N° 046/CJ-CM du répertoire ; N° 2000-129/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 15 Novembre 2019 ; AG C (Me Yves Edgard MONNOU) Contre - Aa X -PRINCE ABDON AGON-PIERRE BONOU-DAVID DJENGUE-JOSEPHINE ABALLO-ALBERT MENSAH-MANASSE AYAYI- CLEMENT D. GNONLONFOUN-ENOCH AKOGBETO-SAMUEL D. AKPO - MATHIEU FASSINOU-SAMSON SINGBO-NOËL KPANOUGBO-AQUILAS DOUMATEY-JEAN-DAVID DARBOUX-TIMOTHEE GOUFODJI-JEAN S. A B(Me Hélène KEKE-AHOLOU)
Procédure civile – Remises de causes – Questions de fait – Appréciation souveraine des juges du fond
Procédure civile – Moyen nouveau en instance de cassation – Irrecevabilité
Procédure civile – Invocation d’office d’un moyen par le juge – Violation de la loi (non)
Procédure civile – Acte introductif d’instance – Texte de loi fondant l’exercice de l’action – Mention obligatoire (non)
Procédure civile – Qualité à figurer à l’instance – Personne morale – Représentant de la personne morale – Individus agissant en qualité de membres
Cas d’ouverture à cassation – Défaut de mention de la loi appliquée dans la décision - Défaut de base légale (non)
Cas d’ouverture à cassation – Interprétation d’un écrit – Défaut – Dénaturation (non)
Moyen de cassation – Faits – Appréciation exclusive et souveraine des juges du fond - Irrecevabilité
Est irrecevable, le moyen tiré de la violation des droits de la défense et du principe du contradictoire, lié au défaut de mise en demeure d’avoir à conclure au fond, les remises de causes aux fins de conclusions au fond étant constitutives de questions de fait relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Est irrecevable, le moyen nouveau soulevé pour la première fois en cause de cassation.
Procèdent à une bonne application de la loi, les juges d’appel qui, suppléant d’office aux moyens des parties, par l’invocation d’autres moyens, constatent l’abrogation d’une loi.
N’ont pas violé la loi, les juges d’appel qui ont décidé qu’il ne ressort pas des dispositions des articles 1er alinéa 2 et 141 du code de procédure civile qu’il est fait obligation de mentionner dans l’acte introductif d’instance, le texte de loi fondant l’exercice de l’action.
N’est pas fondé, le moyen tiré de ce qu’une personne morale aurait dû attraire ou être attraite en justice en lieu et place de l’individu qui la représente, lequel n’aurait donc pas qualité à figurer à l’instance, dès lors que ledit individu agit en sa qualité de membre de cette personne morale. Les juges d’appel ayant répondu à ce moyen n’ont pas statué infra petita. N’est pas fondé, le moyen tiré du défaut de base légale, au seul motif que les juges du fond n’ont pas indiqué le texte de loi appliqué dans leur décision.
Est irrecevable, le moyen tiré de la dénaturation, en l’absence d’une question d’interprétation d’un écrit.
Est irrecevable, le moyen portant sur des faits, lesquels relèvent de l’appréciation exclusive et souveraine des juges du fond.
La Cour,
Vu l’acte n°76 du 14 août 2000 du greffe de la Cour d’appel de Cotonou par lequel AG C a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°108/2èCCMS rendu le 09 août 2000 par la chambre civile moderne de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ; Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 90-012 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification des ordonnances n°s 21/PR du 26 avril 1966 et 70-16 du 14 mars 1970 définissant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 15 novembre 2019 le conseiller, Michèle CARRENA-ADOSSOU en son rapport ;
Ouï le procureur général, Ad Ab Y en ses conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°76 du 14 août 2000 du greffe de la Cour d’appel de Cotonou, AG C a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°108/2èCCMS rendu le 09 août 2000 par la chambre civile moderne de cette cour ;
Que par lettre n°3250/GCS du 08 décembre 2000 du greffe de la Cour suprême, AG C a été mis en demeure d’avoir à consigner dans un délai de quinze (15) jours et à produire ses moyens de cassation dans un délai d’un (01) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 42, 45 et 51 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour suprême ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a produit ses conclusions ;
En la forme
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ; Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Faits et procédure
Attendu que suite à un différend né entre les fidèles de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin, Aa X et dix-sept (17) autres fidèles de l’Eglise ont assigné AG C devant le tribunal de première instance de Cotonou ;
Que par jugement n°32 du 07 juin 1999, le tribunal saisi a fait droit à leur demande ;
Que sur appel de AG C, la cour d’appel de Cotonou a, par arrêt n°108/2èCCMS rendu le 09 août 2000, confirmé le jugement querellé sauf en ce qui concerne l’exécution provisoire ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
Discussion
SUR LE PREMIER MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE ET DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE.
Attendu qu’il est fait grief aux juges d’appel d’affirmer, sans en avoir la preuve formelle, que le premier juge a concédé à AG C plusieurs renvois aux fins de conclusions au fond alors que, selon le moyen, il suffit de se rapporter à la carte de dossier du premier juge pour se convaincre de ce que AG C n’a jamais été mis en demeure d’avoir à conclure au fond ; Mais attendu que la question de savoir si des renvois aux fins de conclusions au fond ont été concédés à AG C par le premier juge est une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges de fond ;
Que dans le cas d’espèce les juges d’appel ont souverainement relevé « qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute que divers renvois dont deux (02) fermes ont été concédés à l’appelant pour compter du 21 décembre 1998 jusqu’au 12 avril 1999 aux fins de dépôt et communications de ses écritures en réplique sur le fond, les échanges d’écritures relativement aux exceptions s’étant achevés à l’audience du 27 novembre 1998 où un renvoi a été opéré au 21 décembre 1998 puis successivement à diverses audiences pour l’appelant, défendeur en cause d’instance » ;
Que la Cour suprême n’étant pas juge de fait mais de droit, l’appréciation des constatations de fait lui échappe ;
Que le moyen est irrecevable ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN EN SES BRANCHES REUNIES TIREES DE LA VIOLATION DE LA LOI, VIOLATION DE L’ARTICLE 23 DE LA CONSTITUTION DU 11 DECEMBRE 1990, VIOLATION DU PRINCIPE DISPOSITIF EN DROIT JUDICIAIRE PRIVE, VIOLATION DES ARTICLES 1ER ALINEA 2 ET 141 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE.
Attendu qu’il est fait également grief à la cour d’appel d’avoir outrepassé ses pouvoirs en statuant sur le différend né entre les fidèles de l’Eglise Protestante alors que, selon le moyen, aux termes des dispositions de l’article 23 de la Constitution du Bénin du 11 décembre 1990, les tribunaux de l’ordre judiciaire ne sont pas compétents pour régler les litiges nés au sein de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin ;
Que par ailleurs il est reproché aux juges de la cour d’appel de s’être substitués aux parties en déclarant qu’est abrogé l’alinéa 2 de l’article 1er du code de procédure civile évoqué pour soutenir la nullité de l’exploit introductif d’instance du 09 avril 1998, alors que, selon le moyen, Aa X et consorts n’ont soulevé à aucun moment le débat sur l’abrogation de ce texte de loi ;
Qu’il est en outre fait grief aux juges d’appel d’avoir rejeté le moyen tiré de la violation des articles 1er alinéa 2 et 141 du code de procédure civile motif pris de ce qu’il ne ressort nullement des énonciations de ces articles l’obligation pour le demandeur d’indiquer dans l’exploit introductif d’instance le texte de loi sur lequel se fonde son action alors que, selon le moyen, « toute citation devant les juges de paix contiendra … elle énoncera sommairement l’objet et les moyens de la demande … » ;
Que le demandeur déduit des dispositions des articles précités qu’il est fait obligation au demandeur à l’action dans un acte introductif d’instance, de faire un exposé de l’objet et des moyens de fait et de droit de sa demande ;
Qu’il est enfin reproché à l’arrêt querellé d’avoir violé les principes généraux du droit en ce qu’il a rejeté le moyen tiré du défaut de qualité de AG C, Aa X et consorts alors que, selon cette branche du moyen, ni AG C, ni Aa X et consorts n’ont effectivement qualité pour ester ou défendre en justice ;
Mais attendu que s’agissant de la violation de l’article 23 de la Constitution, il se révèle que le demandeur au pourvoi n’avait soulevé l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire ni devant le juge d’instance, ni devant ceux de la cour d’appel ;
Qu’il s’agit donc d’un moyen nouveau qui est ainsi soulevé pour la première fois en cause de cassation ;
Qu’il est irrecevable ;
Que relativement à la deuxième branche du moyen, c’est à tort que le demandeur au pourvoi soutient que les juges du fond ont violé le principe dispositif en droit judiciaire privé, en ce que, pour repousser son exception tirée de la nullité de l’exploit d’instance, ils ont retenu que l’alinéa 2 de l’article 1er du code de procédure civile a été abrogé sans que les parties en litige n’aient soulevé des débats sur l’abrogation de ce texte de loi ;
Qu’en effet, le fait pour le juge de relever d’office qu’un texte de loi invoqué par l’une des parties en litige est abrogé, n’entache en rien sa neutralité, étant entendu que le juge ne peut appliquer au règlement d’un litige un texte de loi que lui-même sait déjà abrogé ;
Qu’il ne saurait alors valablement être reproché à un juge de suppléer d’office aux moyens des parties d’autres moyens qui lui sont propres en adoptant telle ou telle position face au problème juridique qui lui est soumis ;
Que cette branche du moyen n’est pas fondée ;
Qu’en outre, contrairement aux allégations du demandeur qui soutient que les articles 1er alinéa 2 et 141 du code de procédure civile ont été violés, il ne ressort nullement des dispositions desdits articles qu’il doit être mentionné dans l’exploit introductif d’instance le texte de loi qui fonde la demande portée devant le juge ;
Que le moyen n’est également pas fondé en cette branche ;
Qu’enfin, Aa X et les autres articulent des griefs non pas contre l’Eglise Protestante mais contre la personne de AG C et qu’on ne peut leur reprocher de n’avoir pas assigné l’Eglise prise en la personne de son Président ;
Qu’au surplus Aa X et les autres n’agissent pas au nom de l’Eglise mais en tant que membres de l’Eglise, victimes des agissements de AG C ;
Qu’à ce titre, il n’est pas nécessaire qu’ils soient munis d’un pouvoir particulier pour agir ;
Que la branche du moyen tirée du défaut de qualité n’est également pas fondée ;
SUR LE TROISIEME MOYEN TIRE DE CE QUE LE JUGE A STATUE INFRA PETITA
Attendu qu’il est fait grief aux juges d’appel de n’avoir répondu ni au moyen relatif à la violation de l’article 23 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui rend incompétent les tribunaux de l’ordre judiciaire à connaître des litiges nés au sein de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin, ni à celui relatif au défaut de qualité de AG C à être assigné en justice et d’avoir ainsi statué infra petita alors que, selon le moyen, le juge est tenu de répondre à toutes les demandes qui lui sont soumises ;
Mais attendu que, s’agissant de l’argument relatif à l’article 23 de la Constitution du 11 décembre 1990, il ne transparaît nulle part du dossier que le demandeur a soulevé un tel moyen en cause d’appel ;
Qu’en ce qui concerne le défaut de qualité de AG C, l’arrêt attaqué adoptant intégralement les motifs du premier juge énonce : « ... qu’il est constant que les demandeurs sont des membres de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin (EPMB) ;
Qu’il est un principe général de droit selon lequel « pas d’intérêt, pas d’action » ;
Que parfois la qualité et l’intérêt peuvent se confondre ;
Qu’en leur qualité de fidèles de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin (EPMB), les demandeurs ont un intérêt certain à faire respecter les règles régissant ladite Eglise ;
Qu’en l’espèce, ils sont assimilables à des membres d’une société à qui la loi n’interdit pas le droit d’agir en leurs noms propres contre leur directeur général ou Président directeur général fautif ou défaillant face à l’observation des formalités de constitution ou des conditions du contrat de société » ;
Qu’en l’état de ces énonciations, il ne peut plus donc être valablement soutenu que les juges d’appel ont statué infra petita et n’ont pas répondu aux chefs de demandes sus-cités ;
Qu’il s’ensuit que le troisième moyen n’est pas fondé ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN TIRE DU DEFAUT DE BASE LEGALE
Attendu que le demandeur au pourvoi soutient que l’arrêt querellé manque de base légale en ce que les juges d’appel n’y ont pas indiqué le texte de loi sur la base duquel ils ont statué alors que le défaut de base légale est une cause de cassation ;
Mais attendu que le défaut de base légale ne signifie pas comme l’insinue le demandeur, la non indication du texte de loi dans la décision concernée ;
Que le défaut de base légale est retenu comme grief contre une décision lorsque ladite décision est insuffisamment motivée ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
SUR LE CINQUIEME MOYEN TIRE DE LA DENATURATION DES FAITS DE LA CAUSE
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dénaturé les faits en déclarant irrégulier le processus de modification des statuts et règlement intérieur de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin ;
Mais attendu que seule l’interprétation d’un écrit peut faire l’objet d’un pourvoi fondé sur le grief de dénaturation ;
Que le moyen est irrecevable ;
SUR LE SIXIEME MOYEN TIRE DE LA MAUVAISE APPRECIATION DES FAITS DE LA CAUSE
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, à tort, et par une mauvaise appréciation des faits de la cause, affirmé de façon péremptoire que le poste du Président de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin est vacant ;
Mais attendu que la Cour suprême n’est pas un juge des faits ;
Que ces faits relèvent de la seule appréciation souveraine des juges du fond ; Que ce moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ; Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de AG C ;
Ordonne la notification du présent arrêt aux parties ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de : InnocentSourouAVOGNON,présidentdelachambrejudiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA-ADOSSOU
EtCONSEILLERS ;
Ac Z
Et prononcé à l’audience publique du vendredi quinze novembre deux mille dix- neuf, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Ad Ab Y, PROCUREUR GENERAL; Hélène NAHUM-GANSARE, GREFFIER ;
Et ont signé,
Le président,Le rapporteur
Innocent Sourou AVOGNONMichèle CARRENA-ADOSSOU
Le greffier
Hélène NAHUM-GANSARE