AAG
N°180/CA du Répertoire
N°2000-98/CA1 du Greffe
Arrêt du 13 août 2020
AFFAIRE :
LES 111 AGENTS PERMANENTS
DE L’ETAT (APE) BENEFICIAIRES
DE L’ARRET N°33/CA
DU 20/11/1998 DE LA COUR SUPREME C/
ETAT BENINOIS REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour
Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 14 juillet 2000, enregistrée le 25 juillet 2000 sous le n° 754/GCS par laquelle, les cent onze (111) agents permanents de l’Etat bénéficiaires de l'arrêt n° 33/CA du 20/11/1998 de la Cour suprême, ont saisi la haute Juridiction d'une demande en condamnation à des astreintes contre l'Administration béninoise aux fins d'exécution dudit arrêt ;
Vu la loi n° 90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin telle que modifiée par la loi n° 2019-40 du 07 novembre 2019 ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces f du dossier; &_ d Le Conseiller Césaire KPENONHOUN entendu en son
rapport ;
L'Avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité
Considérant que les requérants exposent que le 20 novembre 1998, la Cour suprême a rendu l’arrêt n° 33/CA en leur faveur :
Que le juge a statué à l’article 1 du dispositif de l’arrêt en ces termes : « le recours pour excès de pouvoir en date du 23 juillet 1993 par lequel cent onze (111) requérants sollicitent, par l'organe de leur conseil, maître Bertin C. AMOUSSOU, l'annulation de la décision du conseil des ministres, objet du relevé n°10/SGG/REL du 18 mars 1993 relatif au dégagement des agents occasionnels de la fonction publique, est recevable » ;
Que l'article 2 du dispositif énonce : « ladite décision est annulée uniquement en ce qui concerne les cent onze (111) requérants, avec toutes les conséquences y afférentes. » ;
Que le 11 janvier 1999 l'arrêt leur a été notifié et au ministre en charge de la fonction publique, et le 12 janvier 1999, au Président de la République ;
Que le 09 mars 1999 les 111 requérants avaient adressé chacun, et sans succès, un recours gracieux à leur ministère de tutelle ;
Que le 12 janvier 2000, ils ont adressé un recours gracieux collectif au Président de la République pour voir l’Administration exécuter l'arrêt n°33/CA du 20/11/1998 :
Que, contre le refus par l’Etat à exécuter ledit arrêt, ils ont exercé un recours pour excès de pouvoir inscrit au rôle
général sous le numéro tt ; À CA Que n’étant pas certains de voir l’Administration mettre en exécution la décision qui a été rendue, ils ont saisi la Cour suprême d'une demande aux fins de sa condamnation à des astreintes pour assurer l’exécution de l'arrêt n°33/CA du
20/11/1998 ;
Considérant que les requérants observent que l'article 2 de l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 dispose qu' « il est créé une Cour suprême qui est la plus haute autorité de l'Etat en matière de juridiction constitutionnelle, administrative,
judiciaire et des comptes » ;
Que faute d'une législation en matière d'astreinte, l'article 173 de l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 pourrait servir de fondement juridique à la Cour suprême ;
Qu'en effet, dans la procédure initiée par Ac A et Aa C pour contester les résultats du référendum du 28 juillet 1968, la Cour suprême avait pris l'ordonnance n°7/P/CS-CAB du 11 avril 1968 pour fixer la procédure à suivre devant la Chambre constitutionnelle en l’absence de dispositions législatives ;
Que l'article 173 énonce que des « ordonnances du président de la Cour suprême, le bureau entendu, fixeront en tant que de besoin, les modalités d'organisation et de fonctionnement de la Cour suprême non prévues par la présente ordonnance » ;
Qu'il suffit de considérer que la procédure d'astreinte qui n'est pas prévue par l'ordonnance n°21/PR rentre aussi dans les modalités de fonctionnement de la Cour suprême pour que celle-ci prenne une ordonnance portant exécution sous astreinte de l'arrêt n° 33/CA du 20/11/1998 ;
Qu’au surplus, la Cour suprême, pour prononcer la condamnation à des astreintes, pourrait s’inspirer de l’arrêt n°85/2° CCMS/99 du 1“ septembre 1999, par lequel la Cour d’appel de Cotonou, en l’absence de dispositions légales sur la procédure d’exécution provisoire en Afrique occidentale française, et en se fondant sur l’article 135 du code de procédure civile, a institué la procédure de litispendance ; Çe Qu’en conséquence la Cour suprême enjoigne à l'Administration de payer à chacun des 111 requérants, une astreinte de cent mille (100.000) francs par jour, pour compter du 13 juillet 1999 jusqu'à l'exécution complète de l'arrêt n°33/CA du 20 novembre1998 ;
Considérant qu'en vertu de l'article 131 in limine de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, « la Cour suprême est la plus haute juridiction de l'Etat en matière administrative. » ;
Que la loi fondamentale du 11 décembre 1990 a remis en vigueur l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation et fonctionnement de la Cour suprême ;
Que l'article 2 de l'ordonnance 21/PR du 26 avril 1966 dispose que la Cour suprême « est la plus haute juridiction de l'Etat en matière administrative » ;
Qu’à juste titre, les dispositions de l’article 131 alinéa 2 in fine de la constitution béninoise prescrivent que les décisions de la Cour suprême s’imposent au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif ainsi qu’à toutes les juridictions ;
Qu’il en résulte qu’il pèse sur l’Administration, l’obligation d’exécuter l’arrêt n°33/CA du 20 novembre 1998 ;
Considérant que le recours des requérants est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il y a lieu de l’examiner au fond ;
Au fond
Considérant qu'il est de jurisprudence constante à la Cour suprême que « l'autorité de la chose jugée impose à l'Administration une double obligation à savoir d'une part, l'obligation de prendre les mesures pour exécuter la décision juridictionnelle, et d'autre part, l'obligation de ne rien faire qui
soit en contradiction avec ladite décision. » ; Ÿ Considérant que les requérants demandent à la Cour suprême la condamnation de l’Etat à des astreintes en s'inspirant de l’arrêt n° 85/2°/ CCMS/99 du 1“ septembre 1999 de la Cour d’appel de Cotonou, par lequel, en l’absence de texte, cette juridiction aurait institué la procédure de litispendance ;
Mais considérant que la Cour suprême fait office d'une unité de juridiction avec séparation des contentieux ;
Que le moyen tiré de l'arrêt n°85/2° CCMS/99 du 1°" septembre 1999 de la Cour d'appel de Cotonou et qui est propre au contentieux civil, paraît inopérant, dans le cas d'espèce, en contentieux administratif ;
Qu’au regard du droit positif béninois, aucune voie d’exécution n’est possible contre les personnes morales de droit public ;
Qu’en conséquence, il y a lieu de rejeter la demande des requérants tendant à voir l’Etat condamner à des astreintes pour assurer l’exécution de l'arrêt n°33/CA du 20 novembre 1998 ;
PAR CES MOTIFS
DECIDE :
Article 1°" : Le recours en date à Cotonou du 14 juillet
2000, des 111 Agents Permanents de l'Etat, bénéficiaires de
l'arrêt n° 33/CA du 20 novembre 1998 de la Cour suprême,
tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d’astreintes à
leur profit aux fins d'exécution dudit arrêt, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge des requérants ;
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au
procureur général près la Cour suprême.
f Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre administrative;
PRESIDENT;
Rémy Yawo KODO
Et CONSEILLERS ;
Césaire F. Ab B
Et prononcé à l'audience publique du jeudi treize août deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, Avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE,
ou signé :
Le Président, Le Rapporteur,
Le Greffier,
Gédéon Affouda AKPONE