Recours pour excès de pouvoir - Fonction publique - Retrait d'un acte de reclassement - Procédure - Délais légaux - Violation - Annulation.
En la forme: Est recevable le recours pour excès de pouvoir formé dans les délais prévus par la loi.
Au fond: Doit être annulé, parce que pris en violation des délais légaux, l'acte portant retrait d'une décision de reclassement ayant crée des droits au profit d'agents de l'Etat.
N°21/CA du 28 juillet 1972
NOUDOFININ Christian
DIDE Barthélémy
GODJO Honoré
DEGBOE Justin
AKLAMAVO Mathias
AKPO Silas
C/
Décret n° 69/19-PR-MFPRATdu 8 février 1969
Vu les requêtes et mémoires présentés par les sieurs:
1 - NOUDOFININ Christian, Intendant à l'école normale F. NADJO à Porto-Novo
2 - DIDE Barthélemy, Directeur de la Librairie Nationale à Porto-Novo
3 - GODJO Honoré, Intendant à l'Ecole des Sciences de Porto-Novo
4 - DEGBOE Justin, Intendant à l'Office du Baccalauréat à Porto-Novo
5 - AKLAMAVO Mathias, Intendant au lycée Toffa 1er de Porto-Novo
6 - AKPO Silas, Intendant au Centre Agricole de Ouidah
Lesdits requêtes et mémoires enregistrés les 09 mai 1969 et 20 février 1971, et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 69-19/PR/MFPRAT-DP-2 du 3 février 1969 les ayant déclassés du grade d'Attachés Universitaires qu'ils étaient par décret n°223 et 224/PR/MFPTT/DP2 du 29 juillet 1968 et les a ramenés dans le corps des secrétaires, par les moyens que désignés les uns aux choix, les autres sur concours pour suivre un stage à l'institut national d'Administration Scolaire, ils ont, à l'issue de ce stage, passé avec succès le concours français de recrutement d'Attachés d'Intendance Gestionnaire;
Que l'article 31 alinéa 1er du décret n° 278/PC/MFPTAS du 14 Août 1965 stipule: «En application des dispositions de l'article 55 du statut général de la Fonction Publique et dans les conditions fixées pour leur application par le décret n° 59-218 du 15 décembre 1959 susvisé, seront reclassés dans le corps des attachés de l'Administration Hospitalière, Universitaire et d'Intendance à compter du 1er janvier 1965, les fonctionnaires reçus au concours d'Attachés d'un Etablissement d'Administration Hospitalière Universitaire ou Intendance agréé par l'Etat»;
Que le décret n° 367/PR/MFPT du 30 septembre 1966 donne la liste des Etablissements agréés par l'Etat;
Qu'à leur retour en 1964 et 1965, ils ont été reclassés Secrétaires d'Administration Hospitalière Universitaire et d'Intendance, par décret n° 6/PR/MTFP/DP2 du 07 janvier 1966;
Que constatant qu'un préjudice leur a été causé, ils en ont demandé réparation en demandant leur reclassement dans le corps des attachés, par lettre du 18 janvier 1966;
Que leurs requêtes successives n'ont trouvé une suite favorable que le 16 mars 1968, date à laquelle une commission inter-ministérielle a siégé à cet effet, qu'ainsi les décrets n° 223 et 224/PR/MFPTT/DP2 du 29 juillet 1968 portait leur reclassement dans le corps des attachés universitaires et d'intendance;
Que par décret n° 69/19/PR/MFPRAT du 03 février 1969, ils ont été déclassés et ramenés dans le corps des secrétaires;
Que ne connaissant pas les raisons de ce déclassement, ils ont introduit un recours gracieux, par lettre du 23 février 1969;
Qu'ils s'étonnent que leurs collègues SASSE Bruno, intégré par décret n° 319/MFPTT du 08 mai n'ait pas été désintégré, alors que le titre le nommant a été pris dans les même formes que les leurs;
Qu'ils considèrent qu'il y a injustice flagrante du fait que des avantages du fait que des avantages acquis dans les formes prévues par le décret n° 278/PC/MFPTAS du 14 Août 1965, leurs aient été retirés cinq mois plus tard;
Vu les observations du ministre de la fonction publique, enregistrées comme ci-dessus le 06 mars 1970 tendant au rejet du recours des requérants par les moyens que les requérants ont réussi le concours d'Attachés d'Intendance; Que les dispositions de l'article 31 du décret n° 278 du 14/08/1965 combinées avec celles du décret n° 367 du 23 septembre 1966 permettent d'intégration des requérants dans le corps des attachés;
Que cependant les requérants n'ont pas été envoyés à Paris pour faire stage d'Attachés;
Qu'étant de la catégorie C, de la fonction Publique, il leur était assigné de faire un stage de secrétaire d'Administration universitaire (Catégorie B) par décision n° 49/PR-MEN/P du 25 septembre 1963 du Ministre de l'Education que les requérants ont passé outre l'esprit et la lettre de cette décision sans se référer à l'avis préalable du gouvernement, plaçant celui-ci devant le fait accompli; que l'administration ne pouvait entériner purement et simplement cet acte d'indiscipline; que le ministre de l'éducation reste hostile à l'intégration des requérants dans le corps des attachés; que le chef de l'Etat jugeant souverainement cette affaire a ordonné le reclassement des intéressés dans le corps des secrétaires d'Administration;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance 21/PR du 26 avril 1966 portant Composition, organisation, fonctionnement et attribution de la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi 28 juillet mil neuf cent soixante douze, Monsieur le Conseiller BOUSSARI en son rapport;
Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
SUR LA RECEVABILITE DU RECOURS
En la forme:
Considérant que le décret n° 69-19/PR-MFPRAT déféré à la sanction de la Cour Suprême, est du 03 février 1969; que le recours hiérarchique des requérants adressé au Président de la République le 25 février 1969 l'a été dans les délais de la loi;
Considérant que le recours contentieux des susnommés enregistré comme ci-dessus, le 09 mai 1969 après un silence de plus de deux mois à la suite de leur recours hiérarchique est intervenu dans les délais prescrits par l'article 68 de l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour suprême;
Que ledit recours est recevable en la forme;
Au fond:
Sur l'unique moyen tiré du retrait retro-actif des Décrets n° 223 et 224/PR-MFPTT-DP2 du 29 juillet 1968 par le décret N° 69-19/PR-MFPTRA/DP2 du 03 février 1969;
Considérant que si l'acte administratif est irrégulier, il peut être retiré rétroactivement par son auteur car du fait de son irrégularité, l'acte n'a pu créer de droit; qu'il s'agit d'un retrait abrogation;
Considérant que le retrait de l'acte irrégulier est considéré comme une véritable sanction de l'illégalité de l'acte permettant à son auteur de réaliser lui-même ce que ferait le juge de l'excès de pouvoir s'il était saisi d'un recours contentieux en annulation;
Qu'il appartient aux Ministres, lorsqu'une décision administrative ayant créé des droits est entachée d'une illégalité de nature à entraîner l'annulation par voie contentieuse, de prononcer eux mêmes cette annulation;
Considérant cependant que le retrait-sanction de l'illégalité avec l'annulation juridictionnelle ne peut être prononcé que dans les délais du recours contentieux, c'est-à-dire dans les deux mois qui constituent le délai du recours pour excès de pouvoir;
Que cette règle est de jurisprudence constante depuis les célèbre arrêt Cachet;
Considérant que les décrets ayant créé des droits aux requérants sont du 29 juillet 1968;
Que le décret n° 69-19 incriminé est du 3 février 1969, c'est à dire six mois après la signature des décrets prétendus irréguliers;
Que le retrait est intervenu hors délai;
Qu'en conséquence le décret n° 69-19/PR-MFPRAT/DP2 du 3 février 1969, doit être annulé;
PAR CES MOTIFS
Décide
Article 1er: La requête susvisée, enregistrée le 09 mai 1969 est recevable en al forme;
Article 2: Le décret n° 69-19/PR-MFPRAT/DP2 du 3 février 1969 est annulé;
Article 3: Les dépens sont mis à la charge du Trésor Public;
Article 4: La présente décision sera notifiée aux requérants et au Ministre de la Fonction Publique;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:
Cyprien AÏNADOU, Président de la Cour Suprême: PRESIDENT
Corneille T. BOUSSARI et Gaston FOURN : CONSEILLERS
La Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Monsieur:
Grégoire GBENOU: PROCUREUR GENERAL
Et maître P. V. AHEHEHINNOU: GREFFIER
Et ont signé
Le Président Le Conseiller rapporteur
C. AÏNADOU C.T. BOUSSARI
Le Greffier
H. GERO AMOUSSOUGA