N°101/CA du Répertoire
N° 2004-121/CA1 du Greffe
Arrêt du 18 juin 2020
AFFAIRE :
- B Ab Constant
-WOROU Théophile
-Ministère de l’Economie et (MEF)
-Etat béninois REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
des Finances La Cour,
Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif non datée, enregistrée au secrétariat de la chambre administrative le 26 août 2004 sous le n°893/CS/CA, par laquelle Gaspard Constant B et Aa A, tous anciens administrateurs de la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA), assistés de maître Narcisse Raymond ADAJAÏ, avocat au barreau du Bénin, ont saisi la haute Juridiction d’un recours tendant à la contestation des modalités de calcul des primes et indemnités entrant dans le cadre de la mise en œuvre des décisions du conseil des ministres du 18 décembre 2002 les concernant, et au paiement des dommages-intérêts de vingt-cinq millions (25.000.000) de francs à chacun ;
Vu la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême :
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier :
Le Conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport et l’avocat général Nicolas Pierre BIAO en ses conclusions ;
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Après en avoir délibéré conformément à la loi :
En la forme
Sur la recevabilité
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que B Ab Constant et A Aa, anciens administrateurs de la SONAPRA, ont été relevés de leur poste suite à la dissolution du conseil d’administration de ladite société par le conseil des ministres en sa séance du 30 septembre 1998 ;
Que par arrêt n°13/CA du 05 avril 2001, la chambre administrative de la Cour suprême a annulé la décision du conseil des ministres ;
Qu’en exécution de cet arrêt et de la décision du conseil des ministres du 18 octobre 2002, le ministre en charge des finances a procédé à l’évaluation de l’incidence financière et tous les administrateurs concernés ont été réhabilités par le conseil des ministres en sa séance du 18 décembre 2002 ;
Que les indemnités réglementaires auxquelles tous les membres du conseil d’administration de la SONAPRA devraient bénéficier durant toute la période de dissolution du conseil d’administration leur ont été payées ;
Que par la suite, B Ab Constant et A Aa, ont saisi le ministre en charge des finances d’un recours préalable pour demander la correction de certaines omissions d’un montant total de dix millions sept cent quarante mille sept cent quatorze (10.740.714) francs pour B Ab Constant et quatre millions cent soixante-six mille cent quatre-vingt-dix (4.166.190) francs pour A Aa et le paiement au profit de chacun d’eux, de la somme de vingt-cinq millions (25.000.000) de francs au titre des dommages-intérêts ;
Considérant que les requérants soutiennent que l’Etat, en refusant de faire droit à leur demande viole l’autorité de la chose jugée, notamment l’arrêt n°13/CA du 05 avril 2001 rendu par la chambre administrative de la Cour suprême et qui a annulé la décision du conseil des ministres ;
Qu’en décidant de les réhabiliter, l’Etat a créé à leur profit des droits acquis et que la période de calcul de ses droits s’étend au-delà de la date limite de la durée légale de leur mandat ;
Que l'évaluation financière de leurs indemnités ne devrait pas se limiter à la date limite de la durée légale de leur mandat mais jusqu’au 18 décembre 2002, date à laquelle le conseil des ministres a statué sur le dossier ;
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Que les préjudices moraux et financiers subis du fait de la dissolution pour « mauvaise gestion » sont graves du fait des commentaires humiliants de la presse à ce propos ;
Considérant que les requérants sollicitent d’une part la correction d’erreur matérielle dans le calcul des indemnités pour la période allant jusqu’à la fin de la période légale du mandat d’administrateur de la SONAPRA, d’autre part des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis ;
Qu’ils n’ont pas formulé dans le recours administratif préalable en date du 18 avril 2003, la demande d’indemnisation pour la période complémentaire du 16 août 2000 au 18 décembre 2002 ;
Que n’ayant pas mis l’administration en situation de se prononcer sur l’indemnisation au cours de cette période, le contentieux n’est pas lié ;
Qu’il convient de déclarer le recours recevable seulement en ce qui concerne la correction de l’erreur matérielle dans le calcul des indemnités pour la période allant jusqu’à la fin de la période légale du mandat d’administrateur de la SONAPRA et la condamnation à des dommages-
Au fond
Sur la correction des erreurs matérielles dans le calcul des
indemnités
Considérant que B Ab Constant et A Aa sollicitent la correction d’une erreur matérielle dans le calcul de leurs indemnités suite à leur réhabilitation par le conseil des ministres ;
Considérant que l’agent judiciaire du Trésor oppose aux requérants dans son mémoire en défense du 04 décembre 2019, la satisfaction qui leur a été donnée par le ministre en charge des finances comme en témoignent des pièces y relatives versées au dossier ;
Que cette demande est par conséquent devenue sans objet ;
Considérant que par lettre n°2532/MFE/CAB/SGM/DGB/ DEB/SDCNR/DDNRP du 03 juin 2004 portant correction d’une erreur matérielle dans le cadre de la réhabilitation des anciens administrateurs de la SONAPRA relevés de leurs fonctions et par décision 2004 n°709/MFE/CAB/SGM/DGB/DEB/SDCNR/ DDNRP du 09 juin 2004 autorisant respectivement le remboursement de la somme de dix millions sept cent quarante mille sept cent quatorze (10.740.714) francs pour B Ab Constant et quatre millions cent soixante-six mille cent quatre- 4
vingt-dix (4.166.190) francs pour A Aa, les requérants ont effectivement obtenu satisfaction de cette demande ;
Qu’il n’y pas lieu à statuer ;
Sur les dommages-intérêts
Considérant que les requérants demandent la condamnation de l’Etat au paiement de vingt-cinq millions (25.000.000) de francs au titre des dommages-intérêts au profit de chacun d’eux ;
Considérant que l’administration objecte que les omissions sur le calcul des indemnités ont été corrigées à la satisfaction des requérants ;
Que la demande de paiement sur la période complémentaire n’est pas justifiée, l’allocation compensatrice couvre la durée légale du mandat des membres du conseil d’administration ;
Considérant que les dommages-intérêts sont versés pour réparer des préjudices causés à un individu ;
Que ce préjudice peut être moral, corporel ou matériel ;
Considérant que les requérants allèguent de préjudices matériels et moraux ;
Qu’en l’espèce, le préjudice matériel est financier en ce que les requérants visent les primes et indemnités liées à leurs postes de
Mais considérant que le préjudice financier a fait l’objet d’une réparation, l’administration ayant payé en intégralité les indemnités qui auraient dû être versées pendant la période légale de leur mandat, en qualité d’administrateurs et au titre de leurs fonctions dans les ministères ;
Considérant que le préjudice moral, est une atteinte au bien-être affectif, à l’honneur ou à la réputation ;
Que pour réparer un préjudice, il faut en être responsable ;
Que les requérants ont été relevés de leurs fonctions par le conseil des ministres ;
Qu’en l’espèce, le relevé du conseil des ministres souligne «l'extrême gravité des faits établis dans le présent rapport, confirme la carence des membres du conseil d’Administration de la SONAPRA et leur inaptitude aux charges que leur a confiées l’Etat » ;
Que les termes humiliants dont se plaignent les requérants, sont, de l’aveu même de ces derniers, ceux de la presse ;
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Que ces commentaires ne sauraient dès lors être attribuables au conseil des ministres ;
Considérant cependant que, le conseil des ministres en relevant de leurs fonctions les requérants sans respecter le principe du contradictoire, a commis une faute ;
Que l’Etat en a été condamné par la Cour suprême par arrêt n°13/CA du 05 avril 2001 pour n’avoir pas respecté les droits de la défense ;
Que prenant acte de cette condamnation, le conseil des ministres a, le 21 novembre 2002, réhabilité publiquement les administrateurs en question ;
Que le ministre en charge de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a adressé à chacun des requérants, un courrier en date du 05 juin 2003, exprimant les profonds regrets du gouvernement pour la dissolution et le fait qu’ils sont relevés de leurs fonctions ;
Qu’en soi, la condamnation de l’Etat par la Cour, la réhabilitation et la présentation officielle des excuses du gouvernement constituent une satisfaction, en tant que mode de réparation, réparation suffisante au regard du préjudice moral subi par les requérants ;
Qu’il y a lieu de rejeter la demande de condamnation à des dommages-intérêts ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1°": Le recours non daté mais enregistré à la chambre administrative de la Cour suprême le 26 août 2004 sous le numéro 893/CS/CA de Gaspard Constant B et Aa A, tendant d’une part, à la condamnation de l’Etat béninois au paiement respectivement de la somme de dix millions sept cent quarante mille sept cent quatorze (10.740.714) francs et quatre millions cent soixante-six mille cent quatre- vingt-dix (4.166.190) francs et d’autre part, au paiement d’indemnités supplémentaires pour la période du 16 août 2000 au 18 décembre 2002 et de dommages-intérêts de vingt-cinq millions (25.000.000) de francs à chacun d’eux, est irrecevable en son volet relatif au paiement d’indemnités supplémentaires et recevable pour le reste ;
Article 2 : Ledit recours est devenu sans objet en ce qu’il tend à la condamnation de l’Etat béninois au paiement aux requérants des sommes de 10.740.714 francs et 4.166.190 francs ;
Article 3 : Le reste de la demande est rejeté ;
Article 4 : Les frais sont mis à la charge du trésor public ;
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Article 5: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur
général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative)
composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, président de la chambre administrative ;
PRESIDENT;
Rémy Yawo KODO
et CONSEILLERS; Dandi GNAMOU
Et prononcé à l’audience publique du jeudi dix-huit juin deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE,
GREFFIER ;
Et ont signé :
Le Rapporteur,
Ée ADOSSOU Pre Dandi GNAMOU
Le Greffier,
Gédéon Affouda AKPONE