N°69/CJ-DF du REPERTOIRE ; N°2011-06/CJ-DF du Greffe ; Arrêt du 27 Novembre 2020 ; Ai Ad X C/ Ah Am B AH/ B An et Z Aa
Droit foncier – Violation de la loi – Défaut de réponse à conclusions – Violation de la loi par fausse application des articles 25, 26, 43 et 44 du décret organique du 03 décembre 1931 – Violation des règles de preuve - Insuffisance des motifs et absence de base légale – Violation de l’article 1583 du code civil par fausse application.
Encourt rejet, le moyen tiré de la violation de la loi pour défaut de réponse à conclusions, les juges du fond n’étant tenus de répondre qu’aux conclusions déposées devant eux.
Le moyen complexe qui met en jeu plusieurs cas d’ouverture à cassation est irrecevable.
Est irrecevable, le moyen qui vise en réalité à remettre en discussion, les faits souverainement appréciés par les juges du fond.
La Cour,
Vu l’acte n°13 du 05 mai 2010 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, par lequel Ai Ad X a élevé pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°15/10 rendu le 10 mai 2010 par la chambre de droit civil traditionnel de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des comptes ;
Vu la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi vingt-sept novembre deux mille vingt, le conseiller Michèle CARRENA ADOSSOU en son rapport ;
Ouï le Procureur Général Ab AG en ses conclusions ;
Attendu que suivant l’acte n°13 du 05 mai 2010 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, Ai Ad X a élevé pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°15/10 rendu le 10 mai 2010 par la chambre de droit civil traditionnel de cette cour ;
Que par lettre n°0739/GCS du 27 avril 2011 du greffe de la Cour suprême, Ai Ad X représentant la succession Ad X a été mis en demeure de consigner dans le délai de quinze (15) jours, de constituer avocat et de produire ses moyens de cassation dans le délai d’un (01) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 3, 6 et 12 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions ;
Que le dossier est en état ;
EXAMEN DU POURVOI
En la forme
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par convention de vente en date du 25 janvier 1972, Ad X a acquis auprès de Aa Z et ce, par l’intermédiaire de Aj Y, une parcelle de terrain sise à Ac Ag Al au prix de six cent cinquante mille (650.000) francs CFA ;
Qu’après son décès survenu le 27 juin 1980, la société nationale de gestion immobilière (SONAGIM) chargée par l’administration des opérations de lotissement du quartier Gbèdjromèdé sainte Cécile a relevé cette parcelle à l’état des lieux sous le n°917 au nom de Af B né Ae Z en lieu et place de l’acquéreur Ad X et à l’insu de ses héritiers ;
Que par requête en date du 09 juillet 1998, Ad Ai X, administrateur des biens de la succession Ad X a introduit une action en confirmation de droit de propriété contre Aa Z ;
Que par jugement contradictoire n°047/2CB/03 en date du 02 décembre 2003, la deuxième chambre traditionnelle du tribunal de première instance de Cotonou a, entre autres, confirmé le droit de propriété de la succession Ad X et ordonné le déguerpissement de Aa Z et de tous occupants de son chef de la parcelle litigieuse ;
Que le 13 février 2004, une ordonnance d’exécution a été obtenue par la succession Ad X et signifiée à Aa Z le 26 février 2004 à son domicile au carré 1211 à Ac Ag Al qui se trouve être l’immeuble dont le droit de propriété a été attribué à la succession Ad X ;
Que sur appel de maître Roland S. K. ADJAKOU, conseil des héritiers de feu Am B et de Aa Z, la cour d’appel a, par l’arrêt contradictoire n°15/10 du 04 mai 2010, infirmé le jugement rendu en toutes ses dispositions puis, évoquant et statuant à nouveau, dit que le droit de propriété de feu Am B sur la parcelle litigieuse est suffisamment établi, confirmé en conséquence le droit de propriété des hoirs Am B sur la parcelle sise au carré n°413 Gbèdjromèdé, annulé la vente conclue le 25 janvier 1972 entre X Ad et Z Aa, fait défense aux hoirs X Ad d’avoir à troubler les hoirs Am B dans la jouissance paisible de leur bien et dit que le présent arrêt servira de titre de propriété aux hoirs de feu Am B ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION DES MOYENS
Sur le premier moyen tiré du défaut de réponse à conclusions
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué du défaut de réponse à conclusions, en ce que, la cour d’appel de Cotonou a omis de se prononcer sur les conclusions des hoirs B Am aux termes desquelles, il est soutenu que le jugement contradictoire n°047/2CB/03 en date du 02 décembre 2003 est un « prétendu jugement contradictoire » et qu’en réalité, il est un jugement de défaut susceptible d’appel à compter de la date de sa signification, alors que, selon le moyen, il s’agit d’un moyen d’appel ayant un caractère déterminant sur la solution du litige dans la mesure où, si l’argument ainsi développé est pris en compte ou est rejeté, l’arrêt aurait conclu à un jugement de défaut appelé devant la cour d’appel et, décidé qu’il ne peut être appelé qu’à la suite de sa signification ou alors, aurait conclu à un jugement contradictoire dont l’appel ne peut intervenir que dès son prononcé ;
Mais attendu que l’article 24 du décret organique du 03 décembre 1931 exclut la procédure de défaut en matière de droit traditionnel ;
Que la juridiction civile de droit traditionnel statue dans tous les cas comme si les parties étaient présentes ou représentées au procès ;
Qu’en ne se prononçant pas sur le caractère contradictoire ou non du jugement n°047/2CB/03 en date du 02 décembre 2003 avant de déclarer recevable l’appel des hoirs KODO, la cour d’appel de Cotonou n’a aucunement violé la loi ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur deuxième moyen tiré de la violation de la loi par fausse application des articles 25, 26, 43 et 44 du décret organique du 03 décembre 1931
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, d’avoir violé la loi par fausse application des articles 25, 26, 43 et 44 du décret organique du 03 décembre 1931 en ce qu’il a déclaré recevable l’appel interjeté par les hoirs B Am pour qui le jugement n°047/2CB/03 en date du 02 décembre 2003 avait faussement été qualifié de contradictoire par le premier juge au lieu de défaut pour que le délai d’appel court à partir du jour où il leur a été signifié, alors d’une part que, le jugement attaqué n’était pas un prétendu jugement contradictoire mais un véritable jugement contradictoire en application des dispositions de l’article 24 alinéa 3 du décret organique du 03 décembre 1931 qui exclut la procédure de défaut ;
Que devant le tribunal, les droits des hoirs Aa Z et hoirs Am B ont été préservés puisqu’il n’est pas contesté qu’ils ont été convoqués par voie d’huissier pour se présenter devant le tribunal et d’autre part, par l’expert géomètre Ak A C commis par le tribunal pour exécuter des travaux d’expertise, alors que, selon le moyen les juges de la cour d’appel faisant application de ce texte devraient tirer toutes les conséquences de droit attachées à une décision contradictoire dont notamment, l’obligation pour la partie non satisfaite, de relever appel dans le délai d’un mois à compter du jour du prononcé du jugement conformément à l’alinéa 1er de l’article 25 du décret organique ci-dessus cité et 26 du même décret, puisque la mention d’avis du droit d’appel des parties figure au jugement ; que dans ces conditions, l’appel des hoirs KODO formalisé le 08 mars 2004 soit trois (03) mois six (06) jours après le prononcé du jugement est tardif ; qu’en déclarant recevable un tel appel, les juges de la cour d’appel ont violé la loi par fausse interprétation et application des articles 25 alinéa 1er, 26 alinéa 1er, 43 et 44 alinéa 1er du décret organique du 03 décembre 1931 ;
Mais attendu que le moyen qui n’a pas été présenté devant la cour d’appel ne saurait l’être pour la première fois devant la Cour suprême ;
Qu’il ne ressort pas du dossier que la succession X Ad a soulevé devant la cour d’appel une contestation sur la recevabilité de l’appel, qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel de Cotonou n’a pas violé la loi ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation de la règle de preuve, insuffisance de motifs et absence de base légale
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de la règle de preuve, l’insuffisance de motifs et l’absence de base légale en ce qu’il a déclaré que le droit de propriété de feu Am B sur la parcelle litigieuse est suffisamment établie, annulé la vente conclue le 25 janvier 1972 entre Ad X et Aa Z et confirmé le droit de propriété des hoirs Am B sur ladite parcelle alors que, selon le moyen, la cour d’appel, de façon laconique n’a fait que citer le rapport d’expertise du 08 février 2002 et les déclarations de Ad Ai X ;
Que le rapport d’expertise contient les dépositions des témoins et sachants qui pourraient renseigner pour la détermination du propriétaire initial du domaine querellé ;
Qu’en ne faisant référence, dans l’arrêt qu’aux seuls éléments de preuve fournis par les défendeurs au pourvoi, la cour d’appel a violé les règles de preuve en vue d’un procès équitable et n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Mais attendu qu’à peine d’être d’office déclaré irrecevable un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture à cassation ;
Qu’en l’espèce, le moyen qui évoque à la fois la violation de la règle de preuve, l’insuffisance de motifs et l’absence de base légale est complexe et donc irrecevable ;
Sur le quatrième moyen tiré de l’erreur dans la qualification des faits, violation de l’article 1583 du code civil par fausse application
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de s’être mépris dans la qualification des faits et de violer l’article 1583 du code civil par fausse application en ce qu’il a infirmé le jugement de première instance et reconnu le droit de propriété de feu Am B sur la parcelle litigieuse aux motifs « qu’en l’espèce, il ressort des débats que la parcelle litigieuse a été acquise par le feu Am B de son vivant au nom de sa mère dame Z Ae dont il est l’unique descendant » alors que, selon le moyen, d’une part les juges du fond n’ont eu, à aucun moment de la procédure la preuve de ces affirmations ;
Qu’ils étaient tenus, avant de décider ainsi qu’ils l’ont fait, de vérifier l’identité du vendeur de Am B, le prix auquel la vente a été conclue, ainsi que les témoins de la vente ;
Qu’en droit toute erreur de qualification des faits ou actes constitue une violation de la loi par fausse application ;
Que l’article 1583 du code civil dispose que : « La vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l’acquéreur à l’égard du vendeur dès lors qu’il y a accord sur la chose et le prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé » ;
Que les juges d’appel ayant en l’espèce statué sans chercher à identifier le vendeur, ont commis une erreur dans l’application dudit article ;
Que d’autre part, le droit de propriété des demandeurs au pourvoi sur la parcelle litigieuse est justifié par une convention de vente en date du 25 janvier 1972, entre Aa Z et Ad X ;
Que les juges du fond ont cependant persisté dans leur erreur dans la qualification des faits, et décidé d’annuler cette convention de vente, motif pris de ce qu’il « résulte du procès-verbal d’audition du 25 octobre 2005 que monsieur Z Aa a déclaré avoir vendu à monsieur X Ad la parcelle appartenant à sa tante Z Ae, l’année qui a suivi le décès de son cousin B Am parce qu’il n’y avait pas entente au sujet de la gestion des biens du défunt. » ;
Que n’ayant pas cherché à vérifier si les conditions d’application de l’article 1583 du code civil étaient réunies en l’espèce, les juges du fond n’ont pas procédé à une saine qualification des faits ;
Mais attendu qu’en réalité le moyen vise à remettre en débats devant la Cour suprême des faits souverainement appréciés par les juges du fond ;
Qu’au surplus, l’article 1583 du code civil dont la violation est alléguée ne peut s’appliquer en l’espèce car en droit civil traditionnel, c’est la coutume des parties qui est appliquée par le juge, d’où la présence à ses côtés d’assesseurs de ladite coutume ;
Par ces motifs
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de Ai Ad X représentant la hoirie de feu Ad X.
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON Président de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA ADOSSOU Et Isabelle SAGBOHAN, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-sept novembre deux mille vingt, la cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Ab AG, Procureur Général, MINISTERE PUBLIC ;
Et de Maître Hortense LOGOSSOU-MAHMA, GREFFIER
Et ont signé,
Le Président Le Rapporteur
Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA ADOSSOU
Le Greffier
Hortense LOGOSSOU-MAHMA