N° 168/CA du Répertoire
N°2015-65/CA, du Greffe
Arrêt du 30 juillet 2020
AFFAIRE :
GECONE SARL
ARMP-CNCB
La REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
Cour,
Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 23 novembre 2014, enregistrée au greffe de la Cour le 24 mars 2015 sous le n°0259/GCS, par laquelle la Générale de Construction et des Equipements Sarl (GECONE Sarl), par l’organe de son conseil, maître Zakari BABA BODY a saisi la haute Juridiction d’un recours aux fins d’annulation de la décision n°2014-34/ARMP/PR-CR/CRD-CD/SP/DRAJ/SA du 30 juillet 2014 de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics en ce que d’une part, elle déclare nul le marché n°637/13/CNCB /DG/CTIJ-CR/CCGAI/CCMP/S-PRMP du 17 octobre 2013 relatif à la fourniture de quatre (04) véhicules au profit du CNCB et d’autre part, elle exclut temporairement de la commande publique en République du Bénin, des sociétés GECONE Sarl, CIE Sarl et CHRITA FOURNITURES et SERVICES ;
Vu la loi n°2000-02 du 07 août 2009 portant Code des marchés publics et des délégations de services publics en République du Bénin ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Le Président Victor Dassi ADOSSOU entendu en son
rapport ; ÿ L’Avocat général Saturnin AFATON entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la compétence de la Cour suprême
Considérant qu’au soutien de sa requête, la requérante expose :
Que dans le cadre de l'acquisition de matériels roulants, le Conseil National des Chargeurs du Bénin a passé un appel d'offres en vue de la fourniture de trois (3) véhicules Pick-up double cabines et un véhicule 4x4 station wagon ;
Qu'elle a soumissionné à cet appel d’offres et a été désignée attributaire ;
Que ar le marché n°637/13/CNCB/DG/CTIJ- CR/CCGAI/CCMP/S-PRMP du 17 octobre 2013, les parties ont formalisé les termes du contrat de fournitures desdits matériels ;
Que conformément aux stipulations contractuelles, elle a procédé à l'acquisition des véhicules qu’elle a offerts à la livraison du CNCB ;
Que lesdits véhicules ont été livrés suivant Bordereau de livraison n° GDI/14/GECONE/DG en data du 13 février 2014 signé par les deux parties ;
Que le 19 mai 2014, le CNCB a procédé à la réception définitive des véhicules suivant procès-verbal signé par tous les membres de la commission de réception de matériels du CNCB et son représentant ;
Que conformément au contrat, elle a introduit sa facture et les pièces nécessaires en vue du règlement du solde de ses prestations ;
Qu'elle s’est heurtée juste après à un mutisme du CNCB alors que, dans la perspective de l'exécution du marché, elle a souscrit à un concours bancaire ;
Qu’une mise en demeure d'avoir à régler le montant réclamé n'a pas davantage décidé le CNCB à satisfaire à son obligation alors même que les véhicules ont déjà été estampillés et mis en circulation ;
Que c’est dans ces conditions, et contre toute attente, qu’elle s'est vue adresser une correspondance en date du 29 août 2014 portant signification de décision de l'Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) ;
f Qu’à cette correspondance, était jointe la décision n°2014-34/ARMP/PR-CR/CRD-CD/SP/DRAJ/SA du 30 juillet 2014 de l'ARMP ;
Que par exploit en date du 5 septembre 2014, l’Autorité de Régulation des Marchés Publics lui a également signifié la même décision aux termes de laquelle il est prononcé entre autres :
-la nullité du contrat n°637/13/CNCB/DG/CTJ- CR/CCGAI/CCMP/ S-PRMP du 17 octobre 2013 avec toutes les conséquences de droit ;
-l'exclusion des Sociétés Générale de Construction et des Equipements « GECONE Sarl », Centrale Internationale d’Equipements du Bénin « CIE-BENIN Sarl », et l’Ao Ab Fournitures et Services « CFS » de la commande publique pour une durée d'un (01) an pour compter du 10 août 2014 au 09 août 2015 inclus ;
-l’extension de l'exclusion de la commande publique pour la même période de :
» Monsieur Ag B des sociétés « CIE- BENIN SarL » et « GECONE-Sarl » ;
» Madame Aq Al Y épouse C de la société « CIE-BENIN Sarl » ;
» Monsieur Ae Ak X de la société « CIE-BENIN Sarl » ;
+ Madame Ab Ac Aj B de la société « GECONE- Sarl » ;
+ Madame Aa Ap B de la société « GECONE-Sar! » ;
» Madame Ad An Ai Z de l'Etablissement « CFS » et de la société «GECONE-Sarl» ;
Qu’en vue de voir l'ARMP revenir sur sa décision, elle a formulé un recours gracieux qui a été rejeté par l'ARMP suivant correspondance en date du 15 septembre 2014 et reçue le 24 septembre 2014 ;
Considérant que le Conseil National des Chargeurs du Bénin (CNCB) soulève l’incompétence de la Chambre administrative de la Cour suprême ;
Qu'elle soutient qu’il ressort des dispositions de l'article 35 de la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition,
organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême, une liste exhaustive des recours qui relèvent de la compétence de la Chambre administrative de la Cour suprême ;
Qu'au titre de cette liste, il n'est nulle part inscrit les contentieux relatifs aux marchés publics ou délégations de service public ;
Qu'en l'espèce, le marché objet de la décision querellée est incontestablement un marché public ;
Qu'il y a lieu de dire et juger que le recours exercé par la Générale de Construction et des Equipements (GECONE) SARL ne figure pas dans la liste des recours qui échoient à la compétence du juge administratif à savoir, la Chambre Administrative de la Cour suprême ;
Considérant que la requérante soutient que c’est à tort que le CNCB prétend, au principal, que la Chambre administrative de la Cour suprême est incompétente, motif pris de ce que le présent contentieux ne rentre pas dans la compétence de la Chambre telle que définie par les dispositions de l’article 35 de la loi n° 2004- 07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Qu’il convient de relever d’une part, que le CNCB est irrecevable à soutenir ce moyen ;
Qu’aux termes des dispositions de l’article 167 du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, « s’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée » ;
Qu’il résulte de ce texte que la partie qui se prévaut de l’exception d’incompétence devra désigner la juridiction normalement compétente, sous peine d’irrecevabilité ladite exception ;
Qu’en l’espèce, force est de constater que le CNCB ne désigne nullement la juridiction qui serait normalement compétente, de sorte que ce moyen encourt irrecevabilité ;
Que d'autre part, l’article 17 de la loi n°2009-2 du 7 août 2009 portant Code des marchés publics et des délégations de service public en République du BENIN achève de convaincre sur la compétence de la juridiction de céans ;
Considérant que l’article 17 de la loi ci-dessus citée dispose : « les décisions rendues par le Conseil de régulation peuvent faire l’objet d’un recours judiciaire devant le Juge administratif qui doit statuer en procédure d’urgence » ;
Considérant qu’au moment de l’introduction du recours, les chambres administratives des tribunaux du fond n’étaient encore fonctionnelles ;
Que seule la Cour suprême était juge du premier et dernier ressort en matière administrative au Bénin ;
Qu’il y a lieu de rejeter le moyen tiré de l’incompétence de la Chambre administrative de la Cour suprême ;
Sur la recevabilité
Considérant que le CNCB soutient que le recours de la GECONE Sarl doit être déclaré irrecevable au regard de l'article 32 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême qui dispose que :
« Le délai de recours pour excès de pouvoir est de deux mois.
Avant d'exercer ce recours, les requérants peuvent présenter dans ce délai de deux mois, qui court de la date de publication de la décision attaquée ou de sa notification ou de la connaissance acquise, un recours hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision.
Le silence gardé plus de deux mois par l'autorité compétente sur le recours hiérarchique ou gracieux vaut décision de rejet.
Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période de deux mois sus-mentionnée…» ;
Que pour voir appliquer les dispositions ci-dessus évoquées dans le cas d'espèce, il y a lieu de considérer le point de départ du délai contentieux à partir de la date de réception par la Générale de Construction et des Equipements (GECONE) SARL de la correspondance en date du 15 septembre 2014 du président de l'Autorité de Régulation des Marchés Publics qui
est celle du 24 septembre 2014 ; F Qu'ainsi la Générale de Construction et des Equipements (GECONE) SARL avait jusqu'au 24 novembre 2014 pour élever un prétendu recours contre cette décision devant la Chambre administrative de Cour suprême ;
Que c'est certainement pour tenter de couvrir un prétendu respect de ce délai que la Générale de Construction et des Equipements (GECONE) SARL a fait porter comme date de son recours, celle du 23 novembre 2014 ;
Que le comble est que ce recours qui serait formalisé depuis le 23 novembre 2014 n'a été reçu au greffe de la Cour suprême que le 22 juin 2015, soit sept (07) mois après la prétendue formalisation dudit recours ;
Qu'il convient de sanctionner cette supercherie en déclarant purement et simplement irrecevable le recours de la Générale de Construction et des Equipements (GECONE) SARL pour non-respect du délai contentieux ;
Considérant que la requérante soutient que le recours a bel et bien été déposé dans les délais légaux ;
Que ledit recours a été adressé à la Cour suprême sous pli recommandé avec demande d’avis de réception ainsi que le prescrivent les dispositions de l’article 819 du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Considérant que figure au dossier l’enveloppe ayant contenu le recours adressé à la Cour suprême ;
Qu'il ressort des cachets portés sur cette enveloppe que le recours a été déposé à la poste de Gbégamey le 24 novembre 2014 ;
l’Administration relative à son recours gracieux le 24 septembre 2014, la requérante disposait jusqu’au 25 novembre 2014 pour introduire son recours contentieux ;
Qu’en déposant son recours gracieux à la poste le 24 septembre 2014, la requérante est encore dans les délais ;
Qu’il y a lieu de rejeter le moyen tiré de l’irrecevabilité dudit recours pour forclusion ;
Considérant que le recours a été introduit conformément à la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond :
Sur le moyen tiré de l’illégalité de la décision querellée au regard des dispositions de la loi n° 2000 du 07 août 2009 portant Code des marchés publics et des délégations de services publics en République du BENIN
Considérant que la requérante soutient que la décision n°2014-34/ARMP/PR-CR/CRD-CD/SP/DRAJ/SA du 30 juillet 2014 de l'ARMP est illégale au regard des dispositions de la loi n° 2000-02 du 07 août 2009 portant Code des marchés publics et des délégations de services publics en République du Bénin ;
Considérant que la requérante ne précise pas les dispositions du Code des marchés publics qui auraient été violées ;
Considérant que le décret n°2012-224 du 13 août 2012 portant attributions, organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics en son article 5 point 14 donne pouvoir au Conseil de régulation de l’ARMP de « prendre, conformément aux dispositions du code des marchés publics et des délégations de service public, les décisions relatives au règlement des contentieux de la passation et de l'exécution des marchés publics et des délégations de service public ainsi qu'aux sanctions proposées dans le cadre de la violation de la législation et la règlementation en matière de marchés publics et des délégations de service public » ;
Qu’au regard des pièces produites au dossier, la procédure adoptée dans l’examen des dossiers soumis à l’appréciation du Conseil de régulation est contradictoire, inquisitoire et écrite ;
Que le Conseil de régulation n’a pas méconnu les règles organisant la forme et la procédure pour aboutir à la décision attaquée ;
Considérant par ailleurs que la requérante n’a pas contesté les pratiques anticoncurrentielles et manœuvres frauduleuses reprochées aux acteurs du contrat n°063/13/CNCB/ DG/CTJ-CR/CCGAI/CCMP du 17 octobre 2013, en cinq (05) points ;
Que dès lors, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de l’illégalité de la décision querellée au regard des dispositions de la loi n° 2000-02 du 07 août 2009 portant Code des marchés publics et des délégations de services publics en République du Bénin ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1°": La Chambre administrative de la Cour suprême est compétente pour connaître du présent recours ;
Article 2 : Le recours en date à Cotonou du 23 novembre 2014 de la Générale de construction et des Equipements Am (GECONE Sarl) tendant à l’annulation de la décision n°2014- 34/ARMP/PR-CR/CRD-/SP/DRAJ/SA du 30 juillet 2014 de l’autorité de régularisation des marchés publics en ce que, d’une part, elle a déclaré nul, le marché n°637/13/CNCB/DG/CIT- CR/CCGA/CCMP/S-PRMP du 17 octobre 2013 relatif à la fourniture de quatre (04) véhicules au profit du Conseil National des Chargeurs du Bénin (CNCB) et, d’autre part, elle a exclu temporairement de la commande publique en République, les société GECONE Sarl, CIE Sarl et CHRITA FOURNITURES et Services, est recevable ;
Article 3 : Ledit recours est rejeté ;
Article 4: Les frais sont mis à la charge de la requérante ;
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux parties, aux parties et au procureur général près la Cour suprême ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre administrative ;
PRESIDENT ; Rémy Yawo KODO
et CONSEILLERS ; Dandi GNAMOU
Et prononcé à l’audience publique du jeudi trente juillet deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus en présence de :
Saturnin AFATON, Avocat Général,
MINISTERE PUBLIC ;
Ah Af A,
Ç GREFFIER ;
ass ADOSSOU LS ) Et ont signé : Le Greffier,
Gédéon Affouda AKPONE