N°09/CJ-DF du REPERTOIRE ; N°2012-66/CJ-DF du Greffe ; Arrêt du 28 février 2020 ; Aa AI – Ag AI – Ar AH – Ak B ET AUTRES C/ Collectivité AG représentée par Af AG A Ai AG
Droit foncier et domanial – Déchéance – Forclusion.
Violation du principe de loyauté des débats et du contradictoire – Violation du principe de la prescription extinctive – Défaut de base légale – Violation des règles d’administration de preuve.
Obligation de communiquer les pièces par un avocat qui a déjà déposé ses pièces avant l’entrée dans la procédure d’un autre avocat (Rejet).
La communication des pièces ne saurait être une obligation permanente pour l’avocat qui a déjà déposé ses pièces au dossier avant l’entrée d’un autre conseil dans la cause surtout qu’il ne résulte pas du dossier que celui ait demandé la communication desdites pièces ou consultation et ait échoué dans ses demandes.
N’a pas méconnu le principe de la prescription extinctive la cour d’appel qui s’est déterminée à partir des constatations de faits liées à la date de la vente de l’immeuble et au point de départ de la prescription.
Encourt rejet, le moyen de cassation qui met en œuvre plusieurs cas d’ouverture à cassation.
Est irrecevable, le moyen qui tend, dans son développement à remettre en débat les faits souverainement appréciés par les juges du fond.
La Cour,
Vu les actes n°004/2007 du 11 octobre 2007 et n°002/2008 du 14 janvier 2008 du greffe de la cour d’appel de Ao, par lesquels Aa AI et maître Alphonse C. ADANDEDJAN, conseil de Ag AI ont respectivement élevé pourvoi en cassation contre l’arrêt n°26/07 du 11 octobre 2007 rendu par la chambre traditionnelle de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi vingt huit février deux mille vingt, le conseiller Césaire KPENONHOUN en son rapport ;
Ouï le procureur général Ab An Z en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivants les actes n°004/2007 du 11 octobre 2007 et n°002/2008 du 14 janvier 2008 du greffe de la cour d’appel de Ao, Aa AI et maître Alphonse C. ADANDEDJAN, conseil de Ag AI ont respectivement élevé pourvoi en cassation contre l’arrêt n°26/07 du 11 octobre 2007 rendu par la chambre traditionnelle de cette cour ;
Que par actes n°003/2008 du 04 février 2008 et n°004/2008 du même greffe, maître Raphaël A. GNANIH, conseil de Ag AI et des intervenants volontaires Ar AH, As, Aq C et SEWADURAND d’un côté et Ak B administrateur des biens de feu Aj Al B de l’autre, ont également élevé pourvoi en cassation contre ledit arrêt ;
Que par lettres n°s 3839, 3840, 3841 et 3842/GCS du 29 novembre 2012 du greffe de la Cour suprême, Ak B, maître Alphonse C. ADANDEDJAN et Raphaël GNANIH puis Aa AI ont été mis en demeure d’avoir à consigner, à constituer avocat selon le cas et à produire leurs mémoires ampliatifs conformément aux dispositions des articles 3, 6 et 12 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Que les consignations ont été payées par Aa AI et Ak B et le mémoire ampliatif produit par maître Magloire YANSUNNU ;
Qu’en revanche le mémoire en défense n’a pas été produit en dépit de la communication du mémoire ampliatif à la collectivité AG par lettres n°0195/GCS et n°0955/GCS du greffe de la Cour suprême des 20 janvier 2014 et 04 juin 2015 ;
Que le procureur général a produit ses conclusions, lesquelles ont été communiquées à maître Magloire YANSUNNU pour ses observations ;
Que lesdites observations sont versées au dossier ;
Que le dossier est en état ;
EN LA FORME
Attendu que les présents pourvois ont été élevés dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il convient de les déclarer recevables ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête en date du 09 septembre 1988, Au Ae AG dit Dah Houézé de coutume Pédah, chef de la Collectivité AG, a attrait Am Ac X et Ag AI tous de coutume Pédah devant le tribunal de première instance de Ouidah pour ventes illicites de plusieurs hectares de palmeraies et terrains appartenant exclusivement à la collectivité des AG ;
Que par jugement n°116/88 du 31 octobre 1988, le tribunal saisi, faisant droit à ladite requête, a notamment dit que l’immeuble sis au lieu dit « Ah » commune de Pahou district de Ouidah objet du présent procès, est et demeure la propriété des AG, et déclaré nulles les ventes opérées par X et AMADIDJE sur ledit immeuble ;
Que sur appel de Ac X, la chambre civile de droit traditionnel de la cour d’appel de Ao a rendu le 28 avril 1993, l’arrêt n°56 par lequel elle a confirmé le jugement n°116/88 du 31 octobre 1988 en ordonnant le déguerpissement immédiat des lieux de Ac X et de Ag AI tant de leurs personnes, de leurs familles que de toutes les personnes de leurs chefs ;
Que suite au pourvoi élevé contre cet arrêt par Ac X et Ag AI, la chambre judiciaire de la Cour suprême, par l’arrêt n°003/CJ-CT du 29 mars 1996, l’a cassé en ce qu’il a violé les dispositions de l’article 85 du décret du 03 décembre 1931 et ordonné le renvoi de la cause devant la cour d’appel de Ao pour être statué à nouveau ;
Qu’ainsi, la chambre de droit traditionnel de la cour d’appel de Ao autrement composée, a rendu le 11 octobre 2007 l’arrêt n°26/07 par lequel elle a annulé le jugement en cause, puis évoquant et statuant à nouveau a dit notamment qu’il n’y a pas prescription de l’action de la collectivité AG ni violation de l’article 1165 du code civil, a débouté les héritiers AMADIDJE représentés par Aa AI et Am Ac X de toutes leurs demandes, fins et conclusions, et déclaré nulles toutes les ventes consenties par eux sur partie du domaine litigieux en disant que l’immeuble sis à Ah AJAp) objet du présent procès est et demeure la propriété de la collectivité des AG ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet des présents pourvois ;
SUR LA DECHEANCE
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 931 alinéa 1erdu code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, « le demandeur est tenu sous peine de déchéance, de consigner au greffe de la Cour suprême la somme de quinze mille (15 000) francs dans le délai de quinze (15) jours à compter de la mise en demeure qui lui sera faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de notification administrative, sauf demande d’assistance judiciaire dans le même délai » ;
Qu’en dépit des mises en demeure à eux faites et dûment reçues en leur cabinet respectif, maîtres Alphonse C. ADANDEDJAN, conseil de Léon AMADIDJE et Raphaël GNANIH, conseil de Ag AI et des intervenants volontaires Ar AH, As, Aq C et Y Ad n’ont pas payé la consignation alors même qu’aucune demande d’assistance judiciaire ne figure au dossier ;
Qu’il convient dès lors de déclarer ceux-ci déchus de leurs pourvois et de mettre les frais à leur charge ;
SUR LA FORCLUSION
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 51 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 précitée : « lorsque le délai prévu à l’article 12 ci-dessus imparti par le rapporteur pour la production du mémoire est expiré, une mise en demeure comportant un nouveau et dernier délai est adressée à la partie qui n’a pas observé le délai.
Si la mise en demeure reste sans effet, la forclusion est encourue » ;
Qu’en dépit des mises en demeure objet des correspondances n°3839/GCS du 29 novembre 2012 et n°0747/GCS du 05 mars 2013 reçues respectivement les 03 décembre 2012 et 19 mars 2013, maître Raphaël GNANIH, conseil de Ak B n’a pas produit le mémoire ampliatif ;
Qu’il convient dès lors de déclarer celui-ci forclos en son pourvoi et mettre les frais à sa charge ;
DISCUSSION
Moyen unique tiré de la violation de la loi
Première branche du moyen prise de la violation du principe de loyauté des débats et du contradictoire
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation du principe de loyauté des débats et du contradictoire en ce que, pour rejeter le moyen de défaut de communication de pièces invoqué par la succession de feu Ag AI, la cour d’appel a estimé « qu’il leur est loisible de consulter ledit dossier au greffe, et que la communication de pièces ne saurait être une obligation permanente pour l’avocat ayant déposé ses pièces au dossier avant l’entrée d’un autre conseil dans la cause », alors que, selon la branche du moyen, il est acquis en droit qu’il doit être communiqué à un conseil nouvellement entré dans une procédure en cours, toutes les pièces qu’invoque son adversaire ; que dans son rôle de garant du respect du principe du contradictoire, le juge ne peut retenir les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ; qu’il est de principe que la partie qui invoque une pièce puisse la communiquer et la produire devant chaque juridiction ;
Qu’en l’espèce, maître Magloire YANSUNNU, l’ancien conseil de la succession AMADIDJE Léon ne l’ayant pas assisté dans la procédure qui a abouti à l’arrêt dont est pourvoi, seule la communication des pièces invoquées par la collectivité AG pouvait permettre aux nouveaux conseils de les apprécier pour une bonne défense des intérêts de leur cliente ;
Mais attendu qu’il ne résulte, ni des pièces du dossier, ni de la carte d’audience, que les nouveaux conseils constitués par Ag AI aient demandé expressément communication de pièces ou consultation du dossier et aient échoué dans leurs demandes ;
Qu’en énonçant : « qu’il est loisible aux nouveaux conseils de consulter le dossier au greffe » et que « la communication de pièces ne saurait être une obligation permanente pour l’avocat qui a déjà déposé ses pièces au dossier avant l’entrée d’un autre conseil dans la cause … », la cour d’appel a justement décidé et l’arrêt attaqué n’est pas reprochable du grief articulé ;
Que le moyen, en cette première branche, n’est pas fondé ;
Deuxième branche du moyen prise de la violation du principe de la prescription extinctive
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, de la violation des dispositions de l’article 17 du décret de 1931, en ce que la cour d’appel a déclaré recevable l’action intentée par la collectivité AG et dit qu’il n’y a pas prescription, alors que, selon la branche du moyen, Ag AI occupait paisiblement le domaine sis à Ah depuis plus de trente (30) ans ; que sa succession y vivait de façon paisible, continue et notoire depuis plus de trente (30) ans sans jamais avoir été troublé dans la jouissance de ses biens jusqu’en 1988 où Au Ae AG, chef de la collectivité AG, décide d’investir le domaine ; que les AG ont toujours vécu dans les environs ; que la collectivité AG est irrecevable pour cause de prescription à initier une quelconque action en revendication de droit de propriété contre la succession de Ag AI ;
Mais attendu qu’en mentionnant, entre autres, « que les faits reprochés à Am Ac X et Ag AI sont survenus en 1980, 1983 et 1987 date où les susnommés ont vendu à des acquéreurs de terrain … une partie du domaine de Ah, … que la prescription trentenaire commence à courir du jour où l’acte irrégulier a été passé ; … qu’en l’espèce, l’acte irrégulier est la vente de plusieurs hectares de la palmeraie que les AG estiment leur appartenir ; … qu’entre 1980 et 1988, il ne s’est pas écoulé trente (30) ans … », la cour d’appel n’a pas méconnu les dispositions de l’article 17 du décret de 1931 ;
Que le moyen, en sa deuxième branche, n’est pas fondé ;
Troisième branche du moyen prise du défaut de base légale et violation de l’article 1165 du code civil
Attendu qu’il est aussi reproché à l’arrêt attaqué le défaut de base légale et la violation de l’article 1165 du code civil en ce que, pour rejeter ce même moyen invoqué par la succession Ag AI, la cour d’appel a motivé sur les fondements des articles 1165 et 1121 du code civil, que « les dispositions de la convention de 1928 par laquelle la collectivité AG a procédé au partage des terres entre les membres de leur collectivité ne leur est pas opposable … que le principe de la relativité des contrats ne s’applique pas aux actes translatifs de propriété, lesquels sont, comme des droits réels et absolus qu’ils consacrent, opposables non pas à telle ou telle personne en particulier, mais à tous en général … que la convention de 1928 leur est opposable… » ; alors que, selon la branche du moyen, il est acquis que le droit réel est le pouvoir direct d’une personne sur une chose, que contrairement au droit personnel, il n’y a pas d’intermédiaire ; que le droit réel dont la collectivité AG se prévaut sur le domaine en cause est contesté par ceux qui le possédaient et l’occupaient bien avant 1928, que les hoirs Ag AI ne font pas partie de la collectivité AG ; que le partage fait en 1928 au sein de la collectivité AG est pour eux, une res inter alias acta, ce d’autant plus qu’ils n’ont jamais été contestés dans leur droit de propriété jusqu’en 1988 ; qu’en se contentant de dire que le principe de la relativité des contrats évoqué par les héritiers Ag AI, ne s’applique pas aux actes « translatifs de propriété » sans pour autant indiquer les dispositions légales qui fondent ce principe et sans préciser en quoi la convention de 1928 en cause est opposable aux héritiers Ag AI, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision qui doit être censurée par la juridiction de cassation ;
Mais attendu qu’en vertu de l’article 52 alinéa 2 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ; « à peine d’être déclaré d’office irrecevable, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture à cassation » ;
Que cette branche du moyen qui met en œuvre simultanément le défaut de base légale et la violation de l’article 1165 du code civil est irrecevable ;
Quatrième branche du moyen prise de la violation des règles d’administration de la preuve
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, la violation des règles d’administration de la preuve en ce que, pour faire droit à la demande de la collectivité AG, la cour d’appel a estimé que les déclarations de Ag AI résultant du procès-verbal de transfert selon lesquelles « il y a près de trente (30) ans » qu’il vivait sur le domaine en cause avec l’autorisation de son père, contredisent celles qu’il avait faites et selon lesquelles Ah aurait été attribué à Douka par At, leur ancêtre commun et que du reste « les AMADIDJE ne rapportent pas la preuve de leur droit de propriété sur le domaine de Ah », alors que, selon la branche du moyen, il est acquis en droit que deux (02) motifs ne sont contraires que lorsqu’ils s’annihilent et s’annulent ; qu’en l’espèce, le fait de déclarer que le domaine querellé a été donné à Douka par At, l’ancêtre commun des familles AMADIDJE et AG et la déclaration selon laquelle, Ag AI n’a été autorisé par son père à occuper les lieux qu’il y a trente (30) ans, ne sont nullement contradictoires mais plutôt complémentaires ; que n’étant ni fils d’At, ni héritier unique d’AMADIDJE, Ag AI ne peut occuper les lieux que sur autorisation de l’héritier ou des héritiers survivants ; qu’il s’agit d’une règle élémentaire de dévolution successorale ; qu’il n’est pas contesté que le domaine en cause était la propriété de l’ancêtre commun At et que les deux (02) familles AMADIDJE et AG occupent les lieux depuis très longtemps ; que les AG en tant que héritiers du même ancêtre n’ont pas qualité pour exhéréder les hoirs Ag AI ; qu’en droit, c’est au revendiquant de faire la preuve de son droit de propriété contre l’occupant qui en est dispensé et non l’inverse ; que de même, Au AG dans son testament olographe déposé au rang des minutes de notaire, indique clairement que le domaine en cause appartient aux AMADIDJE ; qu’il ressort du transport judiciaire que les aïeux de Ag AI furent enterrés sur le domaine querellé, de même leur fétiche « LEGBA », leurs sanctuaires et « Assins » sont sur le domaine, toutes choses qui constituent en droit traditionnel, les preuves indubitables de leur droit de propriété exclusive ; qu’il n’en faut pas davantage pour casser l’arrêt attaqué ;
Mais attendu que sous le couvert de violation des règles d’administration de la preuve, la branche du moyen tend en réalité à remettre en discussion devant la juridiction de cassation des faits ou éléments de faits souverainement appréciés par les juges du fond ;
Que le moyen en cette branche, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS
- Reçoit en la forme les présents pourvois ;
-Déclare Ag AI, Ar AH, As, Aq C et Y Ad déchus de leurs pourvois respectifs ;
- Déclare Ak B forclos en son pourvoi ;
Au fond
- Rejette le pourvoi de Aa AI représentant les héritiers Ag AI ;
- Met les frais à leur charge.
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Ao ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON Président de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA ADOSSOU Et Césaire KPENONHOUN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt huit février deux mille vingt, la cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Ab An Z, procureur général, MINISTERE PUBLIC;
Et de Maître Hortense LOGOSSOU-MAHMA, GREFFIER
Et ont signé,
Le Président Le Rapporteur
Sourou Innocent AVOGNON Césaire KPENONHOUN
Le Greffier
Hortense LOGOSSOU-MAHMA