N° 2020-12/CJ-P du greffe ; Arrêt du 29 mai 2020 ; Ministère public c. Af Y et Ae A
La Cour,
Vu la lettre en date à Porto-Novo du 25 mai 2020 enregistrée au secrétariat de la chambre judiciaire de la Cour suprême le même jour sous le n°613 par laquelle le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) a adressé au président de la chambre judiciaire, conformément aux dispositions de l’article 634 du code de procédure pénale, requête aux fins de désignation de la juridiction devant statuer sur les faits de corruption, d’intelligence avec une organisation terroriste et d’abus de fonction dont les magistrats Af Y et Ae A respectivement procureur de la République et substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Kandi sont susceptibles d’être poursuivis ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2012-15 du 18 mars 2013 modifiée et complétée par la loi n° 2018-14 du 02 juillet 2018 portant code de procédure pénale ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience en chambre de conseil du vendredi 29 mai 2020, le conseiller Michèle O. A. X A en son rapport ;
Ouï le procureur général Ac Aa C en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que par lettre en date à Porto-Novo du 25 mai 2020 enregistrée au secrétariat de la chambre judiciaire de la Cour suprême le même jour sous le n°613, le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) a adressé au président de la chambre judiciaire, conformément aux dispositions de l’article 634 du code de procédure pénale, requête aux fins de désignation de la juridiction devant statuer sur les faits de corruption, d’intelligence avec une organisation terroriste et d’abus de fonction dont les magistrats Af Y et Ae A respectivement procureur de la République et substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Kandi sont susceptibles d’être poursuivis ;
EN LA FORME
Attendu que la requête du procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) est recevable, l’article 634 alinéa 1 du code de procédure pénale ne prescrivant de forme à suivre que la présentation sans délai d’une requête à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu qu’au soutien de sa requête le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) expose que le jeudi 07 mai 2020, le nommé B Ab a été retrouvé et interpellé dans le parc national W dans une zone reculée et inaccessible aux populations civiles riveraines et située à environ 25 kilomètres de la frontière avec le Burkina-Faso et 80 kilomètres de celle avec le Ad ;
Qu’interpellé, il a déclaré avoir appartenu à une organisation terroriste dont il se serait soustrait en raison des actes de violence que pose ce groupe ;
Qu’il a été alors mis à la disposition du commissariat d’arrondissement de Ag pour enquête ;
Que présenté au parquet le 11 mai 2020, il a été reçu par Ae A, substitut du procureur de la République à qui le procureur de la République Af Y, quoique présent a affecté le dossier, lui-même étant indisponible pour raison de santé ;
Que le substitut a classé ladite procédure sans suite ;
Qu’une enquête de police judiciaire a alors été ouverte contre les autorités d’enquête et de poursuite ayant connu et apprécié cette procédure en méconnaissance des dispositions de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 relative à la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;
DISCUSSION
Attendu que l’article 634 du code de procédure pénale dispose : « Lorsqu’un membre de la Cour suprême, un magistrat de l’ordre judiciaire, un juge de l’ordre administratif ou un préfet est susceptible d’être inculpé d’un crime ou d’un délit commis dans, hors ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi de l’affaire, présente requête à la chambre judiciaire de la Cour suprême qui procède et statue comme en matière de règlement de juge et désigne la juridiction de première instance chargée de l’instruction ou du jugement de l’affaire.
La chambre judiciaire doit se prononcer dans la huitaine qui suit le jour où la requête lui est parvenue. La procédure ordinaire est suivie. » ;
Que l’application dudit article suppose la réunion des conditions ci-après :
la qualité de membre de la Cour suprême, de magistrat de l’ordre judiciaire, ou juge de l’ordre administratif ou préfet ;
la commission de l’infraction dans, hors ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ;
Attendu qu’en l’espèce, Af Y et Ae A sont magistrats de l’ordre judiciaire respectivement procureur de la République et substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Kandi ;
Que les infractions commises, si elles étaient avérées, auraient été commises dans l’exercice de leurs fonctions ;
Que les conditions légales sont donc réunies et autorisent à accorder aux intéressés le privilège de juridiction prévu à l’article 634 du code de procédure pénale ;
Qu’au surplus, conformément à l’article 5 alinéas 3 et 6 nouveau de la loi n°2020-07 du 07 février 2020 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin telle que modifiée par la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 relative à la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), les faits de terrorisme et les infractions connexes d’abus de fonction, de corruption d’agents publics dont sont susceptibles d’être poursuivis les susnommés, ressortissent à la compétence exclusive de cette cour qui du reste est déjà saisie de la procédure ;
Que pour une bonne administration de la justice, il convient de désigner la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) comme juridiction chargée de l’instruction et /ou du jugement des faits de corruption, d’intelligence avec une organisation terroriste et d’abus de fonction dont Af Y et Ae A, magistrats, respectivement procureur de la République et substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Kandi sont susceptibles d’être inculpés et de dire que la juridiction ainsi désignée sera également compétente à l’égard de tous les acteurs ou co-auteurs impliqués dans la même procédure ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme la requête du procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;
Au fond, désigne la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) comme juridiction chargée de l’instruction et ou du jugement des faits de corruption, d’intelligence avec une organisation terroriste et d’abus de fonction dont Af Y et Ae A, magistrats, respectivement procureur de la République et substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Kandi sont susceptibles d’être inculpés ;
Dit que cette juridiction sera également compétente à l’égard de tous co-auteurs ou complices desdits faits ;
Met les frais à la charge du Trésor public ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;
Ordonne la transmission du dossier au procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;