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05/09/2024 | BELGIQUE | N°C.23.0504.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 septembre 2024, C.23.0504.F


N° C.23.0504.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0308.357.753,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
S. A.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet es

t établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La pr...

N° C.23.0504.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0308.357.753,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
S. A.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 3 octobre 2023 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 12 août 2024, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport et l’avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par le défendeur et déduite de ce qu’il s’érige contre une appréciation de l’arrêt qui gît en fait :
Le moyen, en cette branche, est dirigé, non contre une appréciation en fait de l’arrêt, mais contre son appréciation de la conformité de l’article 720-5 du Code de procédure pénale français aux exigences de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
Le juge des référés qui, examinant les droits apparents des parties sur la base de l’article 584 du Code judiciaire, fait une application de règles de droit qui ne peut raisonnablement fonder sa décision excède ses pouvoirs.
L’article 3 de la convention précitée dispose que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Une peine ne contrevient pas à cette disposition du fait de son caractère perpétuel si elle est compressible de jure et de facto.
Le réexamen exigé pour qu’une peine perpétuelle puisse être réputée compressible doit permettre aux autorités nationales de rechercher si, au cours de l’exécution de sa peine, le détenu a tellement évolué et progressé sur le chemin de l’amendement qu’aucun motif légitime d’ordre pénologique ne permet plus de justifier son maintien en détention.
Les impératifs de châtiment, de dissuasion, de protection du public, d’amendement et de réinsertion figurent au nombre des motifs propres à justifier une détention.
Aux termes de l’article 132-23, alinéa 1er, du Code pénal français, en cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle.
Conformément à l’article 720-5 du Code de procédure pénale français, lorsque la cour d’assises a décidé de porter la période de sûreté assortissant la peine privative de liberté à trente ans ou qu’aucune des mesures énumérées à l’article 132-23 précité ne pourrait être accordée au condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, le tribunal de l’application des peines, sur l’avis d’une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation chargée d’évaluer s’il y a lieu de mettre fin à l’application de ladite décision de la cour d’assises, ne peut réduire la durée de la période de sûreté, à titre exceptionnel et dans les conditions prévues à l’article 712-7 de ce code, que : 1° après que le condamné a subi une incarcération d’une durée au moins égale à trente ans ; 2° lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale ; 3° lorsque la réduction de la période de sûreté n’est pas susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public ; 4° après avoir recueilli l’avis des victimes ayant la qualité de parties civiles lors de la décision de condamnation ; 5° après expertise d’un collège de trois experts médicaux inscrits sur la liste des experts agréés près la Cour de cassation, chargé de procéder à une évaluation de la dangerosité du condamné.
D’une part, la prévention des troubles graves à l’ordre public participe de la protection du public.
D’autre part, l’avis de la victime, qui est susceptible d’éclairer sur l’amendement du détenu, s’il s’est manifesté à elle, et sur la mesure dans laquelle la partie accomplie du châtiment a permis la restauration de l’équilibre social, est de nature à renseigner sur les possibilités de réinsertion du détenu.
Il en résulte que ni la condition d’apprécier le risque d’un trouble grave à l’ordre public ni celle de recueillir l’avis des victimes ne sont étrangères à des motifs légitimes d’ordre pénologique susceptibles de justifier un maintien en détention.
L’arrêt, après avoir constaté que « l’article 720-5 [précité est] applicable à la peine infligée [au défendeur] par [l’arrêt du 29 juin 2022 de] la cour d’[assises] de Paris », considère que « l’appréciation du risque de trouble grave à l’ordre public et l’avis des parties civiles sont prima facie des conditions indépendantes de la dangerosité du condamné et de son évolution au cours de l’exécution de la peine et étrangères à un motif légitime d’ordre pénologique susceptible de justifier son maintien en détention » au regard des exigences de l’article 3 de la convention.
En décidant, sur la base de cette interprétation de l’article 3 précité, qui ne peut raisonnablement fonder sa décision, que le transfert du défendeur vers la France violerait en apparence cette disposition, l’arrêt viole l’article 584 du Code judiciaire.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n’y a pas lieu d’examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section
Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Maxime Marchandise et
Simon Claisse, et prononcé en audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.23.0504.F
Date de la décision : 05/09/2024
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-09-05;c.23.0504.f ?

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