N°68/CJ-DF du REPERTOIRE ; N°2004-24/CJ-DF du Greffe ; Arrêt du 27 Novembre 2020 ; C Ah Ae/ C Ab Af
Droit foncier – Contestation immobilière – Pourvoi en cassation – Violation de la loi – Insuffisance de motifs – Dénaturation des faits – Rejet (Oui).
Procèdent d’une bonne application de la loi, les juges d’appel qui déclarent que :
La mention des dépositions des témoins n’étant pas considérée comme substantielle, son omission n’encourt pas nullité de l’arrêt.
La production de l’avis d’imposition ne confère pas droit de propriété.
La dénaturation des faits n’est pas un cas d’ouverture à cassation.
La Cour,
Vu les actes numéros 10 et 11/2004 du 15 avril 2004 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lesquels Ah C et son conseil maître Gracia NOUTAÏS, ont élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°019/04 rendu le 13 avril 2004 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des comptes ; modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi vingt-sept novembre deux mille vingt, le président Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;
Ouï le Procureur Général Ad B en ses conclusions ;
Attendu que suivant les actes numéros 10 et 11/2004 du 15 avril 2004 du greffe de la cour d’appel de Ac, Ah C et son conseil maître Gracia NOUTAÏS, ont élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°019/04 rendu le 13 avril 2004 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;
Que par lettre n°3769/GCS du 02 novembre 2004 du greffe de la Cour suprême, le demandeur a été mis en demeure d’avoir à consigner dans un délai de quinze (15) jours et à produire ses moyens de cassation dans un délai d’un (01) mois, le tout, conformément aux dispositions des article 42, 45 et 51 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour suprême ;
Que la consignation a été payée ;
Que le mémoire ampliatif a été produit et communiqué au défendeur qui n’a pas déposé son mémoire en défense ;
Que le procureur général a pris ses conclusions ;
Que le dossier est en état ;
EN LA FORME
Attendu que par acte n°10/2004 du 15 avril 2004 du greffe de la Cour d’appel de Ac, Ah C, a élevé pourvoi en cassation contre l’arrêt n°19/04 du 13 avril 2004 ;
Que ledit pourvoi ayant été élevé dans les forme et délai légaux, il convient de le déclarer recevable ;
Attendu que par un autre acte n°11/2004 du 15 avril 2004, maître Gracia NOUTAÏS-HOLO, conseil de Ah C, a élevé un autre pourvoi en cassation contre le même arrêt pour le compte de son client ;
Qu’en vertu de l’adage « pourvoi sur pourvoi ne vaut » il y a lieu de déclarer le pourvoi du conseil de Ah C irrecevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête en date à Porto-Novo du 30 juin 1997 Ah Ai C, a fait citer Af Ab C devant le tribunal de première instance de première classe de Porto-Novo pour s’entendre dire et juger que le terrain n°308 du lot 171 sis au quartier Aganmadin à Aj A est sa propriété ;
Que le tribunal de première instance de Porto-Novo, par jugement n°15/B/1998 en date du 10 février 1998, a confirmé le droit de propriété de Ah C et déclaré nulles les conventions de vente en date du 17 novembre 1971 signées entre Ag X et Af Ab C ;
Que Ab C a fait appel de cette décision ;
Que la cour d’appel de Cotonou, par arrêt n°019/2004 du 13 avril 2004 a infirmé le jugement et a confirmé le droit de propriété de Af Ab C ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 85 du décret organique du 03 décembre 1931
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, la violation de l’article 85 du décret organique du 03 décembre 1931 en ce que, nulle part dans les motifs de l’arrêt dont pourvoi, les juges de la cour d’appel n’ont indiqué les dépositions des témoins sur la base exclusive desquelles, ils ont déclaré le nommé Af Ab C, propriétaire du terrain querellé, alors que, selon le moyen, l’article 85 dont la violation est alléguée impose à tout arrêt des juridictions de droit local, la mention des dépositions des témoins, que cette énonciation est une formalité substantielle qui permet à la Cour suprême de contrôler la légalité et l’objectivité des débats et de la décision rendue ;
Qu’ainsi, l’arrêt attaqué encourt cassation ;
Mais attendu que la mention des déclarations des témoins n’est pas prescrite à peine de nullité de la décision, que la loi n’attache pas la sanction de nullité à toute omission mais à celles des mentions considérées comme substantielles notamment l’énoncé de la coutume des parties ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen tiré de l’insuffisance de motifs
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, l’insuffisance de motifs en ce que, pour confirmer le droit de propriété de Af Ab C sur la parcelle litigieuse la cour d’appel a motivé sa décision ainsi qu’il suit : « attendu qu’il ressort des débats notamment des témoignages de Aa X … que Af Ab C est le propriétaire du terrain querellé », alors que, selon le moyen, lesdits témoignages ne sont mentionnés nulle part dans l’arrêt dont pourvoi, que l’article 83 du décret organique stipule que « en toute matière, les jugements et arrêts des juridictions de droit local doivent être motivés » ; que le juge a l’obligation d’exposer les éléments sur lesquels se base sa décision, qu’il s’agisse des éléments de fait ou de droit ; qu’en l’espèce la cour d’appel d’une part, n’a pas indiqué la substance des témoignages sur la base desquels elle a confirmé le droit de propriété de Af Ab C sur le domaine litigieux et d’autre part, n’a pas apporté des précisions sur les éléments de fait et de droit qui lui ont permis d’attribuer la parcelle litigieuse à Ab C ; qu’ainsi la cour d’appel a insuffisamment motivé sa décision ; qu’il suit que cette décision encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que, pour confirmer le droit de propriété de Ab C sur le domaine litigieux, les juges de la cour d’appel ont relevé que « attendu qu’il ressort des débats, notamment des témoignages de François ADANKON… voisin de Ab C que Ab C est le propriétaire du terrain litigieux, qu’il l’a acquis au prix de trois cent cinquante mille (350 000) F, que par contre, Ah C n’a pas su dire exactement à combien il a acquis le terrain, que les seuls avis d’imposition qu’il réglait et dont il se prévaut pour asseoir son droit de propriété, ne sauraient aucunement constituer un titre de propriété » ;
Qu’en se déterminant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges de la cour d’appel ont suffisamment motivé leur décision ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de la dénaturation des faits de la cause
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la dénaturation des faits en ce que, les juges de la cour d’appel ont prétendu que Ah C n’a pas su exactement dire à combien il a acquis le terrain, alors que, selon le moyen, la cour d’appel a indiqué, à la page 2 du même arrêt, que Ah C a acquis la parcelle litigieuse à trente-neuf mille (39 000) F ; qu’il est de principe en droit que le rôle du juge est de trancher le litige en respectant les faits tels que relatés par les parties en cause ; qu’il n’a pas le droit de les retirer ou de les modifier ;
Qu’en se déterminant ainsi, les juges de la cour d’appel ont manifestement dénaturé les faits et leur décision encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que le grief tiré de la dénaturation n’est recevable qu’autant qu’il porte sur l’interprétation d’un écrit clair et précis mais non sur l’interprétation des faits ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable le pourvoi en cassation élevé par maître Gracia NOUTAÏS-HOLO suivant acte n°11/2004 du 15 avril 2004 ;
Déclare par contre recevable le pourvoi en cassation formé par Ah C suivant acte n°10/2004 du 15 avril 2004 ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de Ah C.
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON Président de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA ADOSSOU Et Isabelle SAGBOHAN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-sept novembre deux mille vingt, la cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Ad B, Procureur Général, MINISTERE PUBLIC ;
Et de Maître Hortense LOGOSSOU-MAHMA, GREFFIER
Et ont signé,
Le Président - Rapporteur Le Greffier
Sourou Innocent AVOGNON Hortense LOGOSSOU-MAHMA