AAG
N°91/CA du répertoire
N°2013-99/CA1 du greffe
Arrêt du 04 juin 2020
AFFAIRE : Ad A Ab née EGLO
Ministère de l’Economie et des
Finances (MEF) REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
La Cour,
Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 29 juillet 2013, enregistrée au greffe de la Cour le 05 août 2013 sous le numéro 904/GCS, par laquelle, ADJAVON B. Ab née EGLO, assistée de maître Edgar-Yves MONNOU, avocat au barreau du Bénin, a saisi la haute Juridiction d’un recours de plein contentieux tendant à voir ordonner à son profit, la liquidation par le Ministère de l’économie et des finances (MEF), de la pension de retraite de son feu mari et le versement du montant de vingt millions (20.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Le président Victor Dassi ADOSSOU entendu en son rapport et l’avocat général Nicolas Pierre BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré } conformément à la loi # ;
En la forme
Sur la recevabilité
Considérant que la requérante expose
Que dans le cadre de la constitution du dossier de pension de réversion, après le décès de son mari le 02 mai 2002, il lui a été exigé l’obtention d’un jugement d’homologation de procès-verbal de conseil de famille ;
Qu’à la séance pour désigner les liquidateurs de la succession de son feu mari, la nommée Aa Ae A, fille d’un autre lit du de cujus, a rejeté toute proposition de désignation d’un liquidateur et a saisi le tribunal de première instance de première classe de Cotonou aux fins de licitation-partage ;
Que cette procédure a bloqué le cours normal du conseil de famille, créant du coup un litige entre les membres de la famille et surtout entre les héritiers ;
Que ce n’est qu’au cours de l’année 2008 qu’un consensus a été trouvé entre dame Aa Ae A et les autres membres de la famille ;
Qu’en réponse à son courrier en date du 11 février 2011 relatif à la liquidation de la pension de veuvage, le directeur de cabinet du Ministère de l’économie et des finances a rappelé les dispositions de l’article 40 du code des pensions, prétextant d’une part de la tardiveté de la demande et d’autre part, de ce que le malentendu évoqué et la saisine de la chambre des biens du tribunal n’avaient aucun lien avec les droits à pension de la veuve et des orphelins mineurs ;
Que le rejet de sa demande par le directeur de cabinet du Ministre de l’économie et des finances lui a fait des torts dont elle réclame réparation ;
Que c’est alors qu’elle s’est résolue à adresser, suivant lettre en date du 12 avril 2013, une requête au ministre en charge des finances, pour voir réparer tous les torts et griefs que lui a causé le rejet de sa demande par le directeur de cabinet dudit ministère ;
Que suite au silence gardé par le ministre pendant deux (02) mois, elle saisit la haute juridiction administrative pour obtenir Considérant que le recours a été introduit dans les forme et délai légaux ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Considérant que la requérante soulève le moyen unique de la mauvaise interprétation de l’article 40 du code des pensions par l’administration ;
Qu'elle relève en effet que le législateur, en y faisant la mention de litige, n’a spécifié ni la nature du litige ni ses protagonistes ou
Que le silence du législateur sur ce point laisse une ouverture à l’interprétation de cet article ;
Sur l’interprétation de l’article 40 du code de pensions
Considérant que l’article 40 du code des pensions dispose :
« Toute demande de pension ou de rente viagère d’invalidité doit, sous peine de déchéance, être présentée dans un délai de cinq (05) ans, à partir pour le titulaire, du jour où il a reçu notification de sa mise à la retraite, et pour le veuf ou la veuve et les orphelins, du jour du décès de l’agent permanent de l’Etat civil ou militaire et en cas de litige du jour où la décision de justice sera devenue définitive » ;
Considérant que la requérante soutient que c’est sur la base d’une mauvaise interprétation de l’article 40 précité que l’administration a déclaré forclose sa demande de pension de réversion au motif que le malentendu né entre les héritiers et ayant conduit à la saisine de la chambre des biens du tribunal de première instance de Cotonou n’a aucun lien avec les droits à pension de la veuve et des orphelins mineurs ;
Considérant que l’administration oppose la déchéance de l’action de la demanderesse fondée sur l’article 40 supra cité ;
Qu'elle relève que le malentendu évoqué et la saisine de la chambre des biens n’ont point de lien avec les droits à pension de la veuve et des orphelins mineurs :
Considérant qu’il ressort du dossier que le malentendu évoqué a bloqué la tenue du conseil de famille devant aboutir à la prise par le tribunal du jugement d’homologation du procès-verbal de délibération du conseil de famille, pièce à joindre à la demande de pension de veuvage et dont l’obtention était rendue impossible ;
Que l’existence du litige généré par ce malentendu est prouvée au dossier par la production de l’attestation d’instance de la procédure n°04/2005, en licitation-partage opposant Aa Ae A à dame B Ab Af, et les héritiers de feu A Ac ;
Considérant que l’article 40 dispose que les demandes de pension des veuves ou des veufs sont exigibles dans un délai de cinq (05) ans à partir du jour du décès de l’agent permanent de l’Etat civil ou militaire et en cas de litige, du jour où la décision de justice sera devenue définitive ;
Considérant qu’en l’espèce, la preuve du litige évoqué par la requérante n’est pas faite sur la production d’une décision de justice devenue définitive ;
Que la demande de pension a été formulée à la faveur d’un consensus intervenu entre les héritiers à fin 2008 et qui a rendu possible la tenue du conseil de famille et l’obtention du jugement d’homologation y afférent ;
Considérant au demeurant qu’il y a un malentendu entre les héritiers, malentendu dont a été saisi le tribunal de première instance de Cotonou ;
Que le blocage occasionné par une telle situation est suffisant pour admettre l’existence d’un litige au sens de l’article 40 ;
Considérant que la procédure n°4/2005 en licitation-partage opposant, ADJAVON Dédé Aimée, fille d’un autre lit, à veuve ADJAVON B. Ab et autres héritiers de feu A Ac, est prouvée par l’attestation d’instance délivrée le 09 novembre 2010 par le greffier en chef du tribunal de première instance de Cotonou ;
Que cette instance, expression d’un malentendu entre héritiers, ne pouvait permettre à la veuve d’obtenir le jugement d’homologation du procès-verbal de délibération du conseil de famille, pièce essentielle, entre autres, qu’elle doit produire dans le dossier de pension de réversion ;
Qu’en effet, le procès-verbal du conseil de famille n’a pu être établi que le 31 janvier 2008, comme fruit du consensus des héritiers :
Considérant que le jugement d’homologation n°49/2009 est en date du 25 juin 2009 et que le certificat de non appel n°324/2012/GTC est produit au 21 mai 2012 ;
Que le retard dans la production de ces actes nécessaires à la constitution du dossier de pension de veuve ADJAVON B. Ab n’est pas imputable à l’administration ;
Qu’il n’y a pas lieu à condamnation de l’administration au paiement de dommages-intérêts ;
Qu’en conséquence, il convient de déclarer le recours partiellement fondé et d’ordonner la liquidation par le ministère en charge des finances de la pension de réversion de Ac A ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1°" : Le recours en date à Cotonou du 29 juillet 2013 de veuve ADJAVON B. Ab née EGLO, tendant d’une part, à la liquidation par le Ministère de l’économie et des finances, de la pension de réversion de son feu époux Ac A et d’autre part, au paiement du montant de vingt millions (20.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est partiellement fondé ;
Article 3 : Il est ordonné, la liquidation par le ministère en charge des finances de la pension de réversion de Ac A ;
Article 4 : Le reste de la demande est rejeté ;
Article 5 : Les frais sont mis à la charge du trésor public ;
Article 6 _: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, président de la chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Rémy Yawo KODO
et CONSEILLERS ;
Dandi GNAMOU
Et prononcé à l’audience publique du jeudi quatre juin deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE,
GREFFIER ;
Et ont signé :
Le président rappefteu A Le greffier,
r Dassi ADOSSOU Gédéon Affouda AKPONE