Recours pour excès de pouvoir - Foncier - Permis d'habiter - Procédure Délai observés - Recevabilité - Procédure - Défaut de qualité - Rejet.
Est recevable le recours pour excès de pouvoir formé dans les délais légaux contre un permis d'habiter.
Par contre, ledit recours doit être rejeté en la forme, lorsque le juge constate, de la part du requérant, le défaut de qualité pour agir.
N° 16/CA du 09 juin 1972
Dominique ADJOVI
C/
-Préfet de l'Atlantique
-Justine GONCALVES
Vu la requête en date du 12 mai 1967 reçue et enregistrée au Greffe de la Cour Suprême le 13 mai 1967 sous le numéro 31/GCS par laquelle maître Pierre BARTOLI, avocat à Cotonou, agissant au nom et pour le compte du sieur Dominique ADJOVI, demeurant à Cotonou, a sollicité de la Cour l'annulation pour excès de pouvoir du permis d'habiter n° 571 relatif à la parcelle B du Lot n° 175 de Cotonou par les moyens que le sieur Anselme Cyrille GONCALVES, détenteur d'un permis n° 600 pour la parcelle B du lot 575 lui a vendu ses installations par acte du 10 novembre 1957 au prix de 400.000 francs, qu'il lui remit, avec la convention, le permis précité mais, avant d'avoir pu contresigner la demande de mutation que l'acheteur devait déposer à la Préfecture, il décédait le mois suivant, le 22 décembre 1957; que lorsqu'il voulut entreprendre des travaux sur la parcelle, les consorts Ignace et Justine GONCALVES s'y opposèrent en se déclarant héritiers du vendeur; qu'un procès s'ensuivit, et qu'au cours de l'instance d'appel, le 20 janvier 1967 les consorts GONCALVES lui notifiaient le permis n° 571 du 12 juin 1965; que par requête du 15 février 1967 il adressait au Préfet une demande d'annulation du permis dont il s'agit, que convoqués par le préfet, ce dernier ne leur notifiait pas sa décision bien que les consorts GONSALVES eurent reconnu la vente et offert à titre transactionnel une autre parcelle;
Qu'il y a eu:
1 - Violation de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1960 et nullité formelle de l'acte attaqué pour défaut d'accomplissement des formalités prévue par la loi et de motivation.
2 - Violation de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1960 en ce que le Préfet a délivré un permis à des personnes détenant par ailleurs une autre parcelle du domaine de l'Etat ainsi que l'a révélé l'offre transactionnelle.
3 - Erreur de fait en ce que le préfet a délivré un permis d'habiter aux consorts GONCALVES au motif implicite que la parcelle provenait de la succession du précédent occupant et qu'ils en étaient les seuls héritiers en ignorant que l'occupant avait cédé ses droits de son vivant;
Vu le mémoire ampliatif du 16 novembre 1968 par lequel Dominique ADJOVI reprenait les mêmes moyens que dans sa requête introductive instance et les développait;
Vu les conclusions en date du 24 Mai 1968, reçues et enregistrées comme ci-dessus le 25 mai 1968, par lesquelles, le Préfet de l'atlantique faisait part à la Cour que:
«Au registre de contrôle des affaires domaniales de Cotonou il est porté en face de la parcelle B du lot n° 175 le nom de Cyrille GONCALVES qui a obtenu un permis d'habiter n° 111 le 11 février 1936.
«Après la mort de ce dernier les héritiers ont fourni les pièces requises pour faire délivrer régulièrement un nouveau permis n° 571 le 12 juin 1965 au nom des héritiers Cyrille GONCALVES.
Vu le mémoire en réponse du 11 janvier 1969, par lequel maître François AMORIN, Conseil des consorts GONCALVES, répliquait au recours du sieur ADJOVI, exposant que la parcelle B du lot 175 de Cotonou a été attribuée à Cyrille ADAM GONCALVES avec délivrance à son profit le 11 février 1936 du permis d'habiter n° 1111, que le 10 avril 1939, il décédait laissant comme héritiers ses trois enfants majeurs:
1 - Anselme Cyrille GONCALVES
2 - Ignace Cyrille GONCALVES
3 - Justine Cyrille GONCALVES
Que le permis d'habiter était demeuré au nom de leur auteur commun; que le 23 décembre 1957, décédait le cohéritier Anselme Cyrille GONCALVES; qu'a leur grande surprise ils se virent assigner en justice par sieur Dominique ADJOVI qui leur opposait une vente portant sur leur bien indivis et qui serait intervenue entre leur frère défunt et le requérant le 10 novembre 1957; que par arrêt contradictoire n° 51 du 1er juin 1967, la Cour d'Appel de Cotonou l'a débouté en déclarant nulle la vente faite par l'un des co-indivisaires.
Sur les moyens:
Sur le premier moyen:les défendeurs répliquent que l'article 2 de la loi du 13 juillet 1960 ne concerne pas le cas d'héritiers qui succèdent à leur auteur; que le visa par le préfet, sur le titre du décret d'application du 02 décembre 1964 atteste suffisamment que l'Administration s'est conformée aux dispositions dudit texte;
Sur le second moyen: pris de la violation de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1960 les défendeurs contestent les allégations du requérant prétendant qu'ils sont titulaires de plusieurs permis et que par ailleurs la mutation étant faite au nom d'une succession le texte invoqué n'est pas applicable à l'espèce.
Sur le troisième moyen: tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le Préfet qui aurait cru que la parcelle provenait de la succession du précédent occupant et qu'ils en étaient le seuls héritiers en ignorant que l'occupant avait cédé ses droits de son vivant, les défendeurs soulignent à l'attention de la Cour que c'est plutôt ADJOVI qui essaie d'induire la Cour en erreur en voulant lui faire croire, comme il l'avait vainement tenté devant la juridiction civil, que Anselme Cyrille GONCALVES avait été le titulaire du premier permis d'habiter n° 1111 et que Ignace et Justine Cyrille GONCALVES étaient les enfants et héritiers d'Anselme Cyrille GONCALVES, qu'il y a par ailleurs défaut de qualité du sieur ADJOVI et nullité au regard de l'arrêté n° 990 du 6 septembre 1924, de la vente intervenue;
Vu le mémoire en date du 09 décembre 1971, reçu et enregistré au greffe de la Cour le 14/12/71 sous le n° 779/GCS, par lequel le sieur Dominique ADJOVI répondait au précédent mémoire des consorts GONCALVES en affirmant:
Sur le premier moyen: concernant l'article 2 de la loi du 13 juillet 1960 que les dispositions de ce texte s'appliquent au cas, car l'article 14, selon lui ne serait applicable que dans le délai de l'enregistrement, qu'il s'agit en fait de l'attribution d'un nouveau permis requérant l'assistance de la commission prévue à l'article 2 et non d'une mutation.
Sur le second moyen: tiré de la violation de l'article 6 de la même loi, qu'il sollicite une mesure d'instruction pour amener la Cour à constater que les défendeurs sont déjà titulaires de permis sur d'autres parcelles, ce qui selon lui serait interdit par la loi même en cas de mutation.
Sur le troisième moyen tiré de l'erreur, qu'il soutient que les défendeurs ont caché à l'administration l'existence d'un contrat de vente portant sur le terrain.
Sur le défaut de qualité et la nullité de la vente
Qu'il réplique qu'étant acquéreur de la parcelle, il a intérêt à l'annulation du permis que par ailleurs, les dispositions de l'arrêt du 6 septembre 1924 ne sont pas applicables à l'espèce.
Vu le mémoire en date du 28 février 1972 reçu et enregistré comme ci-dessus le 28 février 1972 sous le numéro 166/GCS par lequel les défendeurs GONCALVES répliquaient aux moyens et argumentations du requérant en soulignant:
Sur le défaut de qualité que le demandeur se garde bien de contester que par arrêt n° 51 rendu le 1er juin 1967, la Cour d'Appel a déclaré nulle la convention de vente dont il excipe, vente portant sur un bien indivis et faite en fraude de leurs droits; que n'étant pas héritiers de Cyrille Adam GONCALVES, titulaire du permis d'habiter n° 1111 et ayant vu son titre d'acquisition annulé, le sieur ADJOVI est sans qualité pour attaquer le permis d'habiter de la succession GONCALVES.
Sur les moyens invoqués à l'appui du recours, ils maintiennent leur défense et précisément qu'en ce qui concerne les liens de parenté existant entre eux et le co-contractant du sieur ADJOVI, qu'ils sont tous trois héritiers du permis, que le fait ne souffre plus aucune discussion depuis l'arrêt civil du 1er juin 1967;
Vu l'arrêt n° 51 de la Cour d'Appel en date du 1er juin 1967;
Vu le permis d'habiter n° 571 du 12 juin 1965;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi neuf juin mil neuf cent soixante douze;
Monsieur le conseiller FOURN en son rapport;
Monsieur le Procureur général GBENOU en ses conclusions, se rapportant à justice.
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Sur la recevabilité du recours du sieur Dominique ADJOVI
En ce qui concerne les délais légaux
Considérant que la date de notification au requérant du permis n° 571 du 12 juin 1965 est le 20 janvier 1967; que son recours gracieux a été adressé au Préfet le 15 février 1967; que le recours contentieux, ensuite du rejet implicite, porte la date du 12 mai 1967; que par conséquent les délais légaux ont été respectés.
En ce qui concerne la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité:
Considérant que l'acte attaqué est le permis d'habiter n° 571 du 12 juin 1965délivré par le Préfet du département de l'Atlantique à la succession Cyrille Adam GONCALVES, que l'Administration a procédé à la mutation sur le vu des pièces prouvant les liens de parenté entre le décujus et le défendeurs;
Considérant que la question qui se pose à la Cour est de savoir si l'acte administratif ayant consacré la mutation lèse un intérêt légitime du demandeur ou, autrement dit si le permis d'habiter n° 571 du 12 juin 1965 fait grief à ADJOVI;
Que le sieur ADJOVI, pour attraire devant la Chambre Administrative les défendeurs, fonde son action en annulation sur l'existence d'un contrat de vente portant sur la parcelle objet du permis attaqué, que le seul titre excipé, n'étant pas héritier de Cyrille Adam GONCALVES qui ne lui a ni donné ni cédé le terrain est l'acte de vente passé avec l'un des cohéritiers Anselme Cyrille;
Considérant qu'il est constant que par arrêt contradictoire n° 51 du 1er juin 1967, la Cour d'Appel de Cotonou, dans une instance opposant les parties, a déclaré nulle et de nul effet la convention de vente intervenue entre le sieur ADJOVI et Anselme Cyrille GONCALVES, co-indivisaire du bien litigieux,
Que suivant une doctrine bien établie «le recours pour excès de pouvoir n'est recevable que si celui qui l'exerce a intérêt à demander l'annulation de l'acte attaqué»
Qu'en l'espèce l'acte entrepris serait-il annulé que le fait n'apporterait aucun changement dans la situation juridique du requérrant vis à vis de la parcelle;
Considérant que «le recours pour excès de pouvoir ne peut être exercé que contre un acte de nature à faire grief», que lorsque la condition relative à l'existence du grief n'est pas remplie, le recours est déclaré irrecevable.
Considérant que le permis n° 571 du 12 juin 1967 attaqué par le sieur ADJOVI n'ayant aucun effet vis à vis de la situation juridique de l'intéressé, il y a lieu de déclarer le recours exercé dans ces conditionss irrecevable, faute de qualité, sans qu'il soit besoin de l'examiner au fond.
PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article 1er: Le recours sus-visé du sieur Dominique ADJOVI est rejeté en la forme.
Article 2: Les dépens sont mis à la charge du requérant.
Article 3: Notification du présent arrêt sera faite aux parties.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de messieurs:
Cyprien AÏNADOU, Président de la Cour Suprême: PRESIDENT
Corneille T. BOUSSARI et Gaston FOURN: CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi cinq mai mil neuf cent soixante douze, la Chambre état composée comme il est dit ci-dessus en présence de messieurs:
Grégoire GBENOU: PROCUREUR GENERAL
Et Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA: GREFFIER EN CHEF
Et ont signé:
Le Président
Le Rapporteur
Le Greffier en Chef