Contrat administratif - Compétence juridiction administrative - résiliation abusive marché par l'administration - Incompétence auteur Annulation.
Est annulé l'empiètement de l'autorité subordonnée.
Si les règlements ont confié un pouvoir déterminé à autorité donnée, autorité supérieur ne doit pas l'exercer à sa place
(Contrat administratif - Clause attributive de compétence - Résiliation - Non respect de l'autorité de tutelle)
N°6 du 25 JUIN 1976
CLAUDE PARIS
C/
ETAT BENINOIS
(Ministère des Travaux Publics)
Vu la requête et le mémoire ampliatif présentés par le sieur Claude PARIS demeurant à Cotonou par Maître BARTOLI Avocat à la Cour d'Appel de Cotonou, ladite requête et le dit mémoire enregistrés au greffe les 1er et 2 juin 1970 et tendant à ce qu'il plaise à la cour annuler pour excès de pouvoir la décision n°15/MTP/CAB EN DATE DU 26 JANVIER 1970 DU Ministre des Travaux Publics et PetT, objet du recours gracieux en date du 20/3/70 implicitement rejeté, portant son expulsion des locaux qu'il occupait à l'aéroport de Cotonou;
Ce faire, attendu que le sieur PARIS déclare avoir conclu le 26 juillet 1962 une convention avec l'ASECNA aux termes de laquelle il a reçu l'exploitation des bar et restaurant de l'aéroport de Cotonou; que le Ministère des Travaux Publics et Postes et Télécommunications ne l'ayant mis en possession est incompétente pour ordonner son expulsion; que dans le cas d'occupation du domaine public, cette mesure relève de la compétence des autorités juridictionnelles; qu'en tout état de cause le Ministre des Travaux Publics ne pouvait prononcer son expulsion en validant implicitement le congé irrégulier; que le bail conclu ne comportant aucune clause exorbitante de droit commun, les autorités et juridictions administratives sont incompétente pour intervenir dans l'exécution du contrat; que la clause donnant compétence au Président du Tribunal de 1ère Instance de Cotonou pour la désignation d'un expert en cas de différend sur l'évaluation de l'indemnité versé au locataire implique la compétence des tribunaux judiciaires; que n'ayant été préalablement averti pour discuter des motifs et griefs formulés, la décision a été prise en violation de l'article 68 de l'ordonnance du 26/4/66 et des principes généraux du droit; que la décision entreprise n'est pas motivée; qu'aucune indemnisation ne lui a été versée avant qu'il quittât les lieux; la décision d'expulsion a méconnu l'article 32 -1er du cahier des charges; que la décision ayant été prise en vertu d'un préavis irrégulier et entachée d'erreur de droit; qu'enfin l'auteur de la décision n'a pas eu connaissance de ce que le Tribunal compétent était saisi du litige portant sur l'irrégularité du préavis et sur le maintien dans les lieux, qu'il y a dès lors erreur de fait viciant la décision intervenue;
Vu le mémoire en réponse du Ministre des Travaux Publics enregistré comme ci-dessus le 27 mars 1971 qui conclut au sursis à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle portant sur la nature juridique du contrat litigieux soit résolue par la juridiction judiciaire pour le motif que le requérant a saisi le tribunal de 1ère Instance, qu'en tout état de cause les moyens développés par le requérant sont mal fondés qu'en effet la convention du 26//7/62 et le cahier des charges forment un tout indivisible, que l'ASECNA qualifie de contrat administratif; que le juge de l'excès de pouvoir ne peut connaître de l'examen de la nature de ce contrat ni apprécier la question d'attribution de compétence; que l'appréciation des motifs qui soutiennent la décision est de la seule compétence du juge du contrat; que l'autorité administrative n'était nullement obligée de vérifier la régularité du préavis donné, celle-ci pouvant mettre fin au contrat sans délai comme l'y autorise l'article 29 du cahier des charges; que la décision critiquée est parfaitement motivée; que le sieur PARIS s'était adressé à justice avant la date de la cessation de son exploitation afin de se voir allouer une indemnité au titre de ses investissements mobiliers et immobiliers, le montant de ladite indemnité ne peut être fixé que par le juge, et le sieur PARIS ne peut faite grief à l'ASECNA de ne l'avoir payé avant son évacuation; qu'enfin seule la valeur non amortie des installations pouvait faire l'objet de versement, hors lesdites installations amorties depuis 1967; qu'il n'y a eu erreur ni de droit ni de fait au moment où la décision a été prise;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 19/5/71 le mémoire en réplique du sieur PARIS Claude, en réponse à la communication qui lui a été faite du mémoire en défense, par lequel il conclut à l'annulation de la décision querellée par les mêmes moyens et en outre par les motifs que l'acte déféré à la censure de la Cour n'est pas le contrat mais une décision administrative; et qu'il ne se pose aucune question préjudicielle dans le présent litige;
Vu la consignation prévue par l'article 45 de l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 constatée par reçue du greffe n°33/75 du 25 juillet 1975 .
Vu la décision attaquée;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu les notes du greffe constatant la communication aux parties des requêtes, mémoires et pièces sus-visés;
Vu l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi 25 juin 1976, le Conseiller Elisabeth POGNON en son rapport,
Le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que le sieur Claude PARIS sollicite l'annulation de la décision n°15/MTP/CAB prise par le Ministre des Travaux Publics, Transports, Postes et Télécommunications, Autorités Administratives; que même si, comme le soutient l'Administration, cet acte ne peut être détaché de l'exécution de la convention liant l'ASECNA et Claude PARIS, et doit dès lors relever de la compétence du juge du contrat, la compétence de la juridiction administrative se trouverait néanmoins justifiée par le caractère de droit public que confère à ce contrat les clauses exorbitantes de droit commun qui y sont stipulées; qu'il échet dès lors d'écarter l'exception de sursis à statuer soulevée par l'Administration.
Considérant que par la décision entreprise, le Ministre des Travaux Publics, Transports et Postes et Télécommunications a expulsé des locaux de l'aéroport le sieur Claude PARIS alors que les articles 29 et 30 du cahier des charges annexé à la convention donnent compétence à l'ASECNA pour résilier de plein droit ou à titre de sanction le bail, ou retirer pour motif d'ordre public l'autorisation accordée à Claude PARIS; qu'il s'en suit que le Ministre des Travaux Publics, Transports, et Postes et Télécommunications, en sa qualité de tiers au contrat est incompétent pour ordonner l'expulsion du sieur PARIS et qu'il y a lieu , sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, d'annuler la décision entreprises;
DECIDE
Article 1er La décision n°15/MTP/CAB du 26 janvier 1970 du Ministre des Travaux Publics, Transports et Postes et Télécommunications est annulée;
Article 2 Les dépens sont mis à la charge du Trésor Public;
Article 3 Notification du présent arrêt sera faite aux parties.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de:
Alexandre PARAÏSO, Président de la Chambre Administrative: PRESIDENT
Elisabeth POGNON et Michel DASSI: CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi 25 juin mil neuf cent soixante seize la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
Grégoire GBENOU PROCUREUR GENERAL
Et de Pierre Victor AHEHEHINNOU GREFFIER
Et ont signé:
Le Président -Rapporteur Le Greffier
A. PARAÏSO V. AHEHEHINNOU