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Recours pour excès de pouvoir - Permis d'habiter - Procédure - Délais Violation - Irrecevabilité.
Est irrecevable le recours tardif dirigé contre une décision administrative, et de surcroît, sans accomplissement de la formalité relative au recours préalable obligatoire.
N°67-3 /CA 21 Juin 1974
DAME OMONKPE C/ PREFET DU SUD
La Cour,
Vu la requête du 14 Février 1967, reçue et enregistrée au Greffe de la Cour Suprême le même jour sous le numéro 5/GCS, par laquelle Maître François AMORIN agissant au nom et pour le compte de dame AGUEH Omonkpé, revendeuse demeurant à Cotonou, carré N°320, sollicite l'annulation pour excès de pouvoir du permis d'habiter N° 458 délivré par le Préfet du Sud le 3 Mars 1965 au sieur Cyprien MONTCHO sur le lot 320-D de Cotonou, demandant en outre le sursis à statuer jusqu'à décision de la juridiction civile saisie de questions préjudicielles relatives à la requérante, de validité de la vente, toutes pièces ayant servi à la délivrance du permis;
Vu la correspondance du 24 Mai 1968, reçue et enregistrée comme ci-dessus le 25 Mai 1968 sous le numéro 390/GCS, par laquelle le préfet du Département de l'Atlantique, sur notification du recours de dame AGUEH, informait la Cour ''qu'il s'en remettait à sa sagesse pour faire justice à Monsieur MONTCHO Cyprien qui est un acquéreur de bonne foi''.
Vu le Mémoire en défense du 9 Juillet 1968, reçu et enregistré comme ci-dessus le 11/7/68 sous le numéro 591/GCS, par lequel Maître Pierre BARTOLI alors Avocat à Cotonou, agissant au nom et pour le compte du sieur Cyprien MONTCHO, répliquait au recours de dame AGUEH, exposant:
Sur les faits
Que le 8 Janvier 1965, le sieur Pierre NOUATIN, détenteur de la parcelle D du lot 320 de Cotonou à la suite du sieur AKOWANOU, lui céda ses droits, que le 3 Mars 1965 l'Administration mutait le permis d'habiter en son nom, que la requérante ne voulant pas quitter les lieux, il l'assigna en déguerpissement, par exploit du 18 Mars 1965, que la citation indiquait expressément que MONTCHO est titulaire du permis d'habiter N°458 délivré par le Préfet du Sud le 3 Mars 1965, qu'en Cour d'instance civile, le 2 Avril 1965 et contre émargement d'un cahier de transmission il communiqua à dame AGUEH tout son dossier et notamment le permis précité, que dame AGUEH fit traîner la procédure mais que par jugement du 6 Décembre 1967, le Tribunal prononça son expulsion, réservant le sort de la demande concernant le testament.
Sur le recevabilité du recours
Qu'il y a irrecevabilité du recours de dame AGUEH pour deux motifs: défaut du recours gracieux prévu par l'article 68 de l'ordonnance N°21/PR du 26 Avril 1966.
- dame AGUEH a eu connaissance de l'existence du permis par la citation du 18 Mars 1965 et par la communication qui lui en a été faite le 2 Avril 1965 ;
- que le recours contentieux portant la date du 14 Février 1967, doit être déclaré tardif ;
Sur les moyens
Sur la qualité
Qu'elle ne prouve pas son droit d'héritière réservataire du testateur.
Sur le moyen de la prétendue nullité du testament.
Que la nullité du testament n'a pas été judiciairement établie.
Sur la portée du testament
Qu'en matière coutumière, l'expression ''droit de jouissance'' est utilisée couramment par les personnes de statut particulier pour désigner la propriété.
Sur la demande de sursis à statuer
Qu'elle est sans objet, car la solution de juge judiciaire n'aura aucune influence sur la solution du litige, étant donné qu'il n'est pas démontré que l'autorité administrative s'est exclusivement fondée sur le testament dont il s'agit et ayant du reste un pouvoir souverain d'appréciation dans le domaine des permis d'habiter ;
Qu'il y a irrecevabilité du recours de dame AGUEH, ledit recours ayant été formé hors délai et sans recours administratif préalable, et subsidiairement il échet de le rejeter au fond.
Vu le mémoire en réplique du 12 Juillet 1968, reçu et enregistré comme ci-dessus le 13/7/68 sous le numéro 615 /GCS, par lequel Maître AMORIN faisait réponse aux observations de l'administration en affirmant en substance que le Préfet prouve à la Cour, par ses dires, que le permis attaqué est uniquement fondé sur sa croyance en la validité de la vente intervenue entre le sieur NOUATIN et le sieur MONTCHO alors que ladite vente est actuellement judiciairement contestée;
Vu le second mémoire en réplique du 9 Septembre 1968, reçu et enregistré comme ci-dessus le même jour sous le numéro 805 /GCS, par lequel Maître AMORIN, Conseil de dame AGUEH, répondait au mémoire en défense déposé par le sieur MONTCHO le 9 Juillet 1968;
Réitérant à l'attention de la Cour que les moyens que la requérante entend soutenir à l'appui de son recours dépendent de la solution qu'apporteront les tribunaux judiciaires aux questions préjudicielles qui leur sont soumises;
Pour la recevabilité du recours que, même en l'absence de recours gracieux préalable, sa requête, introduite à titre conservatoire, lui évite la forclusion, qu'elle prie à nouveau la Cour de surseoir à statuer;
Vu le mémoire en duplique du 28 Octobre 1968, reçu et enregistré comme ci-dessus le 30 Octobre 1968 sous le numéro 926/GCS par lequel le sieur MONTCHO répondait au dernier mémoire de la requérante;
Sur l'irrecevabilité du recours en la forme, que la requérante reconnaît s'être dispensée du recours préalable, rendu obligatoire par l'art. 68 de l'ordonnance N°21/PR du 26 Avril 1966.
Que par ailleurs, la requérante ne conteste pas avoir reçu le permis le 2 Avril 1965,
Qu'elle est donc forclose à deux titres.
Vu toutes les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance N°21/PR du 26 Avril 1966 portant composition, organisation, attribution et fonctionnement de la Cour Suprême.
Ouï à l'audience publique du Vendredi Vingt et un juin mil neuf cent soixante quatorze, Monsieur le Conseiller Gérard AGBOTON en son rapport;
Monsieur le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur la recevabilité du recours de dame OMONKPE AGUEH, sans qu'il soit besoin ni de surseoir à statuer ni d'examiner les moyens du pourvoi.
Considérant que la décision entreprise date du 3 Mars 1965, constituée par le permis d'habiter N°458 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et des pièces versées aux débats que la requérante, qui a eu connaissance de l'existence du permis d'habiter le 2 Avril 1965 au cours d'une instance civile n'a saisi la juridiction administrative que le 14 Février 1967, sans d'ailleurs observer les prescriptions de l'article 68 de l'ordonnance N°21/PR du 26 Avril 1966 rendant obligatoire le recours administratif préalable,
Qu'étant doublement forclose, il échet de rejeter la demande de sursis à statuer formulée par dame AGUEH et de déclarer son recours irrecevable en la forme,
Que les frais seront mis à sa charge.
PAR DES MOTIFS
DECIDE
Article 1: le recours sus-visé de la dame AGUEH OMONKPE, enregistré au Greffe de la Cour le 14 Février 1967 sous le numéro 5/GCS, est irrecevable en la forme ;
Article 2: les dépens sont mis à la charge de la requérante ;
Article 3:Notification du présent arrêt sera faite aux parties;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:
Cyprien AINANDOU Président de la Cour Suprême, PRESIDENT
Gérard AGBOTON et Expédit VIHO, CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du Vendredi Vingt et un juin mil neuf cent soixante quatorze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Monsieur:
Grégoire GBENOU, PROCUREUR GENERAL
Et de Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA, GREFFIER
Et ont signé :
Le Président le Rapporteur le Greffier
C.AINANDOU G. AGBOTON H. G. AMOUSSOUGA