N° 41/CJ-DF du répertoire ; N° 2014-19/CJ-CT du greffe ; Arrêt du 10 juillet 2020 ; Ag X (Me Gilbert Y. HOUEDAN) C/ Ab Af B.
Droit foncier – Violation de la loi – Défaut de mention de la coutume applicable – Dénaturation des faits – Rejet.
Droit foncier – Allégation d’un fait - Preuve – Eléments de faits – Appréciation souveraine des juges du fond.
Procèdent à une bonne application de la loi, les juges d’appel qui mentionnent dans leur décision la coutume des parties sans indiquer celle des membres de la juridiction, le texte de l’article 85 du décret du 03 décembre 1931 réorganisant la justice locale en Afrique Occidentale Française (AOF) ne contenant par cette exigence.
Le demandeur qui allègue qu’un terrain litigieux fait l’objet de gage, doit en rapporter les preuves.
La dénaturation des faits ne constitue pas un cas d’ouverture à cassation.
L’existence et la valeur des éléments de fait d’une cause relèvent d’une appréciation souveraine des juges du fond.
La Cour,
Vu l’acte n°4 du 25 mars 2013 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Gilbert Y. HOUEDAN, conseil de Ag X a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°03/13 rendu le 19 mars 2013 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi dix juillet deux mil vingt, le conseiller Michèle CARRENA ADOSSOU en son rapport ;
Ouï le procureur général Ad Ae A en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°4 du 25 mars 2013 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Gilbert Y. HOUEDAN, conseil de Ag X a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°03/13 rendu le 19 mars 2013 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;
Que par lettres n°s1913 et 2461/GCS des 29 juillet 2014 et 21 novembre 2014 du greffe de la Cour suprême, maître Gilbert Y. HOUEDAN et Thomas KINTOLOU ont été mis en demeure de consigner dans un délai de quinze (15) jours et de produire leurs moyens de cassation dans un délai deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1er et 933 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été payée et le mémoire ampliatif produit ;
Que par lettre n°0988/GCS du 16 juin 2015 le mémoire ampliatif a été transmis au défendeur pour production de son mémoire en défense dans un délai de deux (02) mois ;
Qu’une mise en demeure comportant un nouveau et denier délai de trente (30) jours lui a été adressée par courrier n°1056/GCS du 26 avril 2017 sans réaction de sa part ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que par courrier en date à Cotonou du 13 mars 2020, maître Gilbert Y. HOUEDAN a versé ses observations au dossier ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été introduit dans les forme et délai légaux ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu selon l’arrêt attaqué, que statuant dans la cause opposant Ab Af B à Ag X, le tribunal de première instance de Cotonou siégeant en matière de droit traditionnel a, par jugement n°060/1CB-05 du 21 juillet 2005, notamment déclaré nulle et nul effet la vente de la parcelle de terrain sise à Agbodjèdo propriété de Ag X, faite par Aa X au profit de Ab Af B, confirmé le droit de propriété de Ag X sur la parcelle en cause de dimension 70m x 61m x 69m x 77m, limitée au Nord par le champ de Ac C, au Sud par la voie de la SODAF, à l’Est par le champ de Aa X et à l’Ouest par le champ de Ac C, et débouté Ab Af B de sa demande en confirmation de droit de propriété ;
Que sur appel de Ab Af B, la cour d’appel a, par arrêt n°003/13 du 19 mars 2013 infirmé le jugement n°060/1CB-05 puis, évoquant et statuant, à nouveau, a confirmé le droit de propriété de Ab Af B sur la parcelle litigieuse et fait défense à Ag X et tous occupants de son chef de le troubler dans la jouissance paisible de son droit ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi dans la forme
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de n’avoir pas énoncé la coutume des membres du tribunal et des parties alors que, selon le moyen, l’article 85 du décret du 03 décembre 1931 réorganisant la justice locale en Afrique Occidentale Française (AOF) dispose que les jugements ou arrêts des juridictions de droit local doivent mentionner l’énoncé complet de la coutume applicable ;
Que la jurisprudence a adopté que l’énoncé doit porter sur tous les points de la coutume intéressant le procès et que la doctrine exige ’’l’énoncé complet de la coutume appliquée’’ ;
Que la juridiction d’appel s’est contentée de mentionner qu’elle a statué avec le concours des assesseurs fon et aïzo, coutumes des parties sans procéder à l’énoncé complet desdites coutumes ;
Que ce faisant, les juges d’appel ont violé la loi et leur décision encourt cassation ;
Mais attendu qu’en énonçant dans l’arrêt qu’ils ont statué « …. avec le concours des assesseurs fon et aïzo de la coutume des parties », les juges d’appel ont satisfait à l’exigence légale d’indication dans leur décision de coutume des parties, le texte n’exigeant aucunement de mentionner celle des membres du tribunal ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen tiré de la dénaturation des faits et du gage intervenu entre Aa X et Ab Af B
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir pris motifs de ce qu’il n’y aurait jamais eu gage entre les nommés Aa X et Ab Af B et que la vente intervenue entre les susnommés serait matérialisée par une convention du 12 juin 1975, alors que, selon le moyen, le demandeur a soutenu aussi bien en première instance qu’en appel avoir mis la parcelle litigieuse en gage auprès de Ab Af B qui curieusement a sollicité du tribunal de confirmer son droit de propriété pour y avoir posé des actes de propriété sans contestation pendant près de trente-six (36) ans ;
Qu’il n’a été ni partie ni signataire de la convention de vente ;
Qu’il est de jurisprudence établie que « … dans nos coutumes, l’occupation d’un terrain par un créancier gagiste ne peut conférer à celui-ci un droit quelconque de propriété » ;
Mais attendu qu’en alléguant que le terrain litigieux faisait l’objet de gage, le demandeur au pourvoi n’en a nullement rapporté la preuve ;
Qu’en statuant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges de la cour d’appel de Cotonou n’ont pas dénaturé les faits ;
Qu’au surplus la dénaturation des faits ne constitue pas un cas d’ouverture à cassation ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation de la loi
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en ce que, pour confirmer le droit de propriété de Ab Af B, les juges ont dit : « … que les allégations de Thomas et Aa X tendent à déposséder Ab Af B d’un bien qu’il a acquis depuis trente-six (36) ans … qu’il n’y a jamais eu gage entre Ab Af B et Aa X, … que le domaine objet de litige n’est pas un bien indivis … que la vente intervenue entre Aa X et Ab Af B est matérialisée par la convention de vente du 12 juin 1975 », alors que, selon le moyen, les divers témoignages des sachants ont révélé que la parcelle querellée est la part d’héritage de Ag X, et que la vente qu’aurait effectuée son frère ne peut lui être opposable ;
Qu’aux termes de l’article 1599 du code civil, la vente de la chose d’autrui est nulle ;
Que les juges d’appel ont ainsi escamoté les faits et violé la loi ;
Mais attendu que les juges du fond apprécient de façon souveraine l’existence et la valeur des éléments de fait du dossier ;
Que ce moyen tend en réalité à remettre en débat devant la Haute Juridiction des faits souverainement appréciés par les juges du fond ;
Qu’un tel moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de Ag X ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire ; PRESIDENT ;
Michèle CARRENA ADOSSOU et Césaire KPENONHOUN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi dix juillet deux mil vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Ad Ae A, procureur général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA ADOSSOU
Le greffier.
Mongadji Henri YAÏ