N° 39/CJ-DF du répertoire ; N° 2006-26/CJ-CT du greffe ; Arrêt du 10 juillet 2020 ; Y Ai Z X Rep/ Ak Z X (Me Gustave ANANI CASSA) C/ Al AH X Rep/ Ah An X Et un (01) autre.
Droit foncier – Omission de la mention des coutumes – Substitution ou défaut de coutume – Violation de la loi (Non) – Rejet (Oui).
Droit foncier – Violation des droits de la défense – Participation des parties aux débats – Rejet (Oui).
Droit foncier – Violation du principe du contradictoire – Appréciation des faits – Irrecevabilité (Oui).
La coutume applicable est celle déclarée à la barre par les principales parties au procès.
Les juges du fond ne sont pas reprochables de la violation des droits de la défense dès lors que la partie qui évoque la violation et son conseil ont participé aux débats.
Justifie légalement sa décision une cour d’appel qui se détermine par des énonciations et constatations de faits non contestés.
Les juges du fond apprécient de façon souveraine les faits.
La Cour,
Vu l’acte n°003/2006 du 24 janvier 2006 du greffe de la Cour d’appel de Cotonou par lequel maître Gustave ANANI CASSA, conseil des Y Ai Z X, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°85/2005 rendu le 27 décembre 2005 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi dix juillet deux mil vingt, le conseiller Michèle CARRENA ADOSSOU en son rapport ;
Ouï le procureur général Ad Am AG en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°003/2006 du 24 janvier 2006 du greffe de la Cour d’appel de Cotonou, Gustave ANANI CASSA, conseil des Y Ai Z X, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°85/2005 rendu le 27 décembre 2005 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;
Que par lettre n°4312/GCS du 13 novembre 2006 du greffe de la Cour suprême, le demandeur au pourvoi a été mis en demeure de consigner dans un délai de quinze (15) jours et de produire ses moyens de cassation dans un délai d’un (01) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 42, 45 et 51 de l’ordonnance n°21/PR du 26 août 1966 régissant la Cour Suprême ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été introduit dans les forme et délai légaux ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué que par requête en date du 18 octobre 2002, les héritiers de feu Al AH X représentés par Ah An X ont saisi le président du tribunal de première instance de Ouidah d’une action en confirmation de droit de propriété contre les héritiers de Ai Z représentés par Ak Z X ;
Que suivant jugement contradictoire n°21/AC2-04 du 05 avril 2004 le tribunal saisi a confirmé le droit de propriété des ayants droit de feu Ai Z X sur le domaine de 1ha 13a 76ca sis à HOUNKPANDJI plage à Grand-Popo et confirmé par la même occasion Aj AK, Ag Ab AK et Af A dans leur droit de propriété acquis des ayants droit de feu Ai Z X ;
Que sur appel de maître Alphonse ADANDEDJAN, conseil des héritiers AH X, la cour d’appel de Cotonou a infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions puis, évoquant et statuant à nouveau a confirmé le droit de propriété des hoirs Al AH X sur le domaine litigieux et confirmé également le droit de propriété de Aa C sur une moitié dudit domaine d’une superficie de 0ha 73a 74ca acquise le 07 mars 2002 auprès de feu Al AH X ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi en ses quatre branches
Première branche du moyen prise de l’omission de la coutume
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 85 du décret organique du 03 décembre 1931 en ce que, la cour d’appel a estimé que les parties sont de coutume mina alors que, selon la branche du moyen, les consorts Aj AK et Ab Ag AK « sont originaires de Ouidah et de coutume fon tandis que Af A, de nationalité française ne saurait être de coutume mina » ;
Que la cour d’appel a fait une substitution de coutume équivalent à une fausse coutume d’où un défaut de coutume ;
Mais attendu qu’au sens de l’article 85 du décret organique sus-visé, les jugements ou arrêts des juridictions de droit local doivent, entre autres, mentionner les noms des membres du tribunal et la coutume de ceux qui sont citoyens de statut particulier, le nom, sexe, le domicile et la coutume des parties ;
Que, pour déterminer la coutume applicable, la juridiction saisie se fonde sur les déclarations des parties faites à la barre relativement à leur coutume ;
Que la partie qui, à la barre, ne s’est pas prévalue d’un statut particulier susceptible de la soustraire à la juridiction de droit local ou de sa coutume, ne pourra attaquer de ce chef la décision intervenue ;
Qu’il ressort de l’examen du dossier, qu’aucune contestation ne s’est élevée à l’audience relativement à la coutume mina déclarée des parties ;
Qu’en outre, la coutume applicable en l’espèce n’est pas celle des acquéreurs ou intervenants volontaires qui ne sont pas les principales parties au procès mais la coutume mina, celle de ces parties qui prétendent détenir chacune leurs droits de propriété sur le domaine litigieux ;
Que l’arrêt attaqué n’est pas reprochable du grief d’omission de coutume ;
Deuxième branche du moyen prise du défaut d’audition des intervenants volontaires
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des droits de la défense en ce qu’il y est mentionné, à tort, que « Aj AK, Ab Ag AK, Af A et Aa C X sont volontairement intervenus pour solliciter la confirmation de leur droit de propriété sur les parcelles qu’ils ont acquises sur le domaine litigieux » alors que, selon la branche du moyen, cette affirmation est fausse car la vérification d’identité de ces plaideurs n’a jamais été faite et si elle l’avait été, les juges d’appel n’allaient pas se tromper sur leur coutume ;
Que seul Aa C X a déposé devant la cour d’appel ;
Mais attendu qu’il résulte de l’examen du dossier que tous les intervenants volontaires et leur conseil ont participé aux débats ;
Qu’à l’audience du 15 novembre 2005, leur conseil a plaidé et a même produit des notes en cours de délibéré en date du 21 novembre 2005 pour préciser leurs prétentions ;
Qu’il ne saurait, dans ces conditions, être reproché aux juges d’appel la violation des droits de la défense ;
Que le moyen en cette branche n’est pas fondé
Troisième branche du moyen prise du défaut de motifs
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué le défaut de motifs en ce qu’aucune justification ayant soutenu l’infirmation du jugement n°21/AC2-04 du 05 avril 2004 en toutes ses dispositions n’apparait dans la décision ;
Que les juges d’appel ont manqué à leur obligation de motiver leur décision ;
Mais attendu que pour en arriver à infirmer le jugement n°21/AC2-04 du 05 avril 2004, la cour d’appel a motivé qu’ « il est constant au dossier qu’après la mort de Al X en 1974, les enfants de feu Ai Z X ont délimité … les cocoteraies de Ac AJAeAL et de Ao au Bénin sans avoir aucune prétention sur le domaine de Houekpondji-Plage … parce qu’ils savaient que cette cocoteraie est donnée à Al AH X … que la grande famille X B AI a cru devoir entrer en négociation avec les hoirs de feu Al X pour avoir l’autorisation de couper des cocotiers en vue de faire face à la réfection de la grande maison familiale. Cette demande … traduit la qualité de propriétaire des héritiers Al X sur ledit domaine … » ;
Qu’en l’état de ces contestations et énonciations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Quatrième branche du moyen prise de la violation des dispositions des articles 2229, 2262 et 1599 du code civil et du principe du contradictoire
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des dispositions des articles 2229, 2262 et 1599 du code civil et du principe du contradictoire en ce que, les juges de la cour d’appel, pour attribuer à tort le domaine querellé aux hoirs Al AH X, ont fondé leur décision à la fois sur la prescription tirée des dispositions des articles 2229, 2262 et 1599 du code civil que sur celles de l’article 17 du décret organique du 03 décembre 1931 ;
Qu’ils ont, d’office, évoqué le moyen tiré des dispositions de l’article 2262 du code civil (prescription extinctive) au profit des appelants en violation du principe du contradictoire et ont, en violation de l’article 2223 du même code, suppléé « d’office au moyen résultant de la prescription » ;
Qu’en déclarant nulles et de nul effet toutes les ventes consenties sur le domaine litigieux par les Y Ai Z X, les juges de la cour d’appel ont également violé les dispositions de l’article 1599 du code civil, la nullité de la vente de la chose d’autrui ne peut être invoquée que par l’acheteur et non par le vendeur ou le véritable propriétaire ;
Mais attendu que sous le grief de la violation de la loi par méconnaissance des articles 2229, 2262 et 1599 du code civil et du principe du contradictoire, le moyen, en cette branche tend à remettre en discussion devant la haute juridiction des faits souverainement appréciés par les juges du fond ;
Que cette branche du moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge des héritiers de feu Ai Z X représentés par Ak Z X ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire ; PRESIDENT ;
Michèle CARRENA ADOSSOU Et Césaire KPENONHOUN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi dix juillet deux mil vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Ad Am AG, procureur général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA ADOSSOU
Le greffier.
Mongadji Henri YAÏ