AAG
N°50/CA du Répertoire
N° 2010-37/CA1 du Greffe
Arrêt du 05 MARS 2020
AFFAIRE :
Ac Ad Ab A
Conseil Pédagogique REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
La Cour,
Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 13 avril 2010 enregistrée au greffe de la Cour le 15 avril 2010 sous le numéro 227/GCS, par laquelle A Ad Aa Ac, a saisi la haute Juridiction d’un recours en annulation de l’avis du Conseil Pédagogique de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) et en condamnation de celle-ci à des dommages- intérêts ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport ;
L’Avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité du recours
Considérant qu’au soutien de son recours, le requérant expose :
Qu’il s’est inscrit en première année à l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) option Administration des Finances et Trésor pour l’année académique 2005-2006 au terme de laquelle il fut admis en 2ème année ;
Qu’en 2°"° année, au titre de l’année académique 2006-2007, il a été surpris de constater que l’administration de l’'ENAM n’avait pas transmis son dossier à l’administration centrale de l’Université, au Rectorat, sous prétexte qu’il ne serait pas sur la liste supplémentaire des admis au test interne d’entrée à l’Ecole en 2005 et ne devrait pas par conséquent s’inscrire dans ladite Ecole ;
Que c’est ainsi que l’administration de l’Ecole procéda régulièrement à son renvoi des cours, et comme on pouvait s’y attendre, ces renvois répétés ont entrainé son échec, et qu’il n’a pu passer en 3°" année ;
Que curieusement, les mêmes autorités ont accepté qu’il se réinscrive en 2%*"* année au cours de l’année académique 2007-2008 au terme de laquelle il a été reçu pour
Qu’en 3°" année, fin du cycle I de formation de l’Ecole, les résultats des dernières évaluations n’ont pas du tout reflété son travail ;
Qu’il lui a été donné de voir ses copies et a sollicité une nouvelle correction mais sans succès, les autorités ayant gardé le silence ;
Qu’il a dû demander la reprise de la 3“"° année par dérogation spéciale conformément aux textes en vigueur et à la pratique ;
Que contre toute attente, le directeur de l’ENAM lui notifia, par lettre n° 022-09/UAC/D/DA/SA/SAP du 08 janvier 2010, l’avis du conseil pédagogique non favorable à sa demande de redoublement et son exclusion ;
Que c’est contre cette décision qu’il a saisi la Cour de céans pour son annulation d’une part, et la condamnation d’autre part, de l’ENAM à la réparation des préjudices qui lui ont été causés ;
Considérant que dans son mémoire en défense en date du 07 mars 2014, l’ENAM rejette comme irrecevables les prétentions du requérant tendant à l’annulation de l’avis du Conseil Pédagogique et mal fondée la demande en réparation du préjudice qu’il aurait subi ;
Qu’elle sollicite à titre reconventionnel la condamnation du requérant à des dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice s’agissant de la demande en réparation ;
Que les dommages-intérêts doivent couvrir les frais que l’ENAM a exposés dans le cadre de la procédure ;
Qu'elle demande « à titre accessoire » la suppression des passages injurieux dans le mémoire du sieur A ;
Considérant que l’ENAM soutient que le recours en annulation exercé contre elle par le requérant est irrecevable au motif qu’elle n’est qu’une unité de formation de l’Université d’Abomey-Calavi, qui seule bénéficie d’une personnalité juridique ;
Qu'elle allègue par ailleurs, que l’avis du Conseil Pédagogique est destiné à permettre au supérieur hiérarchique d’arrêter la décision définitive qui s’impose et que par conséquent, le recours devrait être dirigé contre la décision du Vice-recteur et non contre l’avis du Conseil Pédagogique ;
Qu’enfin, elle objecte que la demande en réparation du requérant a été introduite en violation de l’article 828 de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes dont il ressort que l’exercice d’un recours de plein contentieux est obligatoirement subordonné à une demande de décision administrative préalable ;
Considérant que s’il est indéniable que l’ENAM est une unité de formation de l’Université d’Abomey- Calavi, elle n’en est pas moins un établissement public, fût-il sous tutelle, doté de la personnalité morale, ainsi qu’il est spécifié à l’article 1° de l’arrêté n°674-88/MEMS/DCM du 28 juin 1988 portant attribution, organisation et fonctionnement de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature
Que le moyen tiré par l’ENAM d’un défaut de qualité ou d’intérêt à défendre à l’action du requérant est par conséquent non fondé ;
Considérant par ailleurs, que c’est à tort que l’ENAM dénie à l’avis du Conseil Pédagogique, tel qu’il a été notifié au requérant, le caractère d’un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation ;
Que certes, ainsi qu’il apparaît des pièces versées aux débats, le requérant a adressé au Vice-Recteur de
académiques une « demande exceptionnelle de redoublement en 3*"° année » ;
Que le Vice-Recteur à transmis cette demande au Conseil Pédagogique de l’ENAM pour avis ;
Que par lettre n°022-9/UAC/D/DA/SA/SAP en date à Abomey-calavi du 08 janvier 2010, le Directeur de l’ENAM a notifié au requérant un avis défavorable à son redoublement en troisième année émis par le Conseil
Considérant que le destinataire de l’avis émis par le Conseil Pédagogique est en principe le Vice-recteur, chargé des affaires académiques d’autant que c’est celui-ci qui a demandé l’avis ;
Que le directeur de l’'ENAM ne pouvait notifier un tel avis au requérant s’il ne revêtait pas le caractère d’une décision définitive ;
Qu’il s’agit en réalité d’un véritable acte administratif présentant le caractère d’une décision, et non une mesure préparatoire d’une décision, que le directeur a notifié au requérant sous le nom d’avis ;
Qu’eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de dire et juger que le recours en annulation formé par le sieur A Ad Aa Ac, est recevable ;
condamnation de l’Etat au paiement de dommages- intérêts
Considérant que le requérant sollicite de la Cour de céans la condamnation de l’ENAM à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de deux cent millions (200.000.000) de francs ;
Que cette demande est intervenue pour la première fois dans son mémoire ampliatif ;
Que dans sa requête introductive d’instance, le requérant n’a pas formulé cette demande ;
Qu’aussi, une telle demande n’a été adressée ni à l’ENAM ni au Rectorat de l’Université d’Abomey-Calavi par le requérant ;
Qu’au demeurant le requérant n’en rapporte pas la preuve ;
Qu’en conséquence, il y a lieu de déclarer irrecevable la demande de condamnation de l’Etat au paiement de dommages-intérêts et de considérer le recours sous examen comme excès de pouvoir ;
Considérant que le recours a été introduit dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Sur l’annulation de la décision du Conseil Pédagogique de l’ENAM sollicitée par le requérant
Considérant que le recours en annulation tend à faire annuler par le juge un acte administratif considéré comme illégal ;
Considérant en l’espèce que le caractère illégal de l’avis du Conseil Pédagogique qui a rejeté la demande « exceptionnelle » de redoublement de la 3*"° année formulée par le requérant doit être apprécié au regard du règlement pédagogique de l’ENAM, objet de l’arrêté rectoral n°073- 10/UAC/SG/VR-AAIP/SEOU du 10 décembre 2010 ;
Considérant qu’en son article 45, alinéas 1, et 2 et en son article 46, le règlement pédagogique dispose :
« Article 45 : Ajournement
Un élève qui n’a pu obtenir une moyenne supérieure ou égale à douze sur vingt (12/20) est ajourné. Le redoublement est prononcé par le Conseil des professeurs de la filière, transformé en jury de délibération. Il n’est admis qu’un seul redoublement par cycle ;
Toutefois, le Conseil des Professeurs peut, sur dérogation spéciale, autoriser un second redoublement enfin d’études du cycle I » ;
« Article 46 : Exclusion
Tout élève qui réunit une moyenne inférieure à huit (08) sur vingt (20) est exclu. De même, est exclu tout élève ayant redoublé plus d’une fois dans le même cycle ;
L’exclusion pour insuffisance de travail, prononcée par le jury de délibération, est notifiée à l’élève par le directeur de l’Ecole » ;
Considérant que A Ad Ab Ac a été ajourné en deuxième année du cycle I de l’ENAM, n’ayant pas obtenu la moyenne requise ;
Qu’il a réussi à être admis en 3°" année, l’année académique suivante ;
Qu’en 3*"° année, il n’a pu réunir la moyenne exigée par le règlement pédagogique et a été exclu en application dudit règlement pris en son article 46, alinéa 1 ;
Considérant que selon le règlement pédagogique, c’est un seul redoublement par cycle qui est autorisé ;
Que toutefois un second redoublement peut être autorisé seulement en fin d’études du cycle I. à titre dérogatoire, par le Conseil des Professeurs ;
Que c’est sans doute se prévalant de cette exception au principe du redoublement unique par cycle que le requérant a saisi le Vice- Recteur d’une « demande exceptionnelle de redoublement en 3“"° année » ;
Mais considérant que l’autorisation dérogatoire au principe du redoublement unique par cycle n’est pas systématique mais relève du pouvoir du Conseil des Professeurs qui apprécie in concreto l’aptitude de l’élève à reprendre avec succès une année d’études compte tenu de ses antécédents académiques ;
Qu’en rejetant la demande de redoublement en 3°" année formulée par A Ad Ab Ac, l'ENAM n’a pas violé le règlement pédagogique ni commis un abus ;
Sur la demande reconventionnelle de l'ENAM
Considérant que l’ENAM réclame à titre de dommages-intérêts le paiement par le requérant des frais par elle exposés dans le cadre de la présente procédure et à titre « accessoire » « la suppression des passages injurieux dans le mémoire » du requérant ;
Considérant que les frais engendrés par le procès, que le gagnant peut se faire payer par le perdant, font partie des dépens ;
Qu’il n’est pas nécessaire de statuer spécialement sur les dépens à titre de demande reconventionnelle ;
Considérant enfin qu’il n’appartient pas à la Cour de céans de se prononcer sur le caractère injurieux ou non de certains passages du mémoire du requérant ;
Qu’il y a lieu par conséquent de déclarer le recours non fondé et le rejeter ;
Par ces motifs
Décide :
Article 1°": Le recours en date à Cotonou du 13 avril 2010, de A Ad Aa Ac, tendant d’une part, à l’annulation de l’avis du Conseil Pédagogique de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) lui refusant la dérogation exceptionnelle de redoublement et d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de deux cent millions (200.000.000) de francs, est irrecevable en son deuxième chef de demande, et recevable en son premier chef de demande ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3: Il n’y a pas lieu à statuer, à titre exceptionnel, sur la demande reconventionnelle de l’ENAM portant sur les frais de procédure ;
Article 4: Les frais sont mis à la charge du
requérant ; # Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour Suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Rémy Yawo KODO
Et CONSEILLERS ; Dandi GNAMOU
Et prononcé à l’audience publique du jeudi cinq mars deux mille vingt la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, Avocat Général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE,
GREFFIER ;
Le Présid ; Le rapporteur,
ssi ADOSSOU Dandi GNAMOU
Le Greffier,
Gédéon Ta AKPONE