernier lui répondant qu'il ne l'a pas fait, qu'il lui a écrit qu’il le ferait, mais qu'il ne l'a pas fait et que si demain, il ne le fait pas, il lui réclamera à nouveau, S.C disant : « d'accord, préviens-moi et s’il faut, je monterai lui faire une piqûre de rappel ».

- Le 12 avril, DV informe SC qu'ADS, qu'il appelle « el pelele » – un mot espagnol désignant une personne qui se laisse manipuler par autrui – qu’il croit qu'il n'a pas encore payé et qu'il doit confirmer auprès de la banque et il lui dit : « je crois qu’il se sent un peu trop en confiance », SC lui envoyant ensuite un audio dans lequel il dit : « Écoute-moi D. essaie... essaie de t'assurer qu'il ne l'a pas fait, et ensuite, je l'appellerai quand tu me l’auras confirmé et je monterai le voir et je risque de lui donner une petite claque et de lui dire que si ça se reproduit, les choses ne vont plus être pareil et l'accord non plus, mais la claque, je vais la lui donner, ok ! [...] J’essaie de me libérer pour venir lui donner une claque. »

- Le 13 avril 2022 (folios 1087 et 1088) DV informe SC qu'ADS n'a pas encore payé et SC lui dit de l'appeler et de lui dire que : « Je vais appeler mon collègue, tu lui dis tel quel », C. poursuivant en disant à DV « son job c'est de payer, tu sais, qu’on lui fasse crédit ou pas, son job, c'est de payer, alors dis-lui que tu le veux aujourd'hui sans faute et sinon, je monterai ».

Le même jour, le 13 avril 2022 (folio 865), DV dit à ADS que s'il n'effectue pas le paiement ce jour, « quelqu'un d'autre viendra te le réclamer, et moi, je ne t'appellerai plus ».

- Le 19 avril 2022 (folio 1094), DV envoie un message WhatsApp à SC, réagissant à un audio qu'il a reçu de DS dans lequel il lui dit qu'il a eu des problèmes de paiement et qu'il a transmis à DV. Il lui dit « ce mec, c’est un abruti, ça me donne envie de lui foutre une trempe moi-même, je te jure !!! »

Le même jour, DV raconte à SC dans un message audio (folio 1097) : « s’il me les brise, je vous offre la dette pour que vous lui cassiez ses putains de jambes et qu’il soit le reste de sa putain de vie, lui et son frère, en fauteuil roulant, il va avoir de la chance que je pète les plombs et que je vous offre 200 000 euros pour que vous lui cassiez ses putains de jambes !! Aussi simple que ça, et après, la dette est à vous, qu’il ne joue pas avec moi ce mec [...] ».

Le 19 également, dans deux messages audio, JV dit à S. (folio 1125 et 1126) « […] écoute-moi, appelle cet abruti qui ne m'a pas payé ce mois-ci, dis-lui deux trois trucs choses et qu’on reparte à zéro, qu'il n'a pas payé le 18 et le 19, appelle-le, mets-le au parfum, viens en Andorre le voir […] », SC répondant « J'ai déjà parlé à ton frère, s'il ne paie pas cette semaine, je viens le voir cet imbécile », JV rétorquant : « ben oui, viens le voir et rends-lui une petite visite, au bureau, à sa sœur, à sa femme, fais-lui un peu peur, c'est ton boulot, si tu veux être payé », SC répondant à « visite du gestionnaire », « toi vas dépenser et laisse travailler les autres », « t'inquiète pas, je ferai mon job, mec ».

Finalement, vers 19 h 36 (folio 1072) S.C. envoie un audio à ADS dans lequel, entre autres, il lui dit : « [...] On a été conciliant dans cet accord, on doit établir des chiffres super, super pratiques, super supportables qui te conviennent à toi, c’est un point super important mec, et notre confiance, tu vas la gagner peu à peu, mais bon, si au troisième mois, tu fais les comptes comme ça […] alors bon, on va voir si on peut arriver à bon port sans trop tendre la corde, parce que tu sais qu’à force de trop tendre la corde, elle finit un jour par casser [...] je parlerai avec D. pour qu’il baisse d’un ton et qu’il change d’attitude, que ce qui est arrivé, c'est du passé [...] ».

- Le 25 avril, après plusieurs conversations au cours desquelles SC dit à ADS qu'il doit régler la dette, il lui envoie un WhatsApp en lui demandant : « Tu as fait le virement vendredi ? », « Ben, dis-moi quand ça te va qu’on se voie ». D'après les messages que DV et SC ont échangés le même jour, il ressort clairement qu'ils souhaitent rencontrer ADS le lendemain pour discuter du retard dans le paiement de la troisième échéance (folios 1104 et suiv.) et SC, après lui avoir dit que M. DS voulait reporter la réunion, ajoute : « À celui-là, il va falloir lui faire mal », « tu verras » DV répondant : « Il se sent trop en confiance ».
- Le 26 avril, ADS, coïncidant avec les pressions reçues pour satisfaire l’échéance de la dette du mois d'avril, a une crise d'angoisse qui requiert une assistance médicale.

Du contenu de ces conversations, la Chambre, coïncidant avec les critères du Tribunal de Corts, ne peut qu'arriver à la conclusion que les frères V., pour pouvoir recouvrer la dette de CB, SLU auprès de MESA et MARMESA, ont fait appel aux services de SC, qui devait recevoir une compensation financière pour son travail, en plus de l'argent perçu directement d'ADS pour couvrir ses frais, afin qu’il profère des menaces de mort envers lui, sa femme et son fils, que sa société BYLD prenne en charge, en se portant garant solidaire, de la dette de CB, SLU, des menaces qui, au vu des photos de sa femme et de son fils et après lui avoir prouvé qu’il pouvait être suivi, constituaient pour lui des menaces sérieuses.

III.- CONSIDÉRANT : compte tenu de la force du contenu des conversations concernant les menaces reçues par M. DS pour assumer la dette de CB, SLU, aucun des arguments de la partie requérante ne peut fausser la réalité de son existence, vu qu’elles ont été expressément reconnues par les trois prévenus dans leurs communications.

Il est donc totalement hors de propos : a) que M. DS ait auparavant assumé une dette de CB, SL auprès de MARMESA, puisqu'il l'avait fait volontairement pour que son entreprise puisse acheter à crédit, ce qui ne s'est pas produit après la signature du document du 3 février 2022, puisque les achats qu'il a effectués ont été réglés au comptant ;

b) que les menaces reçues par M. DS de M. C. le 1ᵉʳ février 2022 et, comme il l'a expliqué, soient prononcées sur un ton sec, mais linéaire et cordial, un ton qui se répéterait dans le reste des réunions et de conversations, ce qui ne veut pas dire que les menaces – admises par les prévenus dans leurs conversations – n'existaient pas et n’étaient pas suffisamment explicites pour générer chez M. DS la peur suffisante pour assumer le paiement d'une dette qui ne lui appartenait pas sans aucun bénéfice pour lui ;

c) que les photos de sa famille que M. C. a montré à M. D.S., lesquelles pouvaient être transportées dans une chemise qu’il gardait dans sa veste ne soient pas retrouvées dans les téléphones portables, car, selon la victime, elles avaient été imprimées sur papier et leur existence est compatible avec la filature faite par Josep V. auprès de M. DS avant la rencontre avec M. C., comme il l'a avoué à son contact « JSP » dans l'audio qu'il lui a envoyé le 3 février 2022, dans lequel il déclare : « Je l'ai suivi toute la semaine, là où il habite, là où se trouvent ses enfants... partout ». Il faut également tenir compte du fait que, selon les résultats des conversations, JV a accompagné SC à Sant Julià le 1ᵉʳ février 2022, de sorte qu'il est parfaitement envisageable qu'il lui ait remis les photos de la filature. D’autre part, SC est arrivé au parking où le 1ᵉʳ février 2022 M. DS a stationné son véhicule, dont il a pris des photos (folio 1245 et suivants), et a alors pu placer un géolocalisateur ou tout autre dispositif sur le véhicule qu'il a ensuite retiré devant M. DS pour lui faire croire qu'il était suivi ;

d) que M. DS n'ait pas mentionné dans sa plainte l'argent qu'il a remis à SC le 3 février, car la réalité de la livraison est attestée dans l'audio que JV envoie à H. le 2 février 2022 lorsqu'il lui dit : « S. lui a dit d'apporter une enveloppe de 7 000 € pour ses frais, pour les gens qui travaillent pour lui, les hôtels et les repas », montant qui dans un message ultérieur est réduit à 6 000 euros, et dans l'audio que le 3 février 2022, après la réunion, JV envoie à SC et dans lequel il dit : « on va fêter le fait que pour l’instant, toi au moins, tu as été payé » ;

e) que les menaces explicites n'aient été proférées que le 1ᵉʳ février 2022, car à partir de ce moment-là, les références de la venue de C. en Andorre lorsque M. DS devait payer les mensualités (le cousin demande s’il doit monter ?, « quelqu'un d'autre viendra te le réclamer » ou « je te dis qu’à force de trop tendre la corde, elle finit un jour par casser ») montrent que les menaces de mort étaient toujours valables ;

f) que les annotations manuscrites telles que « primes D », répondent ou non à cette idée, car la motivation du profit niée dans l'appel ressort clairement du fait d'obliger M. D.S. payer une dette qui n'était pas la sienne, les frères V obtenant 10 000 euros ; et

g) que M. DS puisse avoir d'autres raisons d’avoir d'une crise d'angoisse, car il est vrai que cela a coïncidé avec le retard dans le paiement de la troisième échéance de 5 000 euros, réclamée à plusieurs reprises par les prévenus.

L’erreur d’appréciation probatoire avancée ne s’est pas produite et le récit des faits du jugement doit être confirmé.

Le principe « in dubio pro reo » n'est pas applicable puisqu'il n'y a aucun doute exprimé par le jugement ou par la Chambre sur la commission par les appelants des faits pour lesquels ils ont été condamnés.

IV.- CONSIDÉRANT : que le type d'extorsion a été correctement appliqué vu que tous les éléments requis par l'article 207 du Code pénal étaient réunis, un précepte qui punit quiconque, dans l'intention de réaliser un profit, oblige une personne, avec violence ou intimidation, à exécuter ou à omettre une opération commerciale ou un acte juridique au détriment de son patrimoine ou de celui d'un tiers.

Il s'agit d'un type assimilé au délit de vol en raison de l'exigence de recherche de profit ou d'obtention d'un avantage économique injuste et du recours, dans ce cas, à l'intimidation pour y parvenir, mais le préjudice patrimonial causé à la victime se produit lorsque cette dernière est contrainte de disposer de son patrimoine à travers un acte juridique ou une opération commerciale, et non par une dépossession immédiate des effets ou de l'argent lui appartenant.

La recherche de profit a consisté dans le cas des frères V., dans l'intention d'obtenir le paiement du crédit que MESA et MARMESA avaient auprès de CB, SLU, pour un montant total de 186 286,19 euros, en utilisant l'intimidation, consistant à proférer des menaces de mort à M. DS et à sa famille, en lui montrant des photos prouvant qu'ils étaient suivis et en retirant de son véhicule un dispositif placé pour lui prouver qu'il avait été suivi, pour le forcer à signer un document à travers lequel il assumait le paiement de la dette de CB, SLU alors qu’il ne lui appartenait pas de le faire, avec le préjudice financier qui en résulte pour lui et sa société BYLD.

Les premières menaces n'ont pas été directement proférées par les frères V., mais c'est SC qui, agissant en leur nom et d'un commun accord, a menacé M. DS, recevant en échange une rémunération constituée d'une partie du montant mensuel qu'il devait payer, comme cela résulte des conversations précédemment retranscrites dans lesquelles il est dit : « Je te garantis de recevoir le paiement [...] pour un pourcentage peu élevé », « ce mois-ci, il doit payer 5 000 euros. C'est 5 000 euros, un mois pour moi, un mois pour S. », « A. entre aujourd'hui et demain, il va faire le virement de 5 000 €, voyons s'il le fait, si c'est le cas, je les retire et je te les amène ». Ultérieurement, les premières menaces ont été utilisées pour garder M. DS dans un état de peur et pour qu’il paie les mensualités qu’il s'était engagé à payer.

La recherche de profit dans le cas des frères V. n'est pas éliminée par le fait que leurs sociétés étaient créancières de la dette assumée par BYLD, car le règlement de cette dette n'était pas de la responsabilité d'ADS ou de sa société BYLD, et précisément, le fait que ces derniers n'aient pas le statut de débiteur de MESA et MARMESA, est ce qui détermine la commission du délit d'extorsion et non la réalisation arbitraire du propre droit, dont l'application est préconisée à titre subsidiaire.

Le degré majeur de gravité du délit d'extorsion et son assimilation punitive au délit de vol, répond au fait que son but est d'obtenir un enrichissement illicite, obligeant la victime à accomplir un acte ou une opération commerciale au détriment de son patrimoine, alors que le délit de réalisation arbitraire de son propre droit vise uniquement à obtenir du débiteur l'exécution d'une obligation préexistante envers l'auteur.

En outre, les faits ne correspondent pas au délit de menace conditionnelle en raison du principe de spécialité, vu que le délit d'extorsion est un délit spécial par rapport à celui de menace, car il contient, outre les menaces, un élément propre à l'extorsion, qui est l'exécution par la victime d'un acte de disposition patrimoniale en réalisant ou en omettant une opération commerciale ou un acte juridique au détriment de son patrimoine ou de celui d'un tiers.

Ce même principe de spécialité est celui qui exclut l'application du délit de coercition.

Le délit a été à juste titre considéré comme accompli parce que M. DS a réalisé l’opération juridique au détriment de son patrimoine et de celui de son entreprise, à laquelle il a été contraint au vu des menaces reçues après avoir signé le document de reconnaissance de la dette de CB, SLU envers MESA et MARMESA et en assumant le paiement.

V.- CONSIDÉRANT : que l'application du sous-type atténué prévu pour le délit de vol à l'article 202 du Code pénal lorsque la violence ou l'intimidation exercée a peu d'importance ne peut être estimée, car cette caractéristique n’est pas présente dans la violence ou l’intimidation exercée par les prévenus sur M. DS, non seulement parce que les menaces étaient des menaces de mort et ont été étendues à sa famille, tout en lui montrant la preuve de la surveillance exercée sur lui, mais aussi parce que l'état de peur dans lequel la victime a été plongée a duré près de trois mois, au cours desquels, avec les références à la venue de M. C. en Andorre, lorsqu'il devait effectuer les paiements mensuels, on lui a rappelé le bien-fondé des menaces, au point de provoquer la crise d’angoisse qu’a eu M. DS le 26 avril 2022.

VI.- CONSIDÉRANT : que la prolongation du délai de quatre ans pour fixer la sanction n'est pas, comme le soutient l’appelant, disproportionnée par rapport à la gravité des faits et, en outre, a été raisonnablement argumentée par le Tribunal de Corts, en tenant compte du fait que la peine prévue pour le délit est de deux à six ans d’emprisonnement.

L'article 56 du Code pénal dispose que « Le tribunal fixe la peine de manière motivée, dans les limites fixées par la loi, en fonction de ce qui résulte de l'application des articles précédents, en appréciant les circonstances atténuantes et aggravantes concurrentes et, en général, la gravité de l'acte, la situation personnelle et la réinsertion sociale réalisée par le condamné ou les attentes qui favorisent une réinsertion future ».

Il n'existe aucune circonstance modifiant la responsabilité pénale des prévenus, le délit a eu lieu et les prévenus en sont les auteurs, de sorte que la gravité des faits, la situation personnelle et la réinsertion sociale réalisée ou les attentes qui favorisent une réinsertion sociale future, sont les éléments qui doivent être pris en compte lors de la détermination de la peine.

La thèse soutenue par l’appelant sur l'imposition de la sanction dans la moitié inférieure de son élargissement lorsqu'on utilise uniquement l'intimidation est un critère qui n'a aucun fondement légal et n'est pas raisonnable, car il peut être plus grave d’intimider une personne en la menaçant de la tuer, lui et sa famille, que d’user de violence physique contre elle à condition qu'aucune arme ne soit utilisée et que, évidemment, la violence ne soit pas très grave.

Le Tribunal de Corts considère que les faits sont extrêmement graves, critère partagé par la Chambre, puisqu'il est très grave d'effrayer une personne, en lui faisant raisonnablement croire qu'on pourrait mettre fin à sa vie et à celle de sa famille en engageant une personne qui apparaît en tant que professionnel capable d'exécuter les menaces, et l’obliger à assumer une dette de 186 285,19 € alors que le paiement ne lui revient pas pour des intérêts purement entrepreneuriaux. La gravité est de plus accrue par la durée – près de trois mois jusqu'à ce qu'il dénonce les faits – de l'état de peur dans lequel la victime a été plongée.

L'entité des menaces, leur application à la famille de M. DS, la durée de l'état de peur auquel il a été soumis et l'entité du préjudice patrimonial qu'il a été contraint d'assumer, sont des circonstances qui justifient à elles seules l’élargissement de la peine, dont on ne peut oublier qu'elle a été infligée à hauteur de la limite maximale de sa moitié inférieure.

En ce qui concerne la situation personnelle, elle fait référence aux situations, aux données ou aux éléments qui façonnent l'environnement social et la composante individuelle de la personne, comme, entre autres, son âge, son degré de formation intellectuelle et culturelle, sa maturité psychologique, l’environnement familial et social, son activité professionnelle. Dans le cas des prévenus, leur situation personnelle ne sert pas à moduler ou à réduire la gravité des faits, puisque l'on se trouve face à des personnes, notamment les frères V., sans difficultés financières, avec un emploi et un niveau, en principe, adéquat d'intégration sociale, qui ont commis le délit pour des raisons purement économiques afin d'obtenir ce qu'ils n'auraient pas pu obtenir par des moyens légaux.

D'autre part, les finalités de la peine sont diverses et outre la finalité de réinsertion sociale qui est fondamentalement projetée dans la phase d'exécution, nous avons la finalité de rétribution ou de punition, la prévention générale dont la fonction est de dissuader le condamné de commettre à nouveau des crimes et la prévention générale pour dissuader le reste des citoyens d’avoir des comportements criminels.

Dans le cas analysé, nous considérons que l’élargissement de la durée des peines infligées est proportionnelle à la gravité des faits et répond à ces objectifs, en gardant à l'esprit que les sanctions exemplaires doivent être évitées si elles ne gardent pas la proportionnalité nécessaire à la gravité des faits, ce qui n’est pas le cas dans cette affaire et qu'en outre, les personnes poursuivies, en guise de prélude à leur réinsertion sociale, n'ont à aucun moment reconnu les faits ni les menaces, considérant M. C. comme un intermédiaire entre les frères V. et M. DS afin de parvenir à un accord cordial concernant le paiement de la dette de la société de son père.

Enfin, en ce qui concerne la peine supplémentaire d'expulsion de la Principauté infligée à SC, elle est également considérée comme proportionnelle compte tenu de la gravité des faits et, surtout, du fait que le prévenu n'a pas de racines dans le pays et s’y est rendu dans le seul but de commettre un délit et pour ses loisirs.

VII.- CONSIDÉRANT : que l'indemnisation du préjudice moral fixée à 3 000 euros doit être maintenue, car elle est proportionnelle à la préparation financière de la souffrance logique de M. DS endurée pendant trois mois au cours desquels lui et sa famille ont été menacés de mort.

En outre, l'indemnité d'un montant d’au moins 6 000 euros que l’on considère comme ayant été versée par M. DS à M. C. doit être maintenue, puisque la réalité de ce paiement a été suffisamment prouvée, comme expliqué précédemment.

Enfin, la condamnation au paiement des frais de procédure de l’accusation particulière doit être confirmée, car ses prétentions, qui coïncident pratiquement avec celles du ministère public, ont été substantiellement appréciées dans le jugement sans qu’aucune preuve de mauvaise foi ou d'imprudence dans ses actes ait été constatée au cours de la procédure.

VIII.- CONSIDÉRANT : que le jugement faisant l’objet du recours doit être confirmé, avec l’imposition des frais de procédure occasionnés à l’appelant, y compris les honoraires d'avocat, en application des articles 354.2 et 356 a) du Code de procédure civile.

Considérant la Constitution, le Code pénal, le Code de procédure pénale, la jurisprudence applicable et les autres sources du droit de la Principauté d'Andorre,

NOUS AVONS DÉCIDÉ

La Chambre pénale du Tribunal Supérieur de Justice d'Andorre, au nom du peuple andorran, a décidé :

1.- DE REJETER l'appel interjeté par le représentant en justice de SCP, DVC et JVC.

2.- DE CONFIRMER le jugement prononcé par le Tribunal de Corts le 17 janvier 2014 dans l'affaire 6000038/23.

3.- De condamner l’appelant au paiement des frais de procédure occasionnés par le recours.

Cet arrêt est définitif et exécutoire.

Ainsi, à travers ce jugement définitif, nous l’ordonnons et le signons.


Synthèse
Formation : Chambre pénale
Numéro d'arrêt : 11/2024
Date de la décision : 25/04/2024

Analyses

Extorsion - Possession illégale d'arme - Eléments constitutifs de l'infraction


Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ad;tribunal.superieur.justice;arret;2024-04-25;11.2024 ?
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