N° F.22.0129.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre PME à Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2 (bte 73), faisant élection de domicile en l’étude de l’huissier de justice Bruno Christiane, établie à Liège, rue du Coq, 56,
demandeur en cassation,
contre
O., société à responsabilité limitée,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Xavier Thiébaut, avocat au barreau de Liège-Huy, dont le cabinet est établi à Liège, rue Simonon, 13, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 4 mars 2022 par la cour d’appel de Liège.
Le 19 juillet 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
En vertu de l’article 219, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, applicable au litige, une cotisation distincte est établie à raison des dépenses visées à l’article 57 et des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, qui ne sont pas justifiés par la production de fiches individuelles et d’un relevé récapitulatif, ainsi qu’à raison des bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société et des avantages financiers ou de toute nature visés à l’article 53, 24°.
Il suit de la genèse de cette disposition que la cotisation distincte vise à compenser, non l’impôt dû sur le bénéfice dissimulé par la société qui l’a réalisé, mais l’impôt éludé par le tiers bénéficiaire effectif de ce bénéfice dissimulé qui est sorti à son profit du patrimoine de la société qui l’a réalisé.
Les bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société doivent dès lors être pris en considération, dans le chef de la société qui les a réalisés, au regard des règles déterminant la cotisation ordinaire à l’impôt des sociétés.
L’article 49 de ce code prévoit, en son alinéa 1er, que constituent des frais professionnels déductibles, les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n’est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment, et, en son alinéa 2, que sont considérés comme ayant été faits ou supportés pendant la période imposable, les frais qui, pendant cette période, sont effectivement payés ou supportés ou qui ont acquis le caractère de dettes ou pertes certaines et liquides et sont comptabilisés comme telles.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que, dès lors que les bénéfices dissimulés ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société, ils constituent des dépenses déterminées et effectives, dont la déductibilité est dès lors soumise aux conditions de l’article 49 précité.
L’arrêt énonce que le demandeur « considère que le bénéfice dissimulé doit être soumis à la cotisation distincte, ce qui n’est pas contesté par [la défenderesse] et est du reste parfaitement exact : l’administration a en effet reconstitué par présomptions le chiffre d’affaires de [la défenderesse] en multipliant les quantités de boissons achetées par le prix de vente desdites boissons et ce, alors que la comptabilité de cette dernière n’est pas probante, ce qui n’est pas davantage remis en cause ».
L’arrêt, qui reconnaît ainsi l’existence de bénéfices dissimulés au sens de l’article 219 précité, mais considère que, « outre la cotisation distincte, aucune disposition légale ne prévoit que les bénéfices dissimulés doivent être intégrés en tant que dépenses non admises dans la base imposable au taux normal de l’impôt des sociétés, et ainsi être taxés une seconde fois », et que la défenderesse « n’a revendiqué aucune déduction de sa base imposable des bénéfices dissimulés en cause, de sorte que son rejet ne se conçoit pas », viole les dispositions légales précitées.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il dégrève partiellement la cotisation litigieuse de l’exercice d’imposition 2015, jusqu’à concurrence du montant résultant de la prise en compte au titre de dépenses non admises d’une somme de 13 827,48 euros, et qu’il statue sur la cotisation litigieuse de l’exercice d’imposition 2016 ainsi que sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du douze septembre deux mille vingt-quatre par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.