N° P.24.0374.F
A. S.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Maxim Töller et Alexandre de Fabribeckers, avocats au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 février 2024 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
Le premier avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
1. Le moyen est pris, en substance, de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 29 de la loi du 22 mai 2017 relative à la décision d’enquête européenne en matière pénale.
Le demandeur fait valoir qu’il lui est impossible de vérifier l’exactitude des données sur la base desquelles les enquêteurs lui ont attribué un des codes d’identification personnelle repérés dans l’application de messagerie sécurisée qu’ils ont analysée.
Selon le moyen, le code en question n’apparaît à aucun moment parmi les informations répertoriées dans les supports informatiques conservés au greffe et consultés par la défense. D’après celle-ci, ces supports ne contiennent aucun élément permettant d’impliquer le demandeur, et les conclusions des enquêteurs ne sont pas cohérentes avec les données de géolocalisation recueillies.
Le demandeur en conclut qu’il appartenait à la cour d’appel, par application de l’article 29 de la loi du 22 mai 2017, d’écarter les pièces de l’enquête informatique, dès lors qu’il n’a pas pu les contredire utilement.
2. Dans la mesure où il requiert une vérification en fait des éléments de la cause, laquelle échappe au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.
3. En vertu de la disposition légale visée au moyen, ne peuvent être utilisés dans le cadre d’une procédure menée en Belgique, les éléments de preuve qui, recueillis dans un autre Etat membre de l’Union européenne, à la faveur d’une décision d’enquête européenne en matière pénale, sont entachés d’irrégularité parce qu’ils violent une formalité prescrite à peine de nullité, empêchent la tenue d’un procès équitable ou sont affectés d’une irrégularité qui leur fait perdre leur fiabilité.
La règle d’exclusion susdite concerne donc l’utilisation en Belgique, Etat d’émission, d’une preuve obtenue irrégulièrement dans un autre pays membre de l’Union, Etat d’exécution.
L’arrêt attaqué énonce que l’identification du demandeur a été opérée par la police judiciaire fédérale d’Anvers, en comparant les déplacements du téléphone lié à un code d’identification déterminé avec les déplacements, relevés par des caméras de surveillance, d’une voiture immatriculée au nom d’A. S.
Dans la mesure où il revient à soutenir que l’article 29 de la loi du 22 mai 2017 régit l’obtention d’une preuve recueillie et jugée en Belgique, le moyen manque en droit.
4. Le juge d’appel ne doit pas répondre à des conclusions prises devant le premier juge et non reprises devant lui.
Le demandeur n’a pas déposé de conclusions d’appel. Il s’est borné à déposer une copie non signée des conclusions déposées devant le tribunal correctionnel, et à s’y référer oralement à l’audience par la voix de ses conseils.
Quand bien même ce référé aurait la valeur d’une reprise des conclusions, le juge d’appel ne doit pas répondre à une défense qui s’y trouve lorsqu’aucun grief n’est allégué en degré d’appel contre la manière dont le premier juge y a répondu.
Dans la mesure où il tend à soumettre à la Cour un grief dont les juges d’appel n’ont pas été formellement saisis, le moyen est nouveau et, à cet égard également, irrecevable.
5. Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent soixante-cinq euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, premier avocat général, avec l’assistance de Lutgarde Body, greffier.