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07/08/2020 | BéNIN | N°31

Bénin | Bénin, Cour suprême, 07 août 2020, 31


Texte (pseudonymisé)
N° 31/CJ-P du répertoire ; N° 2019-54/CJ-P du greffe ; Arrêt du 07 août 2020 ; -CHARLES CHUKWUDOZIE EZOEKWE-GANIOU ADEGBINDIN C/ -MINISTERE PUBLIC -AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Droit pénal – Moyen du pourvoi – Défaut de base légale – Trafic international de drogue à haut risque – Qualification pénale - Défaut d’éléments d’extranéité – Nationalité étrangère des condamnés – Destination étrangère des produits prohibés – Faits souverainement appréciés par les juges du fond – Irrecevabilité.

Moyen du pourvoi – Violation de la loi – P

rocédure pénale – Avis du droit de solliciter un délai pour préparer sa défense – Déclaration de vouloir être j...

N° 31/CJ-P du répertoire ; N° 2019-54/CJ-P du greffe ; Arrêt du 07 août 2020 ; -CHARLES CHUKWUDOZIE EZOEKWE-GANIOU ADEGBINDIN C/ -MINISTERE PUBLIC -AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Droit pénal – Moyen du pourvoi – Défaut de base légale – Trafic international de drogue à haut risque – Qualification pénale - Défaut d’éléments d’extranéité – Nationalité étrangère des condamnés – Destination étrangère des produits prohibés – Faits souverainement appréciés par les juges du fond – Irrecevabilité.

Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Procédure pénale – Avis du droit de solliciter un délai pour préparer sa défense – Déclaration de vouloir être jugé séance tenante – Rejet.

Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Procédure pénale – Mention de l’interprète ad’ hoc – Mention de la prestation de serment – Prescription légale à peine de nullité (non) – Rejet.

Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Procédure pénale – Conclusions de l’expertise toxicologique – Notification des résultats au prévenu (oui) – Rejet.

Est irrecevable, le moyen tiré du défaut de base légale pour absence de tout élément d’extranéité à la qualification pénale de trafic international de drogue à haut risque, dès lors que d’une part, les personnes condamnées sont de nationalité étrangère, que la destination finale des substances prohibées est à l’étranger, et que d’autre part, le moyen tend en réalité à remettre en débat, des faits souverainement appréciés par les juges du fond.

Encourt rejet, le moyen tiré de la violation des dispositions légales prescrivant d’aviser le prévenu, lors de sa comparution, de son droit de réclamer un délai pour préparer sa défense, dès lors qu’il ressort de l’arrêt attaqué que ledit prévenu a déclaré vouloir être jugé séance tenante.

Encourt rejet, le moyen tiré du défaut de mention dans l’arrêt attaqué du recours à un interprète ad’ hoc et de sa prestation de serment, dès lors qu’il apparaît au dossier qu’un interprète a été requis et a officié.

N’est pas fondé, le moyen tiré de la violation des dispositions du code de procédure pénale prescrivant de donner connaissance au prévenu, des conclusions du rapport d’analyse des stupéfiants et de toxicologie, dès lors qu’il ressort de l’arrêt attaqué, qu’en présence constante et ininterrompue dudit prévenu, il a été procédé au test d’identification de la drogue et à la constatation du résultat.

La Cour,

Vu les actes n°s004/18, 005/18 du 21 septembre 2018 et 007/18 du 24 septembre 2018 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) par lesquels maître Raymond Cyr GBESSEMEHLAN, conseil de Aa A, et maîtres Ab Z et Ai B, conseils de Ah Ae C, ont élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°009/C.COR rendu le 20 septembre 2018 par cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ; 

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 07 août 2020 le conseiller Michèle O. A. AH AI en son rapport ;

Ouï le procureur général Ad Af Y en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant actes n°s004/18, 005/18 du 21 septembre 2018 et 007/18 du 24 septembre 2018 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), maître Raymond Cyr GBESSEMEHLAN, conseil de Aa A, et maîtres Ab Z et Ai B, conseils de Ah Ae C, ont élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°009/C.COR rendu le 20 septembre 2018 par cette cour ;

Que par lettres n°s3354/GCS du 10 mai 2019 et n°4591/GCS du 26 juin 2019 du greffe de la Cour suprême, maîtres Olga ANASSIDE, Nicolin ASSOGBA et Raymond Cyr GBESSEMEHLAN ont été mis en demeure de produire leurs moyens de cassation dans un délai d’un mois conformément aux dispositions des articles 12 et 13 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;

EXAMEN DU POURVOI

En la forme

Attendu que les différents pourvois ont été élevés dans les forme et délai légaux ;

Qu’il y a lieu de les déclarer recevables ;

AU FOND

Faits et procédure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après avoir été interpellés par l’Office Central de Répression du Trafic Illicite de la Drogue et des précurseurs (OCERTID) à l’hôtel IBIS de Ac, Aa A, Ah Ae C et Aa X ont été inculpés de trafic international de drogue à haut risque suivant la procédure de flagrant délit et traduits devant la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) par le procureur spécial près ladite cour ;

Que par arrêt n°009/C.COR du 20 septembre 2018, la juridiction saisie a d’une part, prononcé la relaxe au bénéfice du doute de Aa X, puis d’autre part, retenu Ah Ae C et Aa A dans les liens de la prévention, les a condamnés à la peine de vingt (20) ans d’emprisonnement et cinq millions (5.000.000) F d’amende ferme chacun, et au paiement in solidum de la somme de cinquante millions (50.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts au profit de l’Etat béninois;

Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION

Sur le premier moyen tiré du défaut de base légale en ses deux branches réunies

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué du défaut de base légale pour incertitude du fondement juridique et insuffisance de recherche d’éléments de faits en ce que, d’une part, il a retenu l’incrimination de trafic international de drogue à haut risque contre les demandeurs au pourvoi, et d’autre part, il manque d’éléments suffisants pour justifier l’application du texte de loi relatif à cette incrimination alors que, selon le moyen, les faits de la cause se sont produits sur le territoire béninois, les produits ayant été transportés d’Ag à Ac ;

Qu’aucun élément d’extranéité n’a été mis en relief même si parmi les auteurs, il y a un ressortissant nigérian ;

Que le trafic international suppose le commerce des produits prohibés entre les individus se déplaçant entre deux Etats au moins ou en transit vers un autre Etat, et que, l’insuffisance d’éléments de faits ne permet pas à la juridiction de cassation d’exercer son contrôle sur les juridictions du fond relativement à l’appréciation des faits incriminés ;

Qu’en retenant cette incrimination sans mettre en relief son fondement juridique et en s’abstenant de rechercher et d’établir les éléments de faits de nature à justifier cette incrimination, les juges du fond ont privé leur décision de base légale, ce qui l’expose à cassation ;

Mais attendu que les éléments de faits relevés dans l’arrêt attaqué comme la propriété de la substance prohibée en cause qui appartiendrait à un certain AG d’origine nigériane résidant en Afrique du Sud, la nationalité nigériane du demandeur au pourvoi Ah Ae C, celle de celui qui, à Ag aurait remis le produit à Aa A et la destination finale du produit qui devrait aller hors du Bénin via Ac, prouvent à suffire le caractère d’extranéité de l’infraction poursuivie ;

Que sous le couvert de défaut de base légale, le moyen, en ses deux branches réunies, tend en réalité à remettre en débats des faits souverainement appréciés par les juges du fond et dont le contrôle échappe à la juridiction de cassation ;

Qu’il est irrecevable ;

Sur le second moyen en ses trois branches réunies, tiré de la violation des droits de la défense et de l’article 404 du code de procédure pénale, violation des articles 424 et 182 du code de procédure pénale et des droits de la défense

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les droits de la défense et les articles 404, 424 et 182 du code de procédure pénale en ce que :

d’une part, les juges de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) n’ont pas avisé les mis en cause de leur droit de réclamer un délai pour préparer leur défense alors que, selon le moyen, l’article 404 du code de procédure pénale énonce : « La personne déférée en vertu de l’article 402 du présent code est avertie par le président qu’elle a le droit de réclamer un délai pour préparer sa défense ; mention de l’avis donné par le président et de la réponse du prévenu est faite dans le jugement.

Si le prévenu use de la faculté indiquée à l’alinéa précédent, le tribunal lui accorde un délai de trois (03) jours ouvrables aux moins » ;

Que si cette formalité a été accomplie en ce qui concerne Ah Ae C, tel n’est pas le cas pour Aa A et Aa X ;

d’autre part, la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) n’a pas fait prêter serment à l’interprète ad’hoc auquel il a eu recours pour recueillir les déclarations des prévenus qui ne parlent pas et ne comprennent pas le français alors que, selon cette branche du moyen, l’article 424 du code de procédure pénale prescrit que : « Dans le cas où le prévenu ne parle pas suffisamment la langue française ou s’il est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le président, à défaut d’interprète assermenté en service dans les juridictions, nomme d’office un interprète …. et lui fait prêter serment de remplir fidèlement sa mission … » ;

Que l’arrêt querellé ne contient aucune mention relative à un quelconque interprète et à la prestation de serment de ce dernier et encourt cassation de ce chef ;

qu’en outre, l’arrêt attaqué viole les dispositions de l’article 182 du code de procédure pénale en ce que, le président n’a pas donné connaissance aux prévenus du rapport de l’analyse du laboratoire national des stupéfiants et de toxicologie en date du 17 août 2018 qui a révélé que le produit suspect est de la cocaïne et n’a pas recueilli leurs observations sur ce rapport ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué mentionne : « Que les prévenus Ah Ae C, Aa A et Aa X ont comparu et déclaré vouloir être jugés séance tenante, conformément aux dispositions de l’article 404 du code de procédure pénale » ;

Qu’il en résulte que les intéressés ont été bel et bien informés de leur droit de ne pas être jugés aussitôt ;

Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;

Que par ailleurs, le fait pour l’arrêt de ne pas mentionner dans son contenu le recours à un interprète qui a prêté serment, n’altère en rien sa qualité et sa valeur ;

Qu’au demeurant les feuilles de notes d’audience renseignent sur le recours à un interprète ad’hoc ;

Que ce dernier n’a pas pu officier sans prêter serment ;

Qu’au surplus le demandeur au pourvoi ne rapporte pas la preuve du grief subi par lui du fait de l’omission de cette mention dans l’arrêt, pas plus qu’il ne cite une disposition légale qui exige à peine de nullité cette mention ;

Que cette branche du moyen n’est pas fondée ;

Que relativement à la violation de l’article 182 du code de procédure pénale, l’arrêt attaqué énonce : « A la suite de l’interpellation des trois (03) individus, il a été procédé à l’office, à l’aide de kits, en leur présence constante et ininterrompue au test d’identification de drogue. Ledit test s’est révélé positif à la cocaïne. » ;

Que c’est à tort que le moyen reproche à l’arrêt de n’avoir pas donné connaissance aux prévenus du rapport de l’analyse qui a révélé que le produit suspect est de la cocaïne ;

Que cette branche du moyen n’est également pas fondée ;

PAR CES MOTIFS

Reçoit en la forme les présents pourvois ;

Les rejette quant au fond ;

Met les frais à la charge du Trésor public ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :

Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT;

Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU et Césaire KPENONHOUN, CONSEILLER

Et prononcé à l’audience publique du vendredi sept août deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Ad Af Y, PROCUREUR GENERAL;

Osséni SEIDOU BAGUIRI, GREFFIER;

Et ont signé

Le président, Le rapporteur,

Sourou Innocent AVOGNON Michèle O. A. AH AI

Le greffier.

Osséni SEIDOU BAGUIRI


Synthèse
Numéro d'arrêt : 31
Date de la décision : 07/08/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-08-07;31 ?
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