N° 40/CJ-S du répertoire ; N° 2005-14/CJ-S du greffe ; Arrêt du 27 Novembre 2020 ; -JEAN-MARIE ANANI -PAUL C AL ET TRENTE TROIS (33) AUTRES (Me Bertin AMOUSSOU) Contre BANQUE COMMERCIALE DU BENIN (BCB) LIQUIDATION REPRESENTEE PAR L’AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR (AJT) (Me Alexandrine F. SAÏZONOU-BEDIE).
Procédure sociale – Licenciement intervenu à l’occasion du règlement judiciaire ou de la liquidation – Cessation de l’entreprise – Formalités légales – Violation de la loi par fausse interprétation ou refus d’application (Oui) – Cassation (Oui).
Procédure sociale – Accord intervenu entre les parties – Défaut de motivation (Non) – Rejet (Oui).
Ajoute à la loi (article 40 du code du travail) des conditions et viole la loi par fausse interprétation et refus d’application, une Cour d’appel qui relève que la cessation d’activité de l’entreprise dispense l’employeur des formalités légales prescrites et déclare légitime un licenciement intervenu à l’occasion du règlement judiciaire ou de la liquidation. Son arrêt encourt cassation de ce chef.
Ne sont pas reprochables du défaut de motifs, les juges d’appel qui constatent l’accord intervenant entre les parties et en prennent acte.
La Cour,
Vu les actes n°008/2004 du 14 juin 2004, n°011/2004 du 15 juin 2004, n°012/2004 du 28 juin 2004, n°016/2004 du 1er juillet 2004, n°017/2004 du 02 juillet 2004, n°018/2004 du 13 juillet 2004 et n°046/2004 du 26 octobre 2004 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lesquels Ao AN, Al Ab Y, Anne Ah AH épouse AQ, Ai Aq AO, Am Ae X, C Au AL, At Ap AH et Ad Ak ont respectivement élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°48/CS/04 rendu le 02 juin 2004 par la chambre sociale de cette cour ;
Vu l’acte n°10/2004 du 15 juin 2004 du même greffe par lequel Aw AP, Ag Z, As Ar épouse A, Marie Ax AM, An AK, Af AG, Aj AH épouse AR et Av AI épouse AJ se sont également pourvus en cassation contre les dispositions de cet arrêt ;
Vu l’acte n°045/2004 du 22 octobre 2004 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Bertin AMOUSSOU, conseil de Ad Ak et des 34 autres a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions du même arrêt ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 90-012 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification des ordonnances n°s 21/PR du 26 avril 1966 et 70-16 du 14 mars 1970 définissant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 27 novembre 2020 le conseiller, Michèle CARRENA-ADOSSOU en son rapport ;
Ouï le procureur général, Ac Aa AS en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant les actes n°008/2004 du 14 juin 2004, n°011/2004 du 15 juin 2004, n°012/2004 du 28 juin 2004, n°016/2004 du 1er juillet 2004, n°017/2004 du 02 juillet 2004, n°018/2004 du 13 juillet 2004 et n°046/2004 du 26 octobre 2004 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, Ao AN, Al Ab Y, Anne Ah AH épouse AQ, Ai Aq AO, Am Ae X, C Au AL, At Ap AH et Ad Ak ont respectivement élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°48/CS/04 rendu le 02 juin 2004 par la chambre sociale de cette cour ;
Que suivant l’acte n°10/2004 du 15 juin 2004 du même greffe, Aw AP, Ag Z, As Ar épouse A, Marie Ax AM, An AK, Af AG, Aj AH épouse AR et Av AI épouse AJ se sont également pourvus en cassation contre les dispositions de cet arrêt ;
Que suivant l’acte n°045/2004 du 22 octobre 2004 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Bertin AMOUSSOU, conseil de Ad Ak et des 34 autres a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions du même arrêt ;
Que par lettre n°2917/GCS du 28 juillet 2005 du greffe de la Cour suprême, maître Bertin AMOUSSOU a été mis en demeure de produire son mémoire ampliatif dans un délai d’un (01) mois, conformément aux dispositions de l’article 51 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour suprême ;
Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions ;
EN LA FORME
Attendu que les présents pourvois ont été élevés dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il convient de les déclarer recevables ;
AU FOND
FAITS ET PROCEDURE
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que suivant procès-verbaux de non conciliation n°s 024, 101, 347, 352, 530, 533, 645, 784, 799, 802, 816, 824, 828, 830, 842, 895, 898, 905, 954, 958, 1001, 1013, 1016, 1023, 1040, 1065, 2044, 2073, 2088, 2098, 2244, 2245, 2255, 2317 et 2361 établis par la direction du travail en 1991 et 1992, Ad Ak et trente quatre (34) autres ont attrait devant le tribunal de première instance de Cotonou statuant en matière sociale, leur ex-employeur, la BCB Liquidation, pour s’entendre condamner à leur payer divers droits et dommages-intérêts à la suite de la rupture abusive de leur contrat de travail ;
Que par jugement n°87/96 du 07 octobre 1996, le tribunal de Cotonou a dit que la demande de dommages-intérêts des requérants est opposable à la BCB Liquidation, dit que leur licenciement est abusif en la forme, donné acte à la défenderesse de ce qu’elle s’est libérée du complément des cotisations à la retraite des nommés At Ap AH, Al Ab Y et AH B et condamné la BCB Liquidation prise en la personne de son syndic à payer à Ad Ak, Paul C AL et 33 autres des sommes variables à titre de dommages-intérêts ;
Que sur appel de maître Angelo A. HOUNKPATIN, conseil de la BCB Liquidation, la cour d’appel de Cotonou a, par arrêt n°48/CS/04 du 02 juin 2004, confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de Ad Ak et consorts, relative à la condamnation de la BCB Liquidation au paiement des droits rapportés aux procès-verbaux individuels, infirmé la même décision en ce qu’elle a jugé abusif en la forme le licenciement de Ad Ak et consorts et condamné sur cette base la BCB Liquidation aux dommages-intérêts, puis évoquant et statuant à nouveau, a constaté que le licenciement de Ad Ak et consorts est survenu pour cause de liquidation de la BCB, dit que ce licenciement est légitime et pris acte de l’accord du 16 mars 1998 et de son additif du 09 avril 1998 intervenu entre l’Etat béninois et les déflatés des anciennes banques BCB, BBD et CNCA ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi en ses deux branches réunies : fausse interprétation de la loi et refus d’application de la loi
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en ce que les juges d’appel, pour déclarer légitime le licenciement intervenu, ont motivé leur décision ainsi qu’il suit : « Attendu qu’il résulte des dispositions des articles 33 du code du travail et 27 de la Convention Collective du travail que l’employeur est tenu, en cas de licenciement pour motif économique, d’établir un ordre de licenciement et d’informer l’inspecteur du travail et les délégués du personnel de son intention » ;
Qu’il est cependant admis que ces formalités ne peuvent s’accomplir que lorsque le licenciement intervient dans le cadre d’une diminution d’activités de l’entreprise ou d’une réorganisation intérieure ;
Qu’il s’agit en l’espèce d’un règlement judiciaire prononcé contre la BCB par décision n°33 du 11 juillet 1989 du tribunal de première instance de Cotonou ;
Qu’un licenciement intervenu à l’occasion du règlement judiciaire, de la liquidation judiciaire ou de la liquidation des biens est légitime, alors que d’une part, selon la première branche du moyen, l’article 33 du code du travail dispose que : « Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article précédent, tout licenciement motivé par une diminution de l’activité de l’établissement ou une réorganisation intérieure doit donner lieu à l’établissement par l’employeur d’un ordre de licenciement en tenant compte de la qualification professionnelle, de l’ancienneté dans l’établissement et des charges de famille des travailleurs. L’employeur est tenu de consulter l’inspecteur du travail et informer les délégués du personnel des mesures qu’il a l’intention de prendre » ;
Que l’article 40 alinéa 2 du même code prévoit que : « La cessation de l’entreprise, sauf en cas de force majeure, ne dispense pas l’employeur de respecter les règles établies à ladite section. La faillite et la liquidation judiciaire ne sont pas considérées comme des cas de force majeure. Les parties ne peuvent renoncer à l’avance au droit éventuel de demander des dommages et intérêts en vertu des dispositions ci-dessus » ;
Qu’en l’espèce, le motif du licenciement est bien la restructuration de l’établissement ainsi qu’on peut le lire dans la lettre de licenciement ;
Qu’en retenant que les formalités prévues aux articles 33 du code du travail et 27 de la Convention Collective du travail ne peuvent s’accomplir dans le cadre d’un règlement judiciaire, les juges d’appel ont fait une fausse interprétation de la loi ;
Que d’autre part, selon la seconde branche du moyen, aucune disposition du code du travail ne prescrit que le licenciement intervenu à l’occasion du règlement judiciaire ou de la liquidation judiciaire ou même de la liquidation des biens est légitime ;
Qu’en déclarant le licenciement légitime pour cause de règlement ou de liquidation judiciaire, la cour d’appel a ajouté des critères à ce qu’a prévu la loi, et partant, a refusé d’appliquer les dispositions des articles 40 du code du travail et 27 de la Convention Collective générale du travail ;
Attendu, en effet, que pour déclarer légitime le licenciement intervenu, la cour d’appel relève d’une part que les formalités prévues aux articles 33 du code de travail et 27 de la Convention Collective générale du travail ne peuvent s’accomplir que lorsque le licenciement survient dans le cadre d’une diminution d’activités de l’entreprise ou d’une réorganisation intérieure, d’autre part qu’un licenciement intervenu à l’occasion du règlement judiciaire, de la liquidation judiciaire ou de la liquidation des biens est légitime ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’article 40 du code de travail prévoit en son alinéa 2 que la cessation de l’entreprise, sauf en cas de force majeure, ne dispense pas l’employeur de respecter les règles prévues et que la faillite et la liquidation judiciaire ne sont pas considérées comme des cas de force majeure, la cour d’appel a violé la loi ;
Qu’aucune disposition du code du travail ne prescrit en outre que le licenciement survenu dans les cas énumérés par la cour d’appel est légitime ;
Qu’en déclarant dès lors, légitime le licenciement intervenu à l’occasion du règlement judiciaire, de la liquidation judiciaire ou de la liquidation des biens, la cour d’appel a ajouté à l’article 40 ci-dessus évoqué des conditions et a violé la loi par refus d’application ;
Que le moyen pris en ses deux branches est fondé ;
Sur le deuxième moyen tiré du défaut de motifs
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué un défaut de motifs en ce que, pour débouter les demandeurs au pourvoi de leurs demandes tendant à obtenir un relèvement des dommages-intérêts ainsi que le paiement des droits dont les montants figurent aux procès-verbaux, les juges d’appel ont articulé ainsi qu’il suit :
« Sur les dommages+-intérêts
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 52 du code du travail que les dommages-intérêts ne sont dus qu’en cas de licenciement sans motif sérieux et objectif ;
Attendu que le licenciement de Ad Ak et consorts est intervenu pour cause de liquidation de la BCB ;
Attendu qu’un tel licenciement est légitime ;
Qu’en condamnant cependant la BCB au paiement des dommages-intérêts, le premier juge n’a pas fait une application convenable des dispositions légales ;
Qu’il convient d’infirmer sa décision sur ce point ; … » ; alors que, selon le moyen, les juges du fond se doivent de rechercher et d’apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ;
Qu’en l’espèce, il est sans conteste que les demandeurs au pourvoi ont été licenciés pour motif économique ;
Qu’en motivant comme ils l’ont fait, sans rechercher si, en l’espèce, le motif est véritablement un motif économique exigeant des conditions de résiliation particulières, les juges d’appel ont statué par un motif d’ordre général sans aucune pertinence ;
Mais attendu que pour infirmer le jugement n°87/96 du 07 octobre 1996 en ce qu’il a condamné la BCB au paiement de dommages-intérêts au profit des demandeurs au pourvoi, la cour d’appel de Cotonou a énoncé que « le licenciement de Ad Ak et consorts est intervenu pour cause de liquidation de la BCB » et qu’ « un tel licenciement est légitime » ;
Que s’agissant des droits rapportés au procès-verbal individuel, la cour d’appel, motivant sa décision, relève qu’il ressort de l’accord du 16 mars 1998 et de son additif du 09 avril 1998 qu’un consensus est intervenu entre tous les employés licenciés dont les intimés et l’Etat béninois, que l’article 6 de cet accord dispose : « Le présent protocole d’accord constitue un règlement amiable et met fin à toutes les procédures engagées collectivement devant les juridictions par des groupes d’agents ou par le collectif des déflatés des anciennes banques d’Etat (BCB - BBD - CNCA) et ses différentes structures », avant de conclure qu’il « convient de prendre acte de cet accord » ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme les présents pourvois ;
Au fond, casse et annule l’arrêt n°48/CS/04 du 02 juin 2004 en toutes ses dispositions ;
Renvoie l’affaire devant la chambre sociale de la cour d’appel de Cotonou autrement composée ;
Met les frais à la charge du Trésor public ;
Ordonne la notification du présent arrêt aux parties ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA-ADOSSOU Et Isabelle SAGBOHAN, CONSEILLERS
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt sept novembre deux mille vingt, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Ac Aa AS, PROCUREUR GENERAL;
Hélène NAHUM-GANSARE, GREFFIER ;
Et ont signé,
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA-ADOSSOU
Le greffier.
Hélène NAHUM-GANSARE