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Contentieux fiscal - Taxation d'office - Recours en décharge d'impositions Fraude Obligations du contribuable - Violation - Rejet.
Est recevable, en la forme, le recours dirigé dans les délais légaux contre une taxation d'office.
Par contre, ce recours en décharge d'impositions mérite rejet, au fond, lorsque le contribuable se complaît dans la fraude fiscale et viole ses obligations relatives à la tenue régulière et à la production de documents comptables.
N°72-6 - 72-22 - 72-21- 72-4/CA 19 Juillet 1974
ENTREPRISE GENERALE AFRICAINE - Ab B
C/
ETAT (MINISTRE DES FINANCES ET DE L'ECONOMIE)
La Cour,
Vu la requête introductive d'instance en date du 8 février 1972, reçue et enregistrée au greffe de la cour suprême le même jour sous le N° 102/ GCS par laquelle l'entreprise générale africaine, société ayant son siège social à Ae et élisant domicile … son conseil maître BARTOLI, alors avocat à Ae, sollicite qu'il plaise à la Cour ordonner qu'il lui soit remboursé par l'Etat la somme de 60.529.170 francs indûment perçue au titre des impositions irrégulièrement établies et sous les plus expresses réserves de toute autre perception indue, la requérante exposant qu'en 1967, elle avait adressé à l'Etat plusieurs réclamations relatives à une importante créance qu'elle possédait sur lui, que c'est. alors qu'au mois de mai 1967, elle reçut de la direction des impôts quatre avis de vérification visant les impositions de 1964 à 1965 et concernant l'entreprise générale abidjanaise, l'entreprise ivoirienne de construction, le sieur B et elle-même, qu'en l'absence du directeur de la société ENGA, la vérification fut reportée au 28 juin 1967, qu'ayant eu lieu le 23 octobre après communication des documents de la société , elle recevait le 15 novembre 1971 à l'occasion de poursuites étrangères aux impositions, elle apprenait que le trésor entendait recouvrer le montant de toutes ces taxations sur elle, que le montant des diverses taxations était le suivant:
A)- Redressement concernant la requérante
B.I.C. 2.330.100 francs
Taxe d'apprentissage: 138.235 francs
Impôt cédulaire T. S.: 11.258.406 francs
I.N.S.: 4.180.473 francs
Impôt sur le C. A. I.: 7.758.848 francs
T. S. A.: 277.190 francs
I.R. V. M: 346.632 francs
Les pénalités sur ces diverses taxations
B)- Redressement de l'entreprise ivoirienne de construction , S A R L
B.I.C. : 1.184.400 FRANCS
Taxe d'apprentissage: 294.760 francs
Impôt cédulaire sur les T.S.: 69.088francs
Taxe locale sur le C.A.: 3.380.776 francs
I.R.V.M.: 130.800 francs
Les pénalités sur les mêmes impositions.
C)- Redressement de l' entreprise ivoirienne de construction ,société anonyme
B.I.C.: 1.938.300 francs
Taxe d'apprentissage: 575.800 francs
Taxe locale sur le C.A.: 7.200.698 francs
I.R.V.M.: 214.136 francs
pénalités en - sus.
D)- Redressement de l' entreprise générale abidjanaise , SARL
B.I.C.: 7538. 160 francs
Taxe d'apprentissage : 1.952.100 francs
Impôt cédulaire T.S.100.969 francs
Taxe locale sur le C.A.:12.940.217 francs
I.R.V.M.: 1.665.280 francs
Pénalités en-sus
E)- Redressement du sieur B
I.G.R. 1963: 1.920.000 francs
I.G.R. 1964: 780.000 francs
I.G.R. 1965: 1.570.060.francs
I.G.R. 1966: 1.570.060 francs
Pénalités de 25% portées a 50%
Que le trésor , dans les mesures d'exécution , fait jouer la solidarité en vertu d'un tire qu'elle ignore , qu'elle sollicite en conséquence décharge de toutes ces impositions.
Considérant que le requérant invoque les moyens suivants à l'appui du recours:
Inopposabilité des créances étrangères aux redressements concernant l'entreprise générale africaine , en ce sens qu'une entreprise ne peut être tenue de la dette fiscale d'une autre sauf cas prévu par la loi.
Inexistence d'une créance fiscale pour l'année 1965 en ce sens qu'il y a eu violation de l'article 6 du code général des impôts, ENGA constituée le 14 octobre n'ayant pu réaliser des bénéfices en 1965.
Nullité de la procédure de vérification
En ce qui concerne ENGA, la vérification a porté sur l'exercice 1967 qui n'était pas achevé et n'avait donc pas fait l'objet d'une déclaration..
En ce qui concerne les autres sociétés, les avis de vérification ainsi que les notifications de redressements ont été adressés à ENGA, qui n'est. ni le représentant légal ni le mandataire des autres sociétés.
Nullité de la taxation d'office
Aucun des cas de taxation d'office prévus par la loi fiscale n'est applicable aux personnes en cause.
Les motifs des rectifications qui devaient être indiqués en application de l'article 18 C. G. I. et de l'article 4 du décret du 8 mars 1967 font défaut .
Prescription des créances sur les autres sociétés
L'année 1963 était prescrite au moment des redressements.
La nullité de la notification des redressements n'a pas interrompu la prescription pour l'exercice 1964.
Nullité des pénalités réclamées
La procédure prévue en matière de pénalité n'a pas été observée.
Vu la requête du 12 juillet 1972, reçue et enregistrée comme ci- dessus le 13. 7. 72 sous le N° 430/GCS par laquelle le sieur Ab B, administrateur de sociétés, demeurant à Paris et faisant élection de domicile chez son conseil maître BARTOLI, alors avocat à Ae; sollicite qu'il plaise à la cour prononcer la décharge intégrale des impositions découlant des redressements intervenus à son encontre le 14 novembre 1967;
Qu'en reprenant la même relation des faits tels qu'exposés dans la requête du 8 février 1972 et qu'on ajoute que par lettre du 29 juin 1972, le ministre a rejeté son recours préalable, reconnaissant l'existence des vices alléguée le sieur B réitère les mêmes moyens que dans la précédente requête.
Vu le mémoire en défense du 14 Août 1973, reçu et enregistré le même jour, sous le N° 649 / GCS, le ministre des finances et de l'économie, sur notification des recours de ENGA et du sieur B, répliquait.
Sur les faits
Considérant que l'état expose que la vérification litigieuse portait sur quatre sociétés et le sieur Ab B, toutes personnes domiciliées à la boîte postale N° 335 Ae, que les quatre sociétés se sont succédées pour l'exploitation du même fonds, toutes ayant été la création du sieur B, qu'ayant été avisées de la vérification le 23 Mai 1967, sollicitaient de l'administration un délai pour mettre leurs comptabilité en règle, qu'à force de tergiversations, ce n'est. que le 23 octobre 1967 que l'agent du fisc put se présenter au siège desdites sociétés, qu'il ne put obtenir, après leur avoir accordé un délai de grâce de 6 mois, aucun élément comptable pouvant lui permettre de vérifier les recettes et les dépenses, que c'est dans ces conditions que l'administration procéda à la taxation d'office.
Vu toutes les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance N°21 / PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la cour suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi dix neuf juillet mil neuf cent soixante quatorze, monsieur Gérard AGBOTON en son rapport;
Monsieur le Procureur Général Aa Z en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur la recevabilité des requêtes
Que l'Etat ne soulève aucun moyen d'irrecevabilité.
Au fond
Considérant que l'Etat soutient qu'il a été fait application au sieur B et aux quatre sociétés en cause des dispositions des articles 17, 19, 27, 106, 121 et 167 du code général des impôts en raison des procédés dilatoires utilisés par ces contribuables pour faire échec à la vérification et du défaut de production des documents exigés par le code général des impôts; que par lettre N°177/BR/V du 14 novembre 1967, il leur a été indiqué les éléments utilisés pour arrêter la base des impositions, que sur ces bases imposables il a été procédé à la détermination des chiffres d'affaires de la période allant de 1963 à 1966, ce qui a permis de fixer les bénéfices ayant servi aux différentes impositions, que s'agissant du sieur B, sa situation étant intimement liée à celle des sociétés concernées, il n'a même pas cru devoir souscrire des déclarations d'impôt, qu'il lui a été fait une juste application des textes.
Vu la lettre du 7 décembre 1973, reçue et enregistrée comme ci-dessus le 8.12.73 sous le N°843/GCS, maître FELIHO, substituant maître BARTOLI, sur notification du mémoire en défense de l'Etat, avisait la cour qu'il n'avait pas l'intention de répondre aux observations de l'administration.
Considérant que la consignation prévue par l'article 45 de l'ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966 a été constatée par reçus N°s 15 et 72/59 des 11 février et 13 juillet 1972.
Sur la jonction
Considérant que le recours N°72-6/CA du 8 février 1972 tend à faire prononcer la décharge des impositions intervenues à la suite de la taxation d'office des sociétés ENGA ABIDJANAISE, entreprise Ivoirienne de construction SA. et du sieur Ab B pour les années 1963, 64, 65, 66, 67 et à faire condamner l'Etat au remboursement de la somme de 60.529.178 francs.
Considérant que la requête N°72-21/CA du 12 juillet 1972, vise à faire prononcer la décharge des impositions intervenues à la suite de la taxation d'office du sieur Ab B.
Qu'étant donné que l'objet de la seconde requête est. contenu dans les conclusions de la première, que les procédures 72-4/CA et 72-22/CA / font double emploi avec les 2 procédures précitées, il y a lieu d'ordonner la jonction des procédures.
En la forme
Considérant que les requêtes ayant été formalisées conformément aux prescriptions de l'articles 338 du code général des impôts, il déchet de les déclarer recevables en la forme.
Au fond
Considérant que les sociétés à responsabilité limitée ENGA- ABIDJANAISE et entreprise IVOIRIENNE de construction, et ENGAFRICAINE ayant à leur tête le sieur Ab B directeur général ou gérant majoritaire, ont exploité au Dahomey, de 1963 à 1967, un fonds d'entreprise de bâtiment.
Considérant que le 23 mai 1967, un avis de vérification leur était adressé par le service des impôts, que la lettre N° 2040 du 24 mai 1967, par laquelle les sociétés en cause sollicitèrent de l'administration qu'elle diffère la date des opérations de vérification fixée au 30 mai pour leur permettre de terminer leurs travaux de comptabilité.
Que par lettre N°122 du 30 mai 1967, l'Etat tout en rappelant aux contribuables les dispositions de l'article 17 du C.G.I. qui leur font obligation de tenir leur documents comptables au Dahomey, leur accordait un délai d'une semaine.
Que par lettre 525 du 20 juin 1967, les sociétés en cause, par l'intermédiaire de leur conseil fiscal, la fiduciaire France Afrique, sollicitèrent un nouveau délai de grâce.
Que par lettre N° 139 du 28 juin 1967, l'administration, pour des raisons de service, suspendait la vérification jusqu'à nouvel avis, aucun document comptable n'ayant pu d'ailleurs être produit par les contribuables.
Que par lettre N° 168 du 20 octobre 1967, l'administration relançait les sociétés susvisées, toutes domiciliées à la boîte postale 335 à Ae pour leur indiquer que l'agent du fisc commençait les travaux de vérification le 23 octobre 1967, considérant qu'à la date fixée, les contribuables en cause ne purent produire au fisc aucun document comptable pouvant lui permettre de procéder à la vérification envisagée. C'est alors que l'Etat procéda aux redressements entrepris.
Sur les moyens tirés de la nullité de la procédure de vérification et de l'inopposabilité des créances étrangères aux redressements concernant la requérante:
Considérant que les moyens invoqués par ENGA et le sieur B ont pour base le fait que cette société et son propriétaire, dans un but évident de frauder le fisc changeaient chaque année de raison sociale pour exploiter le même fonds d'entreprise; considérant que les moyens tirés de l'inopposabilité des avis de vérification et des redressements et ceux tirés de la différenciation des personnes morales entre elles et des personnes morales et de la personne physique qu'est le sieur B sont inopérants et à rejeter.
Sur les moyens tirés de la nullité de la taxation d'office.
Considérant qu'aux termes de d'article 17 du C.G.I. ''le déclarant est tenu de représenter, immédiatement à toute réquisition du fonctionnaire chargé de l'assiette de l'impôt, tous documents, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses, de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans sa déclaration, qui doivent se trouver en permanence au Dahomey faute de quoi les déclarations des contribuables peuvent être rectifiées d'office''.
Que malgré un délai de grâce de six mois leur a été accordé par l'Etat, le sieur B et les sociétés en cause n'ont pas voulu produire les documents comptables requis par l'agent vérificateur.
Que les requérants n'ayant pas satisfait aux obligations de l'article 15 du C.G.I. prescrivant aux contribuables soumis aux B.I.C. la tenue d'un bilan et de certains livres comptables et à celles de l'article 17 sus- visé, il leur a été fait application des dispositions des articles 46 et 47 du code général des impôts sur la taxation d'office et la majoration d'impôt.
Considérant que l'administration affirme sans être contredite, avoir fourni par lettre N°177 du 14 Novembre 1967, aux contribuables concernés les éléments utilisés pour l'établissement de la taxation d'office.
Que dans son mémoire en défense du 14 Août 1973, elle indique, sans être contredite, les bases ayant servi pour l'évaluation des différentes impositions. Qu'il échet en conséquence de rejeter les moyens tirés de la nullité de la taxation d'office.
Sur le moyen tiré de la prescription
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article 318 du C.G.I: ''les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'un quelconque des impôts et taxes organisés par le livre premier du présent code, ainsi que les erreurs commises dans l'application des tarifs peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due''.
Que cette disposition n'est que la reproduction de l'alinéa 1 de l'article 103 de la délibération N° 57-45 prise par l'assemblée territoriale du Dahomey en sa séance du 27 décembre 1957 (jord 31 déc. 1957 page 685).
Que les droits omis en 1963 pouvaient donc être recouvrés jusqu'en 1967, la prescription n'intervenant qu'en 1968.
Qu'en ce qui concerne le sieur B, il résulte des débats qu'il n'a jamais souscrit de déclarations d'impôts. C'est donc conformément à l'article 46 du C.G.I. qu'il a été taxé d'office.
Considérant qu'il échet de rejeter au fond les recours introduits par la société ENGA et le sieur B et de mettre à leur charge les dépenses et frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article 1er: Sont jointes les procédures N°72-6/CA, 72-21/CA, 72-4/CA et 72-22/CA relatives aux recours susvisés
de l'entreprise générale africaine et du sieur Ab B enregistrés au greffe de la cour suprême les 8 février 1972 et 13 juillet 1972 sous les N°s 102/GCS, 430/GCS, 104/GCS et 413/GCS.
Article 2: Les recours susvisés de l'entreprise générale africaine et du sieur Ab B sont recevables en la forme.
Article 3: Les recours susvisés de l'entreprise générale africaine et du sieur Ab B sont rejetés.
Article 4: Les frais sont mis à la charge des requérants.
Article 5: Notification du présent arrêt est faite aux parties.
Ainsi fait et délibéré par la cour suprême (chambre administrative) composée de messieurs:
Cyprien AINANDOU, président de la Cour Suprême, PRESIDENT
Gérard AGBOTON et Expédit VIHO, CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi dix neuf juillet mil neuf cent soixante quatorze, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence:
De Monsieur Aa Z, PROCUREUR GENERAL
Et de maître Honoré GERO AMOUSSOUGA, GREFFIER EN CHEF
Et ont signé:
Le Président Le Rapporteur Le Greffier En Chef
C. C Ac Y Ad X A