N° 25/CJ-CM du Répertoire ; N° 2019-06/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 10 juillet 2020 ; Aj Aa A (Me Alfred BOCOVO) C/ Ag AG AHAI B et DETCHENOU) Succession de feu CHESSI FASSASSI (Me Rafiou PARAÏSO Me Sadikou ALAO AYO)
Droit foncier – Moyen du pourvoi - Violation de la loi – Ordonnance de référé en expulsion – Appel – Provision est due au titre – Contestation sérieuse – Rejet.
Moyen du pourvoi – Défaut de réponse à conclusions – Conclusions explicites régulièrement déposées (non) – Conclusions invoquant un véritable moyen (non) – Rejet
Droit foncier – Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Opposabilité d’un titre foncier aux tiers – Formalité de l’inscription au registre foncier – « Provision est due au titre » - Doute - Unicité du vendeur – Rejet – Occupation sans titre ni droit - Ordonnance de référé préjudiciant au fond du litige.
N’est pas fondé, le moyen tiré de la violation des dispositions applicables en matière de titre foncier, lorsque les juges d’appel, statuant sur une ordonnance de référé, constatent que la mesure d’expulsion d’une parcelle de terrain, sollicitée par une partie, se heurte à une contestation sérieuse, les deux parties litigantes ayant produit chacune la copie du même titre foncier. Le principe « provision est due au titre » n’est applicable que si le titre est suffisant en lui-même et à lui-même, et ne souffre d’aucune contestation sérieuse.
Manque en fait, le moyen tiré du défaut de réponse à conclusions, alors que les juges du fond ne sont tenus de répondre qu’aux conclusions explicites régulièrement déposées devant eux et invoquant un véritable moyen.
Encourt rejet, le moyen tiré de la violation des dispositions du droit foncier relatives à l’opposabilité d’un titre foncier aux tiers, par la formalité de l’inscription au registre foncier, alors que la non application, par les juges d’appel, du principe « provision est due au titre », résulte principalement du doute provenant de l’unicité du vendeur de l’immeuble querellé. Par ailleurs, c’est à bon droit que les juges d’appel ont infirmé une ordonnance de référé qui, en affirmant qu’une partie occupe les lieux litigieux sans titre ni droit, préjudicie au fond du litige.
La Cour,
Vu l’acte n°02/18 du 08 août 2018 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel Aj Aa A a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°010/RC/2018 rendu le 02 août 2018 par la chambre des référés civils de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes telle que modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 10 juillet 2020 le conseiller Césaire KPENONHOUN en son rapport ;
Ouï le procureur général Af Ah Z en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°02/18 du 08 août 2018 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel Aj Aa A, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°010/RC/2018 rendu le 02 août 2018 par la chambre des référés civils de cette cour;
Que par lettres n° 1073/GCS et n°1074/GCS, n°1075/GCS et n°1076/GCS du 13 février 2019 du greffe de la Cour suprême, le demandeur au pourvoi et son conseil, maître Alfred BOCOVO, ont été mis en demeure d’avoir à consigner dans un délai de quinze (15) jours et à produire leurs moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1, 921 et 933 de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le parquet général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que seul maître Alfred BOCOVO a présenté ses observations ;
EXAMEN DU POURVOI
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par exploit en date du 08 août 2016, Aj Aa A a attrait Ac Y et Ag AG devant le tribunal de première instance de première classe de Cotonou statuant en matière de référés civils, en expulsion de la parcelle de terrain objet du titre foncier n°1098 du livre foncier de Cotonou sous astreinte comminatoire de un million (1 000 000) de francs par jour de retard ou de résistance ;
Que par ordonnance n°045 du 16 août 2016, le juge des référés, se déclarant compétent, a fait droit à sa demande après avoir constaté que Ai Y a présenté lui aussi copie du titre foncier 1098 de Cotonou du 28 janvier 1958 non inscrit sur l’état descriptif du livre foncier, en ordonnant l’expulsion de Ag AG, Ac Y, Ad C, Ab Y au motif qu’ils sont des occupants sans titre ni droit ;
Que sur appel de Ag AG, la chambre des référés civils de la cour d’appel de Cotonou, a rendu l’arrêt n°010/RC/2018 du 02 août 2018 par lequel elle a infirmé ladite ordonnance relativement à l’expulsion, puis évoquant et statuant à nouveau, a dit qu’il a contestation sérieuse et rejeté la demande d’expulsion de Ag AG et de la succession de feu Ai Y C de l’immeuble en cause ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
Discussion
Premier moyen tiré de la violation des articles 2, 21, 120, 130 et 131 de la loi n°65-25 du 14 août 1965 portant régime de la propriété foncière au Dahomey repris par les articles 147 nouveau, 156 et 157 de la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République, modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, de la violation par refus d’application, des dispositions des articles 2, 21, 120 in fine, 130 et 131 de la loi n°65-25 du 14 août 1965 portant régime de la propriété foncière au Dahomey, reprises par celles des articles 147 nouveau, 156 et 157 de la loi n°2017-15 du 10 août 2017 modifiant et complétant la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin, en ce que les juges de la cour d’appel ont : d’une part estimé que le premier juge a indûment tranché une question de droit sur l’immeuble en cause et préjudicié au fond en affirmant que la succession de feu Y C et les occupants de son chef sont des occupants sans titre, ni droit, et d’autre part retenu que « provision n’est due au titre qu’à condition que ce titre suffisant en lui-même et à lui-même ne souffre d’aucun doute ou d’aucune contestation paraissant établie », alors que, d’un côté les droits réels immobiliers dont se prévalent les défendeurs au pourvoi n’ont pas été inscrits ou rendus publics dans les formes et conditions prévues par la loi, ce qui emporte leur inopposabilité au demandeur au pourvoi à l’égard de qui ils sont sans titre ni droit et même dans l’hypothèse d’une inscription frauduleuse, au sens de l’article 147 nouveau du code foncier et domanial, la victime ne dispose plus d’un droit réel immobilier, la loi ayant déjà indiqué la voie à suivre et qu’il n’y a point une contestation ou un principal auquel le juge des référés aurait préjudicié en ordonnant l’expulsion d’un plaideur dont les droits n’ont pas été inscrits au compte de l’immeuble conformément à la loi ; que de l’autre côté, l’article 120 in fine de la loi n°65-25 prévoit que « les copies des titres et certificats d’inscription emportent exécution parée indépendamment de toute addition de formule exécutoire » ; que selon l’article 147 nouveau du code foncier et domanial, toute lésion de droits liée à la délivrance de titre foncier à la suite d’une inscription frauduleuse peut ouvrir droit à indemnisation par le fonds de dédommagement ; qu’il n’y a aucune contestation sérieuse du moment où le demandeur au pourvoi a produit copie du titre foncier et la preuve de son inscription que les dispositions sus-visées de la loi n°65-25 et de la loi n°2017-15 font disparaître toute prétention à un droit réel immobilier des défendeurs au pourvoi sur l’immeuble et toute contestation sérieuse ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 854 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de première instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend » ;
Que pour infirmer l’ordonnance querellée, l’arrêt attaqué a indiqué que « les deux parties litigantes ont versé au dossier, chacune la copie du titre foncier n°1098 du livre foncier de Cotonou attestant leur prétention de propriétaire de l’immeuble querellé » et que « provision n’est due qu’à condition que ce titre suffisant en lui-même et à lui-même ne souffre d’aucun doute ou d’aucune contestation sérieuse paraissant établie » pour conclure à l’existence d’une contestation sérieuse avant de retenir « que le premier juge en affirmant que la succession de feu Ai Y C et les occupants de son chef sont des occupants sans titre ni droit… » a préjudicié au fond ;
Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a justement décidé ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Deuxième moyen tiré du défaut de réponse à conclusions
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir statué « infra petita » en ce que les juges de la cour d’appel, en infirmant l’ordonnance querellée pour contestation sérieuse relativement à la mesure d’expulsion, n’ont pas répondu à la demande de cessation de travaux formulée par Aj Aa A, ni dans leurs motifs, ni dans le dispositif, alors que, selon le moyen, même en présence d’un différend ou d’une contestation sérieuse, le juge des référés est compétent pour ordonner la cessation des travaux ; qu’une telle omission s’analyse en droit comme le fait de statuer infra petita qui constitue, comme le défaut de réponse à conclusion, un cas d’ouverture à cassation ;
Mais attendu que les juges du fond ne sont tenus de répondre qu’aux conclusions régulièrement déposées devant eux et qui invoquent un véritable moyen ;
Qu’en l’espèce, il ne ressort pas du dossier, ni même des notes de plaidoiries du conseil du demandeur au pourvoi versées au dossier le 16 mars 2017, que celui-ci ait invoqué quelque moyen « explicite » tiré de la cessation des travaux sur lequel les juges de la cour d’appel aient omis de statuer ;
Qu’en outre, le demandeur au pourvoi ne produit pas les écritures auxquelles, selon lui, il n’aurait pas été répondu ;
Que le moyen manque en fait ;
Troisième moyen tiré de la violation de la règle de droit relative à l’inopposabilité et à l’inexistence à l’égard des tiers des actes et conventions non inscrits
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de la règle de droit relative à l’inopposabilité et à l’inexistence des actes et conventions, en ce que, pour rejeter la mesure d’expulsion, les juges de la cour d’appel ont estimé qu’il y a contestation sérieuse au regard des faits de la cause et des pièces produites par les parties, alors que, selon le moyen, les causes d’inopposabilité des actes et conventions vont du défaut d’inscription, du défaut de publicité à l’absence d’enregistrement rendant la date certaine ; que dans le cas d’espèce, c’est l’inscription dans le registre foncier du titre foncier 1098, de la convention des hoirs Y C Ai qui fait défaut, que ce défaut d’accomplissement d’une formalité substantielle et d’ordre public amène Aj Aa A, tiers à ces actes des défendeurs au pourvoi, à les tenir pour inexistants sur le fondement, d’une part des articles 2, 21, 130 et 131 de la loi n°65-25, et d’autre part des dispositions combinées des articles 41, 147 nouveau, 156 et 157 du code foncier et domanial ;
Qu’il en résulte que les défendeurs au pourvoi sont sans titre ni droit en face de Aj Aa A ;
Mais attendu que l’arrêt attaqué a également énoncé que « provision n’est due au titre qu’à condition que ce titre …ne souffre d’aucun doute… »
Que le doute qui justifie le rejet de la demande d’expulsion, réside principalement en l’unicité du vendeur de l’immeuble objet de la contestation, en l’occurrence la société ARDIC SA ;
Qu’en outre, il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que l’infirmation de l’ordonnance querellée est davantage motivée par l’affirmation du premier juge, selon laquelle, « la succession de feu Ai Y C et les occupants de son chef sont des occupants sans titre, ni droit », ce qui préjudicie au fond du litige ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de Aj Aa A ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel Ae ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire ; PRESIDENT;
Michèle CARRENA ADOSSOU et Césaire KPENONHOUN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi dix juillet deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Af Ah Z, PROCUREUR GENERAL ;
Djèwekpégo Paul ASSOGBA, GREFFIER ;
Et ont signé :
Le président Le rapporteur
Sourou Innocent AVOGNON Césaire KPENONHOUN
Le greffier.
Djèwekpégo Paul ASSOGBA