N°9/CA DU REPERTOIRE
N°70-24/CA DU GREFFE
ARRET DU 27 JUIN 1975
KARL Emmanuel
C/
ETAT DAHOMEEN (MINISTERE DE
L'EDUCATION NATIONALE)
Par requête du 30 octobre 1970 enregistrée au Greffe sous le numéro 535/GCS du novembre 1970, le sieur KARL Emmanuel, Professeur stagiaire au Ministère de l'Education Nationale sollicitait par l'organe de son conseil HOUNGBEDJI, la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de trois millions (3.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts;
Par lettre N°1054/GCS du 16 décembre 1970 le Greffier de la Cour invitait le conseil en application de l'article 45 de l'ordonnance du 26 avril 1966 à consigner, ce qui fut fait le 22 décembre 1970;
Le mémoire ampliatif du requérant en date du 31 octobre 1970 était enregistré au Greffe sous le numéro 534/GCS du 3 novembre 1970;
Par lettre N°99/GCS du 2 février 1971 ledit mémoire était communiqué pour réponse au Ministre de l'Education Nationale;
Après une lettre de rappel N°316/GCS du 22 mars 1971 ledit mémoire était communiqué pour réponse au Ministre de l'Education Nationale;
Après une lettre de rappel N°316/GCS du 22 mars 1971 et une mise en demeure N°311/GCS du 10 juin 1971;
Communication en était faite au conseil du requérant par lettre 1067/GCS du 22 juillet 1971 qui y répondait par un mémoire en réplique du 18 août 1971 enregistré sous le numéro 586/GCS du 20 août 1971;
De nouveau, par note N°1392/GCS du 6 décembre 1971, le Ministre était saisi dudit mémoire responsif et rappel lui était adressé par note N°125/GCS du 7 février 1972;
Le 14 février 1972 conseil du requérant adressait à la Cour une lettre enregistrée sous le numéro 126/GCS du 15 février par laquelle il sollicitait communication des dossiers des enseignants partis en stage avec ou sans bourse internationale de 1965 à 1968. afin de constater que la procédure suivie dans le cas de KARL est identique a celle suivie par tous les enseignants'';
Le Ministre de la Fonction Publique ayant transmis à la Cour par lettre du 18 avril 1973 enregistrée au greffe sous le numéro 317/GCS du 19 avril 1973, les dossiers demandés, le greffe, par message N°667/GCS du 9 juillet 1973, mettait ces documents à la disposition de l'avocat à l'invitant à adresser ses observations dans un délai de quinze jours;
Le 12 juillet 1972 par note enregistrée sous N°539/GCS du 13 juillet 1972 le conseil portait à la connaissance de la Cour ceci: ''les dossiers d'enseignants concernés n'étant assortis d'aucun mémoire ni commentaire du Ministre de l'Education Nationale, je n'ai pas l'intention de les consulter. Je prie la Cour Suprême de statuer en l'état.''
Le 10 novembre 1973 le même conseil, par lettre enregistrée au N°792/GCS du 122 novembre 1973 sollicite à nouveau communication des dits dossier pour que le client rentré de France en prenne connaissance;
Malgré lettre rappel et mise en demeure, le Ministre de la fonction Publique n'a plus adressé ces dossiers en communication;
En dépit du silence de l'Administration, il n'apparaît pas nécessaire de retarder outre mesure l'examen du litige puisque aussi bien le conseil du requérant a écrit lui même, que l'affaire peut être d'ordres et déjà jugée en l'état, le Ministre de l'Education Nationale n'ayant pas déposé de mémoire pour accompagner l'envoi des dossiers. Pour ledit conseil, il n'y a donc aucun moyen de droit à tirer de ces dossiers et comme il n'allègue aucune circonstance particulière ni preuve dont l'existence se trouverait dans ces dossiers, il y a lieu de procéder à l'examen en l'état;
La consignation a été constatée par le récépissé N°70/122 du 22 décembre 1970;
LES FAITS
Dans la perspective de la création d'une Université Nationale, le Ministre de l'Education Nationale avait courant novembre 1961 réunit quelques professeurs d'enseignement secondaire en vue de leur formation pour les fonctions de professeur d'Université; les candidats à ses stages devaient avoir enseigné au moins depuis deux années et avoir recueilli une bonne appréciation de l'inspecteur général;
En 1962, le requérant sollicitait une bourse de l'UNESCO tant pour l'obtention du Doctorat nécessaire à l'enseignement supérieur que pour des recherches auxquelles il s'intéressait;
Par lettre 1200/MEN du 25 avril 1962 le Ministre de l'Education Nationale adressait une lettre à cette au Directeur Général de l'UNESCO, mais à la suite d'une grève du corps enseignant, le Gouvernement décidait de refuser toute bourse aux professeurs grévistes parmi lesquels figurait le requérant;
1964, le Ministre de l'Education Nationale adressait le 4 août 1964 une nouvelle lettre au Directeur de l'UNESCO pour l'octroi d'une autre bourse au requérant et par lettre N°1875 du 5 octobre 1965; celui-ci recevait de son Ministre l'accord pour le départ de son stage, accord confirmé par la décision N°204/MFPTAS/DEP du 15 novembre 1965 par laquelle le Ministre de la fonction publique l'autorisait à aller suivre son cycle d'études complémentaires en France;
Néanmoins, malgré sa lettre du 5 octobre 1965 et la décision et la décision du 15 novembre 1965 le Ministre de l'Education Nationale bloquait la bourse et le billet de passage et gardait le requérant en enseignement au lycée;
C'est dans ces conditions que courant 1966 le requérant se rendait à Dakar pour entreprendre ses recherches à l'IFAN, sans bourse de l'UNESCO;
Revenu au Dahomey, il entreprenait nouveau le Ministre sur la bourse de celui-ci répondait le 24 août 1966 qu'il ne pouvait lui donner satisfaction, motif pris que les crédits de l'UNESCO était bloqués à l'approche de la conférence générale de cet organisme;
En 1967, le requérant se trouvant en France, apprenait que la bourse qui lui avait été accordée était restée unitulisée par la seule faute du Gouvernement Dahoméen;
Après plusieurs démarches, le Ministre écrivait le 27 février 1968 à l'UNESCO pour proposer outre la candidature du requérant celles de deux autres dahoméens, CHRYSOSTOME Pierre et HOUNTONDJI Paulin; devant l'insistance de l'UNESCO sur la nécessité de ne proposer qu'une seule candidature, le Ministre faisait octroyer ladite bourse à un étudiant qui ne remplirait pas les conditions exigées;
Le requérant entrepris alors de préparer et soutenir sa thèse à ses propres frais;
Vu l'ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi vingt sept juin mil neuf cent soixante quinze, Monsieur le Président Alexandre PARAÏSO en son rapport,
Monsieur le Procureur Général Grégoire GBENOU en ces conclusions;
Et après en avoir délibérer conformément à la loi,
EN LA FORME:
Considérant que le recours contentieux formé est recevable en la forme ayant satisfait aux conditions de la loi;
AU FOND:
Considérant que ARL Emmanuel alors professeur au Lycée BEHANZIN avait sur la proposition du Ministre de l'Education Nationale bénéficié d'une bourse mise à la disposition du Gouvernement Dahoméen par l'UNESCO pour un stage d'études et de perfectionnement à l'étranger en vue de son emploi dans l'Enseignement Supérieur National;
Considérant que le requérant reçu confirmation de l'attribution de la bourse par une lettre de son Ministre de tutelle et par une décision du Ministre de la fonction publique;
Considérant qu'à l'occasion du changement du titulaire de poste, le nouveau Ministre de l'Education Nationale n'entreprit plus les démarches nécessaires pour le départ effective en stage de son agent;
Considérant que par suite de cette inertie le crédit affecté par l'UNESCO à la bourse était repris à l'approche de son assemblée générale comme il est de règle dans cet organisme universitaire;
Que le nouveau Ministre au lieu d'en faire bénéficier KARL Emmanuel mit celui-ci en concours avec deux autres candidats dont un jeune agrégé d'Université;
Que l'UNESCO choisit alors celui qu'elle estimait le plus méritant plaçant le requérant dans l'obligation d'effectuer ses études à ses propres frais;
SUR LE FONDEMENT DU RECOURS DU REQUERANT
Considérant en droit qu'aucune réglementation n'oblige l'Administration à accorder un avantage ou une permission non statutaire à tel agent plutôt qu'à un autre;
Qu'en particulier, pour les nécessités du service, le Ministre pouvait mettre en concours la bourse de spécialisation sans que cela constituât une violation d'un droit juridiquement protégé mais plutôt le simple exercice de ses pouvoirs discrétionnaires;
Considérant cependant qu'en tout état de cause l'Administration dans l'exercice de ses pouvoirs est obligée de respecter les principes généraux du droit, lesquels; quoique non écrits, n'en constituent pas moins une éthique à laquelle elle ne saurait se soustraire impunément;
Considérant en particulier que l'Administration viole ces principes lorsqu'elle prend des décisions en considération unique de la personne de l'administré ou de l'agent ou lorsqu'elle met de la mauvaise volonté évidente à exécuter une promesse librement constatée par un écrit émanant d'elle et on retirée dans l'intérêt du service public;
Considérant que lorsque la violation de ces principes généraux entraînent pour l'Administré un préjudice certain, personnel et définitif la responsabilité de l'Administration se trouve engagée et celle-ci doit réparation pour le préjudice subi;
Considérant en l'espèce que la lettre du Ministre de l'Education Nationale et la décision du Ministre de la Fonction Publique constituent promesse non équivoque de tout mettre en ouvre pour faire bénéficier KARL Emmanuel de la bourse mise à la disposition du Dahomey par l'UNESCO;
Considérant que l'inertie et la mauvaise volonté du Ministre de l'Education Nationale constituent une violation de cette promesse, qui a eu pour effet de faire perdre au requérant une chance à poursuivre ses études dans des conditions matérielles et morales les plus favorables;
Considérant qu'en agissant ainsi qu'elle l'a fait, l'Administration a violé les principes généraux du droit de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis du requérant;
SUR LE PREJUDICE DU REQUERANT
Considérant cependant qu e KARL Emmanuel quoique n'ayant pas obtenu la bourse UNESCO, a pu entreprendre ses études à l'étranger et qu'il a bénéficié pour ce faire d'une part d'un secours exceptionnel de 260.000 (deux cent soixante mille francs) et d'autre part de sa solde de fonctionnaire conformément à la décision non rapportée N°204 du 15 novembre 1965;
Considérant en conséquence qu'il ne résulte pas du dossier que KARL Emmanuel ait subi le moindre préjudice certain, personnel et actuel causé par le comportement de l'Administration;
Considérant qu'il échet dès lors de le débouter de sa demande en indemnisation mais qu'étant donné les circonstances de l'affaire, de mettre les frais de l'instance à la charge du Trésor Public;
PAR CES MOTIFS
ARTICLE 1er: Le recours susvisé du sieur KARL Emmanuel est recevable en la forme;
ARTICLE 2: Ledit recours est rejeté au fond;
ARTICLE 3: Notification de la présente décision sera faite aux parties;
ARTICLE 4: Dépens à la charge du Trésor Public;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:
E prononcé à l'audience publique du vendredi vingt sept juin mil neuf cent soixante quinze, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Monsieur
Grégoire GBENOU PROCUREUR GGENERAL
Et de Maître Pierre Victor AHEHEHINNOU GREFFIER
ET ONT SIGNE:
LE PRESIDENT LE GREFFIER
A. PARAISO P. V. AHEHEHINNOU