Recours pour excès de pouvoir - Fonction publique - Procédure disciplinaire - Sanction - Garanties - Violation - Annulation.
Doit être annulé l'avertissement, avec inscription au dossier, infligé à un fonctionnaire d'Etat alors que les garanties disciplinaires prévues par la loi n'ont pas été respectées par l'Administration.
N° 8/CA du 05 mai 1972
Alli TIAMIYOU
C/
Etat Dahoméen
(Ministère de l'Economie et des Finances)
Vue la requête en date du 09 juin 1969, reçu et enregistrée au Greffe de la Cour Suprême le même jour sous le numéro 431/GCS, par laquelle le sieur ALLI TIAMIYOU, inspecteur principal du Conditionnement des Produit, Directeur du service du contrôle du conditionnement des produits à Cotonou, a introduit un recours visant à annuler l'arrêté n° 157/MEF/CAB du 12 février 1969, par lequel le ministre de l'Economie et des Finances lui a infligé un avertissement avec inscription au dossier, par les moyens qu'il y a eu:
1 - Violation des dispositions de l'article 44 de la loi n° 59-21 du 31 août 1959 et de l'article 83 du décret n° 59-218 du 15 décembre 1959 en ce que ministre a omis de faire précéder la sanction d'une demande d'explication écrite;
2 - Défaut de motifs ou imprécision des motifs en ce que l'arrêt attaqué n'indique pas les faits précis et vérifiables pouvant permettre à la Cour d'apprécier l'exactitude ou la matérialité de la faute;
3 - Arbitraire et excès de pouvoir en ce que l'auteur de l'acte a agi sur simple mouvement de mauvaise humeur;
Vu la dépêche n° 1041 Greffe Cour Suprême du 03 septembre 1969 par laquelle la requête et les pièces annexées étaient notifiées au ministre de l'Economie et des Finances, toutes pièces reçus en son Cabinet le jour même;
Vu la correspondance du 18 décembre 1969 par laquelle maître KATZ, alors avocat à Cotonou, se constituait pour l'Etat et sollicitait un délai pour conclure; Vue la réponse faite le 31 décembre 1969 sous le numéro 1285 par laquelle la Cour prenait acte de la constitution de maître KATZ et lui accordait trente jours;
Vu la nouvelle correspondance à la Cour en date du 19 mars 1971, par laquelle maître KATZ écrivait ceci en substance: "je n'ai pas l'intention de conclure dans cette affaire où je m'en remets à la sagesse de la Cour Suprême";
Vu la lettre n° 604 du 17 avril 1971, au ministre des finances et du Budget laquelle la Cour ordonnait les mesures d'instruction suivantes;
Préciser si une demande d'explication écrite a été adressée au sieur ALLI TIAMIYOU, avant de lui appliquer la sanction de l'avertissement;
Faire parvenir à la Cour le dossier individuel de l'intéressé;
Pour l'exécution des mesures sus-visées, un délai de trente jours était assigné au Ministre des Finances;
Vu la dépêche n° 661/MF-Cab du 11 mai 1971 par laquelle le Ministre des Finances rendait compte à la Cour qu'il avait fait parvenir le dossier en question à son homologue de l'Economie et du plan, pour attribution;
Vu la dépêche du Greffe n° 762 du 28 mai 1971, par laquelle il était demandé au Ministre de l'Economie d'avoir à donner suite sous quinzaine à la transmission qui lui avait été faite, ce rappel étant reçu en son Cabinet le 29 mai 1971;
Vu la dépêche de juin 1971, par laquelle le ministre de l'Economie et du plan, en suite de la mise en demeure de la Cour, sollicitait un mois de délai supplémentaire;
Vu la nouvelle mise en demeure n° 939 du 5 juillet 1971 accordant 15 jours, reçue au Cabinet du Ministre le 07 juillet 1971 restée sans réponse;
Vu la lettre du greffe n° 1119 du 05 août 1971 reçu le 07 août 1971 par laquelle un dernier délai d'un mois était concédé à l'autorité administrative qui resta silencieuse;
Vu toutes toute les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi cinq mail mil neuf cent soixante douze, Monsieur le Conseiller FOURN en son rapport;
Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses Conclusions et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur la recevabilité en la forme du recours présenté par ALLI TIAMIYOU
Considérant que l'arrêt querellé date du 12 février 1969, que l'on n'en connaît pas la date de notification au requérant, mais que son recours gracieux porte la date du 9 avril 1969 et sa requête à la Cour celle du 09 juin 1969;
Que le présent recours est fait dans les formes et délai légaux, qu'il est donc recevable;
AU FOND
SUR LE PREMIER MOYEN SOULEVE PAR ALI TIAMIYOU SANS QU'IL SOIT BESOIN D'EXAMINER LES AUTRES MOYENS INVOQUES A L'AAPPUI DUDIT RECOURS
Considérant qu'aux terme de l'article 44 alinéa 2 de la loi n° 59-21/ALD du 31 août 1959 portant statut général de la formation publique repris par l'article 83 al 1 du décret n° 59-218 du 15 décembre 1959 portant modalités communes d'application du statut général de la fonction publique article 44:
"Toutefois l'avertissement, le blâme et le déplacement d'office sont prononcés dans l'accomplissement des formalité prévues au premier alinéa, après demande d'explication adressée à l'intéressé"
Article 83 "La procédure disciplinaire est engagée par une demande d'explication écrite adressée au fonctionnaire par l'autorité hiérarchique dont il dépend"
Considérant que du silence prolongé et embarrassé de l'Administration, la Cour doit inférer que cette formalité légale n'a pas été accomplie;
Que l'arrêté n° 157/MFE/CAB du 12 février 1969 doit en conséquence être annulé pour violation de la loi;
PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article 1: le recours présenté par le sieur ALLI TIAMIYOU est recevable en forme;
Article 2: L'arrêté n° 157/MFE/Cab du Ministre de l'Economie en date du 12 février 1969 infligeant un avertissement au sieur ALLI TIAMIYOU avec inscription au dossier est annulé;
Article 3: les dépens sont mis à la charge du trésor;
Article 4: Notification du présent arrêt sera faite aux parties;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composé de
Cyprien AÏNADOU, Président de la Cour Suprême: PRESIDENT
Corneille T. BOUSSARI et Gaston FOURN: CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi cinq mai mil neuf cent soixante douze, la Chambre état composée comme il est dit ci-dessus en présence de messieurs:
Grégoire GBENOU: PROCUREUR GENERAL
Et Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA: GREFFIER EN CHEF
Et ont signé:
Le Président
Le Rapporteur
Le Greffier en Chef