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23/12/1972 | BéNIN | N°27

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 23 décembre 1972, 27


N°27/CA du 23 Décembre 1972

Fabien SCHIANO
C/
Etat Dahoméen
( Ministère des T.P.)

Vu la requête introduite et vu d'instance en date du 16 Novembre 1968, reçue et enregistrée au Greffe de la Cour Suprême jour sous le numéro 994/GCS, par lequel le sieurs Fabien SCHIANOU, transporteur à Parakou, ayant Maître Pierre BARTOLI pour conseil, en l'étude duquel il a élu domicile, sollicite la condamnation de l'Etat à lui payer:
La somme de 861.773 francs pour réparation des avaries causées par les travaux aux véhicules;
Celle de 720.000 francs pour indemnit

é d'immobilisation;
exposant que le 11 Février 1966, sur la route Inter-Etat n°7, à Kandi,...

N°27/CA du 23 Décembre 1972

Fabien SCHIANO
C/
Etat Dahoméen
( Ministère des T.P.)

Vu la requête introduite et vu d'instance en date du 16 Novembre 1968, reçue et enregistrée au Greffe de la Cour Suprême jour sous le numéro 994/GCS, par lequel le sieurs Fabien SCHIANOU, transporteur à Parakou, ayant Maître Pierre BARTOLI pour conseil, en l'étude duquel il a élu domicile, sollicite la condamnation de l'Etat à lui payer:
La somme de 861.773 francs pour réparation des avaries causées par les travaux aux véhicules;
Celle de 720.000 francs pour indemnité d'immobilisation;
exposant que le 11 Février 1966, sur la route Inter-Etat n°7, à Kandi, un tracteur Berliet n° 5758 RNI, attelé à une remorque n°4781 RNI, est tombé dans une tranchée aménagée par le service de l'hydraulique en travers d'une partie de la chaussée, au carrefour de la RIEn°7 et de la route de la Sous-Préfecture de Kandi, que ce véhicule lui appartenait et était conduit par le chauffeur Célestin GNASSOUNOU, que les travaux en cours et le grave danger qu'ils présentaient n'étaient pas moralement signalés que l'Administration s'était tenter de placer sur la chaussée deux fûts et un panneau«Travaux» sur le côté gauche dans le sens de la circulation du camion, qu'en apercevant l'obstacle constitué par les deux fûts, le chauffeur choisit la voie la plus directe qui le conduisit dans la tranchée que le conducteur n'avait pas pu apercevoir, que GNASSOUNOU fut tuer sur le coup et l'attelage gravement endommagé, qu'un agent des Travaux Publics fut poursuivi pour homicide par imprudence mais bénéficia d'un non lieu; que la responsabilité de l'Etat est engagée même en l'absence de toute faute, la situation de la tranchée en travers d'une route à gauche circulation constituant, de nuit surtout, un danger permanent au surplus, il y a eu une insuffisance de signalisation constituant une faute de l'Administration;

Vu le mémoire en défense reçu et enregistré au Greffe de la Cour le 9-5-69 sous le numéro 367/GCS par lequel le Ministre des Travaux Publics, Transports, postes et Télécommunications, répliquait à la demande du sieur SCHIANO en soulignant:

Sur la procédure:
Que le requérant n'a pas suivi la procédure fixée par l'Ordonnance n°21/PR du 26 Avril 1966 qui exigerait une décision préalable de l'Administration et que partant son recours est irrecevable;

Au fond:

Que le tracteur et sa remorque sont arrivés à l'intérieur de l'agglomération de Kandi sans ralentir leur vitesse et le chauffeur a été surpris par les travaux faits par les services de l'hydraulique en travers d'une partie de la chaussée; au lieu d'appuyer sur la droite, puisqu'il venait de Malanville, le chauffeur a essayé de passer sur la gauche; c'est alors que la remorque s'est décrochée du tracteur et GNASSOUNOU a été rejeté, volontairement ou non, en dehors de son engin qui est tombé dans la tranchée; que contrairement aux dits de SCHIANO, elle avait pris les précautions nécessaires pour éviter toute accident en signalant par un panneau triangulaire représentant un homme tenant une pelle, l'existence de travaux à 65,90 m de la tranchée, que ce panneau était placé sur le côté gauche de la route dans le sens Malanville-Parakou , c'est-à-dire celui suivi par GNASSOUNOU, que par ailleurs avaient été interposés deux fûts vides à l'extrémité droite de la tranchée; que l'accident est uniquement dû à l'allure excessive du camion qui, alors que la vitesse maximum permise est de 40 km h, n'a pu s'arrêté sur 70 m et est passé à sa gauche au lieu de tenir sa droite; que l'expertise produite est contestable ainsi que les montants des réparations sollicitées, qu'il y a lieu d'ordonner une nouvelle expertise;

Vu le mémoire en réponse du 22 Juillet 1964, reçu et enregistré comme ci-dessus le 28-7-69 sous le numéro 546/GCS par lequel le sieur Fabien SCHIANO répondait au mémoire en défense de l'Administration;

Sur le moyen concernant l'irrecevabilité du recours.

Que le moyen présenté par l'Etat n'est pas fondé car, soutient-il, le recours préalable exigé par l'article 68 de l'Ordonnance organise à trait exclusivement au recours pour excès de pouvoir;

Au fond:

Que l'accident est la conséquence directe du défaut de signalisation qui n'a pas pu permis au conducteur d'éviter normalement la tranché, que cela résulte des déclarations du Procès-Verbal de gendarmerie; que la seule faute imputée au conducteur, qui serait l'excès de vitesse, ne proviendrait que d'une simple hypothèse démentie par les constatations es mêmes gendarmes; qu'en effet le levier de changement de vitesse était en troisième position au moment de l'accident et que l'attelage transportait 23 tonnes de produits; que la tranchée, cause de l'accident, n'était signalé que par un panneau triangulaire représentant un homme tenant une pelle, un rameau et deux fûts vides, que par ailleurs n'était pas indiqué devant les fûts l'endroit où pouvait exister un passage; que les dépositions à l'instruction des préposés de l'Administration attestent de l'insuffisance de la signalisation, que tenant compte des textes régissant la matière, la signalisation adoptée par le service de l'hydraulique n'était ni réglementaire ni utile; que la jurisprudence faisait obligation à l'Etat de préciser la nature du danger encouru par les usagers;

Sur l'expertise:

Que la compétence et l'objectivité de l'expert ne pouvait être contestées, l'expertise n'ayant pas été contradictoire par le seul fait du représentant de l'Administration, il s'ensuit que, ses conclusions ne peuvent être écartées faute de critiques précisées et justifiées; Vu le deuxième mémoire en défense en date du 14 Février 1970, reçu et enregistré comme ci-dessus le 18-2-70 sous le numéro 86/GCS, par lequel l'Etat faisait réponse aux moyens et arguments avancés par le sieur SCHIANO:

Sur la recevabilité de la requête.

Qu'il renonce à son moyen d'irresponsabilité;

Au fond.

Qu'en prenant par la gauche à l'approche des deux fûts, GNASSOUNOU a violé l'article 7 du code de la route; que si le conducteur n'avait pas lâché son volant, il serait probablement en vie comme son apprenti; qu'il y avait eu incontestablement faute du conducteur qui n'a pas pris les précautions nécessaires pour s'arrêter alors qu'il y avait sur la route un panneau A5 signalant l'existence d'un danger imminent, que la camion roulait certainement à une vitesse excessive.

Sur l'expertise;

Qu'on peut difficilement reprocher au préposé du service Hydraulique d'abandonner son poste pour se porter à 400km, en pays étranger, pour suivre une expertise qui aurait pu se faire sur place à Kandi, que les résultats de travaux de l'expertise ne peuvent être admise sans discussion; qu'il maintien sa demande d'expertise contradictoire;

Vu le dernier numéro en réplique du 20 Avril 1970, reçu et enregistré comme ci-dessus le 5-5-70 sous le numéro 225/GCS par lequel sieur SCHIANO répondait aux observations de l'Administration:

Sur la recevabilité de la requête en la forme:

Que la Cour lui donne acte du fait que l'Etat renonce au moyen présenté à l'encontre de la recevabilité de la requête;

Au fond:

Que le fait, pour GNASSOUNOU, d'avoir obliqué à gauche en voyant l'obstacle constitue une réaction in extremis exclusive de toute faute, qu'il appartenait à l'Administration d'interdire aux usagers le passage sur la partie dangereuse, que par ailleurs l'accident s'est produit de nuit et qu'il n'y avait pas de signal lumineux.

Sur l'expertise:

Qu'il conteste le bien fondé de la demande d'une nouvelle expertise par l'Etat et soutient que les réparations étant déjà faites, les dégâts ne peuvent plus être valablement constatés;

Vu la note du 26 Juin 1970, par laquelle le Ministre des Travaux Publics, des Mines et des Transports, ayant reçu notification de dernier mémoire du requérant, faisait connaître à let Cour qu'il n'appelait aucune nouvelle observation de sa part et qu'il maintient ses précédents mémoires en défense.

Vu toues les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'Ordonnance n°21/PR du 26 Avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour Suprême:

Oui à l'audience du samedi vingt trois Décembre mil neuf cent soixante douze Monsieur le Conseiller FOURN en son rapport;
Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Sur la recevabilité du recours présenté par le sieur SCHIANO Fabien:
Considérant qu'il s'agit de plein contentieux; le recours du sieur SCHIANO n'étant atteint d'aucune forclusion, il y a lieu de le déclarer recevable en la forme;

Au fond:
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'accident s'est produit dans les circonstances suivantes:
dans la nuit du 10 au 11 Février 1966, GNASSOUNOU Célestin, conduisant un tracteur accompagné d'une remorque chargée de23 tonnes d'arachides, arrivait dans l'agglomération de Kandi venant du Nord;
A l'endroit où il était, disant d'environ 2km500 de l'entrée Nord cette localité avait été pratiquée en vue d'une adduction d'eau, sur une partie de la chaussée, une excavation de 0, 70 m de largeur et de 1m de profondeur par les préposés du service Hydraulique;
Suivant les constatations des gendarmes, les travaux étaient signalés de la façon suivante:
à 65,90m de l'excavation un panneau triangulaire des Travaux Publics portant le portrait d'un homme tenant une pelle avait été placé à gauche suivant le direction de marche de GNASSOUNOU;
deux fûts non blanchis étaient entreposés à l'extrémité droite du caniveau dont l'un portait un rameau de cacia;
Suivant les pièces du dossier les constatations de l'enquête préliminaire et les déclarations du seul témoin de l'accident, GNASSOUNOU semble avoir été surpris par l'existence des deux fûts au milieu de la chaussée et aucune direction n'ayant été indiquée pour la voie à suivre, le conducteur a pris par la gauche, s'est aperçu qu'il allait tomber dans une tranchée, s'est projeté volontairement ou non dehors et est décédé des suites de ses blessures quelques heures après;
Il faut ajouter qu'une limitation de vitesse fixait l'allure des véhicules à l'entrée de la ville à 40 km/h;
Considérant qu'en consultant le tableau des signaux de danger fixés à l'annexe XVII de l'arrêté portant réglementation de l'usage des voies routières ouverte à la circulation publique du 24 Juillet 1956 JO de l'AOF 30 AOUT 1956 page 1617, on constate que les préposés de l'hydraulique auraient dû placer à l'intention des usagers pour signaler l'existence de la tranchée sur la chaussée le panneau A3, particularisé par les indications des fascicules du code de la route qui mentionne l'existence d'un panneau A3B pour signaler l'existence d'un rétrécissement de la chaussée par la gauche ce qui aurait parmis à GNASSOUNOU de connaître le sens à suivre à l'approche des fûts, que ne l'ayant pas fait les gents de l'Administration auraient dû entreposer des balises pour interdire le passage à gauche;
Que le défaut de signalisation est partant manifeste;
Considérant qu'il convient de retenir aussi la faute du conducteur GNASSOUNO, qui, apercevant le panneau limitatif de vitesse à 40 km et celui indiquant les travaux, n'a pas cru devoir ralentir son allure, son levier de changement de vitesse ayant été retrouvé en 3ème vitess;qu'il y a lieu de dire qu'il y a partage de responsabilité entre l'Etat et GNASSOUNOU qui aurait dû aller à allure très réduite au signal d'un danger et à l'approche d'une agglomération;

Sur l'expertise:
Considérant que l'accident s'étant produit à Kandi, on s'étonne que le propriétaire n'ait pas jugé bon de faire procéder à l'expertise contradictoire sur la place ou, à tout le moins, au Dahomey et qu'il se soit contenté d'inviter le Service à se porter jusqu'à Niamey pour y assister;que néanmoins, les véhicules ayant été réparés, il ne serait actuellement pas d'aucune utilité de faire procéder, comme le demande l'Etat, à une expertise contradictoire;
Sur le partage des responsabilités:
Considérant qu'il résulte du dossier les causes que les causes génératrices de l'accident se trouvent dans le défaut de signalisation routière et l'excès de vitesse du conducteur de l'engin, qu'il convient en conséquence de dire qu'il y a partage de responsabilité par moitié à la charge de l'Etat et de GNASSOUNOU.
Sur les préparations.
Considérant que les réparations ont été exécutées depuis 1966 sur les deux véhicules, tracteur et remorque,qu'elles ont été, suivant le rapport de l'expert, effectuées par le sieurSCHIANO lui-même, que six ans après il ne sera d'aucun intérêt de faire procéder à une nouvelle expertise, qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de l'Etat d'une nouvelle expertise;
Considérant que les éléments du dossier et le rapport de l'expert permettent de fixer le coût des réparations sur les deux engins à 400.000 francs et l'indemnité d'immobilisation à 200.000 francs;
Qu'en raison du partage des responsabilités par moitié, il convient de condamner l'Etat à payer au sieur SCHIANO la somme globale de 400.000 + 200.000 = 300.000 francs CFA.
2

PAR CES MOTIFS
DECIDE
En la forme:
Article 1.- le recours susvisé du sieur Fabien SCHIANO enregistré le 16 novembre1968
sous le numéro 994/GCS est recevable en la forme.

Au fond:
Article 2.- L'Etat (Service de l'Hydraulique) est déclaré responsable pour moitié de l'accident survenu le 11 Février 1966 à Kandi, au tracteur Berliet n°5758RNI attelé à la remorque n°4781 RNI et est condamné à payer au sieur Fabien SCHIANO la somme de 300.000 francs( trois cent mille francs) toutes causes confondues, à titre de réparation.

Article 3.- Le surplus des conclusions du sieur SCHIANO est rejeté.
Article 4.- Les frais sont mis à la charge du Trésor Public.
Article 5.- Notification du présent arrêt sera faite aux parties.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs
Cyprien AÏNANDOU, Président de la Cour Suprême PRESIDENT
Corneille BOUSSARI et Gaston FOURN CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du Samedi vingt trois Décembre mil neuf cent soixante douze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
Monsieur Grégoire GBENOU PROCUREUR GENERAL
Et de Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA GREFFIER EN CHEF
Et ont signé:
LE PRESIDENT
C. AÏNANDOU
LE RAPPORTEUR
G. FOURN
LE GREFFIER EN CHEF
H. GERO AMOUSSOUGA.


Synthèse
Formation : Chambre administrative
Numéro d'arrêt : 27
Date de la décision : 23/12/1972

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1972-12-23;27 ?
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