N° P.24.0481.F
B. S.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, et Jan De Groote, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 mars 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation de l’article 140, § 1er, du Code pénal. Il reproche à l’arrêt de déclarer le demandeur coupable de participation aux activités d’un groupe terroriste sans identifier aucun acte révélant la participation concrète du prévenu à pareilles activités. Il soutient que la circonstance que le demandeur se soit déclaré disposé à apporter une aide à un tiers, membre de l’organisation « état islamique », ne peut suffire à démontrer l’existence de cet élément matériel de l’infraction, dès lors que l’initiative de cette sollicitation incombait à ce tiers et qu’aucune suite n’y a été réservée par le demandeur.
En tant qu’il soutient que c’est le tiers, membre de l’organisation « état islamique », qui avait formulé des demandes d’assistance, sans que le demandeur y ait répondu favorablement, le moyen exige une vérification d’éléments de fait, laquelle échappe au pouvoir de la Cour.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
L’article 140, § 1er, du Code pénal, tel qu’il était applicable à l’époque des faits, punit toute personne qui participe à une activité d'un groupe terroriste, y compris par la fourniture d'informations ou de moyens matériels au groupe terroriste, ou par toute forme de financement d'une activité de ce groupe, en ayant connaissance que cette participation contribue à commettre un crime ou un délit dudit groupe.
Cette disposition constitue la transposition, en droit belge, de l’article 2.2 de la décision-cadre du Conseil, du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme.
Les termes « participer » et « participation » sont dès lors étrangers aux notions visées aux articles 66 et 67 du Code pénal et recouvrent toute forme de coopération apportée consciemment par le prévenu à l’activité d’un groupe terroriste, l’énumération de certains comportements par l’article 140, § 1er, précité, n’étant pas limitative.
Après avoir jugé dépourvues de vraisemblance les explications du demandeur au sujet de ses contacts avec A. H. et de son ignorance de l’appartenance de ce dernier au groupe terroriste « état islamique », l’arrêt considère que si A. H. s’est adressé au demandeur afin d’obtenir des médicaments dont il avait besoin et des marchandises en vue d’un commerce, c’est parce que le demandeur l’avait conforté dans la croyance qu’il pouvait obtenir ces biens, l’arrêt relevant que, s’agissant des médicaments, si le demandeur a échoué à se les procurer, c’est au motif qu’une prescription médicale était requise afin de les acquérir. Les juges d’appel ont ensuite estimé que le demandeur n’était pas crédible en ce qu’il avait prétendu ignorer la localisation, en Syrie, d’A. H. et le lieu des livraisons à effectuer pour lui. L’arrêt en conclut qu’en connaissance de cause, le demandeur a soutenu A. H. sur le plan matériel et moral et que ce dernier a ainsi pu compter sur cette aide afin de demeurer en Syrie et d’y prolonger son séjour, grâce à la garantie obtenue de recevoir le traitement approprié à sa maladie et de développer une activité commerciale sur place, ce qui l’autorisait à poursuivre ses activités au sein de l’« état islamique » et, partant, de participer à la réalisation des objectifs de cette organisation terroriste.
Ainsi, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le moyen est pris de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il fait grief aux juges d’appel d’avoir méconnu la présomption d’innocence en supposant que le demandeur allait répondre favorablement aux sollicitations d’A. H..
Aux termes des motifs rappelés en réponse à la première branche, les juges d’appel ont considéré que si A. H. s’était adressé au demandeur afin d’obtenir les médicaments dont il avait besoin et des marchandises en vue d’un commerce, c’est parce que le demandeur l’avait conforté dans la croyance qu’il pouvait lui fournir ces biens.
Ainsi, les juges d’appel n’ont pas supposé que le demandeur aurait pu répondre favorablement aux sollicitations d’A. H..
Ils ont considéré, ce qui est différent, que ces sollicitations permettaient de tenir pour établi le fait que le demandeur avait, par ses rencontres, communications et envois, en qualité de logisticien, conforté son interlocuteur dans la croyance qu’il pouvait apporter le soutien dont ce membre de l’« état islamique » avait besoin pour demeurer en Syrie et y poursuivre ses activités au sein du groupe terroriste.
Procédant d’une lecture erronée de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 14 et 149 de la Constitution, et 140, § 1er, du Code pénal.
Le moyen reproche d’abord à l’arrêt de ne déduire la volonté du demandeur de participer à l’exécution d’un crime déterminé que de circonstances inaptes à justifier pareille décision. Ce faisant, selon le moyen, les juges d’appel ont méconnu le principe de légalité en matière pénale, car pareille interprétation de l’interdit que contient l’article 140, § 1er, du Code pénal, dans son libellé à l’époque des faits, n’était pas prévisible. Il fait ensuite grief à l’arrêt de ne pas contenir de motivation régulière soutenant la décision que l’élément moral de l’infraction de participation aux activités d’un groupe terroriste est établi.
En l’absence de conclusions du demandeur portant sur l’absence de cet élément, la déclaration de culpabilité est suffisamment motivée par la constatation dans les termes de la loi des éléments constitutifs de l’infraction dont il est reconnu coupable.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, ainsi qu’il a été exposé en réponse au premier moyen, la cour d’appel n’a pas déduit la culpabilité du demandeur de la circonstance qu’il aurait été le destinataire de sollicitations d’A. H..
Dans cette mesure, procédant d’une lecture erronée de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 11, 22 et 40 de la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire. Le demandeur fait valoir qu’en conclusions, il a fait état de la circonstance que plusieurs documents étaient rédigés en néerlandais, langue qu’il ne maîtrise pas, et qu’à défaut de traduction de ceux-ci, il n’a pu exercer son droit à la contradiction.
En tant qu’il invoque la violation de l’article 11 de la loi du 15 juin 1935, qui est relatif à la langue de rédaction des procès-verbaux, sans indiquer en quoi l’arrêt violerait cette disposition, le moyen, imprécis, est irrecevable.
Des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, il ne ressort ni que le demandeur ait déposé des conclusions devant la cour d’appel ni qu’il ait fait valoir qu’il ne maîtrisait pas la langue néerlandaise, de sorte qu’il y avait lieu de traduire les pièces rédigées dans cette langue.
À cet égard, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, requérant la vérification de pièces auxquelles la Cour ne peut avoir égard, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quarante-trois euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs, conseillers, et Sidney Berneman, conseiller honoraire, magistrat suppléant, et prononcé en audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.