N°081/CA du Répertoire
N° 2018-19/CA1 du Greffe
Arrêt du 04 juin 2020
AFFAIRE :
AKPO BIAOU Affouda Yémalin
Président de la République
et deux autres REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
Arnaud La Cour,
Vu la requête introductive d’instance en date à Zè du 21 juin 2018, enregistrée au greffe de la Cour suprême le 21 juin 2018 sous le n°0723/GCS et au secrétariat de la Chambre administrative le même jour sous le n°881, par laquelle AKPO BIAOU Affouda Yémalin Arnaud, a saisi la Haute Juridiction d’un recours en modification du décret n°2017- 552 du 29 novembre 2017 pour permettre son reclassement en catégorie A, dans le corps des officiers ingénieurs des eaux, forêts et chasse ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin, modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Le Conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport ;
L’Avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité du recours
Considérant que le requérant expose :
Que fonctionnaire des eaux, forêts et chasse, il était inscrit sur le plan de formation triennal 2013-1015 du ministère en charge des eaux, forêts et chasse au titre de l’année 2014 ;
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Qu’ayant fini ladite formation le 18 août 2014 sanctionnée par un diplôme de master après promulgation de la loi n°2015-20 du 19 juin 2015, il devrait être reclassé dans la catégorie des officiers ingénieurs des eaux-forêts et chasse par le ministère en charge de la fonction publique comme le prescrivent les textes d’alors ;
Que dans la prise de ce décret, il n’a été tenu compte que d’une partie des agents en stage avant l’avènement de la nouvelle loi ;
Qu'’étant tous mis en stage avant la nouvelle loi ainsi que son décret d’application, ils devraient être traités de manière égale ;
Que son stage de formation était déjà en cours avant l’avènement de la loi ;
Que sa mise en formation répondant aux besoins de l’Administration et intervenue postérieurement à l’adoption de la loi et son décret d’application, le reclassement constitue pour lui un droit acquis ;
Que l’Administration est restée muette sur sa demande d’établissement d’acte constatant son retour de stage ;
Qu’il sollicite l’indulgence de la Cour afin d’être rétabli dans ses droits ;
Considérant que l’Administration soulève l’irrecevabilité du recours tirée du non respect de l’article 827 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes qui dispose :
« Le délai du recours pour excès de pouvoir est de deux (02) mois.
Ce délai court de la date de publication ou de notification de la décision attaquées.
Avant de se pourvoir contre une décision individuelle, le demandeur doit présenter un recours hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision.
Le silence gardé plus de deux (02) mois par l'autorité compétente pour le recours hiérarchique ou gracieux vaut décision de rejet.
Le demandeur dispose pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux (02) mois à compter du jour de l'expiration de la période de deux (02) mois sus-mentionnée. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux (2) mois, elle fait à nouveau courir le délai de recours.
Les délais prévus pour introduire le recours ne commencent à courir que du jour de la notification de la décision de rejet du recours gracieux 3
ou à l'expiration du délai de deux (02) mois prévu à l'alinéa précédent. » ;
Qu'elle considère que le requérant a formé un recours juridictionnel le 21 juin 2018, alors qu’il a saisi le Président de la République le 23 janvier 2018 et que le 22 mars, les deux mois accordés au Président de la République étant expiré, la saisine du juge était possible au plus tard au 23 mai 2018 ;
Qu’en saisissant la Cour suprême le 21 juin, AKPO BIAOU Affouda est forclos ;
Considérant que le requérant se prévaut de l’article 25 du décret 2016-155 du 17 mars 2016 portant règlement des services et discipline générale dans l’administration des eaux, forêts et chasse ;
Qu’aux termes de cet article, « fout fonctionnaire des eaux, forêts et chasse qui estime avoir à se plaindre d’un acte administratif pris à son encontre, peut, par recours gracieux, adresser une réclamation écrite à l'autorité qui a pris la décision dans un délai de deux (02) mois pour compter du jour de la notification de l'acte. En cas de fin de non-recevoir, ou de non valoir, le fonctionnaire des eaux, forêts et chasse dispose d’un délai de deux mois pour compter de la date de notification du rejet pour engager le recours hiérarchique adressé à l'autorité immédiatement
Si l'intéressé n’a pas obtenu satisfaction après les recours administratifs (recours gracieux et recours hiérarchique) il peut, s’il le désire, engager des actes juridictionnels. Il adresse à cet effet, dans un délai de deux mois un recours pour excès de pouvoir au Président de la Cour suprême (Chambre administrative) pour demander l'annulation de l'acte incriminé ou par un recours de plein contentieux ou de pleine juridiction pour demander réparation des préjudices subis. (….) » ;
Qu’il considère, au vu de cette disposition, qu’aucun recours contentieux n’est recevable en l’absence du respect de la condition de l’exercice, de façon successive, des recours gracieux et hiérarchique ;
Que cette prescription du décret n°2016-155 du 17 mars 2016 portant règlement des services et discipline générale dans l’Administration des eaux-forêts et chasse, différente des règles classiques applicables devant la Chambre administrative ne saurait faire l’objet d’une interprétation qui lui soit préjudiciable ;
Qu’ainsi les délais fixés aux forestiers sont des règles spécifiques ;
Que son recours est introduit dans les forme et délai de la loi ;
Considérant, pour la Cour, que l’article 25 du décret 2016-155 du 17 mars 2016 portant règlement des services et discipline générale dans 4
l’Administration des eaux, forêts et chasse pose des règles spécifiques applicables aux recours des personnels de ladite Administration ;
Qu’en effet, ces dispositions spécifiques priment au regard du principe de la ex specéalis ;
Mais considérant qu’il convient de distinguer le recours contre un acte individuel portant grief de celui dirigé contre un acte réglementaire ;
Qu’un acte individuel est destiné à produire ses effets au profit ou à l’encontre d’un destinataire bien déterminé ou de plusieurs destinataires nommément désignés ;
Que sa portée individuelle le distingue de celle de l’acte réglementaire qui elle, est générale et impersonnelle ;
Que l’article 25 du décret 2016-155 du 17 mars 2016 portant règlement des services et discipline générale dans l’Administration des eaux, forêts et chasse pose effectivement une procédure spécifique applicable aux recours des personnels des eaux, forêts et chasse ;
Que cette procédure est dérogatoire au droit commun ;
Que pour autant, il s’agit d’une procédure qui concerne les cas où «tout fonctionnaire des eaux, forêts et chasse qui estime avoir à se plaindre d’un acte administratif pris à son encontre » ;
Qu’ainsi, la procédure fixée à l’article 25 concerne les actes individuels, donc destinés à produire des effets au profit ou à l’encontre de personnes bien déterminées ou individualisées ;
Que tel n’est pas le cas du décret n°2017-552 du 29 novembre 2017 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux-forêts et chasse, qui a une portée générale et impersonnelle et ne saurait donc s’analyser en un acte individuel en ce qu’il ne s’adresse pas à des personnes nommément désignées ;
Qu’en l’espèce, le requérant a formé un recours gracieux contre le décret n°2016-147 qui a été modifié par le décret n°2017-552 du 29 novembre 2017 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux-forêts et chasse ;
Considérant que le décret n°2017-552 du 29 novembre 2017 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux-forêts et chasse est un acte réglementaire ;
Qu'il est soumis à la procédure de droit commun fixée à l’article 827 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes qui dispose : « Le délai de recours pour excès de pouvoir est de deux mois. Ce délai court de la date de publication de la décision attaquée
ou de la date de la notification. sp Avant de se pourvoir contre une décision individuelle, les intéressés doivent présenter un recours hiérarchique, ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision.
Le silence gardé plus de deux mois par l'autorité compétente sur le recours hiérarchique ou gracieux vaut décision de rejet.
Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite d’un délai de deux mois à compter du jour de l’expiration de la période de deux mois susmentionnée. Néanmoins lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai de pourvoi.
Les délais prévus pour introduire le recours ne commencent à courir que du jour de la notification de la décision de rejet du recours gracieux ou à l’expiration du délai de deux mois prévu à l'alinéa précédent. » ;
Considérant que la jurisprudence constante de la Cour exige, avant tout recours juridictionnel, que le requérant forme un recours hiérarchique ou gracieux ;
Considérant que le décret n°2017-552 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux-forêts et chasse est daté du 29 novembre 2017 ;
Que le requérant en a une connaissance acquise depuis le 11 janvier 2018, le décret ayant fait l’objet d’une large diffusion à la direction générale des eaux et forêts ;
Considérant que le recours contentieux du requérant introduit le 21 juin 2018 après l’exercice du recours gracieux en date du 23 janvier 2018 est manifestement tardif ;
Qu’il y a lieu de le déclarer irrecevable pour cause de tardiveté ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1” : Le recours en date à Zè du 21 juin 2018 de AKPO BIAOU Affouda Yémalin Arnaud, tendant à la modification du décret n°2017-552 du 29 novembre 2017 portant modification du décret n°2016- 147 du 17 mars 2016 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux-forêts et chasse en ses articles 93 et 94 pour permettre son reclassement en catégorie A, dans le corps des officiers ingénieurs des eaux, forêts et chasse, est irrecevable ;
Article 2 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur
général près la Cour suprême. / a SF 6
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre administrative,
PRESIDENT;
Remy Yawo KODO
et CONSEILLERS ;
Dandi GNAMOU
Et prononcé à l’audience publique du jeudi quatre juin deux mille vingt ; la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, Avocat général,
Gédéon Affouda AKPONE,
GREFFIER ;
Et ont signé :
Le Président, Le Rapporteur,
Viétor Dassi ADÔSSOU Pre Dandi GNAMOU
Le Greffier,
Gédéon Affouda AKPONE