N° 29/CJ-P du répertoire ; N° 2019-53/CJ-P du greffe ; Arrêt du 24 juillet 2020 ; Ac C X C/ MINISTERE PUBLIC, AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Procédure pénale – Instruction obligatoire – Crime – Trafic international de drogue à haut risque – Délit – Instruction obligatoire (non) – Rejet
Moyen du pourvoi – Violation de la loi par mauvaise application – Droit pénal – Circonstances atténuantes - Appréciation souveraine des juges du fond
Moyen du pourvoi – Cas d’ouverture à cassation (non) – Texte dont la violation est invoquée (non) – Partie critiquée de la décision (non) – Elément justifiant le reproche allégué (non) - Irrecevabilité
N’est pas fondé, le moyen tiré de la violation des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’instruction obligatoire en matière de crime, dès lors que la loi portant création de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a organisé le transfert, dès l’installation de cette juridiction, des procédures relevant de sa compétence pendantes devant les autres juridictions, et qu’en vertu des dispositions du code pénal et du code de procédure pénale, le trafic international de drogue à haut risque est un délit, l’instruction préparatoire n’étant pas obligatoire pour cette catégorie d’infraction pénale.
Ont fait une saine et bonne application de la loi, les juges du fond qui n’ont pas mis en œuvre les circonstances atténuantes, celles-ci n’étant pas une obligation mais une faculté laissée à leur appréciation souveraine.
Encourt irrecevabilité, le moyen ou l’élément de moyen ne précisant pas le cas d’ouverture à cassation invoqué, le texte dont la violation est invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.
La Cour,
Vu l’acte n°001/18 du 10 septembre 2018 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), par lequel maître Maxime AHOUEKE, conseil de Ac C X, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°001/C-COR/18 rendu le 06 septembre 2018 par cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 24 juillet 2020 le conseiller Michèle O. A. Z AG en son rapport ;
Ouï le procureur général Ab Ad B en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°001/18 du 10 septembre 2018 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), maître Maxime AHOUEKE, conseil de Ac C X, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°001/C-COR/18 rendu le 06 septembre 2018 par cette cour ;
Que par lettre n°5837/GCS du 02 août 2019 du greffe de la Cour suprême, maître Maxime AHOUEKE a été mis en demeure d’avoir à produire ses moyens de cassation dans un délai d’un (01) mois conformément aux dispositions des articles 12 et 13 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;
EXAMEN DU POURVOI
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que suivant procès-verbal d’interrogatoire en cas de flagrant délit en date du 06 août 2018, le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) a attrait devant celle-ci, Ac C X, inculpé du délit de trafic international de drogues à haut risque ;
Qu’il ressort du dossier que l’intéressé, âgé de 41 ans a quitté Johannesbourg en Afrique du Sud le mardi 31 juillet 2018 par voie aérienne à destination de l’aéroport international Aa Ae Y de Cotonou où il a été surpris en possession de quatre (04) emballages de poudre granuleuse d’un poids total de cinq (05) kilogrammes, six cent quatre-vingt-six (686) grammes soigneusement dissimulés dans le double-fond de sa valise ;
Qu’interpellé sur la nature et l’origine de ce produit, Ac C X est passé aux aveux en déclarant qu’il s’agit d’une substance drogue qui lui aurait été confiée à Johannesbourg par un certain « Aladji » y résidant, aux fins de remise entre les mains d’un certain Af A alias « Djamal » sur la route de Porto-Novo dès sa sortie de l’aéroport ;
Que l’analyse dudit produit par le laboratoire national des stupéfiants et de toxicologie a révélé, suivant le rapport n°110-18/LNST/CBRSI/CS/SA du 16 août 2018, qu’il s’agit de l’héroïne, une substance sous contrôle international ;
Que sur réquisitions du ministère public, le prévenu a été, par arrêt n°001/C.COR du 06 septembre 2018, condamné par la chambre correctionnelle de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) à vingt (20) ans d’emprisonnement ferme, à cinq millions (5 000 000) de francs d’amende et au paiement de la somme de cinq millions (5 000 000) de francs CFA à titre de dommages-intérêts au profit du Trésor public et aux frais ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Premier moyen tiré du vice de procédure et de la violation de l’article 85 du code de procédure pénale
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’un vice de procédure et de la violation de l’article 85 du code de procédure pénale en ce que, d’une part, les juges de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) se sont saisis précipitamment du dossier et ont condamné le demandeur au pourvoi à vingt (20) ans d’emprisonnement et d’autre part ont connu de l’affaire sans que celle-ci n’ait fait l’objet d’une information judiciaire, alors que, selon le moyen, le dossier était initialement l’objet de la procédure COTO/2018/RG/03964, prévue pour être jugée par le tribunal correctionnel de Cotonou en son audience du 09 octobre 2018 et qu’aux termes de l’article 85 du code de procédure pénale, « … l’instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime » ; qu’en l’espèce aucune information judiciaire n’a été ouverte pour permettre à la Cour de démanteler le réseau de ce trafic et situer les responsabilités ; que ce faisant ils ont manqué d’impartialité ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 5 alinéas 2 et 3 de la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) en vigueur au moment des faits :
« La Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) est une juridiction spéciale à compétence nationale ;
Il lui est attribué la répression des crimes du terrorisme, des délits ou crimes à caractère économique tels que prévus par la législation pénale en vigueur ainsi que la répression du trafic de stupéfiants et des infractions connexes » ;
Que l’article 20 de cette même loi dispose ce qui suit : « Dès l’installation de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), les procédures relevant du domaine attribué à sa compétence dont l’enquête ou l’instruction seraient en cours devant les juridictions compétentes sont, sur réquisition des représentants du ministère public compétent, transférées au procureur spécial de la cour pour continuation, selon le cas, de l’enquête de parquet par le procureur spécial, de l’instruction par la commission de l’instruction, du règlement du contentieux des libertés et de la détention par la chambre des libertés et de la détention, du jugement par la cour » ;
Que c’est en vertu de ces dispositions législatives que l’affaire, initialement prévue pour être jugée par le juge correctionnel de Cotonou, a été transmise à la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;
Qu’il n’y a donc eu aucun vice de procédure ;
Qu’en outre, en règle générale, les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont l’emprisonnement à temps, le travail d’intérêt général, les peines privatives ou restrictives de droits, les peines complémentaires, l’amende et le jour-amende, alors que les peines criminelles sont la réclusion ou la détention criminelles à perpétuité ou à temps de cinq (05) à trente (30) ans ; ;
Qu’aux termes des dispositions de l’article 96 de la loi n°97-025 du 18 juillet 1997 sur le contrôle des drogues et précurseurs, l’importation, l’exportation et le transport international illicites de drogues à haut risque seront punis d’une peine de dix (10) à vingt (20) ans d’emprisonnement et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à cinq millions (5 000 000) francs ou de l’une de ces deux peines ;
Que le jugement des faits reprochés au demandeur au pourvoi n’appelle donc pas l’application des dispositions de l’article 85 du code de procédure pénale relative à l’instruction préparatoire obligatoire en matière criminelle ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Deuxième moyen tiré de la violation de la loi par mauvaise application
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi par mauvaise application, en ce que la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) a condamné le demandeur au pourvoi à des peines maximales de vingt (20) ans d’emprisonnement et cinq millions (5 000 000) F d’amende, alors que l’article 96 de la loi n°97-025 du 18 juillet 1997 sur le contrôle des drogues et précurseurs qu’elle dit avoir appliquée a prévu un emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans et une amende de cinq cent mille (500 000) à cinq millions (5 000 000) F ou de l’une de ces deux (02) peines seulement et que le demandeur au pourvoi, délinquant primaire, ne fume pas de cigarettes ni aucune substance vénéneuse, qu’il ne boit pas d’alcool et ne porte pas des tatouages au corps ;
Qu’en se prononçant ainsi sans tenir compte de ces circonstances, la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) a fait une mauvaise application de la loi ;
Mais attendu que la prise en compte des circonstances atténuantes n’est pas une obligation faite aux juges du fond mais une faculté qui leur est concédée dans le cadre de l’appréciation souveraine des faits ;
Qu’au demeurant, la sentence prononcée dans le cas d’espèce n’est pas contraire aux dispositions de l’article 96 de la n°97-025 du 18 juillet 1997 invoquées ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Troisième moyen tiré de l’application de la loi pénale plus douce
Attendu que sous ce moyen, le demandeur au pourvoi développe qu’après la reddition de l’arrêt attaqué le 06 septembre 2018, la loi n°2018-16 du 28 décembre 2018 portant code pénal en République du Bénin est entrée en vigueur et que ses dispositions concernant les délits relatifs aux stupéfiants paraissent plus douces que celles de la loi n°97-025 du 18 juillet 1997 sur le contrôle des drogues et précurseurs appliquées au cas d’espèce ;
Qu’en vertu des dispositions de l’article 7 alinéa 3 dudit code pénal, « sont également d’application immédiate … les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines … » ;
Que la jurisprudence admet que « toute loi de procédure et de compétence est d’effet immédiat » et qu’il convient par conséquent que la Haute Juridiction lui fasse application des dispositions plus douces du code pénal au cas où l’arrêt attaqué ne serait pas cassé ou annulé ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 52 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême, « à peine d’être déclarée d’office irrecevable, chaque moyen ou chaque élément de moyen doit préciser le cas d’ouverture invoqué, le texte dont la violation est invoquée, la partie critiquée de la décision et ce en quoi la décision encourt le reproche allégué » ;
Que ce moyen qui invoque l’application immédiate de la loi pénale plus douce sans pouvoir articuler un grief précis contre l’arrêt attaqué est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS
En la forme :
- Déclare le présent pourvoi recevable en la forme ;
- Le rejette quant au fond ;
- Met les frais à la charge du Trésor public.
Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT; Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU et Isabelle SAGBOHAN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-quatre juillet deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Ab Ad B, PROCUREUR GENERAL;
Osséni SEIDOU BAGUIRI, GREFFIER;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle O. A. Z AG
Le greffier.
Osséni SEIDOU BAGUIRI