Demande d'indemnisation - Incompétence juridiction - Rejet.
Est rejetée demande d'indemnisation juridiction administrative
Est rejetée demande d'indemnisation juridiction au lieu de juridiction judiciaire
N°1/ DU 26 MARS 1976
DAME FELICIENNE KPONTON NEE LIMA
C/
ETAT BENINOIS
(Ministre des Finances chargé des Domaines)
LALEYE EL HADJ FATAOU
Par requête en date du 18 novembre 1971 enregistrée au greffe sous le numéro 736/GCS du 22 novembre 1971 dame Félicienne KPONTON domiciliée en l'étude de son conseil BARTOLI a saisi la Cour d'une deman²de en indemnisation contre l'Etat pour la cession par celle-ci d'une portion de rue déclassée au nommé LALEYE Fataou qui y aurait érigé un mur en violation des dispositions du code civil.
Par lettre du 11 janvier 1973 enregistrée sous n°44/GCS du 11 janvier 1973 le Ministre des Finances chargé des Domaines de l'Etat faisait parvenir ses observations auxquelles répliquait la requérante par note du 7 mars 1975 enregistrée sous n°212/GCS du 8 mars 1975.
Une nouvelle réponse ministérielle parvenait à la Cour sous n°468/GCS du 13 juin 1975; communiquée au nommé LALEYE EL HADJ Fataou mis en cause par l'Etat,elle faisait l'objet d'une réponse dudit Fataou enregistrée sous n°203/GCS du 20 mars 1974.
La consignation de l'article 45 ayant été faite il n'est pas nécessaire d'attendre une nouvelle réplique de l'une ou de l'autre des parties pour examiner le dossier
LES FAITS
La requérante est propriétaire à Cotonou d'un immeuble objet du titre foncier n°112 limité par l'Avenue Delorme à l'ouest et par une rue non dénommée au sud.
La rue non dénommée fut déclassée et intégrée au domaine privé de l'Etat pour former le titre foncier 2253 cédé par vente de gré à gré le 30 décembre 1969 au nommé Fataou LALEYE.
LALEYE entrepris une construction sur son lot d'un immeuble à deux étages avec une clôture distante de 0,75 m du bâtiment de dame KPONTON;
La requérante assigna LALEYE devant la juridiction civile en démolition du mur de clôture aux motifs que la distance n'était pas conforme à la réglementation imposée par la loi.
Par jugement du 29 juillet 1970 le tribunal de première instance déboutait la demanderesse et la Cour d'Appel par arrêt du 1er juillet 1971 décidait que ''le propriétaire des vues jours ou accès ne peut les conserver après le déclassement de la voie et l'acquisition du sol par un tiers que si l'Administration l'a prévu par une disposition expresse de l'acte de vente.''
La Cour en avait conclu que cette suppression par déclassement ne peut ouvrir au requérant qu'un droit à l'indemnisation à l'encontre de l'Administration sauf ''si l'Administration avait réservé dans l'acte de vente des droits de vue et d'accès au profit du propriétaire riverain.''
C'est fort de ce dernier attendu que dame KPONTON saisit notre Cour d'une instance en condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 2.500.000 francs à titre d'indemnisation pour le préjudice subi à la suite de la suppression des jours et vues consécutives au déclassement de la portion de la voie passant devant son immeuble.
Vu l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour Suprême, notamment en son article 31 paragraphe 3.
Vu l'arrêt n°03 du 15 février 1962 dans son article 3.
Ouï à l'audience publique du vendredi vingt six mars mil neuf cent soixante seize, le Président Alexandre PARAÏSO en rapport,
Le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusion;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considéant que la requête de dame KPONTON Félicienne née LIMA est recevable comme ayant été formulée dans les délais et les termes de la loi.
AU FOND
Sur l'intervention de LALEYE Fataou;
Considérant que LALEYE Fataou a reçu communication par la Cour du mémoire responsif de l'administration par lequel celle-ci excipait de la responsabilité de LALEYE pour s'exonérer de la sienne à l'égard de dame KPONTON Félicienne.
Considérant que le mémoire en réplique présenté par LALEYE Fataou constitue non pas une intervention, mais des observations en réponse à cette conclusion et qu'il s'en suit que ledit concluant n'est pas partie au procès.
Sur la compétence de la Juridiction Administrative
Considérant que dame KPONTON Félicienne née LIMA a saisi la Cour d'une demande en indemnisation à l'encontre de l'Administration pour des préjudices qu'elle aurait subis du fait que les services publics n'ont pas fait à LALEYE Fataou au moment de la cession d'un immeuble de l'Etat, obligation de respecter les servitudes de vue qu'elle tiendrait des articles 678 à 680 du code civil.
Considérant que le principe de la compétence administrative est que tout ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des services publics constitue une opération administrative qui est par sa nature du domaine de la juridiction administrative.
Considérant qu'il s'en suit que les actions entre les personnes de droit public et les tiers, fondées sur l'exécution, l'inexécution ou le mauvais fonctionnement d'un service public sont de la compétence du juge administratif.
Considérant en particulier que la responsabilité de l'Etat pourrait encourir du fait du déclassement d'une rue publique relève de cette compétence.
Mais considérant que lorsqu'il s'agit dans la gestion de son domaine privé en tant que personne civile capable de s'obliger par des contrats dans les termes de droit commun, l'Etat reste soumis au droit privé et aux juridictions de l'ordre judiciaire.
Considérant en l'espèce que la requérante dame KPONTON Félicienne fait grief à l'administration publique d'avoir laissé LALEYE Fataou ériger sur le fonds déclassé par les services administratifs un mur qui ne serait pas à la distance réglementaire.
Considérant qu'il ne s'agit pas en la cause des conséquences du fonctionnement d'un service public mais des suites d'un simple acte de gestion qu'aucun texte de loi ne se soustrait à la juridiction des tribunaux judiciaires.
Considérant en conséquence qu'il est constant dans un tel cas que la responsabilité pouvant incomber à l'Etat pris comme propriétaire d'immeuble appartenant au domaine privé du fait de l'inobservation des règles du droit civil ne peut être appréciée que par les tribunaux judiciaires.
Considérant qu'il échet dès lors de déclarer que le litige soulevé par la requête de la dame KPONTON n'est pas au nombre de ceux dont il appartient à la juridiction administrative de connaître et qu'il y a lieu de condamner la requérante aux dépens.
PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article 1 La requête susvisée de dame KPONTON Félicienne née LIMA est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 La dame KPONTON Félicienne supportera les dépens.
Article 3 Notification de la présente décision sera faite à dame KPONTON, à l'Etat (Ministère des Travaux Publics) et à EL HADJ LALEYE Fataou.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de:
Alexandre PARAÏSO, Président de la Chambre Administrative: PRESIDENT
Elisabeth POGNON et Michel DASSI: CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi 26 mars mil neuf cent soixante seize la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de
Grégoire GBENOU PROCUREUR GENERAL
Et de Pierre Victor AHEHEHINNOU GREFFIER
Et ont signé:
Le Président -Rapporteur Le Greffier
A. PARAÏSO P. V. AHEHEHINNOU