N° 48/CJ-DF du répertoire ; N° 2019-17/CJ-DF du greffe ; Arrêt du 28 août 2020 ; Af AV et 21 autres (Mes Yaya POGNON, SCPA POGNON & AS, Bk AT) C/ Succession de feu BP BF Rep/ Ac BF (Mes Bq BH & AGBANRIN-ELISHA)
Droit foncier et domanial – Pourvoi en cassation – Déclaration verbale – Irrecevabilité (Oui).
Principe général – Rétroactivité des lois – Rejet (Oui).
Principe général – Expertise – Caractère obligatoire (Non) – Rejet (Oui).
Moyen du pourvoi – Défaut de base légale – Loi antérieure à l’acte juridique – Défaut de mention des caractéristiques de l’immeuble – Nullité de l’acte – Rejet (Oui).
Est irrecevable, le pourvoi formé par déclaration verbale en violation des dispositions de l’article 413 du code foncier et domanial.
Le principe de la non-rétroactivité des lois constitue l’une des pierres angulaires de la sécurité juridique.
Le recours à une expertise est une faculté que la loi accorde au juge du fond et dont il peut se passer toutes les fois qu’il estime sa religion suffisamment éclairée à partir des faits.
Ont légalement justifié leur décision, les juges du fond qui n’ont pas appliqué les dispositions du code foncier et domanial à des actes juridiques qui leur sont antérieurs, et qui ont par ailleurs déclaré nulles, des conventions de vente ne précisant pas les caractéristiques essentielles de l’immeuble.
La Cour,
Vu les actes n°s10, 11, 12, 13, 14, 14 bis, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32 et 33 du 21 novembre 2018, 34, 35 et 36 du 23 novembre 2018, 38 du 26 novembre 2018, 39 du 28 novembre 2018, 40 du 29 novembre 2018, 42, 43 du 06 décembre 2018 et 01 du 04 janvier 2019 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lesquels Az BM, Bf AW, Bt Az BJ, Am BO, Ay Ah AW, Bg AW, Bn AO, At Ab Z épouse AG, Br AN, Ap Av AG, Aa X, Bh Ax AQ, Al Ae AU épouse AY, At BI, Bi BA, Be A BG, BP Ax BL, Ak AM AH, Ao AR, Au AQ, Aq B, Aj BB, Bj Bc AN, Cathérine S. M. AJ, Ag BE, Bd AP, Bf AZ AV, Ar C épouse AZ, Af AV, Bp Ar, Bl BD épouse AI, la SCPA POGNON & DETCHENOU, Bm Ad Ai AL et Me Yaya POGNON ont élevé pourvoi en cassation contre l’arrêt n°012/18 du 13 novembre 2018, rendu par la cour d’appel de Cotonou statuant en matière de droit de propriété foncière ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi vingt-huit août deux mil vingt, le président Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;
Ouï le procureur général As Ba AX en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant les actes n°10, 11, 12, 13, 14, 14 bis, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32 et 33 du 21 novembre 2018, 34, 35 et 36 du 23 novembre 2018, 38 du 26 novembre 2018, 39 du 28 novembre 2018, 40 du 29 novembre 2018, 42, 43 du 06 décembre 2018 et 01 du 04 janvier 2019 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, Az BM, Bf AW, Bt Az BJ, Am BO, Ay Ah AW, Bg AW, Bn AO, At Ab Z épouse AG, Br AN, Ap Av AG, Aa X, Bh Ax AQ, Al Ae AU épouse AY, At BI, Bi BA, Be A BG, BP Ax BL, Ak AM AH, Ao AR, Au AQ, Aq B, Aj BB, Bj Bc AN, Cathérine S. M. AJ, Ag BE, Bd AP, Bf AZ AV, Ar C épouse AZ, Af AV, Bp Ar, Bl BD épouse AI, la SCPA POGNON & DETCHENOU, Bm Ad Ai AL et Me Yaya POGNON ont élevé pourvoi en cassation contre l’arrêt n°012/18 du 13 novembre 2018, rendu par la cour d’appel de Cotonou statuant en matière de droit de propriété foncière ;
Que par lettres n°s1089 et 1090/GCS du 13 février 2019 et 1703/GCS du 08 mars 2019 du greffe de la Cour suprême, maîtres Serge POGNON, Yaya POGNON et Ange Raphaël GNANIH, conseils des demandeurs aux pourvois ont été mis en demeure de consigner dans un délai de quinze (15) jours sous peine de déchéance et de produire leur mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1er et 933 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que seul maître Ange Raphaël GNANIH a fait parvenir ses observations au dossier ;
EN LA FORME
Sur la recevabilité des pourvois
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 413 de la loi n°2017-15 du 10 août 2017 portant code foncier et domanial en République du Bénin, le pourvoi est formé par déclaration écrite, par lettre postée ou recommandée avec demande d’avis de réception adressée au greffe de la juridiction qui a rendu la décision et le greffier en délivre récépissé par simple lettre portant le cachet de sa juridiction ;
Qu’il ressort des énonciations des actes n°s10, 11, 12, 13, 14, 14 bis, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32 et 33 du 21 novembre 2018, 34, 35 et 36 du 23 novembre 2018, 38 du 26 novembre 2018, 39 du 28 novembre 2018, 40 du 29 novembre 2018, 42, 43 du 06 décembre 2018 que ces pourvois en cassation ont été formés par déclarations orales au greffe de la cour d’appel de Cotonou ;
Qu’ils sont irrecevables ;
Attendu par contre que conformément aux dispositions du même article 413 en son alinéa 8, le délai pour se pourvoir en cassation est d’un mois à compter du prononcé de la décision contradictoire ;
Que le pourvoi n°01 du 04 janvier 2019 enregistré au greffe de la cour d’appel de Cotonou le 07 décembre 2018 a été formalisé par écrit, contre l’arrêt contradictoire n°012/18 du 13 novembre 2018 ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que suivant requête en date à Cotonou du 03 novembre 1999, la succession BP BF représentée par Ac BF a saisi le tribunal de première instance de première classe de Cotonou statuant en matière civile de droit traditionnel des biens d’une action en confirmation de droit de propriété sur un domaine d’une superficie de quatre (04) hectares cinquante (50) ares et cinquante-huit (58) centiares sis à Agla Zone II contre Bs BA, Bo BK, Bb BN, An AK et Al Y ;
Que vidant son délibéré, le tribunal saisi a, par jugement n°007/1CB/06 du 16 février 2006, entre autres, confirmé le droit de propriété de la succession de BP BF sur le domaine litigieux, a dit que sept (07) parcelles dudit domaine ont été régulièrement vendues à Aw BC dont le droit de propriété a été reconnu sur cette portion, annulé toutes les conventions de vente du 30 décembre 1969 de Bs BA, du 11 août 1970 de Bo BK, du 18 janvier 1974 de Al Y, du 19 novembre 1979 de An AK et du 08 avril 1961 de Bb BN et annulé toutes les ventes opérées sur ledit domaine par eux ;
Que sur appel de ces derniers, la cour d’appel a, rendu l’arrêt confirmatif n°012/18 du 13 novembre 2018 ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir, pour rejeter le moyen d’irrecevabilité de l’action de la succession BP BF dit que « la succession BP BF représentée par Ac BF a initié son action en revendication de son droit de propriété sous l’ancien droit, bien avant l’entrée en vigueur du code foncier et domanial. Que cette fin de non-recevoir tirée des dispositions de l’article 396 alinéa 2 du code foncier et domanial ne saurait rétroagir et concerner les actions initiées et pendantes avant son entrée en vigueur » , alors que, selon le moyen, l’article 517 alinéa 1er du même code dispose : « les procédures engagées avant l’entrée en vigueur du présent code, sous l’empire de la loi n°65-25 du 14 août 1965 portant organisation du régime de la propriété foncière au Dahomey, de la loi n°2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier en République du Bénin et du décret n°2009-30 du 16 février 2009 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la commission nationale d’appui à l’obtention de titres fonciers et autres textes antérieurs sont poursuivies à partir de l’état où elles se trouvent et achevées conformément aux dispositions du présent code » ;
Qu’ainsi, les juges de la cour d’appel ont violé la loi et leur décision encourt cassation ;
Mais attendu que la loi ne dispose que pour l’avenir ;
Que le principe de non rétroactivité des lois constitue l’une des pierres angulaires de la sécurité juridique ;
Qu’en statuant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges d’appel ont fait une saine application de la loi ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen tiré de la mauvaise appréciation des faits
Attendu qu’il est fait grief aux juges d’appel d’avoir fait une mauvaise appréciation des faits en ce qu’ils ont rejeté la demande d’expertise topographique, estimant que cette mesure n’est pas nécessaire et n’entre pas dans le cadre de l’objet de la saisine alors que, selon le moyen, cette expertise aurait permis d’identifier avec précision les dimensions, superficies et limitrophes de chacune des parties au procès ;
Qu’aux termes de l’article 409 alinéas 1er et 2 du code foncier et domanial « En vue de la manifestation de la vérité, le juge peut, d’office ou à la demande de l’une des parties, en tout état de cause, ordonner toutes mesures d’instruction légalement admises.
Il peut exécuter en personne lesdites mesures ou mandater un expert à cette fin. Les frais nécessités par les mesures d’instruction sont, à raison de moitié, mis à la charge des parties » ;
Que faute d’expertise, les juges ont fait une mauvaise appréciation des faits de la cause et leur décision encourt cassation ;
Mais attendu que les juges du fond apprécient souverainement les éléments factuels mis à leur disposition ;
Que le recours à une expertise demeure une faculté que la loi leur accorde mais à laquelle ils ne sont pas tenus de recourir, s’ils estiment leur religion suffisamment éclairée à partir des faits ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré du défaut de base légale
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué le défaut de base légale en ce que, les juges du fond ont déclaré nulles les conventions de ventes aux motifs d’une part, que les dispositions de l’article 375 du code foncier et domanial ne peuvent être invoquées en l’espèce pour régir des actes juridiques antérieurs à son entrée en vigueur et, d’autre part, que les conventions de vente ne précisent pas les caractéristiques éventuelles que sont : la situation de l’immeuble, ses dimensions, sa superficie, ses limitrophes et son prix d’achat, alors qu’aucun texte de loi ou principe général de droit, aucune jurisprudence ne précise, à peine de nullité, le contenu d’une convention de vente ;
Que l’arrêt attaqué encourt annulation pour avoir statué ainsi qu’il l’a fait ;
Mais attendu que la procédure objet du présent pourvoi a débuté courant novembre 1999 ;
Qu’il ne peut lui être appliqué les dispositions de l’article 375 du code foncier et domanial entré en vigueur le 14 août 2013 et modifié le 10 août 2017 ;
Que la convention de vente portant sur un immeuble doit comporter les éléments d’identification dudit immeuble pour permettre au juge de se situer et de bien cerner la portée de l’engagement des parties ;
Qu’en mentionnant que « dans une convention de vente, les parties doivent préciser toutes les caractéristiques ou qualités essentielles de l’objet de la convention … qu’ainsi, dépourvues de tout élément caractéristique essentiel, ces conventions de vente ne peuvent par ailleurs soutenir une quelconque preuve de droit de propriété … », les juges d’appel ont légalement justifié leur décision ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare irrecevables les pourvois n°s10, 11, 12, 13, 14, 14 bis, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32 et 33 du 21 novembre 2018, 34, 35 et 36 du 23 novembre 2018, 38 du 26 novembre 2018, 39 du 28 novembre 2018, 40 du 29 novembre 2018 et 42, 43 du 06 décembre 2018 ;
Déclare par contre recevable le pourvoi n°01 du 04 janvier 2019 formé par maître Yaya POGNON et enregistré au greffe de la cour d’appel de Cotonou le 07 décembre 2018 ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge des demandeurs ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Isabelle SAGBOHAN Et Césaire KPENONHOUN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-huit août deux mil vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
As Ba AX, procureur général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président-rapporteur, Le greffier.
Sourou Innocent AVOGNON Mongadji Henri YAÏ