N° 22/CJ-CM du répertoire ; N° 2019-03/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 26 Juin 2020 ; LA COOPERATIVE DE MEUBLE DE PARAKOU Me Mohamed TOKO Contre Ac B C Me Lionel AGBO
Pourvoi en cassation – Juridiction de cassation – Appréciation des faits (Non).
Droit civil – Défaut d’application de la règle de la compensation légale – Cassation (Oui).
Est irrecevable, le moyen tendant à remettre en discussion de cassation, des faits souverainement appréciés par les juges du fond.
Encourt cassation, la décision du juge d’appel ayant méconnu la règle de la compensation légale prévue par les articles 1289 et 1290 du code civil.
La Cour,
Vu l’acte n°02/CM/18 du 03 septembre 2018 du greffe de la cour d’appel de Parakou par lequel maître Mohamed TOKO, conseil de la Coopérative du meuble de Parakou a élevé pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°02/CM/18 rendu le 08 août 2018 par la chambre de droit civil moderne de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 26 Juin 2020 le conseiller Antoine GOUHOUEDE en son rapport ;
Ouï le procureur général, Ad Ab A en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°02/CM/18 du 03 septembre 2018 du greffe de la cour d’appel de Parakou, maître Mohamed TOKO, conseil de la Coopérative du meuble de Parakou a élevé pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°02/CM/18 rendu le 08 août 2018 par la chambre de droit civil moderne de cette cour ;
Que par lettres n°0662/GCS et n°0665/GCS du 29 janvier 2019 du greffe de la Cour suprême, le demandeur au pourvoi a été mis en demeure d’avoir à consigner dans un délai de quinze (15) jours et à produire son mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1er et 933 de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations éventuelles conformément aux dispositions de l’article 937 de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par celle du 28 juillet 2016 précitée ;
Que seul, maître Mohamed TOKO a versé ses observations au dossier ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND
FAITS ET PROCEDURE
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par exploit en date du 15 avril 2015, Ac B C a assigné la Coopérative du meuble de Parakou devant le tribunal de première instance de première classe de Parakou en paiement à titre principal de la somme de un million sept cent soixante quatre mille cinq cent (1.764.500) francs pour diverses commandes de portes non exécutées et, à titre de dommages et intérêts, de la somme cinq millions (5.000.000) de francs, après avoir pratiqué saisie conservatoire sur ses biens meubles corporels suivant procès-verbal du 19 mars 2015 sur la base de l’ordonnance d’injonction de payer n°05/2015 en date du 10 mars 2015 ;
Que par un autre exploit en date du 02 avril 2015, la Coopérative du meuble de Parakou, faisant opposition à cette ordonnance d’injonction de payer, a assigné Ac B C en rétractation de ladite ordonnance et pour obtenir mainlevée de la saisie conservatoire ;
Que par jugement contradictoire n°01/16 du 25 janvier 2016, le tribunal saisi, après avoir ordonné la jonction des deux (02) procédures, a condamné la Coopérative du meuble de Parakou à payer à Ac B C la somme de un million cinq cent trente six mille neuf cent dix (1.536.910) francs au titre de remboursement du trop perçu des avances sur les commandes de quarante et une (41) portes et le total des seize (16) portes livrées, et celle de un million (1.000.000) de francs à titre de dommages et intérêts ;
Que sur appel de la Coopérative du meuble de Parakou, la cour d’appel de Parakou a rendu l’arrêt n°02/CM/18 du 08 août 2018 par lequel, elle a infirmé ledit jugement en ce qu’il a condamné l’appelante à payer à l’intimé la somme de un million cinq cent trente six mille neuf cent dix (1.536.910) francs et en ce qu’il a ordonné la conversion de la saisie conservatoire du 19 mars 2015 en saisie-vente, puis, évoquant et statuant à nouveau, a notamment condamné la Coopérative du meuble de Parakou à payer à Ac B C la somme de un million deux cent quatre vingt douze mille huit cent trente (1.292.830) francs en remboursement du trop perçu des avances sur les commandes de portes, ordonné la rétractation de l’ordonnance n°05/15 du 10 mars 2015, ainsi que la mainlevée de la saisie conservatoire et enfin confirmé le jugement en ses autres dispositions ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
MOYEN UNIQUE EN TROIS BRANCHES TIRE DE LA VIOLATION DE LA LOI.
PREMIERE BRANCHE PRISE DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 5 DE LA LOI N°2008-07 DU 28 FEVRIER 2011 MODIFIEE ET COMPLETEE PAR LA LOI N°2016-16 DU 28 JUILLET 2016 PORTANT CODE DE PROCEDURE CIVILE, COMMERCIALE, SOCIALE, ADMINISTRATIVE ET DES COMPTES.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de l’article 5 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en ce qu’il a infirmé la décision du premier juge qui a mis à la charge du demandeur au pourvoi la somme de 1.536.920 francs en retenant celle de 1.292.830 francs aux motifs que sur la base d’ «une commande de 41 portes en bois pour un montant de F CFA 3.505.920 faite par le sieur MAMA SIKA Séidou…il a versé…la somme de FCFA 3.128.500 F pour ne recevoir que 16 portes évaluées à une somme de francs CFA 1.835.610…… ; que le rapprochement du montant encaissé et du montant retenu après livraison des produits dégage une différence de FCFA 1.292.830 et non celle de FCFA 1.764.500 qui demeure non justifiée ; que la Coopérative du meuble réclame un montant de FCFA 227.590 d’un précédent reliquat non payé par le sieur B C Ac ; que … ce reliquat ne peut être pris en compte dans le cas de cette procédure… », alors que, selon la branche du moyen, en application de l’article 5 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes sus-visée « L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ;
Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les observations ou conclusions en défense.» ;
Qu’en l’espèce, le demandeur au pourvoi a sollicité dans ses conclusions en défense du 26 décembre 2017 que sa créance de montant 227.590 FCFA qu’elle détient sur B C Ac soit prise en compte et vienne en déduction de sa dette vis-à-vis de ce dernier ;
Qu’en reconnaissant l’existence de cette créance dans le cadre général des commandes tout en décidant de ne pas la prendre en compte dans le cadre de cette procédure, les juges du fond se sont éloignés de l’objet du litige, en violation du texte ci-dessus mentionné ;
Mais attendu que sous le couvert de la violation de l’article 5 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, la branche du moyen tend à remettre en discussion des faits souverainement appréciés par les juges du fond et qui échappent à la juridiction de cassation ;
Que le moyen en cette branche, est irrecevable ;
DEUXIEME BRANCHE DU MOYEN PRISE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1289 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que la somme de FCFA 227.590 représentant la créance de la Coopérative du meuble de Parakou sur B C Ac, née d’une précédente commande, ne saurait être prise en compte dans le cadre de la présente procédure, tout en la reconnaissant comme telle alors que, selon la branche du moyen, les articles 1289 et 1290 du code civil prévoient une compensation légale des dettes croisées entre deux débiteurs en litige ; qu’en se refusant d’appliquer la règle de la compensation légale, la cour d’appel a méconnu celle-ci, exposant sa décision à la censure de la haute juridiction ;
Attendu en effet qu’aux termes des dispositions de l’article 1289 du code civil : « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes…» ;
Que l’article 1290 précise que « la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs ; les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives. » ;
Qu’en énonçant que « l’appelante réclame un montant de FCFA 227.590 d’un précédent reliquat non payé par l’intimé ;…que, cette dette, bien que s’inscrivant dans le cadre général des commandes de l’intimé ce reliquat ne peut être pris en compte dans le cas de cette procédure ; » sans en indiquer les raisons ou les motifs, les juges de la cour d’appel ont méconnu les dispositions des articles 1289 et 1290 du code civil ci-dessus rappelées ;
Que le moyen, en cette deuxième branche, est fondé ;
Qu’il y a lieu de casser l’arrêt attaqué sans qu’il soit besoin de statuer sur la troisième branche du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Au fond :
-Casse et annule l’arrêt n° 02/CM/18 rendu le 08 août 2018 par la chambre de droit civil moderne de la cour d’appel de Parakou, seulement sur la non application de la règle de la compensation légale, sans qu’il soit besoin de statuer sur la troisième branche du moyen ;
-Renvoie la cause et les parties devant ladite cour d’appel autrement composée ;
-Met les frais à la charge du Trésor public ;
-Ordonne la notification du présent arrêt aux parties ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ;
-Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Aa ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA-ADOSSOU Et Antoine GOUHOUEDE, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt six juin deux mille vingt, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Ad Ab A, PROCUREUR GENERAL;
Hélène NAHUM-GANSARE, GREFFIER ;
Et ont signé,
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Antoine GOUHOUEDE
Le greffier.
Hélène NAHUM-GANSARE