DGM
N° 2015-72/CA; du Greffe
Arrêt du 22 mai 2020
AFFAIRE : ARIGBO C. Aa
MTFP — MEF — ETAT BENINOIS REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Porto-Novo du 1” avril 2015, enregistrée au greffe le 14 août 2015, sous le n°0698/GCS, par laquelle maître Bertin C. AMOUSSOU, avocat au barreau du Bénin et conseil de ARIGBO C. Aa, a saisi la Cour, aux fins de condamnation de l’Etat à lui payer d’une part, les moins perçus sur salaires sur la période courant de janvier 2001 à octobre 2005, d’autre part, la somme de quatre-vingt millions (80.000.000) FCFA pour toutes causes de préjudices confondus ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de
procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des comptes en République du Bénin modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu toutes les pièces du dossier ;
Le Conseiller Rémy Yawo KODO entendu en son L’avocat général Saturnin D. AFATON entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Sur la recevabilité du recours
Considérant qu’au soutien de son recours, le requérant expose que précédemment gendarme, il a bénéficié de l’Etat béninois, d’une bourse de formation en douane à l’Ecole Nationale d’Administration d’Abidjan de 1999 à 2001 ;
Que rentré de cette formation muni de son diplôme et mis à la disposition du ministère des Finances et de l’Economie le 16 juillet 2002 par le ministre en charge de la défense, il n’a jamais pu prendre service ;
Que nonobstant la relance du secrétariat général du gouvernement, contenue dans la lettre n°1287/SG/C du 08 novembre 2002 et les instructions du chef de l’Etat contenues dans la lettre n°114-C/DC/PR/CAB/CTAASD/SP du 09 octobre 2003, toutes adressées au ministre de la Fonction Publique, du Travail et de la Réforme Administrative, sa situation professionnelle est demeurée inchangée ;
Que face à la résistance de l’administration, il a saisi la Cour constitutionnelle qui, par décision DCC-05-128 du 25 octobre 2005, a jugé que le fait pour le ministre de la Fonction Publique de ne pas le mettre à la disposition du ministre de l’Economie et des Finances pour servir dans l’administration de la douane au même titre que les autres personnes se trouvant dans la même situation juridique que lui, constitue un traitement inégal et viole la Constitution ;
Que suite à cette décision, le ministère des Finances et de l’Economie lui a délivré le 27 octobre 2005, un certificat de prise de service et un titre d’affectation qui lui ont permis de prendre f 3
service à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ;
Que bien qu’en fonction à la DGDDI, il était toujours rémunéré comme gendarme ;
Que la période courant de 2001, année d’obtention de son diplôme de formation, à sa prise de service en 2005, «a été passée sous silence à son grand étonnement » ;
Que le 28 mars 2011, la DGDDI l’a subitement mis à la retraite avec pour date d’effet le 1” avril 2011 sous prétexte qu’il a accompli trente (30) ans de service ;
Qu’ayant perçu l’illégalité de la décision de son admission à la retraite, le ministre de la Fonction Publique a demandé à son homologue de l’Economie et des Finances, d’inviter son auteur à la rapporter ;
Que par suite, une commission interministérielle a été créée aux fins de régularisation de sa situation professionnelle et qu’à l’issue de ses travaux, le ministre de la Fonction Publique a pris l’arrêté n°557/MTFP/SGM/DGFP/DRSC/RSA-AFAB du 24 janvier 2012 le reversant au ministère de l’économie et des finances d’une part, le nommant et le reclassant dans le corps des inspecteurs des douanes d’autre part ;
Qu’il n’a commencé à percevoir son traitement en tant qu’agent civil de l’Etat qu’à compter du mois de février 2012 et
qu’il n’a pu reprendre service malgré le courrier adressé aussi
bien au directeur général des douanes et droits indirects (DDI),
(lettre du 20 mars 2012), qu’au ministre de l’Economie et des
Finances (lettre du 17 janvier 2013) ;
Que bien que sa situation administrative n’ait pas été
réglée et que l’Etat l’ait privé de son salaire de 2001 à 2005, un
ordre de recette a été émis contre lui (ordre de recette
n°112/SST/DS/A du 05 avril 2012) l’invitant à rétrocéder au
trésor public, la somme de 12.794.211 F perçue d'octobre 2005 à
janvier 2012 ; ik H.
Qu’il a subi de nombreux préjudices du fait de la mauvaise gestion de sa carrière et qu’il a saisi le ministre de la Fonction Publique, d’un recours hiérarchique ;
Considérant que l’Administration, à travers son conseil, maître Bastien SALAMI, soulève l’irrégularité de la formation suivie par le requérant en ce qu’elle n’est pas conforme au programme de spécialisation professionnelle, l’administration des douanes n’ayant aucun rapport avec les fonctions de gendarme ;
Qu'elle conclut non seulement à l’illégalité de la formation du requérant en douanes mais encore … sollicite (reconventionnellement) l’annulation de son reversement dans le corps des agents de douanes ;
Qu’elle soutient par ailleurs que Aa A a accompli trente années de service et était éligible à faire valoir ses droits à la retraite le 1” avril 2011, pour avoir été recruté le 02 janvier 1981 et conclut que la demande en condamnation de l’Etat béninois à lui payer quatre-vingts millions (80.000.000) FCFA à titre de dommages-intérêts est mal fondée et mérite rejet ;
Considérant que le recours a été exercé dans les forme et délai prévus par la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Sur la condamnation de l’Etat au paiement de moins
perçus sur salaires de janvier 2001 à octobre 2005
Considérant que le requérant demande la condamnation de l’Etat à lui payer l’équivalent des moins perçus sur salaires de
janvier 2001 à octobre 2005 ; A » 49 - 5
Qu’il soutient avoir achevé sa formation à l’Ecole Nationale d’Administration d’Abidjan en 2001 ;
Que contrairement à certains de ses collègues ayant suivi la même formation que lui en administration des douanes, il n’a pas été diligemment mis à la disposition du ministre des Finances et de l’Economie ;
Qu’il a fallu qu’il saisit le 17 janvier 2005 la Cour constitutionnelle pour que celle-ci rende la décision n°DCC-05- 128 du 25 octobre 2005 dont il ressort que : « Le fait pour le ministre de la fonction publique, du travail et de la réforme administrative de ne pas le (ARIGBO Aa) mettre à la disposition du ministre des Finances et de l’Economie pour servir dans l’administration de la douane, constitue un traitement inégal et viole la Constitution » :
Que par suite de cette décision, il lui a été délivré un certificat de prise de service et un titre d’affectation à la DGDDI en date du 27 octobre 2005 ;
Considérant que de 2001, année de son retour de formation au 27 octobre 2005, le requérant n’a pas exercé en tant qu’agent attitré des douanes ;
Que n’ayant pas eu pendant cette période la qualité d’agent de douanes, l’intéressé ne pouvait prétendre au bénéfice de moins perçus sur salaires ès qualités ;
Qu’il y a lieu de rejeter la demande ;
Sur la légalité du départ à la retraite de Aa
A
Considérant que le requérant conteste la légalité de sa mise
à la retraite à compter du 1” avril 2011 ;
Que l'intéressé n’invoque cependant aucun chef Considérant qu’il est constant que Aa A a été recruté en 1981 en qualité de gendarme, et qu’à la date du 30 mars 2011, l’intéressé a accompli trente ans de service ;
Que son admission à la retraite le 1“ avril 2011 est intervenue, conformément à la réglementation en vigueur ;
Qu’en tout état de cause, l’institution de commission interministérielle, aux fins de régularisation de sa situation professionnelle, régularisation consistant en son reversement, en sa nomination et en son reclassement dans le corps des inspecteurs des douanes, n’a pas vocation à allonger ses états de service ;
Qu’en conséquence, le moyen tiré de l’illégalité de la décision de mise à la retraite du requérant est inopérant ;
Qu’il y a lieu de le rejeter ;
Sur la condamnation de l’Etat aux dommages-intérêts
Considérant que le requérant sollicite la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de quatre-vingts millions (80.000.000F) pour toutes causes de préjudices confondus ;
Considérant qu’il est établi que l’intéressé n’a pas été mis à la disposition du ministre des Finances et de l’Economie pour servir dans l’administration des douanes sitôt sa formation achevée ;
Qu’il affirme que ce manquement lui a porté un préjudice tant matériel que moral ;
Mais considérant qu’une Commission interministérielle a été créée, aux fins de régularisation de la situation professionnelle du requérant et qu’à l’issue des travaux de ladite Commission, le ministre de la Fonction Publique a pris l’arrêté n°557/MTFP/SGM/DGFP/DRSC/RSA-AFAB du 24 janvier 2012 le reversant au Ministère de l’Economie et des Finances 7
d’une part, le nommant et le reclassant dans le corps des Inspecteurs des Douanes d’autre part ;
Que ce faisant, l’Administration l’a dédommagé du préjudice qu’elle lui a causé par une compensation financière constituée du paiement des moins-perçus sur salaires et des accessoires liés à la période de référence ;
Que la reconstitution de carrière opérée à son profit, a réparé le tort que lui a causé l’administration ;
Qu’il n’y a pas lieu, dans ces conditions, de faire droit aux réparations supplémentaires en somme d’argent, sollicitées par le requérant ;
Que la demande de condamnation de l’Etat au paiement de dommages-intérêts doit être rejetée ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1" Le recours en date à Porto-Novo du 1“ avril 2015, de ARIGBO C. Aa, tendant d’une part à la condamnation de l’Etat à lui payer les moins perçus sur salaires sur la période courant de janvier 2001 à octobre 2005, d’autre part au paiement de la somme de quatre-vingts millions (80.000.000) F CFA pour toutes causes de préjudices confondus, est recevable ;
Article 2: Ledit recours est rejeté ;
Article 3: Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 4: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre
administrative), composée de : \ / 8
Rémy Yawo KODO, Conseiller à la Chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Dandi GNAMOU
Et CONSEILLERS ; Césaire F. Ab B
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-deux mai deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus, en présence de :
Saturnin D. AFATON, Avocat général ;
MINISTERE PUBLIC ;
Calixte DOSSOU-KOKO ;
GREFFIER ;
Et ont signé,
Le Greffier,
Rémy Yawo KODO Calixte DOSSOU-KOKO