Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0802.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE MONS,
demandeur en cassation,
contre
1. K. I.
2. VALLEY STONES, société privée à responsabilité limitée,
prévenus,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, oùil est fait élection de domicile.
I. la procédure devant la cour
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 juin 2017 par la courd'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. la décision de la cour
Il est reproché aux défendeurs d'avoir, en contravention à l'article 6 dela loi du 10 novembre 2006 relative aux heures d'ouverture dans lecommerce, l'artisanat et les services, ouvert leur magasin entre vingtheures et cinq heures alors que cet établissement n'avait pas pouractivité principale la vente d'un des cinq groupes de produits visés àl'article 16, § 2, alinéa 1^er, de la loi.
En vertu de cette dernière disposition, les interdictions d'ouverturecomminées par l'article 6 ne s'appliquent pas aux unités d'établissementdont l'activité principale constitue la vente d'un des groupes de produitsque la loi énumère. Le premier de ces groupes caractérise les commercesque les travaux préparatoires qualifient de « librairies ». Il est définicomme étant composé de journaux, magazines, produits de tabac et articlesde fumeurs, cartes téléphoniques et produits de la Loterie nationale.
Le deuxième alinéa de l'article 16, § 2, susdit précise que l'activitéprincipale doit consister dans la vente d'un des groupes de produitsénumérés et que c'est cette activité principale qui doit représenter aumoins la moitié du chiffre d'affaires annuel.
Il en résulte que, pour échapper aux restrictions quant aux heuresd'ouverture, l'unité d'établissement doit réaliser au moins cinquante pourcent de son chiffre d'affaires par la vente de l'ensemble des produitscomposant un des groupes visés par la loi.
L'arrêt décide que la dérogation relative aux heures d'ouvertures'applique au magasin des défendeurs du seul fait qu'ils y vendaient desproduits de tabac et articles de fumeurs, soit une partie du groupe deproduits visé à l'article 16, § 2, alinéa 1^er, a, de la loi du 10novembre 2006 modifiée par celle du 11 avril 2012, à l'exclusion desjournaux, magazines, cartes téléphoniques et produits de la Loterienationale inclus dans ce groupe.
Partant, l'arrêt ne justifie pas légalement la décision de la cour d'appelde faire bénéficier les défendeurs de la dérogation prévue à l'égard descommerces dits de librairie, soit ceux dont l'activité principale estdéfinie par l'énumération des produits précités.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Sur la question préjudicielle soulevée par les défendeurs :
A titre subsidiaire, les défendeurs sollicitent le renvoi préjudiciel dela cause à la Cour constitutionnelle afin de vérifier si la loi, tellequ'interprétée dans la réponse donnée au moyen, est compatible avec leprincipe d'égalité combiné avec la liberté d'entreprendre.
Selon les défendeurs, l'article 16, § 2, alinéa 1^er, a, de la loi du 10novembre 2006 pourrait porter atteinte au principe d'égalité en traitantdifféremment deux catégories de commerçants, ceux dont l'activitéprincipale consiste à vendre l'ensemble des marchandises composant ungroupe de produits et ceux qui n'en vendent qu'une partie.
La question soulevée par les défendeurs repose sur l'affirmation que lescommerçants relevant de ces deux catégories se trouvent dans la mêmesituation et doivent être traités, par conséquent, de la même manière.
Mais la loi ne traite pas différemment deux catégories de commerçants setrouvant dans la même situation puisque les destinataires de la règlecritiquée sont, au contraire, des commerçants que la loi distingue d'aprèsl'objet de leur chiffre d'affaires annuel et la nature de leur activitéprincipale.
Reposant sur une prémisse inexacte, la question préjudicielle ne doit pasêtre posée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction derenvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Benoît Dejemeppe,Françoise Roggen, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, etprononcé en audience publique du huit novembre deux mille dix-sept par lechevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Michel Nolet deBrauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
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| T. Fenaux | F. Lugentz | T. Konsek |
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| F. Roggen | B. Dejemeppe | J. de Codt |
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8 NOVEMBRE 2017 P.17.0802.F/4