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06/03/2020 | BéNIN | N°2012-108/CA2

Bénin | Bénin, Cour suprême, 06 mars 2020, 2012-108/CA2


Texte (pseudonymisé)
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N°56/CA du Répertoire
N°2012-108/CA2 du greffe
Arrêt du 06 mars 2020
Affaire : B Aa Ab
A REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 10 septembre 2012, enregistrée au greffe le 20 septembre 2012 sous le n°1038/GCS, par laquelle B Aa Ab, assistée de maître Guillaume N’SOYENOU, avocat au barreau du Bénin, a saisi la Cour suprême d’un recours tendant d’une art a l’annulation de l’arrêté n°8361/MFPTRA

/DPE/CAR-APFP du 15 octobre 1998, d’autre part à la condamnation de l’Etat au paiement de dommages- in...

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N°56/CA du Répertoire
N°2012-108/CA2 du greffe
Arrêt du 06 mars 2020
Affaire : B Aa Ab
A REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 10 septembre 2012, enregistrée au greffe le 20 septembre 2012 sous le n°1038/GCS, par laquelle B Aa Ab, assistée de maître Guillaume N’SOYENOU, avocat au barreau du Bénin, a saisi la Cour suprême d’un recours tendant d’une art a l’annulation de l’arrêté n°8361/MFPTRA/DPE/CAR-APFP du 15 octobre 1998, d’autre part à la condamnation de l’Etat au paiement de dommages- intérêts de cent millions de francs (100.000.000F) ;
Vu la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes telle que modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier :
Le Conseiller Rémy Yawo KODO entendu en son rapport et l’Avocat général Saturnin D. AFATON en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi : Us ;
En la forme
Considérant qu’au soutien de son recours, la requérante expose :
Qu’après son succès à un test de recrutement, elle a été mise à la disposition du ministère en charge du commerce pour servir à la Société Béninoise des Matériaux de Construction (SOBEMAC) ;
Qu'elle a été engagée le 25 février 1986 et a effectivement pris service dans ladite société ;
Qu'’elle a été titularisée dans son emploi le 25 février 1988 après une période de stage probatoire règlementaire ;
Que conformément aux dispositions de l’article 34 du décret n°85-361 du 11 septembre 1985 et suivant arrêté n°5089/MTAS/DGPE/CRAPE/3 du 19 septembre 1989, elle a été nommée stagiaire dans le corps des Secrétaires Adjoints des Services Administratifs à l’échelon 1” de l’échelle 3 de la catégorie C pour compter de sa date de prise de service ;
Que par le même arrêté, elle a bénéficié d’un acte d’avancement dénommé CRAPE 3 ;
Qu'’elle a été employée à la direction générale de la SOBEMAC jusqu’en 1990, année au cours de laquelle cette société a été confrontée à de sérieuses difficultés financières ;
Que le 30 avril 1990, suivant lettre n°002/liquidateur/ SOBEMAC, elle a été mise à la disposition du ministère du Travail et des Affaires Sociales ;
Que le 08 avril 1993, l’administration de la SOBEMAC lui a notifié une lettre de remise à disposition du ministre en charge de la Fonction Publique comportant la référence à la correspondance n°082/MTAS/DGM/DT/SPC du 11 mai 1989 ayant autorisé le licenciement collectif d’agents de ladite société dont elle-même ;
Que contre toute attente, l’administration lui a notifié des années plus tard, le 15 octobre 1998, l’arrêté ministériel n°8361/MFPTRA/DPE/CAR-APFP portant sa radiation de la Fonction
Que par recours administratif préalable en date du 02 mai 2012, elle a saisi le ministre en charge de la Fonction Publique, en vue de sa réintégration et de la reconstitution de sa carrière d’agent permanent de l’Etat ;
Que son recours a été implicitement rejeté d’autant plus que
prévu l’Administration par la loi ; be n’a pas réagi à l’expiration du délai de deux (2) m ois M Qu'’elle en réfère à la haute Juridiction aux fins d’une part d’annulation de l’arrêté de radiation année 1998 n°8361/MFPTRA/DPE/CAR-APFP du 15 octobre 1998, d’autre part de condamnation de l’administration à lui payer la somme de cent millions (100.000.000) de francs en réparation du préjudice qu’elle lui a causé ;
Sur l’irrecevabilité du recours tirée du non-respect de la règle de la décision préalable
Considérant que le ministre en charge de la Fonction Publique soulève l’irrecevabilité du recours tirée du défaut de liaison du contentieux en ce que le recours administratif préalable introduit par la requérante ne comporte pas de conclusions en réparation de préjudice subi par elle ;
Qu’en ce qui concerne l’Agent judiciaire du trésor, celui-ci soulève l’irrecevabilité du recours pour non-respect de la règle de la décision préalable qui impose au requérant de susciter au préalable une décision de rejet de ses prétentions par l’administration, avant de former un recours de plein contentieux devant le juge administratif ;
Considérant que les deux moyens soulevés par le ministre en charge de la Fonction Publique et l’Agent judiciaire du trésor tendent en réalité aux mêmes fins, à savoir l’irrecevabilité du recours ;
Qu’il y a lieu de les considérer comme un seul et même moyen ;
Considérant qu’il est de jurisprudence constante qu’en matière de plein contentieux, le recours, pour être recevable, doit être dirigé contre une décision préalable implicite ou explicite de l’administration sur des prétentions et conclusions chiffrées qui lui ont été préalablement soumises par le requérant dans la phase précontentieuse ;
Considérant que dans son recours gracieux adressé au ministre en charge de la Fonction Publique le 24 mai 2012, la requérante n’a pas élevé une prétention en réparation de préjudice subi et évalué à cent millions et suscité une décision de l’administration avant d’en saisir le juge administratif ;
Que sa seule demande a porté sur l’annulation, avec toutes les conséquences de droit, de l’arrêté ayant acté sa radiation de la Fonction Publique :
Que de ce point de vue, la requérante n’a pas lié le contentieux, exposant ipso facto son recours à l’irrecevabilité :
Mais considérant qu’en l’espèce, le contentieux soumis à la Cour porte d’une part sur une décision de licenciement prise en
l’absence d’une loi d’encadrement, tel que prévu aux articles 156 et / 159 de la n°86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l’Etat (APE) ;
Qu’une telle situation doit être regardée comme une question d’ordre public ;
Qu’en conséquence, il y a lieu de relever la requérante de l’irrecevabilité du recours et de l’examiner au fond ;
Au fond
Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi n°86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l’Etat
Considérant que la requérante B Aa Ab sollicite l’annulation, avec toutes les conséquences de droit, de l’arrêté susvisé portant sa radiation, la condamnation de l’administration à lui payer à titre de dommages-intérêts, la somme de cent millions (100 000 000) de francs CFA ;
Qu'elle soutient que cette radiation est intervenue en violation des articles 156 et 159 de la loi n°86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l’Etat ;
Considérant qu’en réplique l’Agent judiciaire du trésor maintient que la mesure de radiation prononcée contre la requérante est conforme à la loi, notamment l’article 147 de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin et conclut au rejet du recours ;
Qu’il argumente que la légalité de l’arrêté entrepris doit être appréciée, non pas à l’aune du principe de la garantie de l’emploi mais au regard du protocole d’accord, acte supra législatif au sens de l’article 147 ci-dessus, intervenu entre l’Etat et les institutions financières internationales et des pays partenaires ;
Qu’en ce qui concerne le ministre en charge de la Fonction Publique, celui-ci fait observer que la requérante B Aa Ab fait partie des trois cent quatre-vingts (380) agents déflatés des sociétés dissoutes dont les dossiers ont été intégrés à l’effectif des mille cinq cent trente-sept (1537) agents à incorporer à nouveau dans la Fonction Publique, et que la régularisation de leur situation se faisant progressivement compte tenu de sa complexité, un projet de communication interministérielle a été introduit en conseil des ministres ;
Que dans la perspective du dénouement imminent de l’ensemble de ce dossier, la requérante se verra rétablie dans ses droits à
place l’issue ; des X travaux des différentes commissions techniques mises en f Considérant que la radiation de la requérante à l’instar d’autres APE est intervenue en application d’accords et conventions conclus par la République du Bénin avec les institutions financières internationales et des pays partenaires ;
Que cette radiation d’APE fait partie d’un bloc de mesures visant à assainir la Fonction Publique en la dégraissant tel que convenu dans le protocole d’accord du 14 février 1992 conclu avec les institutions financières internationales et des pays partenaires ;
Considérant que la radiation de la requérante est une cessation définitive de ses fonctions actée en exécution d’un accord international ;
Considérant qu’aux termes de l’article 147 de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Benin : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. » ;
Considérant en outre que les articles 156 et 159 de la loi n°86- 013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l’Etat prescrivent que :
« Article 156 : La cessation définitive des fonctions entraînant la perte de la qualité d’Agent Permanent de l’Etat résulte :
-de la démission ;
-du licenciement ;
-de la révocation ;
-de l'admission à la retraite. » ;
« Article 159 : Le licenciement peut être prononcé pour l’un des motifs suivants :
1- perte de la citoyenneté ou des droits civiques ;
2-inaptiude physique ;
3-refus de rejoindre le poste assigné : le Conseil de discipline est consulté ;
4-suppression d'emploi, en vertu des dispositions législatives de dégagement des cadres prévoyant notamment les conditions de préavis et d'indemnisation des intéressés. » ;
Considérant qu’il ressort des faits de la présente espèce que la cessation définitive des fonctions de B Aa Ab n’est pas intervenue par suite de démission, ni de révocation, ni d’admission régulière à la retraite ;
Qu'elle est assimilable à un licenciement ;
Mais considérant que le licenciement pour fait de suppression d’emploi comme cela a été le cas de la requérante, ne peut être prononcé aux termes de l’article 159 point 4 de la loi n°86-013 du 26 février 1986 qu’en vertu de dispositions législatives de dégagement des cadres prévoyant notamment les conditions de préavis et d’indemnisation des intéressés ;
Que celui de la requérante est intervenu en l’absence d’une loi- cadre telle que prévue à l’article 159 point 4 de la loi n°86-013 du 26 février 1986 ;
Qu’il s’infère de l’interprétation combinée des dispositions constitutionnelle et législatives ci-dessus citées que le protocole d’accord dont se prévaut l’administration, fût-il un acte supra législatif, n’est pas exclusif du respect du bloc de légalité régissant la Fonction Publique ;
Qu’un licenciement acté en l’absence du préalable législatif prévu par le statut général des agents permanents de l’Etat, qui fixe les garanties fondamentales desdits agents, est entaché d’excès de pouvoir ;
Qu’en conséquence, il y a lieu d’annuler l’arrêté ministériel n°8361/MFPTRA/DPE/CAR-APFP portant radiation des effectifs de la Fonction Publique ;
Sur la condamnation de l’administration au paiement des dommages-intérêts
Considérant que la requérante demande la condamnation de l’administration à lui payer en réparation du préjudice subi du fait de sa radiation la somme de cent millions (100 000 000) de francs ;
Considérant que l’Agent judiciaire du trésor s’oppose à cette condamnation au motif que la requérante a déjà bénéficié d’une indemnisation dans le cadre de sa radiation ;
Considérant que la requérante n’a pas contredit l’administration au sujet de son indemnisation telle qu’elle a été prévue à l’article 2 de l’arrêté n°8361/MFPTRA/DPE/CAR-APFP du 15 octobre 1998 ;
Considérant qu’en exprimant une nouvelle demande d’indemnisation, la requérante vise le bénéfice d’une double réparation du même préjudice ;
Considérant qu’une telle demande ne repose pas sur un nouvel élément dont la Cour pourrait contrôler la pertinence :
Par ces motifs,
Décide :
Article 1°" : Le recours en date à Cotonou du 18 septembre 2012, de B Aa Ab tendant, d’une part, à l’annulation de l’arrêté n°8361/MTPTRA/DPE/CAR-APFP du 15 octobre 1998 portant sa radiation de la Fonction Publique et d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de cent millions (100.000.000) de francs, toutes causes de préjudices confondus, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est fondé en son volet tendant à l’annulation de l’arrêté n°8361/MTPTRA/DPE/CAR-APFP du 15 octobre 1998 ;
Article 3: L’arrêté n°8361/MTPTRA/DPE/CAR-APFP du 15 octobre 1998 est annulé avec toutes les conséquences de droit ;
Article 4: La demande tendant à la condamnation de l’Etat au payement de dommages et intérêts est rejetée ;
Article 5: Les frais sont mis à la charge du Trésor Public ;
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Rémy Yawo KODO, Conseiller à la Chambre administrative,
Dandi GNAMOU
et CONSEILLERS ; Césaire F.S. KPENONHOUN
Et prononcé à l’audience publique du vendredi six mars deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Saturnin D. AFATON, Avocat général,
Calixte A. DOSSOU-KOKO,
GREFFIER ;
Et ont signé :
Le Président Rapporteur, Le Greffier,
Rémy Yawo KODO Calixte A. DOSSOU-KOKO


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2012-108/CA2
Date de la décision : 06/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-03-06;2012.108.ca2 ?
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