N°30/CJ-S du Répertoire ; N° 2015-09/CJ-S du greffe ; Arrêt du 07 août 2020 ; MARLAN’S COTTON INDUSTRIES (MCI) (Me Angélo HOUNKPATIN) C/ Aa Ac (Me Brice TOHOUNGBA)
Droit social – Licenciement – Formalités préalables – Fausse interprétation de la loi – Cassation (Oui).
Droit social – Licenciement légitime – Dommages-intérêts – Cassation (Oui).
En matière de licenciement pour motif économique, c’est davantage l’information de l’inspecteur du travail concernant le projet de licenciement qui est exigée par l’article 47 du code du travail que les détails indicatifs et non coercitifs du contenu de la lettre d’information.
Encourt cassation, l’arrêt rendu en violation de la loi par fausse interprétation de cette disposition légale.
Encourt cassation, l’arrêt rendu en violation de l’article 52 du code du travail qui fixe les conditions d’ouverture du droit à des dommages-intérêts au profit de l’employé licencié.
La Cour,
Vu l’acte n°005/14 du 03 décembre 2014 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Angelo A. HOUNKPATIN, conseil de Marlan’s Af Ae a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°014/ch/Soc/CA-Cot/14 rendu le 29 octobre 2014 par la chambre sociale de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes telle que modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 07 août 2020 le président Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;
Ouï le procureur général Ad Ab A en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°005/14 du 03 décembre 2014 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Angelo A. HOUNKPATIN, conseil de Marlan’s Af Ae a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°014/ch/Soc/CA-Cot/14 rendu le 29 octobre 2014 par la chambre sociale de cette cour ;
Que par lettre n°4262/GCS du 15 octobre 2015 du greffe de la Cour suprême, reçue en son cabinet le 23 octobre 2015, maître Angelo A. HOUNKPATIN a été invité à produire son mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois, conformément à l’article 933 de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que le mémoire ampliatif a été produit ;
Qu’en revanche, le mémoire en défense n’a pas été produit en dépit des mises en demeure adressées à Aa Ac et à maître Brice TOHOUNGBA par lettres n° 0485 et 0486/GCS du 12 juillet 2016 du greffe de la Cour suprême ;
Que le procureur général a produit ses conclusions lesquelles ont été communiquées aux parties et reçues respectivement par maîtres Brice TOHOUNGBA le 06 avril 2020 et maître Angelo A. HOUNKPATIN le 13 avril 2020 sans réaction de leur part ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par procès-verbal de non conciliation n°827/MTFP/DGT/DRPSS/SMIT du 21 décembre 2006, Aa Ac a attrait par devant la chambre sociale du tribunal de première instance de première classe de Cotonou, la société MARLAN’S COTTON INDUSTRIES (MCI) au paiement de diverses sommes et indemnités, suite au différend relatif à son licenciement ;
Que par jugement contradictoire n°042/4èmeCH-SO du 04 novembre 2011, le tribunal saisi a déclaré le licenciement intervenu abusif et condamné MARLAN’S COTTON INDUSTRIES (MCI) SA à payer à Aa Ac, la somme de cinq millions (5 000 000) F CFA à titre de dommages-intérêts ;
Que sur appel de maître Angelo HOUNKPATIN, la cour d’appel de Cotonou, a, par arrêt n°014/ch/SOC/CA-COT/14 du 29 octobre 2014, confirmé partiellement le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués, puis évoquant et statuant à nouveau, a condamné MARLAN’S COTTON INDUSTRIES (MCI) SA à payer à Aa Ac, la somme de deux millions cinq cent mille (2 500 000) FCFA à titre de dommages-intérêts ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION DES MOYENS
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi par fausse interprétation
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, la violation de la loi par fausse interprétation en ce que, pour déclarer irrégulier le licenciement de Aa Ac pour raison économique et lui allouer des dommages-intérêts, les juges de la cour d’appel, par motifs adoptés du premier juge et après avoir relevé l’absence de certaines mentions dans la demande d’autorisation adressée à l’inspecteur du travail, ont conclu que le licenciement bien que légitime quant au fond, n’a pas respecté les prescriptions de l’article 47 du code de travail, alors que, selon le moyen, cette disposition distingue deux (02) étapes dans les formalités devant conduire au licenciement pour motif économique, en l’occurrence l’information préalable et obligatoire de l’inspecteur du travail par l’employeur et les mentions indicatives et non coercitives de la lettre d’information ;
Que relativement aux formalités préalables de licenciement pour motif économique, c’est davantage l’information de l’inspecteur du travail concernant le projet de licenciement que les détails du contenu de la lettre d’information qui est exigée ;
Que l’absence de ces mentions ne saurait rendre le licenciement pour motif économique, abusif ;
Qu’en jugeant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 47 du code du travail par fausse interprétation et l’arrêt encourt cassation ;
Attendu en effet que si dans ses termes, l’article 47 du code du travail fait obligation à l’employeur qui envisage de licencier pour motif économique, d’informer avant toute décision, l’inspecteur du travail de son projet, il est moins péremptoire sur les mentions nécessaires à l’appréciation qui vont y figurer, de sorte que l’employeur ne peut être reprochable de la violation desdites dispositions qu’en l’absence de l’accomplissement de la formalité d’information ;
Qu’en l’espèce, il résulte des pièces du dossier que le directeur général de la société MARLAN’S COTTON INDUSTRIES (MCI) SA a saisi le directeur général du travail de son projet de licenciement économique en évoquant les difficultés économiques sans cesse croissantes auxquelles celle-ci est confrontée et qui ne permettent plus d’assurer le paiement régulier des salaires et de faire face aux charges y afférentes lesquelles se trouvent aggravées par les difficultés du secteur cotonnier ;
Que le même courrier de saisine, mentionne l’effectif du personnel visé, soit quarante-huit (48) agents, appuyé de leur liste ainsi que la date probable de la notification du licenciement projeté, précisément le 09 octobre 2006 ;
Que suite aux conclusions d’une séance de travail tenue le 29 septembre 2006 avec les représentants des travailleurs de l’entreprise, au cours de laquelle tous les éléments complémentaires d’information ont pu être fournis, le directeur général du travail a, suivant lettre reçue le 12 octobre 2006, notifié son accord à la résiliation des contrats des agents concernés ;
Que la cour d’appel, en motivant « … que le délai de grâce accordé à la société MARLAN’S COTTON INDUSTRIES (MCI) SA par l’ordonnance n°40/05 du 23 juin 2005 pour payer sa dette de cinq milliards sept cent cinquante-huit millions quatre cent trente mille trois cent dix-sept (5 758 430 317) FCFA justifie de ses difficultés économiques », tout en concluant au non-respect de la procédure et au caractère abusif du licenciement, a violé l’article 47 susvisé du code de travail ;
Que le moyen est fondé ;
Sur le deuxième moyen tiré de la fausse application de la loi (article 52 du code de travail)
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, la fausse application de la loi en ce que, pour condamner la société MARLAN’S COTTON INDUSTRIES (MCI) SA au paiement de dommages-intérêts, les juges de la cour d’appel se sont fondés sur l’article 52 du code de travail qui dispose que « quelle que soit la nature économique ou non du motif invoqué par l’employeur, tout licenciement qui ne repose pas sur un motif objectif et sérieux ouvre droit au profit du salarié, à des dommages-intérêts… », alors que, selon le moyen, le licenciement a été jugé légitime quant au fond ;
Que les dommages et intérêts ne sont dus que si le licenciement est dépourvu de motif objectif et sérieux ;
Qu’en ayant décidé comme elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu le champ d’application de cette disposition légale et l’arrêt attaqué encourt cassation de ce chef ;
Attendu en effet que selon l’article 52 du code de travail, « … tout licenciement économique ou non qui ne repose pas sur un motif objectif et sérieux ouvre droit au profit du salarié à des dommages et intérêts… » ;
Qu’à contrario, le licenciement jugé légitime au fond est justifié et soutenu par un motif objectif et sérieux et ne peut ouvrir droit à des dommages-intérêts au profit de l’employé sur le fondement de l’article 52 susvisé du code du travail ;
Que la cour d’appel en condamnant la Société MARLAN’S COTTON INDUSTRIES (MCI) SA au paiement de dommages-intérêts au profit de Aa Ac, après avoir jugé légitime quant au fond, a violé l’article 52 du code du travail ;
Que le moyen est fondé ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit le présent pourvoi en la forme ;
Au fond, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le mérite du troisième moyen invoqué ;
Casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt attaqué ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Cotonou autrement composée ;
Met les frais à la charge du Trésor public ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judicaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la Chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Isabelle SAGBOHAN ET Césaire KPENONHOUN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi sept août deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Ad Ab A, PROCUREUR GENERAL;
Djèwekpégo Paul ASSOGBA, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président rapporteur Le greffier.
Sourou Innocent AVOGNON Djèwekpégo Paul ASSOGBA