N° 12/CJ-CM du Répertoire ; N° 2012-03/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 12 juin 2020 ; Af Ad X (Me Montand AÏKPON) C/ Ab Y née SOGAN
Procédure civile – Principe de la territorialité des lois – Cassation (Oui).
Procèdent à une mauvaise application de la loi, les juges d’appel qui méconnaissent le principe de la territorialité des lois et font application de dispositions législatives non promulguées au Bénin et donc non applicables au cas à eux soumis.
La Cour,
Vu l’acte n°03/11 du 23 mars 2011 du greffe de la cour d’appel d’Aa par lequel maître Montand AÏKPON, conseil de Af Ad X, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°02/CM-11 rendu le 03 février 2011 par la chambre civile moderne de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 12 juin 2020 le conseiller Michèle CARRENA ADOSSOU en son rapport ;
Ouï l’avocat général Saturnin D. AFATON en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°03/11 du 23 mars 2011 du greffe de la cour d’appel d’Aa, maître Montand AÏKPON, conseil de Af Ad X, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°02/CM-11 rendu le 03 février 2011 par la chambre civile moderne de cette cour ;
Que par lettre n°0311/GCS du greffe de la Cour suprême, maître Montand AÏKPON a été mis en demeure sous peine de déchéance, d’avoir à consigner dans un délai de quinze (15) jours et à produire son mémoire ampliatif dans un délai d’un (01) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 6 et 12 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Que la consignation a été payée et le mémoire ampliatif produit ;
Qu’en revanche, le mémoire en défense n’a pas été produit malgré la mise en demeure adressée à la défenderesse par lettre n°1250/GCS du 09 mai 2012 du greffe de la Cour suprême ;
Que le parquet général a pris ses conclusions lesquelles ont été transmises aux parties pour leurs observations ;
Que maître Montand AÏKPON par correspondance du 27 février 2020, a acquiescé auxdites conclusions ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il convient de la déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et Procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Af Ad X se prétendant propriétaire d’une parcelle sise à Ae, quartier Atchomè à Bohicon, a contesté la vente qui aurait été consentie par Ac A à Ab Y née C courant 1980 ;
Qu’il a alors été convoqué puis gardé à vue au commissariat de Bohicon pendant 08 jours et n’a recouvré sa liberté qu’après avoir signé un engagement dans les locaux de cette unité de police ;
Que ce document a été par la suite utilisé dans une procédure traditionnelle (Biens) engagée contre lui par Ab Y née SOGAN ;
Que par exploit du 03 juillet 2006, Af Ad X a saisi le tribunal d’Aa statuant en matière civile moderne en annulation de cet engagement signé le 03 février 1983 dans les locaux du commissariat de Bohicon et en condamnation de Ab Y née SOGAN à lui payer des dommages intérêts ;
Que par jugement n°37/09-CM du 29 mars 2009, le tribunal saisi a déclaré son action irrecevable ;
Que sur appel de Af Ad X, la cour d’appel d’Aa a, par arrêt n°2/CM-11 du 03 février 2011, confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Que c’est cet arrêt confirmatif qui fait l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi en ses deux (02) branches réunies
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’une part, d’avoir violé le principe de la territorialité des lois, en ce que, pour conclure à la forclusion du demandeur au pourvoi en son action et confirmer le jugement entrepris, la cour d’appel a fondé sa décision sur la prescription de dix (10) ans édictée par l’article 1304 du code civil tiré de la loi du 18 février 1938 ; d’autre part, d’avoir, en adoptant des motivations fondées sur les textes inappropriés, fait application de l’article 1304 du code civil tiré de la loi n°68-05 du 03 janvier 1968 en France, alors que, selon les deux (02) branches réunies du moyen unique, - d’une part, les dispositions législatives modifiant une loi applicable dans un territoire d’Outre-mer ne sont applicables dans ce territoire que si elles ont elles-mêmes été étendues à ce territoire par une disposition expresse ; que le 18 février 1938, le Dahomey était encore une des colonies de la République française, et tout décret d’application d’une loi française devant, en vue de son application dans les colonies, prévoir l’extension de l’application de l’article 1304 de la loi du 18 février 1938 modifiant le code civil métropolitain, à la colonie du Dahomey, c’est à tort que les juges de la cour d’appel l’ont appliqué à une situation qu’il ne devait pas régir ; - d’autre part, la loi n°68-05 du 03 janvier 1968 en France est inapplicable pour avoir été prise plus de huit (08) années après l’indépendance du Dahomey intervenue le 1er août 1960 et aucune preuve de ce qu’elle a été ratifiée par le parlement dahoméen ou béninois n’est rapportée ; que seul s’applique alors, l’article 2262 du code civil napoléonien, qui prévoit une prescription d’ordre général qui s’applique à toutes les actions en nullité et d’ordre public et même aux actions en réparation de dommages subis ou en réclamation de dommages intérêts, intentées devant le tribunal civil ;
Qu’ayant fait application de dispositions légales inappropriées, l’arrêt attaqué encourt cassation ;
Attendu en effet que l’arrêt attaqué a déclaré prescrite l’action en nullité et en dommages et intérêts de Af Ad X par application de l’article 1304 du code civil pris, soit de la loi du 18 février 1938, soit de la loi n°68-05 du 03 janvier 1968 non promulguées au Bénin donc non applicables au cas d’espèce ;
Qu’en statuant ainsi qu’elle l’a fait, pour confirmer le jugement entrepris, la cour d’appel a fait une mauvaise application de la loi ;
Que l’arrêt attaqué mérite cassation de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Au fond, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°02/CM rendu le 03 février 2011 par la chambre civile moderne de la cour d’appel d’Aa ;
Renvoie la cause et les parties devant la même cour d’appel autrement composée ;
Met les frais à la charge du Trésor public ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel d’Aa ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Michèle CARRENA ADOSSOU, conseiller à la chambre judiciaire ; PRESIDENT;
Isabelle SAGBOHAN et Antoine GOUHOUEDE, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi douze juin deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Saturnin D. AFATON, AVOCAT GENERAL ;
Djèwekpégo Paul ASSOGBA, GREFFIER ;
Et ont signé :
Le président-rapporteur Le greffier.
Michèle CARRENA ADOSSOU Djèwekpégo Paul ASSOGBA