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21/01/1970 | BéNIN | N°4

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 21 janvier 1970, 4


Recours pour excès de pouvoir - Fonction publique - Commission militaire de répression - Suspension avec perte de traitement et remboursement - Défaut de base légale - Défaut de procédure de débet - Annulation.

La qualification d'infraction étant d'interprétation stricte, une commission de répression disciplinaire ne pourrait retenir contre un agent public une infraction prévue par la loi et par conséquent proposer de le mettre en débet sans que cette décision manquant de base légale encoure 'annulation.

N°4 du 21 JANVIER 1970

Marouf MOUDACHIROU

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Vu la requête enregistrée le 4 décembre 1968 au Greffe de la Cour Suprême et présentée ...

Recours pour excès de pouvoir - Fonction publique - Commission militaire de répression - Suspension avec perte de traitement et remboursement - Défaut de base légale - Défaut de procédure de débet - Annulation.

La qualification d'infraction étant d'interprétation stricte, une commission de répression disciplinaire ne pourrait retenir contre un agent public une infraction prévue par la loi et par conséquent proposer de le mettre en débet sans que cette décision manquant de base légale encoure 'annulation.

N°4 du 21 JANVIER 1970

Marouf MOUDACHIROU


Vu la requête enregistrée le 4 décembre 1968 au Greffe de la Cour Suprême et présentée par Maître BARTOLI, Avocat-Défenseur à Cotonou pour le compte de MOUDACHIROU Marouf, administrateur du corps national du Dahomey, domicile élu en l'étude de l'Avocat sus désigné, ladite requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision N°11 du 23 juillet 1968 rendue par la commission militaire de répression infligeant au requérant une suspension de trois mois avec perte de traitement et un remboursement de 292.714 francs par les moyens que le requérant a occupé les fonctions de Préfet de l'Ouémé;

Qu'au mois de janvier 1968, il était informé qu'un détournement important avait été découvert par une commission militaire de vérification; que déféré devant le commissaire du Gouvernement le 29 janvier 1968, il était renvoyé devant le tribunal militaire d'Exception sans instruction préalable; que par jugement du 9 février 1968, il était condamné à 18 mois d'emprisonnement et 6.000.000 de dommages-intérêts avec confiscation des biens; que par ordonnance du 29 mars 1968 cette décision, comme toutes celles rendues par la même juridiction, fut déclarée nulle et de nul effet;

Que la même ordonnance prescrivait le renvoi des fonctionnaires déjà jugés par le tribunal militaire devant la commission militaire de répression qu'elle créait; que le 8 juillet 1968 le requérant fut entendu par la commission et mit à néant tous les griefs formulés à son encontre; qu'il fut surpris d'apprendre par la notification de la décision entreprise qu'il lui était reproché 292.714 francs de dépenses non justifiées dont il ignore encore l'origine, cette question n'ayant pas été débattue pendant la commission; que dès le lendemain de cette décision il protestait par écrit auprès du Président du C.M.R. en rappelant qu'il ignorait sur quels documents avait été retenue la somme mise à sa charge; que par requête du 16 août 1968, il forma un recours hiérarchique auprès du Chef de l'Etat; qu'à la suite de ce recours, il avait été convoqué et informé verbalement que la commission avait été invitée à reconsidérer son cas et à lui soumettre notamment les documents sur lesquels pouvait se fonder la décision du 23 juillet 1968; qu'il a vainement attendu cette convocation; qu'aucune décision n'ayant été prise sur son recours et plus de deux mois s'étant écoulés depuis le dépôt de sa requête, il est donc contraint en raison du caractère d'ordre public du délai de recours contentieux, de saisir la Cour Suprême; que l'article 118 de l'ordonnance N°18/PR du 29 mars 1968 est ainsi conçu; ''les décisions de la commission de répression sont sans recours'' l'expression ''ne sont susceptibles d'aucun recours'' ne s'interprète que comme excluant le recours de loi contentieux; que le Conseil d'Etat français s'est prononcé à diverses reprises sur cette question dans le sens indiqué ci-dessus; que les décisions intervenues ont été rendues dans les matières comme conseil supérieur de la Magistrature, discipline professionnelle et économique, concession, jury d'honneur; que c'est ce que le requérant exposait dans son mémoires au Chef de l'Etat; qu'il y a violation de l'article 7 de l'ordonnance N°18/PR du 29 mars 1968 en ce que la commission militaire de répression est incompétente pour mettre à la charge du requérant des dépenses injustifiées alors qu'elle n'était compétente que pour détournement de dernier publics, corruption, malversations et prévarications; que la décision entreprise prononce une sanction disciplinaire contre le requérant et le condamne à rembourser une somme de 292.714 francs alors qu'il n'avait pas été déclaré reliquataire par le Ministre compétent et que toute poursuite est subordonnée à cette constatation par arrêté de débet; que la décision entreprise a statué contre le requérant sans motif et sans indiquer notamment les éléments d'appréciation et documents de la cause d'où elle tire les dépenses prétendument injustifiées qui lui sont imputées alors que toute décision portant sanction ou atteinte d'une situation individuelle doit être motivée à peine de nullité ; que la violation des articles 4, 5, 8, 9, 13 et 18 de l'ordonnance N°18/PR du 29 mars 1968 constitue des violations des règles de forme et omission de formalités substantielles, la commission militaire de répression n'ayant pas procédé à un débat contradictoire sur les dépenses non justifiées imputées au requérant et n'ayant mis sa décision en délibéré après audition de celui-ci et ayant statué sur l'ensemble des affaires qui lui étaient soumises par une seule décision alors qu'il résulte de l'ordonnance N°18/PR susvisée qu'elle devait instruire, délibérer et statuer séparément sur chaque affaire comme toute autre juridiction administrative ou judiciaire;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 6 janvier 1969, le mémoire en défense de l'Etat Dahoméen tendant au rejet de la requête et se reportant au mémoire présenté dans l'affaire BOSSOU dont il reprend tous les moyens a l'exception des 1er et 6ème paragraphes qui ne s'appliquent pas à MOUDACHIROU exclusivement fonctionnaire Dahoméen et auquel ne s'applique pas la convention Franco-Dahoméenne du 29 juillet 1959; que les sanctions prononcées contre ledit requérant sont valablement prononcées;

Vu, enregistré comme ci-dessus, 17 mars 1969, le mémoire en réponse de Maître BARTOLI, tendant aux mêmes fins, par les mêmes moyens, et en outre par les moyens que la pièce notifiée au requérant est intitulée mémoire en défense pour l'Etat Dahoméen contre MOUDACHIROU Marouf; que ce mémoire n'est pas signé. La qualité de son auteur n'est pas indiquée; qu'il porte simplement la mention: ''pour copie conforme, ''Cotonou, le 1er janvier 1969, pour le Greffier en Chef et par ordre signé;GERO AMOUSSOUGA''; que la décision à intervenir n'étant opposable à l'administration que dans la mesure où il est établi qu'elle a pu répondre aux moyens du recours et que la réponse émane d'une autorité ayant qualité à cette fin; que le mémoire est irrecevable; que d'autre part le mémoire se réfère purement et simplement aux moyens du défendeur qui auraient été développés dans une autre affaire (Requête Alfred BOSSOU); que sans toute le défendeur considère-t-il que les requérants ayant le même conseil, il est inutile d'énoncer des moyens dans les jeux causes; que non seulement il s'agit de requêtes distinctes mais encore les fonctionnaires intéressés se trouvent dans une situation différente, l'un appartenant à la fonction publique française et l'autre étant Dahoméen; que sont irrecevables les moyens qui sont invoqués dans une autre affaire distincte, fusse sur le même point de droit; que c'est donc sous les plus expresses réserves que le requérant répond aux moyens qui sont invoqués dans une autre affaire en sollicitant au premier chef que soient déclarés irrecevables le mémoire et les moyens dont s'agit; que, comme le soutient le défendeur, rien ne permet de soutenir que la commission a entendu par ''dépenses injustifiées'' des sommes détournées par le requérant, ceci, parce que devant le tribunal d'exception, il a été fait grief au requérant d'avoir violé les règles administratives sur ce point, d'avoir utilisé, pour des dépenses administratives réelles, des documents fictifs permettant d'imputer la dépense à un chapitre contenant encore un crédit; que la commission a fait une distinction entre les sommes détournées et les dépenses non justifiées au regard des règlements; que dans le rapport de synthèse elle indique que les charges retenues par la commission de vérification à l'égard des Préfets étaient erronées; que des détournements relevés par cette commission n'ont pas été établis; que dans la décision N°11 qui vise plusieurs fonctionnaires la commission a employé le terme ''Détournement qui vise plusieurs fonctionnaires la commission a employé le terme ''détournement'' pour certains d'entre eux; que pour le requérant le sieur BOSSOU elle a indiqué qu'il s'agissait de ''dépenses non justifiées''; qu'elle décide, par exemple:

Pour le sieur HOUEMABE il s'agit d'un détournement

Pour le sieur KOUKOUI il s'agit d'une dépense pour un travail non effectué

Qu'il s'ensuit que soit par la qualification juridique soit l'analyse du fait reproché, la commission a qualifié les actes qui lui étaient soumis; qu'il s'ensuit aussi que l'expression employée pour le requérant ne couvre pas un détournement ou l'un des délits visés par l'ordonnance organique; qu'en soutenant que la commission a voulu sanctionner le requérant pour s'être approprié le montant de prétendues dépenses administratives, le défendeur reconnaît implicitement qu'elle n'était pas compétente que pour les infractions énoncées par le texte organique; que s'agissant d'un texte répressif, le raisonnement par analogie n'est pas autorisé et l'on ne peut étendre les dispositions légales aux cas qu'elles ne prévoient pas;

Vu enregistré comme ci-dessus, le 3 avril 1969 le mémoire en réponse du Président de la République pour l'Etat Dahoméen, lequel persiste en ses observations antérieures:

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour Suprême;

Ouï à l'audience du mercredi vingt et un janvier mil neuf cent soixante dix, Monsieur le conseiller BOUSSARI en son rapport;

Le Procureur Général AÏNANDOU en ses conclusions se rapportant à justice;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Sur les conclusions touchant à l'annulation de la décision suspendant le requérant de ses fonctions.

Considérant que l'article 7 de l'ordonnance N°18/PR du 29 mars 1968 portant compétence de la commission militaire de répression est ainsi conçu:

ARTICLE 7.- La commission sera appelée à apprécier l'existence des faits suivants:

Détournement par tout individu de fonds ou de derniers publics de l'Etat, des collectivités secondaires, des Etablissements ou organismes publics et semi-publics;

Acceptation de dons ou présents par toute personne au service de l'Etat pour faire ou s'abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi;

D'une façon générale, la commission militaire de répression a compétence pour connaître des malversations ou prévarications dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions de toute personne au service de l'Etat des collectivités secondaires, des établissements ou organismes publics ou semi-publics;

Considérant que la décision N°11 du 23 juillet 1968 incriminée stipule: ''la commission militaire de répression après étude de la vérification effectuée à la Préfecture de l'Ouémé et après audition des inculpés et témoins du 26 juin au 23 juillet 1968;

1°/- retient...... contre Monsieur MOUDACHIROU Marouf, ex-préfet de l'Ouémé, une somme de deux cent quatre vingt douze mille sept cent quartoze (292.714) francs de dépenses non justifiées.

........................................

2°/- Décide, en application des articles 7, 9, 10, 12 et 13 de l'ordonnance N°18/PR du 29 mars 1968, une suspension de trois mois avec perte de traitement et un remboursement de 292.714 francs contre Monsieur MOUDACHIROU Marouf.

.....................................

En vertu de l'article 11 de l'ordonnance N°18/PR en date du 29 mars 1968, les intéressés sont tenus de rembourser les sommes dues dans un délai de 15 jours. Passé ce délai, il sera procédé à la saisie de leur bien''.

Considérant que la commission militaire de répression n'a retenu ni détournement de fonds ou de derniers publics ni acceptations de dons, ni malversation ou prévarication; considérant que la qualification d'infraction est d'interprétation stricte; qu'en conséquence ladite commission ne pouvait légalement fonder sa décision sur une infraction ne résultant d'aucun texte;

Considérant que la qualification ''dépenses non justifiées'' ne figure pas dans l'énumération des infractions relevant de la compétence de la commission militaire de répression, de l'article 7 de l'ordonnance n°18/PR du 29 mars 1968; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commission militaire de répression a méconnu sa compétence et que la décision attaquée doit être annulée;

Sur les conclusions visant à l'annulation de la mesure ordonnant le remboursement de la somme de 292.714 francs.-

Considérant que le requérant, n'ayant pas fait l'objet d'une procédure de débet dans les conditions prévues au titre IV de l'ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966 sur la Cour Suprême, alors en vigueur, la décision lui imposant le remboursement de la somme de 292.714 francs, manque de base légale et doit par suite être annulée.

D E C I D E:

ARTICLE 1er.- La décision N°11 du 23 juillet 1968 de la commission militaire de répression est annulée en ce qui concerne le sieur MOUDACHIROU Marouf;

ARTICLE 2.- Les dépens sont mis à la charge du Trésor Public.

ARTICLE 3.- Notification du Présent arrêt sera faite aux parties.

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême, (Chambre Administrative) composée de Messieurs:

Louis IGNACIO-PINTO, Président de la Cour Suprême PRESIDENT

Corneille Taofiqui BOUSSARI et Grégoire GBENOU, CONSEILLERS

Et prononcé à l'audience publique du mercredi vingt et un janvier mil neuf cent soixante dix, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de:

Monsieur Cyprien AÏNANDOU PROCUREUR GENERAL

Et de Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA GREFFIER EN CHEF

Et ont signé:

LE PRESIDENT LE RAPPORTEUR LE GREFFIER

Louis IGNACIO-PINTO C. T. BOUSSARI H. GERO AMOUSSOUGA


Synthèse
Formation : Chambre administrative
Numéro d'arrêt : 4
Date de la décision : 21/01/1970

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1970-01-21;4 ?
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