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12/09/2024 | BELGIQUE | N°F.22.0141.F-F.22.0175.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 septembre 2024, F.22.0141.F-F.22.0175.F


N° F.22.0141.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre PME Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2 (bte 73), faisant élection de domicile en l’étude de l’huissier de justice Arnaud Bruninx, établie à Verviers, rue de France, 55,
demandeur en cassation,
contre
BRASSERIE J., société à responsabilité limitée,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau

de Liège-Huy, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de...

N° F.22.0141.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre PME Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2 (bte 73), faisant élection de domicile en l’étude de l’huissier de justice Arnaud Bruninx, établie à Verviers, rue de France, 55,
demandeur en cassation,
contre
BRASSERIE J., société à responsabilité limitée,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège-Huy, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile.
N° F.22.0175.F
BRASSERIE J., société à responsabilité limitée,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège-Huy, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l’arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d’appel de Liège.
Le 19 juillet 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
À l’appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro F.22.0141.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
À l’appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro F.22.0175.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt ; il y a lieu de les joindre.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro F.22.0175.F :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l’article 1080 du Code judiciaire, la requête contient, à peine de nullité, l’indication des dispositions légales dont la violation est invoquée.
Le moyen, qui reproche à l’arrêt de donner des conclusions de la demanderesse ainsi que de deux procès-verbaux d’audition une interprétation inconciliable avec leurs termes, invoque la violation des articles 1319, 1320 et 1322 de l’ancien Code civil, alors que ces dispositions sont abrogées depuis le 1er novembre 2020, soit antérieurement à la prononciation de l’arrêt, en application des articles 73 et 75 de la loi du 13 avril 2019 portant création d’un Code civil et y insérant un livre 8 « la preuve ».
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
D’une part, l’obligation de motiver les jugements et arrêts est une règle de forme.
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l’arrêt d’adopter une motivation lacunaire dès lors qu’il valide le travail de l’expert et considère qu’il ne peut y avoir de double paiement lors du rattachement d’une facture à un bordereau, alors que la demanderesse apporte la preuve d’un double paiement pour le seul cas de facturation d’un bordereau identifié par l’expert, est étranger à l’article 149 de la Constitution.
D’autre part, le moyen, en cette branche, dénonce une contradiction, non entre des motifs de l’arrêt, mais entre un motif de l’arrêt et la position contraire de la demanderesse.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt considère qu’« il y a lieu d’entendre par bénéfices dissimulés sur lesquels une cotisation spéciale à l’impôt des sociétés est établie en vertu de l’article 219, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, les bénéfices constatés par l’administration qui ont été dissimulés et qui n’ont pas été compris dans le résultat comptable de la société et qui ne peuvent, dès lors, pas davantage se retrouver parmi les éléments du patrimoine de la société » et que le défendeur « a, en l’espèce, apporté cette preuve à propos du bénéfice occulte précité non comptabilisé par [la demanderesse] ».
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l’arrêt d’admettre l’existence de bénéfices dissimulés soumis à la cotisation distincte alors que le défendeur s’est uniquement essayé à démontrer que les bénéfices ont quitté le patrimoine sous forme de dépenses au titre de commissions, rémunérations et avantages de toute nature et que cela a été écarté par la cour d’appel, sans critiquer l’appréciation de l’arrêt que les bénéfices occultes sont sortis de la société par le fait qu’ils n’ont pas été comptabilisés, ne saurait entraîner la cassation.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
L’examen de la contradiction dénoncée par le moyen, en cette branche, suppose l’interprétation des dispositions légales dont l’arrêt fait application.
Pareil grief est étranger à l’article 149 de la Constitution, dont le moyen, en cette branche, invoque seul la violation.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro F.22.0141.F :
Sur le second moyen :
En vertu de l’article 219, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, applicable au litige, une cotisation distincte est établie à raison des dépenses visées à l’article 57 et des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, qui ne sont pas justifiés par la production de fiches individuelles et d’un relevé récapitulatif ainsi qu’à raison des bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société, et des avantages financiers ou de toute nature visés à l’article 53, 4°.
Il suit de la genèse de cette disposition que la cotisation distincte vise à compenser, non l’impôt dû sur le bénéfice dissimulé par la société qui l’a réalisé, mais l’impôt éludé par le tiers bénéficiaire effectif de ce bénéfice dissimulé qui est sorti à son profit du patrimoine de la société qui l’a réalisé.
Les bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société doivent dès lors être pris en considération, dans le chef de la société qui les a réalisés, au regard des règles déterminant la cotisation ordinaire à l’impôt des sociétés.
L’article 49 de ce code prévoit, en son alinéa 1er, que constituent des frais professionnels déductibles, les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n’est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment, et, en son alinéa 2, que sont considérés comme ayant été faits ou supportés pendant la période imposable, les frais qui, pendant cette période, sont effectivement payés ou supportés ou qui ont acquis le caractère de dettes ou pertes certaines et liquides et sont comptabilisés comme telles.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que, dès lors que les bénéfices dissimulés ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société, ils constituent des dépenses déterminées et effectives, dont la déductibilité est dès lors soumise aux conditions de l’article 49 précité.
L’arrêt relève qu’« il y a lieu d’entendre par bénéfices dissimulés […] les bénéfices constatés par l’administration qui ont été dissimulés et qui n’ont pas été compris dans le résultat comptable de la société et qui ne peuvent dès lors pas davantage se retrouver parmi les éléments du patrimoine de la société ».
Il considère que le demandeur a « apporté cette preuve à propos du bénéfice occulte […] non comptabilisé par [la défenderesse] » dont le montant s’élève à « 8 664,47 euros pour l’exercice d’imposition 2011 et à 7 775,91 euros pour l’exercice d’imposition 2012 », ces montants étant obtenus par la reconstitution du « chiffre d’affaires éludé à partir des achats de boissons non facturés en multipliant les quantités achetées de boissons par les prix de vente qui avaient été communiqués lors du contrôle [dont l’administration a déduit ensuite] les achats au fournisseur non facturés » et que « ce bénéfice éludé [est] soumis à la cotisation distincte ».
L’arrêt, qui reconnaît ainsi l’existence de bénéfices dissimulés au sens de l’article 219 précité, mais considère que c’est « à tort que le taxateur reprend en dépenses non admises [ce] bénéfice dissimulé » au motif qu’« aucune dépense déterminée n’est établie » et que, « le serait-elle, [la défenderesse] n’a, en tout état de cause, pas revendiqué la déduction de la moindre dépense correspondant au bénéfice dissimulé », viole les dispositions légales précitées.
Le moyen est fondé.
Sur le premier moyen :
Conformément à l’article 219, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, une cotisation distincte est établie à raison des bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société.
Lorsque les bénéfices dissimulés résultent d’opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, qui n’ont pas été déclarées à cette taxe, la base imposable de la cotisation distincte ne reprend les montants de la taxe sur la valeur ajoutée perçue mais non reversée que si aucune régularisation par l’administration de la taxe sur la valeur ajoutée n’est effectuée.
Une telle régularisation restaure aux montants litigieux leur nature de taxe sur la valeur ajoutée, lors même que celle-ci interviendrait postérieurement à l’exercice imposable litigieux.
Le moyen, qui repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros F.22.0141.F et F.22.0175.F ;
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il dégrève partiellement les cotisations litigieuses jusqu’à concurrence des montants résultant de la prise en compte au titre de dépenses non admises d’une somme de 8 664,47 euros pour l’exercice d’imposition 2011 et d’une somme de 7 775,91 euros pour l’exercice d’imposition 2012 ;
Rejette le pourvoi pour le surplus en la cause F.22.0141.F et rejette le pourvoi en la cause F.22.0175.F ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne la s.r.l. Brasserie J. aux dépens du pourvoi F.22.0175.F et réserve les dépens du pourvoi F.22.0141.F pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Les dépens taxés, dans la cause F.22.0175.F, à la somme de quatre cent un euros septante centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du douze septembre deux mille vingt-quatre par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.22.0141.F-F.22.0175.F
Date de la décision : 12/09/2024
Type d'affaire : Droit fiscal

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-09-12;f.22.0141.f.f.22.0175.f ?

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